ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(O.H.A.D.A)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Première chambre
Audience publique du 08 avril 2021
Recours : n° 283/2020/PC du 1/10/2020
Affaire : Banque Commerciale du Sahel (BCS SA)
(Conseils : Maîtres Alassane DIOP et Idrissa Bacar MAIGA, Contre
Entreprise A B (EOK)
(Conseil : Maître Mahamadou TRAORE, Avocat à la Cour) Avocats à la Cour) Arrêt N° 070/2021 du 08 avril 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première chambre, présidée par Madame Afiwa-Kindéna HOHOUETO, assistée de Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier, a rendu en son audience publique ordinaire du 08 avril 2021 l’Arrêt dont la teneur suit, après délibération du collège de juges composé de :
Messieurs : César Appolinaire ONDO, Président,
Fodé KANTE, Juge
Mesdames : Afiwa-Kindéna HOHOUETO, Juge, rapporteur
Esther Ngo MOUTNGUI IKOUE, Juge
Monsieur : Sabiou MAMANE NAÏSSA, Juge
Sur le recours enregistré sous le n°283/2020/PC du 1‘ octobre 2020 et formé par Maîtres Alassane DIOP et Idrissa MAIGA, Avocats à la Cour, demeurant respectivement à l’immeuble ABK III dit Badjelika, 2°"° étage, porte 201 ACI 2000, Avenue Aa Ac, Hamdallaye6Bamako et à l’immeuble Ab, Est du Siège de l’ADEMA PASS, Rue : 367, porte 373, agissant au nom et pour le compte de la Banque Commerciale du Sahel en abrégé BCS SA, ayant son siège social à la Rue 127, Bozola, dans la cause qui l’oppose à l’Entreprise A B en abrégé EOK, ayant son siège social à la Zone Industrielle, Route de Satuba en Commune II du District de Bamako, face à Mali Gaz, BP E 5289, ayant pour conseil Maître Mahamadou TRAORE, Avocat à la Cour, demeurant Bamako-Coura, Face au Boulevard de l’Indépendance, Rue 371, porte N°344, BP 3130 Bamako-Mali,
en annulation de l’Arrêt n°16 rendu le 21 juillet 2020 par Cour suprême du Mali et dont le dispositif est le suivant :
« LA COUR
En la forme : Reçoit le pourvoi ;
Au fond : casse et annule l’arrêt n°168 en date du 24/04/2020 de la Cour d’appel de Bamako ;
Dit n’y avoir lieu à renvoi ;
Ordonne la restitution de l’amende de consignation ;
Met les dépens à la charge du Trésor Public. » ;
La requérante invoque à l’appui de son recours les deux moyens d’annulation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent Arrêt ;
Sur le rapport de madame Afiwa-Kindéna HOHOUETO, Juge ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort du dossier que pour l’exécution de deux marchés relatifs à la construction d’une route et à la viabilisation d’un programme de logements pour le compte de l’Agence d’Exécution des Travaux Routiers, en abrégé AGEROUTE au Mali, l’Entreprise A B, dite EFOK avait bénéficié de divers concours de la BCS SA, matérialisés par l’ouverture, aux fins de remboursement, de comptes courants dans les livres de ladite banque ; que celle-ci ayant unilatéralement clôturé lesdits comptes, l’entreprise EOK estimait avoir payé plus, soit 700 156 592 FCFA ; qu’après avoir vainement réclamé la restitution de ladite somme à la BCS SA dans le cadre d’un règlement amiable, elle saisissait le président du Tribunal de commerce de Bamako, statuant en référé, lequel accédait à la susdite réclamation ; que sur appel de la BCS SA, la Cour d’appel de Bamako infirmait la décision du premier juge et disait n’y avoir lieu à référé ; que l’entreprise EOK formait alors un pourvoi devant la Cour suprême du Mali qui rendait l’arrêt objet du présent recours en annulation ;
Sur la procédure orale sollicitée par l’entreprise EOK
Attendu que la défenderesse a sollicité l’organisation d’une procédure orale à l’effet, selon elle, de mieux édifier la Cour sur l’affaire qui oppose les parties, compte tenu de l’importance des questions juridiques soulevées ;
Mais attendu que l’opportunité d’organiser une procédure orale n’est pas avérée en l’espèce, dans la mesure où la Cour est clairement fixée sur les différentes questions de droit posées ; qu’il n’y a pas lieu d’accéder à la demande ;
Sur l’annulation de l’Arrêt n°16 du 21 juillet 2020 rendu par Cour suprême du Mali sollicitée par la Banque Commerciale du Sahel
Vu l’article 18 du Traité de l'OHADA ;
Attendu qu’aux termes du texte susvisé, « Toute partie qui, après avoir soulevé l’incompétence d’une juridiction nationale statuant en cassation estime que cette juridiction a, dans un litige la concemmant, méconnu la compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, peut saisir cette dernière dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée.
La Cour se prononce sur sa compétence par arrêt qu’elle notifie tant aux parties qu’à la juridiction en cause.
Si la Cour décide que cette juridiction s’est déclarée compétente à tort, la décision rendue par cette juridiction est réputée nulle et non avenue ».
Attendu qu’il ressort de ces dispositions que, pour prospérer, le recours en annulation doit établir que la juridiction nationale de cassation a méconnu la compétence de la CCJA telle que fixée par l’article 14 du Traité de l’'OHADA ;
Attendu que selon cet article 14, « La Cour Commune de Justice et d’arbitrage assure l'interprétation et l'application commune du Traité ainsi que des règlements pris pour son application, des Actes Uniformes et des décisions (...).
Saisie par la voie du recours en cassation la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d'appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales.
Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d'appel, rendues par toute juridiction des Etats parties dans les mêmes contentieux.
En cas de cassation, elle évoque et statue sur le fond » ;
Attendu qu’en l’espèce, la requérante invoque au soutien de son recours la commercialité de l’affaire, en ce que le litige oppose deux sociétés et que les contrats liant les parties étant des actes de commerce au sens de l’article 3 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, les contestations y afférentes relèvent exclusivement de la compétence de la CCJA et non du juge suprême national ;
Qu'elle fait valoir, ensuite, que la Cour suprême du Mali a commis un excès de pouvoir, en ce que les juridictions de référés étaient incompétentes sur la contestation des créances découlant de la clôture d’un compte courant ;
Qu'elle fait observer, enfin, que dans son pourvoi, l’entreprise EOK a soulevé des moyens tels que la violation de la loi et la dénaturation des faits qui « font partie des cas d’ouverture à cassation prévus par l’article 28 du Règlement de procédure de la CCJA », de sorte que la Cour suprême aurait dû se déclarer incompétente ;
Attendu cependant qu’il ne suffit pas que les parties litigantes aient le statut de commerçant ou de société commerciale et qu’elles aient réalisé des actes de commerce, pour que tous leurs différends relèvent de la compétence de la CCJA ;
Qu’au sens de l’article 14 du Traité précité, au-delà de la commercialité des actes et de la qualité de commerçant des acteurs, la compétence de la CCJA est appréciée au regard de la nature de l’affaire, celle-ci devant soulever des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au Traité ;
Attendu qu’en la cause, les juridictions nationales tant du fond que de cassation ont été saisies, non pas relativement à la qualité des parties ou à la nature juridique de leurs relations et des actes qu’elles ont posées, mais exclusivement d’une demande en restitution de fonds trop perçu, c’est-à-dire d’une demande de cessation d’un trouble manifestement illicite et constitutive d’une voie de fait ;
Qu’ainsi, l’affaire ne soulevant en soi aucune question relative à l’application d’un Acte uniforme ou d’un règlement prévu au Traité de l'OHADA, la Cour suprême du Mali n’a en rien méconnu la compétence de la Cour de céans ;
Attendu, en outre, que l’incompétence d’un juge des référés, liée au caractère sérieux des contestations élevées, ne saurait constituer un moyen d’annulation au sens de l’article 18 du Traité de l’'OHADA, dès lors que l’affaire n’est pas, comme c’est notamment le cas, de nature à relever de la compétence de la CCJA ;
Qu’il en va de même, enfin, du fait qu’une partie ait invoqué des moyens tirés de la violation de la loi et de la dénaturation des faits, prévus aussi bien par les textes internes des Etats parties, que par le Règlement de procédure de la CCJA ;
Attendu qu’il suit de tout ce qui précède que le recours est mal fondé ; qu’il échet par conséquent pour la Cour de céans de le rejeter comme tel ;
Sur les dépens
Attendu que la requérante succombant, sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Dit n’y avoir lieu à l’organisation d’une procédure orale ;
Rejette le recours en annulation formé par la Banque Commerciale du Sahel contre l’Arrêt n°16 du 21 juillet 2020 rendu par la Cour suprême du Mali ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier