ORGANISATION POUR
L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Deuxième chambre
Audience publique du 27 mai 2021
Pourvoi : n° 187/2020/PC du 16/07/2020
Affaire : TOTAL Centrafrique
(Conseil : Maître Pierre Morel SANGONE FEINDIRO, Avocat à la Cour)
contre
Agence de Stabilisation du Prix des Produits Pétroliers
(Conseil : Maître Dieudonné KONGAPA, Avocat à la Cour)
Arrêt N° 086/2021 du 27 mai 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième Chambre, présidée par Monsieur Robert SAFARI ZIHALIRWA, assisté de Maître Koessy Alfred BADO, Greffier, a rendu en son audience publique du 27 mai 2021, l’Arrêt dont la teneur suit, après délibération du collège de Juges composé de :
Messieurs : Robert SAFARI ZIHALIRWA, Président
Djimasna N’DONINGAR, Juge, rapporteur
Armand Claude DEMBA, Juge
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 16 juillet 2020 sous le n°187/2020/PC et formé par Maître Pierre Morel SANGONE FEINDIRO, Avocat à la Cour, demeurant … de l’Indépendance, Immeuble BAKO Air, porte n°6, Bangui, agissant au nom et pour le compte de TOTAL Centrafrique, S.A. ayant son siège à l’Avenue de l’Indépendance, B.P. 3295, Bangui, dans la cause qui l’oppose à l’Agence de Stabilisation et de Régularisation du prix des Produits Pétroliers dite ASRP,
Etablissement Public dont le siège est situé à la Place VGE, B.P. 359, Bangui, ayant pour conseil Maître Dieudonné KONGAPA, Avocat à la Cour, B.P. 2916, Bangui ,
en cassation de l’Arrêt n°010 rendu le 11 janvier 2019 par la Cour d’appel de Bangui et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, par décision réputée contradictoire à l’égard de TOTAL Centrafrique, en matière commerciale et en dernier ressort ;
En la forme : Déclare l’appel recevable ;
Au fond : Infirme le jugement querellé en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
- Constate à travers le protocole d’accord pour le règlement des dettes entre l’Etat centrafricain et TOTAL Centrafrique en date du 28 novembre 2013, une créance principale au profit de l’ASRP à hauteur de 225.706.053 FCFA ;
- Condamne TOTAL Centrafrique à payer ladite somme à l’ASRP ;
- Déboute l’ASRP du surplus de sa demande ;
- Condamne TOTAL Centrafrique aux dépens. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Djimasna N’DONINGAR ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires
en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que, suite à une requête aux fins d’injonction de payer présentée par l’Agence de Stabilisation et de Régularisation du prix des Produits Pétroliers dite ASRP, la juridiction présidentielle du Tribunal de Commerce de Bangui enjoignait à la société TOTAL Centrafrique de payer à la requérante la somme de 266.333.142 FCFA, par ordonnance n°097 du 25 août 2017 ; que, par Jugement n°228/2017 rendu le 26 octobre 2017, le Tribunal de Commerce de Bangui faisait droit à l’opposition formée par TOTAL Centrafrique contre ladite ordonnance ; que, sur appel interjeté par l’ASRP, la Cour de Bangui rendait l’Arrêt n°010 en date du 11 janvier 2019 dont pourvoi ;
Sur le moyen unique, tiré de la violation des articles 1 et 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Attendu que TOTAL Centrafrique fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir infirmé le jugement n°228/2017 du 26 octobre 2017 rendu par le Tribunal de commerce de Bangui et l’a condamnée à payer à l’ASRP une créance née des redevances liées à la distribution des produits pétroliers, alors que, selon les textes visés au moyen, la créance ne peut être recouvrée par voie d’injonction de payer que si elle est certaine, liquide et exigible et si elle a une cause contractuelle, critères cumulatifs exigés par le législateur OHADA ; que, selon le moyen, ces critères ne sont pas réunies en l’espèce ;
Attendu qu’aux termes de l’article 1° de l’Acte uniforme susmentionné, « le recouvrement d’une créance certaine, liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer » ; que l’article 2 dudit Acte uniforme précise que « la procédure d’injonction de payer peut être introduite lorsque : 1) la créance a une cause contractuelle ; 2) l’engagement résulte de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce, ou d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante » ;
Attendu qu’en l’espèce, il est constant comme résultant des pièces du dossier que la créance dont le recouvrement est poursuivi par l’ASRP résulte des redevances sur la vente des hydrocarbures à la pompe par les marqueteurs, instaurées par le Décret n°12.019 du 02 février 2012 pris en application de la Loi n°07.005 du 24 avril 2007 portant réorganisation du sous-secteur pétrolier aval ; que le « Protocole d’Accord pour règlement des dettes entre l’Etat centrafricain et TOTAL Centrafrique » en date du 28 novembre 2013 ne mentionne nulle part un engagement de cette société à payer la somme réclamée par l’ASRP ; qu’il s’ensuit que la créance poursuivie par l’ASRP n’a pas une cause contractuelle et n’entre donc pas dans la nomenclature des créances susceptibles de recouvrement par voie de la procédure d’injonction de payer, telle que prescrit par l’article 2 susvisé ; qu’en décidant du contraire, la Cour d’appel de Bangui a violé la loi et expose sa décision à la cassation ; qu’il échet de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer ;
Sur l’évocation
Attendu que par requête en date du 23 novembre 2017, l’ASRP faisait appel du jugement n°228/2017 rendu le 26 octobre 2017 par le Tribunal de Commerce de Bangui dont le dispositif est ainsi conçu :
« PAR CES MOTIFS
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant en Chambre de conseil, contradictoirement à l’égard des parties, sur opposition à ordonnance portant injonction de payer, en matière commerciale et en premier ressort ;
En la forme :
Déclare recevable TOTAL Centrafrique S.A. en son opposition faite dans les formes prévues par les articles 9, 10 et 11 de l’AURVE ;
Au fond :
Constate la non conciliation ;
Constate que la créance réclamée par l’ASRP est fiscale ;
Rétracte l’Ordonnance d’injonction de payer n°097 du 25 août 2017 rendue par le Tribunal de commerce de Bangui ;
Met les dépens à la charge de l’ASRP. » ;
Qu’au soutien de son recours, l’appelante fait valoir que c’est abusivement que TOTAL Centrafrique a retenu les redevances des mois de février et avril 2013, en compensation des dettes de l’Etat Centrafricain, suivant l’article 4 de leur Protocole d’accord ; qu’elle est une entité autonome de l’Etat centrafricain et que ces redevances sont des fonds affectés ayant «une nature contractuelle » ; qu’elle sollicite l’infirmation du jugement querellé et la condamnation de la société TOTAL Centrafrique au paiement de la somme réclamée au principal et des dommages- intérêts ;
Attendu que l’intimée conclut à la confirmation du jugement et relève que la créance dont l’ASRP sollicite le recouvrement par voie d’injonction de payer ne résulte pas d’un accord de volonté ; qu’elle n’est donc pas d’origine contractuelle
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux développés lors de l’examen du moyen de cassation, il y a lieu, pour la Cour de céans, de confirmer en toutes ses dispositions, le jugement n°228/2017 rendu le 26 octobre 2017 par le Tribunal de Commerce de Bangui ;
Sur les dépens
Attendu que l’Agence de Stabilisation et de Régularisation du prix des Produits Pétroliers dite ASRP succombant, sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l’Arrêt n°010 rendu le 11 janvier 2019 par la Cour d’appel de Bangui ;
Evoquant et statuant sur le fond :
- Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement n°228/2017 rendu le 26 octobre 2017 par le Tribunal de Commerce de Bangui ;
- Condamne l’Agence de Stabilisation et de Régularisation du prix des Produits Pétroliers dite ASRP aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier