ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Première chambre
Audience publique du 27 mai 2021
Pourvoi : n°210/2020/PC du 30/07/2020
Affaire : Maître AMEGBO Ablamvi
( (Conseil : Maître AMEGANKPOE Yaovi, Avocat à la Cour)
Contre
Sieur A Ad et Autres
Société CSSC GUANGZOU Huangpu SHIPBUILDING
Co and Ltd
Société SICURO SA
Société GETMA SA
Sieur Louis DREFUS
Société BUKERMET
(Conseils : SCP AQUEREBURU et PARTNERS, Avocats à la Cour)
Arrêt N° 099/2021 du 27 mai 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première chambre, Première formation, présidée par Madame Afiwa-Kindéna HOHOUETO, assistée de Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier, a rendu en son audience publique ordinaire du 27 mai 2021 l’Arrêt dont la teneur suit, après délibération du collège de juges composé de :
Monsieur : César Appolinaire ONDO, Président, rapporteur
Mesdames : Afiwa-Kindéna HOHOUETO, Juge
Esther Ngo MOUTNGUI IKOUE, Juge Sur le renvoi devant la CCJA fait en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, de l’affaire maître AMEGBO Ablamvi contre monsieur A Ad et autres, la société CSSC GUANGZOU Huangpu SHIPBUILDING Co and Limited, la société SICURO SA, la société GETMA SA, monsieur Louis DREFUS, la société BUKERMEFT, par arrêt n°066/17 du 20 juillet 2017, rendu par la Cour suprême du Togo saisie d’un pourvoi formé par maître AMEGANKPOE Yaovi, Avocat à la Cour, demeurant à Lomé, 235, Rue Amoussinmé, Ab Aa, Togo, agissant au nom et pour le compte de maître AMEGBO Ablamvi,
en cassation de l’arrêt 007/2016 rendu le 20 janvier 2016 par la Cour d’appel de Lomé et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement en vertu des dispositions de l’article 49 de l’AURVE, et en appel ;
Vu l’arrêt n°167/15 du 06 mai 2015 de la Cour de céans ;
Déclare l’intervention volontaire des sociétés SICURO SA Shipmananger Shipping Co, GETMA Togo SA, BUKERMET Limited, LOUISREYFUS COMMODITIES SUISSE SA, recevable ;
Annule l’ordonnance attaquée ;
Evoquant ;
Déboute les intimés de leur action en décaissement ;
Renvoi les intimés au respect de l’Ordonnance n°2908/13 du 16 octobre 2013 ;
Ordonne en conséquence aux intimés et leur conseil, Ac DOSSOU Kodjovi et à l’huissier, Maître AMEGBO Ablanvi, de consigner au greffe du Tribunal de Lomé les sommes décaissés et ce, sous astreintes de trois millions (3.000.000) F CFA par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt ;
Les condamne aux dépens. » ;
Le requérant invoque à l’appui de son recours les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent Arrêt ;
Sur le rapport de monsieur César Apollinaire ONDO MVE, Président ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l'OHADA ;
Attendu que selon les énonciations de l’arrêt attaqué, suivant l’ordonnance n°2908/13 du 16 octobre 2013, le Président du Tribunal de première instance de Lomé désignait maître AMEGBO Ablamvi, Huissier de justice, à l’effet de procéder à la vente d’un navire saisi et de consigner le produit au greffe du même tribunal ; qu’avant d’avoir été consigné, le produit de la vente faisait l’objet d’une saisie attribution pratiquée par monsieur Ad A et plusieurs autres ; que par ordonnance du 19 février 2014, la juridiction des urgences du Tribunal de première instance de Lomé ordonnait le décaissement des fonds dans les mains des créanciers saisissants, ce qui était fait ; que par la suite, un sursis à exécution de l’ordonnance de décaissement était rendu à pied de requête par le Président de la Cour d’appel de Lomé et confirmée contradictoirement au terme d’une procédure de référé ; que saisie contre l’ordonnance de décaissement, la Cour d’appel de Lomé rendait alors l’arrêt n°007/2016 du 20 janvier 2016 ordonnant aux demandeurs et leurs conseils de consigner au greffe du Tribunal de première instance de Lomé, les sommes déjà décaissées, et cela, sous astreinte de 3.000.000 FCFA par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt ; que maître AMEGBO Ablamvi formait un recours en cassation contre cet arrêt devant la Cour suprême du Togo qui, par arrêt n° 066/17 du 20 juillet 2017, renvoyait l’affaire devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, conformément aux dispositions de l’article 15 du Traité de l’'OHADA ;
Sur la compétence de la Cour
Attendu que l’affaire objet du renvoi est relative à des saisies, dont une saisie conservatoire portant sur un navire et une saisie attribution de créances ; que les saisies étant, de manière générale, régies au Togo, pays signataire du Traité de l’OHADA, par l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, l’arrêt attaqué faisant par ailleurs suite à un appel relevé contre une ordonnance rendue par la juridiction des urgences établie par l’article 49 dudit Acte uniforme, il y a lieu de constater que l’affaire soulève des questions relatives à l’application d’un acte uniforme ; que c’est donc à juste titre que la Cour suprême s’en est dessaisie au profit de la CCJA ; qu’il échet en tant que de besoin pour celle-ci de se déclarer compétente ;
Sur le premier moyen de cassation
Attendu que le demandeur fait valoir d’une part qu’il n’a pas eu le temps de procéder à la consignation des fonds avant que la saisie attribution querellée ne soit pratiquée entre ses mains en vertu d’un titre exécutoire et que, d’autre part, la saisie attribution pratiquée entre ses mains ayant pour effet de rendre la somme indisponible du fait de la loi, la cour d’appel ne pouvait valablement retenir contre lui une fraude, au seul motif qu’il n’a pas procédé à la consignation des fonds devenue légalement impossible ; qu’ainsi, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision qui encourt de ce fait la cassation ;
Mais attendu que le moyen remet en discussion des faits souverainement appréciés par les juges du fond, lesquels ont estimé que c’est en violation des dispositions des articles 160, 164 et 165 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, que le décaissement litigieux a été effectué, ce qui n’est pas contesté par le pourvoi ; que de même, l’arrêt entrepris énonce « que c’est en fraude organisée que le décaissement a été ordonné » ; « qu’il s’infère de tout ce qui précède que toute la procédure ayant abouti à l’ordonnance attaquée est émaillée de fraudes et de violations de toutes sortes … » ; qu’indépendamment de ce qui précède, le même arrêt attaqué ne manque pas de base légale, d’autant que le tiers saisi ne saurait se prévaloir d’un paiement effectué en violation des dispositions de la loi, et qu’il ne peut se dessaisir des sommes saisies entre ses mains et rendues ainsi indisponibles, sur la base d’une ordonnance de référé, même assortie de l’exécution provisoire, sans s’assurer de l’existence d’un certificat de non-appel ; qu’il suit que le premier moyen n’est pas fondé et sera rejeté comme tel ;
Sur les deuxième et troisième moyens de cassation
Attendu que le deuxième moyen est tiré de la violation des principes généraux de l’exécution forcée ; que selon le demandeur, en matière d’exécution forcée, l’huissier de justice ne peut faire obstacle à l’exécution des décisions de justice qui lui sont signifiées dès lors que celles-ci sont revêtues de la formule exécutoire ou déclarées exécutoire sur minute ; qu’en l’espèce, la cour d’appel reproche à l’huissier de justice, devenu tiers saisi, de n’avoir pas eu égard au sursis à l’exécution de l’ordonnance de décaissement à lui signifié, alors qu’il n’est pas prouvé que ledit sursis a été notifié à l’huissier de justice avant le décaissement opéré en exécution de l’ordonnance de décaissement à laquelle il ne pouvait résister, de sorte que le sursis à lui signifié postérieurement ne peut l’obliger de manière rétroactive à récupérer sur le créancier saisissant, bénéficiaire de l’ordonnance de décaissement, les sommes à lui décaissées légalement ;
Attendu que le troisième moyen est tiré de la violation des effets relatifs des décisions judiciaires, en ce que, selon le demandeur, pour décider comme elle l’a fait, la cour d’appel retient « qu’il s’infère de tout ce qui précède que toute la procédure ayant abouti à l’ordonnance attaquée est émaillée de fraudes et de violations de toutes sortes », alors qu’il est incontesté que maitre AMEGBO n’est pas partie ni acteur de l’instance réputée émaillée d’irrégularités, de sorte que la cour ne pouvait répandre les conséquences de fraudes alléguées sur l’huissier de justice tenu par la loi de respecter les décisions exécutoires à lui signifiées, sur lesquelles il ne dispose d’aucun pouvoir de jugement de valeur ;
Attendu cependant que d’une part, alors que l’article 28 ter du Règlement de procédure de la CCJA dispose qu’à peine d’irrecevabilité, «un moyen de cassation ou un élément de moyen de cassation doit mettre en œuvre au moins un des cas d’ouverture visés à l’article précédent », les deux moyens sus-rapportés ne font nullement état d’un cas d’ouverture à cassation visé par le même article 28 précité ; que d’autre part, ils sont vagues et imprécis, leur articulation ne permettant pas à la Cour de céans d’identifier le texte de loi visé ainsi que le grief précisément fait à l’arrêt attaqué à l’effet d’en apprécier la pertinence ; qu’il échet donc pour la Cour de céans de déclarer les deux moyens irrecevables ;
Attendu qu’aucun moyen ne prospère ; qu’en conséquence, il y a lieu pour la Cour de rejeter le pourvoi comme étant mal fondé ;
Sur les dépens
Attendu que le demandeur succombe et sera condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Se déclare compétent ;
Rejette le pourvoi comme mal fondé ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier