ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(O.H.A.D.A)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Première chambre
Audience publique du 27 mai 2021
Pourvoi : n°004/2021/PC du 07/01/2021
Affaire : BGFIBANK-GABON SA
(Conseils : SCPA ITCHOLA et AGBARIN, Avocats à la Cour)
Contre
Société AIR SERVICES GABON en Liquidation
Arrêt N° 102/2021 du 27 mai 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première chambre, Première formation, présidée par Madame Afiwa-Kindéna HOHOUETO, assistée de Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier, a rendu en son audience publique ordinaire du 27 mai 2021 l’Arrêt dont la teneur suit, après délibération du collège de juges composé de :
Monsieur : César Appolinaire ONDO MVE, Président, rapporteur
Mesdames : Afiwa-Kindéna HOHOUETO, Juge
Esther Ngo MOUTNGUI IKOUE, Juge
Sur le recours enregistré sous le n°004/2021/PC du 07 janvier 2021 formé par la SCPA ITCHOLA et AGBARIN, Avocats à la Cour, demeurant au Rue A B, Immeuble LES FILAOS B, Centr’Affaires Rénovation, 2°"° étage, BP 8286 Libreville, Gabon, agissant au nom et pour le compte de la société BGFIBANK-Gabon SA, ayant son siège à Libreville, 1295 Boulevard de l’Indépendance, BP 2253 Libreville, dans la cause qui l’oppose à la Liquidation Société AIR SERVICES GABON, représentée par son Aa,
en cassation du jugement n°006/2020-2021 rendu le 05 janvier 2021 par le Tribunal de commerce de Libreville, dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commercial, en premier et en dernier ressort ;
En la forme,
Reçoit la société BGFIBANK SA en son opposition ;
Déclare non avenue l’ordonnance du juge commissaire en date du 14 septembre 2020,
Rejette la demande de sursis à statuer présentée par la Société BGFIBANK GABON SA ;
Statuant à nouveau :
Condamne la BGFIBANK GABON SA à verser à la Liquidation Air Service les sommes de six milliards deux cent neuf millions neuf cent treize mille
sept cent trente-trois (6.209.913.733) Francs CFA et quarante-cinq millions six cent dix-huit mille neuf cent quatre-vingt-dix-sept (45.618.997) de francs CFA à titre de restitution des prélèvements indus ;
Déboute la liquidation Air Service de sa demande d’exécution sur minute et avant enregistrement ;
Condamne la société BGFIBANK GABON SA aux dépens. »
La requérante invoque à l’appui de son recours les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent Arrêt ;
Sur le rapport de monsieur César Apollinaire ONDO MVE, Président ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu que selon le jugement attaqué, la société BGFIBANK GABON a formé opposition à l’ordonnance du juge commis à la procédure de liquidation des biens ouverte contre la société Air Service la condamnant à restituer diverses sommes à cette dernière ; que statuant sur ce recours en premier et dernier ressort, le Tribunal de commerce de Libreville a rendu le jugement dont pourvoi ;
Sur le premier moyen tiré de la violation de la loi
Attendu qu’il est fait grief au jugement attaqué d’enjoindre à la société BGFIBANK de restituer les sommes revendiquées par la Liquidation Air Service, 2 après avoir préalablement reconnu que l’ordonnance contestée devant le tribunal a été rendue au-delà du délai fixé par la loi, ce dont il résultait que la demande de restitution de la liquidation avait été rejetée par le juge-commissaire ; qu’en statuant ainsi, nonobstant le caractère non avenu de l’ordonnance dont opposition, les premiers juges ont, selon le moyen, violé la loi, notamment les dispositions de l’article 40 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, exposant par conséquent leur jugement à cassation ;
Attendu qu’aux termes de l’article 40, alinéa 1 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, « Le juge- commissaire statue sur les demandes, contestations et revendication relevant de sa compétence dans le délai de huit (08) jours à compter de sa saisine. S’il n’a pas statué dans ce délai, il est réputé avoir rendu une décision de rejet » ; qu’il en résulte que le juge-commissaire est dessaisi de toute requête entrant dans son champ de compétence qu’il n’a pas traitée dans un délai de huit jours ;
Attendu qu’il est constant en l’espèce que le juge-commissaire a été saisi de la requête en restitution de la Liquidation Air Service le vendredi 21 août 2020 ; que le délai de sa décision étant franc, il avait jusqu’au 29 août 2020 qui était plutôt un samedi, de sorte que ce délai était de droit prorogé jusqu’au lundi 31 août 2020, premier jour ouvrable suivant ; qu’à partir du mardi 1” septembre 2020, le juge-commissaire n’était plus saisi de la requête de la Liquidation qui, par l’effet de la loi, était rejetée, à charge par la Liquidation d’exercer ses recours ; que dès lors, l’ordonnance en date du 14 septembre 2020, querellée, n’a jamais été rendue sur la base d’une requête de la Liquidation puisqu’il n’est pas démontré que celle-ci en avait présenté une autre ; que cette décision procède plutôt d’une auto-saisine du juge-commissaire, que l’article 40 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, précité, ne lui reconnait aucunement, relativement aux prétentions de la Liquidation ;
Attendu ainsi que le juge-commissaire s’est d’office saisi pour rendre sa décision et appelé à statuer sur l’opposition à cette décision, le tribunal ne pouvait valablement examiner la demande de restitution rattachée à la décision fondant sa saisine dont il a pourtant admis la nullité ; qu’en le faisant, alors qu’il lui incombe de contrôler la légalité des actes du juge-commissaire, le tribunal a violé la loi ; qu’il échet pour la Cour de céans de casser le jugement entrepris de ce seul chef et, par voie de conséquence, d’évoquer l’affaire sur le fond, conformément aux dispositions de l’article 14, alinéa 5 du Traité de l'OHADA ;
Sur l’évocation
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier que par déclaration du 19 octobre 2020, la société BGFIBANK GABON formait opposition devant le Tribunal de commerce de Libreville, à l’ordonnance signifiée le 13 octobre 2020, rendue 3e 14 septembre 2020 par le juge-commissaire de la Liquidation Air Service ; qu’au soutien de ce recours, elle relevait que cette décision l’oblige à restituer des sommes dont Air Service revendique à tort la propriété, outre qu’elle est affectée d’une irrégularité liée à son caractère non avenu, car intervenue plus de huit jours après la saisine du juge-commissaire, en violation de l’article 40 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif ; qu’elle ajoutait que des manquements émaillent le suivi de la procédure de liquidation ouverte au profit de la société Air Service depuis plus de dix ans, et sont à la base de la mauvaise appréciation qu’a pu faire le juge-commissaire ; qu’elle demandait principalement au Tribunal de rapporter l’ordonnance attaquée et, à titre subsidiaire, de juger infondée la réclamation de la Liquidation ;
Attendu qu’en réplique, la Liquidation Air Service contestait le caractère non avenu de la décision entreprise ; qu’elle affirmait qu’interprétant l’article 40 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, la jurisprudence tend à retenir que c’est surtout l’absence de réaction du juge-commissaire dans les huit jours de sa saisine qui équivaut à une décision de rejet, ce qui ne se confond pas avec le silence pur et simple de cette juridiction qui serait caractérisé si celle-ci ne donne aucune suite à la requête ; qu’ayant été saisi le 21 août 2020, le juge-commissaire devait d’abord instruire la cause afin de statuer en toute connaissance de cause ; que c’est pourquoi il a sollicité des parties des éléments d’information nécessaires, pour comprendre que les sommes dont la restitution était demandée échoyaient à la Liquidation, et avaient été prélevées par la BGFIBANK GABON au mépris des articles 72 et suivants de l’Acte uniforme précité ; que la Liquidation concluait au rejet des prétentions de la BGFIBANK, à la confirmation de la décision déférée ; qu’elle sollicitait l’exécution provisoire sur minute et avant enregistrement du jugement à rendre par le tribunal ;
Sur la forme
Attendu qu’aux termes l’article 40, alinéa 3 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives et d'apurement du passif, les décisions du juge-commissaire peuvent être frappées d’opposition formée par simple déclaration au greffe dans les huit jours de leur dépôt ou de leur notification ou suivant le délai prévu à l’alinéa premier du présent article ;
Attendu en l’espèce que l’ordonnance du juge-commissaire, querellée, a été signifiée le 13 octobre 2020 à la BGFIBANK-GABON et celle-ci a formé son opposition le 14 octobre 2020 ; que ce recours ayant été exercé dans les délais légaux, il convient de le déclarer recevable en la forme ;
Sur le fond
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux ayant justifié la cassation du jugement déféré, il y a lieu, d’annuler l’ordonnance du 14 septembre 2020 rendue par le juge-commissaire de la Liquidation Air Service et de déclarer irrecevables les prétentions plus amples ou contraires des parties formulées dans l’instance introduite par l’opposition de la BGFIBANK-GABON ;
Sur les dépens
Attendu que la défenderesse succombant et sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Casse et annule en toutes ses dispositions le jugement n°006/2020-2021 rendu le 05 janvier 2021 par le Tribunal de commerce de Libreville ;
Evoquant et statuant sur le fond :
Déclare la BGFIBNANK-GABON recevable en son opposition ;
L’y dit bien fondée ;
Annule, en toutes ses dispositions, l’ordonnance rendue le 14 septembre 2020 par le juge-commissaire de la Liquidation Air Service ;
Déclare irrecevables les prétentions plus amples ou contraires des parties ;
Condamne la Liquidation Air Service aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier