ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Première chambre
Audience publique du 27mai 2021
Pourvoi : n°217/2019/PC du 08/08/2019
Affaire : Société Civile Immobilière du Centre dite SCIC SA
(Conseil : Maître A. Abdoul O. OUEDRAOGO, Avocat à la Cour)
Contre
La Société A Af Burkina (ex Burkina & Shell)
(Conseils : SCPA TOU & SOME, Avocats à la Cour)
Arrêt N°103/2021 du 27 mai 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première chambre, Deuxième formation, présidée par Monsieur Sabiou MAMANE NAÏSSA, assisté de Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier, a rendu en son audience publique ordinaire du 27 mai 2021 l’Arrêt dont la teneur suit, après délibération du collège de juges composé de :
Messieurs : Ae Aa C MVE Président,
Fodé KANTE Juge, rapporteur,
Sabiou MAMANE NAÏSSA, Juge,
Sur le renvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 08 août 2019 sous le n°217/2019/PC, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, devant cette Cour, de l’affaire Société Civile Immobilière du Centre dite SCIC SA, par arrêt n°016 du 07 février 2018 de la Cour de cassation du Ai Ad, saisie du pourvoi formé par Maître Abdoul O. OUEDRAOGO, Avocat à la Cour, 01 BP 5853 Ouagadougou 01, agissant au nom et pour le compte de la SCIC SA, dont le siège est sis à Ak (au siège de la SONICO), 01 BP 810 Ouagadougou 01, représentée par son Gérant statutaire en vertu de l’article 26 des statuts de ladite société, dans la cause l’opposant à la société A Af Burkina (ex Burkina & Shell), dont le siège est au rond-point des Nations Unies, 01 BP 569 Ouagadougou 01, assisté de la SCPA TOU et SOME, Avocats, demeurant au secteur 52, environ 200 mètres à l’est de Ab Aj Ah d’Oie, 01 BP 2960 Ouagadougou 01,
en cassation du jugement n°258 rendu en dernier ressort le 24 avril 2013 par le Tribunal de grande instance de Ak et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort ;
Déclare recevable la fin de non-recevoir opposée par la société Burkina et Shell devenue A Af et la dit bien fondée ;
En conséquence, déclare le recours irrecevable pour défaut de qualité de la Société Civile Immobilière du Centre (SCIC SA) ;
Condamne la société Civile Immobilière du Centre (SCIC SA) à payer à la société Burkina et Shell devenue A Af, la somme de trois cent soixante quinze mille (375 000) FCFA au titre des frais non compris dans les dépens ;
Met les dépens à la charge de la Société Civile Immobilière du Centre (SCIC SA). » ;
La requérante invoque à l’appui de son recours les quatre moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent Arrêt ;
Sur le rapport de monsieur Fodé KANTE, Juge ;
Vu les articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’'OHADA ;
Attendu, selon les énonciations du jugement attaqué, qu’à la suite d’un compromis d'arbitrage signé entre les sociétés SCIC SA et Burkina & Shell (devenue A Af AiB, le 03 juin 2008, celles-ci donnaient mandat à leurs avocats respectifs pour les besoins de la procédure arbitrale et ses suites ; que l’arbitrage entrepris aussitôt, aboutissait à une sentence arbitrale rendue le 11 novembre 2009 ; que l’avocat de A Af SA a poursuivi et obtenu un jugement d’exequatur de cette sentence par jugement du Tribunal de grande instance de Ouagadougou en date du 24 mars 2010 ; que l’avocat de la SCIC SA a formé un recours en annulation de la même sentence arbitrale ; que le Tribunal de grande instance de Ouagadougou, statuant sur ce recours, l’a jugé irrecevable faute pour la SCIC SA d’être valablement représentée ; que c’est alors que la requérante a formé un pourvoi devant la Cour de cassation du Ai Ad laquelle, estimant que l’affaire soulève des questions relatives à l’application d’un acte uniforme, l’a renvoyée devant la Cour de céans par arrêt n° 016 du 07 février 2018, en application de l’article 15 du Traité institutif de l'OHADA ;
Sur la recevabilité du recours en cassation de la SCIC SA
Attendu que dans son mémoire en réplique reçu au greffe de la Cour de céans le 14 juillet 2020, A Af Burkina (ex Burkina et Shell) a soulevé l’irrecevabilité du recours au motif que le pourvoi en cassation a été introduit par la SCIC SA sous la signature de Maître A. Abdoul O. OUEDRAOGO alors, selon elle, que ce dernier est dépourvu de qualité à agir en justice au nom de cette société en lieu et place des dirigeants légaux de celle-ci ; qu’elle indique qu’en vertu des articles 13 et 393 du code de procédure civile Burkinabè, seules les sociétés SCIC SA et A Af disposent du droit de se pourvoir en cassation contre le jugement querellé; que la SCIC SA étant une société anonyme avec administrateur général, elle ne peut agir et s’engager à l’égard des tiers que par son organe dirigeant qu’est l’administrateur général (article 498 AUSCGIE) ; que cette exigence, qui a été respectée par la SCIC SA dans le compromis d’arbitrage, ne l’est pas dans le présent pourvoi en cassation, l’organe par lequel agit la SCIC SA n’étant pas indiqué ; que l’avocat qui agit directement, soutient-elle, « sans mandat de l’organe de représentation de la société est irrecevable en ce que :
- L’avocat maitre A. Abdoul O. Ouédraogo n’est pas l’organe dirigeant de la société SCIC SA et n’a donc pas qualité pour l’engager ;
- Le compromis d’arbitrage ne constitue pas un mandat spécial d’agir en justice : ce document ne prévoirait qu’une élection de domicile n’ayant pas valeur de mandat pouvant autoriser l’avocat à agir au nom de la société ; » ;
Attendu que l’examen des pièces du dossier révèle que, devant la Cour de cassation du Ai Ad, Maître Abdoul OUEDRAOGO, entendait agir, non pas comme représentant légal de la SCIC SA, mais plutôt « en vertu du mandat donné le 03 juin 2008 pour l'arbitrage et ses suites par monsieur Ac Ag, gérant statutaire en vertu de l’article 26 des statuts de la SCIC
Attendu qu’il convient de rappeler d’emblée quant à la recevabilité du recours, que lorsque la Cour de céans est saisie sur renvoi d’une juridiction nationale de cassation en application de l’article 15 du Traité, cette recevabilité est examinée au regard des règles prévues par son règlement de procédure à l’exclusion de celles applicables devant la juridiction de cassation nationale ;
Qu’en l’espèce, il est établi que par lettre n°991/2019/GC/G4 en date du 03 juin 2020, le Greffier en chef de la Cour de céans a invité la SCIC SA à noter « qu’en vertu de son article 51, le Règlement de procédure, sous réserve des adaptations imposées par le mode de saisine, est applicable, notamment en ses articles 23, 27, 27 bis, 28, 30 et 32. » ; que pour se soustraire de la production d’un mandat spécial tel que prévu à l’article 23 du Règlement de procédure susvisé, la SCIC SA a cru bon de joindre à sa requête aux fins de cassation, le compromis d’arbitrage du 03 juin 2008, lequel mentionne que la société SCIC SA « représentée par Monsieur Ag Ac, gérant statutaire, en vertu de l’article 26 des statuts, élisant pour les présentes et leurs suites au cabinet de maitre A. Abdoul O. OUEDRAOGO … » ;
Attendu cependant, que ce compromis d’arbitrage ne saurait tenir lieu de mandat spécial, un tel mandat supposant que l’avocat ait reçu une procuration expresse du demandeur ou de son représentant légal, pour introduire en son nom et pour son compte, le recours en cassation ; qu’or, si le mandat découlant de la convention précitée, a été conféré pour l’instance arbitrale « et ses suites », ces « suites » ne sauraient s’étendre indéfiniment au point d’inclure une procédure judicaire totalement distincte, en l’occurrence le recours en cassation contre la décision d’un tribunal ayant jugé irrecevable le recours en annulation de la sentence arbitrale ;
Qu’au surplus, il y a lieu de relever une tare manifeste contenue dans les mentions de la requête aux fins de cassation susvisée, celle consistant à désigner le représentant de la demanderesse au pourvoi qui est une société anonyme, en qualité de gérant statutaire ; qu’en droit OHADA, la société anonyme est représentée à l’égard des tiers soit par son Directeur Général, soit par son administrateur général ; qu’un organe appelé gérant statutaire, juridiquement inexistant dans ce type de société, ne peut valablement représenter une telle société à l’égard des tiers ce, dans l’intérêt de la transparence et de la sécurité des situations juridiques ; qu’il y a donc lieu de constater que l’avocat demandeur est dépourvu de mandat spécialet de déclarer en conséquence, le pourvoi irrecevable ;
Sur les dépens
Attendu que la SCIC SA succombant, sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Déclare le pourvoi irrecevable ;
Condamne la SCIC SA aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier