ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(O.H.A.D.A)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(C.C.J.A)
Première chambre
Audience publique du 24 juin 2021
Pourvoi : n° 348/2020/PC du 18/11/2020
Affaire : Société AFRICAN PARTNER COMPANY dite (Conseils : Cabinet KS & Associés représenté par Maître KIGNAMAN APC SARL
SORO, Avocats à la Cour) Contre
Société COMAFRIQUE TECHNOLOGIES SA
(Conseils : SCPA LEX WAYS AVOCATS représentée par Maître S. Lassoman DIOMANDE, Avocats à la Cour)
Arrêt N° 132/2021 du 24 juin 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A) de l’Organisation pour l’Harmonisation en La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première chambre, présidée par Monsieur Ad Aa A X, assisté de Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier, a rendu en son audience publique ordinaire du 24 juin 2021 l’Arrêt dont la teneur suit, après délibération du collège de juges composé de :
Messieurs : Ad Aa A X, Président
Fodé KANTE, Juge, rapporteur
Mesdames : Afiwa-Kindéna HOHOUETO, Juge
Esther Ngo MOUTNGUI IKOUE, Juge
Monsieur : Sabiou MAMANE NAÏSSA, Juge
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n°348/2020/PC du 18 novembre 2020 formé par le Cabinet KS & Associés, Avocats à la Cour, demeurant à Abidjan Cocody II Plateaux, ENA, rue 19,01 BP 641 Abidjan 01, Côte d’Ivoire, représenté par Maître Kignaman SORO, Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de la société AFRICAN PARTNER COMPANY dite APC, SARL dont le siège est sis à Abidjan, Commune du Plateau, Immeuble Tropique, Escalier D, 3°" étage, représentée par Monsieur C Ae Af, son Gérant, demeurant en cette qualité audit siège, dans la cause qui l’oppose à la société COMAFRIQUE TECHNOLOGIES SA, ayant son siège social à Abidjan-Vridi, Boulevard de Vridi, 01 BP 3727 Abidjan 01, représentée par son Directeur Général, madame Ag Ac B, demeurant ès qualité audit siège et ayant pour Conseils la SCPA LEX WAYS, représentée par maître S. Lassoman DIOMANDE, Avocat à la Cour, Abidjan-Cocody II Plateaux 101, Rue J 41 VILLA RIVER FOREST 25- BP 1592 Abidjan 25,
en cassation et en annulation de l’arrêt n°70/COM du 18 mai 2018 rendu par la Cour d’appel de commerce d’Abidjan, dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;
- Déclare recevable l’appel de la SOCIETE AFRICAN PARTNER COMPANY, SARL ;
- L’y dit cependant mal fondée ;
- L’en déboute ;
- Confirme par substitution de motifs, le jugement commercial n°3327/14 du 12 février 2015 attaqué ;
- Condamne la société AFRICAN PARTNER COMPANY aux dépens ; » ;
La requérante invoque à l’appui de son recours les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent Arrêt ;
Sur le rapport de monsieur Fodé KANTE, Juge ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu, selon les énonciations de l’arrêt attaqué, que pour recouvrer le reliquat du prix d’une commande de balises et de connexions serveurs GPS/GPRS livrée à la société APC SARL d’un montant total de 394.796.150 FCFA, la société COMAFRIQUE SA saisissait le Tribunal de commerce d’Ab qui, par Jugement n°3327 du 12 février 2015, condamnait la société requise à lui payer ladite somme, outre celle de 3 000 000 FCFA à titre de dommages-intérêts, tout en rejetant comme étant mal fondées, les demandes reconventionnelles de la défenderesse ; que saisie du différend, la Cour d’appel de commerce d’Abidjan rendait l’arrêt dont pourvoi ;
Sur le premier moyen tiré de l’insuffisance de motifs
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué, l’insuffisance de motifs en ce que, la Cour d’appel n’a pu objectivement tirer sa décision des faits relatés ainsi que des pièces produites par chacune des parties, et lui donner ainsi une base légale ; qu’en effet, selon la recourante, pour écarter son moyen fondé sur le défaut de conformité, puis confirmer la décision du premier juge, la Cour d’appel a retenu que la facture proforma, par laquelle la société COMAFRIQUE SA lui accordait une extension de durée de la garantie de conformité, n’est qu’un document à valeur informative, dépourvu de ce fait de toute valeur comptable ou légale, et qu’en l’absence de tout autre document établissant la preuve de cette garantie, l’article 302 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général n’était pas applicable à la cause alors, selon le moyen, que, de première part, la facture proforma demeure le modèle pour les documents complets et réels qui seront émis par la suite, lesquels sont généralement accompagnés des conditions générales de vente, de sorte qu’elle fixe, d’ores et déjà les conditions générales et spéciales auxquelles la vente projetée sera soumise ; que de deuxième part, en appliquant l’article 259 de l’Acte uniforme précité à la cause, la Cour d’appel a admis le principe d’un défaut de conformité caché, et aussi reconnu, de troisième part, que la facture proforma est un document informatif et peut fournir des renseignements sur les conditions générales et particulières de la vente ; qu’elle affirme enfin, que la société COMAFRIQUE SA ne conteste pas lui avoir offert une garantie contractuelle au respect de laquelle celle-ci était tenue, en application de l’article 1147 du Code civil ; qu’en se déterminant donc comme elle l’a fait, conclut-elle, la Cour d’appel «n’a pas donné une base légale à son arrêt querellé, par insuffisance des motifs, puisque la garantie offerte par la COMAFRIQUE à APC, résulte, bel et bien, du document commercial que constitue la facture proforma laquelle reflète, à n’en point douter, la convention des parties au sens de l’article 1134 du code civil. » ; qu’elle demande en conséquence, que la Cour de céans constate que l’arrêt entrepris mérite annulation ;
Mais attendu qu’il est constant, en l’espèce, que pour écarter le moyen de défense de la société APC SARL, fondé sur le défaut de conformité, la Cour d’appel a d’abord constaté que celle-ci se prévaut d’une garantie contractuelle accomplie dans la facture proforma, et a retenu ensuite, que la facture proforma n’est pas un document contractuel, mais un document purement informatif, sans valeur commerciale ou comptable ; que partant, elle concluait que la facture proforma ne peut constituer le fondement d’une garantie contractuelle, conformément aux dispositions de l’article 302 de l’ Acte uniforme portant sur le droit commercial général ; qu’ainsi, elle faisait observer que la société APC SARL ne peut se prévaloir que de la seule garantie légale de l’article 259 de l’Acte uniforme portant sur droit commercial général, qui se prescrit par un an à compter de la découverte du vice- caché ; qu’elle constatait ensuite que la société APC SARL a eu connaissance de ces vices depuis les courriels échangés par les parties les 21 et 26 juin 2012, ainsi que le courrier de la société COMAFRIQUE SA du 11 septembre 2013, puis elle déterminait les dates du 28 juin 2013 au 15 septembre 2015 comme chutes du délai d’un an dont disposait la recourante pour agir ; que ces délais étant passés, elle concluait à la déchéance ;
Attendu que pour la Cour de céans, cette démonstration est suffisante pour justifier la conclusion à laquelle la Cour d’appel est parvenue, à savoir la déchéance de la société APC SARL de son droit de se prévaloir du défaut de conformité ; que le grief d’insuffisance de motifs allégué n’est donc pas caractérisé ; qu’en tout état de cause, c’est avec raison que la Cour d’appel a pu retenir que la facture proforma n’est qu’un document informatif, puisqu’il s’agit par un tel moyen d’informer le client sur toutes les caractéristiques de la marchandise, ainsi que les conditions de la vente ; que c’est à la formation proprement dite du contrat, que les parties confirment l’application de toutes ou partie des conditions générales de vente, puis détaillent, le cas échéant, les conditions particulières qui s’appliquent à celle-ci ; que de la sorte, la facture proforma, quoiqu’utile dans la pratique commerciale, n’est pas en soi un document contractuel comme le bon de commande ou la facture définitive, ou le contrat de vente écrit, document par excellence ; qu’il s’ensuit donc que ce moyen mérite rejet ;
Sur le deuxième moyen de cassation tiré de la violation de la loi, en ses deux branches réunies
Attendu que par ses deux branches, le deuxième moyen critique le même motif de l’arrêt attaqué ; que d’une part, il fait état de ce que la Cour d’appel a retenu que l’action en défaut de conformité de la société APC SARL est prescrite ; que cependant, cette dernière estime que la Cour d’appel a suppléé d’office, un moyen de prescription, puisque la société COMAFRIQUE SA ne lui a jamais opposé une telle défense, ce qui lui est interdit par l’article 2223 du Code civil ; qu’il lui reproche, d’autre part, d’avoir sans au préalable appelé les observations des parties, retenu la prescription, en écartant l’article 302 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, pourtant applicable, au profit de l’article 259 du même Acte uniforme, ce qui, selon le moyen, est constitutif d’une violation de l’article 52 du Code de procédure civile ;
Mais attendu qu’il se révèle de l’arrêt entrepris, contrairement aux affirmations de la société APC SARL, que la Cour d’appel a plutôt répondu à un moyen contenu dans l’acte d’appel ; qu’en effet, dans ledit acte, justifiant le défaut de qualité des balises livrées, ainsi que la « dénonciation des disfonctionnements dans les délais requis », l’appelante a invoqué d’une part, l’article 259 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, qui régit la garantie légale et prévoit le délai de prescription de celle-ci, puis l’article 302 du même Acte uniforme, qui proroge le délai prévu à la disposition précédente, à l’expiration des garanties contractuelles éventuellement consenties ; qu’il est donc constant, que la société APC SARL se prévalait alors d’une garantie contractuelle de trois (03) ans, qui devait expirer le 25 avril 2016 ; que c’est à ces arguments que la Cour d’appel devait répondre, lorsqu’elle a écarté l’existence d’une garantie contractuelle accomplie dans la facture proforma, laquelle n’est pas un document contractuel, puis a appliqué le délai de l’article 259 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, pour constater la prescription de l’action de la société APC SARL ;
Attendu en plus, qu’il découle du dossier de la cause, qu’en première instance, aussi bien la société COMAFRIQUE SA que le premier juge, abordaient implicitement la même question, lorsqu’ils notaient que la société APC SARL a reçu les balises « sans émettre aucune réserve depuis 2011 », ainsi que les factures, plus de deux (02) années auparavant,
« sans émettre de réserve » non plus, procédant même au paiement d’une partie de celles- ci;
Que de tout ce qui précède, la société APC SARL est mal venue à soutenir que c’est la Cour d’appel qui a porté d’office le débat sur la prescription de son action, puis appliqué sans avoir requis les observations des parties, les articles 259 et 302 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général ; qu’il s’ensuit que ce moyen, également non-fondé, sera rejeté ;
Attendu qu’aucun moyen ne prospérant, il y a lieu de rejeter le pourvoi ;
Sur les dépens
Attendu que la société APC SARL succombe et sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette le pourvoi ;
Condamne la société APC SARL aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier