ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Troisième chambre
Audience publique du 24 juin 2021
Pourvoi : n° 378/2019/PC du 19/12/2019
Affaire : Société Nile Dutch Congo
(Conseil : Maître Reine Angèle Patricia BIGEMI, Avocat à la Cour)
Contre
Société Africaine de Services
(Conseil : Maître Armel Symphorien ABIRA, Avocat à la Cour)
Arrêt N° 133/2021 du 24 juin 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième chambre, a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 24 juin 2021 où étaient présents :
Messieurs Mahamadou BERTE, Président
Arsène Jean Bruno MINIME, Juge
Mariano Esono NCOGO EWORO, Juge, rapporteur
et Maître Louis Kouamé HOUNGBO, Greffier,
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans le 19 décembre 2019 sous le n°378/2019/PC et formé par Maître Reine Angèle Patricia BIGEMI, Avocat à la Cour, demeurant à Pointe-Noire au X B, Boulevard Charles de Gaulle, immeuble mitoyen de la CNSS, en face de la Banque Société Générale, BP 5672, République du Congo, agissant au nom et pour le compte de la société Nile Dutch Congo SA, dont le siège social est sis à Pointe-Noire, Rue Matève et Rue TCHIONGA, en face de la CFAO, BP 5131, représentée par son directeur général, dans la cause l’opposant à la Société Africaine de Services, en sigle SAFRICAS, société anonyme dont le siège est à Brazzaville, au 124 de la rue des Manguiers, quartier Mpila, prise en son Agence de Pointe-Noire, Zone de la Maison d’Arrêt de Pointe-Noire, BP 14504, République du Congo, représentée par son directeur général, et ayant pour conseil Maître Armel Symphorien ABIRA, Avocat à la Cour, cabinet sis à l’immeuble CNSS, entrée B, 6°" étage, appartement 209, en face de la pâtisserie la Citronnelle, centre-ville de Pointe- Noire, République du Congo,
en cassation de l’arrêt rôle n°485 répertoire n° 059 du 15 octobre 2019 rendu par la Cour d’appel de Pointe-Noire, dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale en premier et dernier ressort ;
En la forme
Reçoit l’appel ;
Au fond
Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau
Constate que la circulaire présidentielle du 18 juillet 2013 n’a pas d’effets rétroactifs ;
Constate que la société NILE DUTCH est débitrice de la société SAFRICAS des sommes collectées aux titres des contrôles effectués sur centenaires avant le 18 juillet 2013 ;
En conséquence, condamne la société NILE DUTCH à payer à la société SAFRICAS la somme de quatre-vingt-trois millions cinq cent cinquante mille francs (83.550.000) F CFA saisie et cantonnée par Maître NIMI, Huissier de justice ;
Rejette la demande de condamnation au paiement des dommages et intérêts formulée par Y A ;
Met les dépens à charge de la société NILE DUTCH. » ;
La requérante invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de monsieur Mariano Esono NCOGO EWORO, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Vu le règlement d’arbitrage de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l'OHADA ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’en vertu d’une convention passée avec l’Etat congolais, SAFRICAS était chargée, à compter du 05 juillet 2013, d’une mission de service public relative au contrôle des conteneurs à l’import et l’export au Port Autonome de Pointe-Noire, moyennant une redevance de 50.000 F CFA par conteneur, à prélever indirectement par le biais des armateurs et/ou opérateurs de navires et leurs consignataires auprès des propriétaires des conteneurs lors des opérations de prise de livraison, à charge pour ceux-ci de reverser la redevance prélevée à SAFRICAS ; qu’estimant que l’un des consignataires, la société NILE DUTCH Congo, ne reversait pas les redevances perçues, SAFRICAS obtenait le 22 décembre 2016 du Tribunal de commerce de Pointe-Noire la saisie conservatoire de ses créances ; que mainlevée de cette saisie était donnée le 17 janvier 2017, puis maintenue par arrêt du 13 février 2018 ; qu’entre temps, saisi le 27 janvier 2017 au fond par SAFRICAS pour l’obtention du titre exécutoire en vertu de l’article 61 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, ce tribunal la déboutait de toutes ses demandes, par jugement du 23 mai 2018 ; que sur appel de SAFRICAS, la Cour d’appel de Pointe-Noire rendait l’arrêt dont pourvoi ;
Sur la recevabilité du mémoire en défense
Attendu que dans son mémoire en réplique, reçu le 04 septembre 2020, la demanderesse soulève l’irrecevabilité du mémoire en réponse de la défenderesse au motif qu’il a été déposé hors délai prévu par l’article 30-1 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ;
Attendu en effet qu’aux termes dudit article 30-1., « toute partie à la procédure devant la juridiction nationale peut présenter un mémoire en réponse dans un délai de trois mois à compter de la signification du recours » ;
Attendu qu’en l’espèce, il résulte de l’accusé de réception versé au dossier que la signification du recours a été reçue par la défenderesse le 19 mars 2020 ; qu’en tenant compte du délai de distance de 21 jours prévu par la décision n°002/99/CCJA du 14 février 1999 augmentant les délais de procédure en raison de la distance, la défenderesse, SAFRICAS, avait jusqu’au 13 juillet 2020 à minuit pour déposer son mémoire ; que la simple invocation, en raison de la pandémie à coronavirus, de la décision n°084/CCJA/PDT du 12 mai 2020 portant mesure exceptionnelle dans la prise en compte des délais de procédure devant la CCJA ainsi que de l’état d’urgence sanitaire proclamé en République du Congo ayant entrainé la fermeture de ses frontières du 01 avril au 15 mai 2020, ne saurait justifier cette réponse tardive du 16 juillet 2020, dès lors que la défenderesse n’a pas démontré les diligences entreprises après le déconfinement pour faire parvenir son mémoire en défense dans les délais prescrits, notamment par envoi postal ou assimilé, habituellement utilisé pour transmettre les procédures au greffe de la Cour ; qu’il y a lieu de déclarer ledit mémoire irrecevable ;
Sur le premier moyen
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt querellé, le manque de base légale, en ce qu’il s’est abstenu de faire application des actes uniformes en violation de l’article 13 du Traité institutif de l’'OHADA, alors que la procédure est régie par les dispositions des articles 54 et suivants de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Mais attendu que saisi en contentieux relatif à l’application des actes uniformes, le juge n’en fait application que lorsque les questions de droit y sont relatives ; qu’en l’espèce, en statuant sur les points de droit interne soulevés par les parties, la cour d’appel a donné une base légale à sa décision et n’a pas violé l’article 13 du Traité institutif de l’'OHADA ; que le moyen sera rejeté ;
Sur le deuxième moyen
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt querellé, la violation de l’article 35 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en ce qu’il s’est basé sur les seules pièces versées au dossier par une partie, notamment le montant de la saisie conservatoire, alors qu’aucune preuve probante de la prétendue créance n’a été rapportée ;
Mais attendu que, soulevé pour la première fois en cassation, ce moyen mélangé de fait et de droit, est irrecevable ;
Sur le troisième moyen
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt querellé, la dénaturation des pièces de la procédure en ce qu’il a déclaré que « le préjudice subi par C étant, sur la foi des pièces versées au dossier, évalué aux sommes cantonnées dans le jugement autorisant la saisine, il y a lieu d’en ordonner le paiement », alors que le premier juge n’a cantonné aucune somme et que la saisie avait été levée à la suite de l’ordonnance du juge des référés ;
Mais attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que le paiement dont il s’agit fait suite à une saisie conservatoire ordonnée par le juge des requêtes et confirmée par la cour d’appel ; qu’en ordonnant le paiement des sommes ainsi cantonnées, la cour d’appel n’a pas dénaturé les pièces du dossier ; qu’il y a lieu de rejeter ce moyen ;
Attendu qu’aucun moyen n’ayant prospéré, il échet en conséquence de rejeter le pourvoi ;
Sur les dépens
Attendu que succombant, la société NILE DUTCH Congo sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
Déclare irrecevable le mémoire en défense de SAFRICAS ;
Rejette le pourvoi ;
Condamne la société NILE DUTCH Congo aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé.
Le Président
Le Greffier