ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Troisième chambre
Audience publique du 24 juin 2021
Pourvoi : n° 241/2020/PC du 03/09/2020
Affaire : C C X
(Conseil : La Société d’Avocats LIKANE & OMEPIEU, Avocats à la Cour)
Contre
(Conseils : La SCP KONE-N’GUESSAN-KIGNELMAN, Avocats à la Cour)
Arrêt N° 136/2021 du 24 juin 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 24 juin 2021 où étaient présents :
Messieurs Mahamadou BERTE, Président
Arsène Jean Bruno MINIME, Juge
Sabiou MAMANE NAISSA, Juge, rapporteur
et Maître Louis Kouamé HOUNGBO, Greffier ;
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n°241/2020/PC du 03 septembre 2020 et formé par la Société d’Avocats LIKANE & OMEPIEU, Avocats près la Cour d’appel d’Af, y demeurant, Cocody, Ah AG, derrière la pharmacie de la Ah AG, face à la cité universitaire, villa n°284, 08 BP 3570, Af 08, agissant au nom et pour le compte de monsieur C C X, styliste-modéliste, domicilié à Af, Ag Ae, dans la cause qui l’oppose à monsieur A Z, ingénieur des travaux publics, domicilié à Af Ag, 09 BP 4458 Af 09, ayant pour conseil la SCPA KONE-N’GUESSAN-KIGNELMAN, Avocats près la Cour d’appel d’Af, y demeurant, Af Ab, … Lamblin, immeuble Bellerive, 4°"° étage, porte 16, 01 BP 6421 Af 01,
en cassation de l’arrêt N°521 rendu le 07 mai 2019 par la Cour d’appel d’Af, Côte d’Ivoire et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en demier ressort ;
Dit que l’acte d’appel en date du 15 juin 2018 est nul ;
Déclare par conséquent irrecevable l’appel de monsieur C C X relevé du jugement N°54 en date du 16 mai 2018 rendu par le Tribunal d’Af ;
Le condamne aux dépens de l’instance. » ;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt
Sur le rapport de monsieur Sabiou MAMANE NAISSA, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l'OHADA ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que par exploit en date du 23 novembre 2017, monsieur C C X avait formé opposition contre l’ordonnance d’injonction de payer n°481/2017, rendue le 10 octobre 2017 par le président du Tribunal de première instance d’Abidjan- Plateau, le condamnant à payer à monsieur A Z, la somme de 14.000.000 de francs en principal ; que par jugement N°54/CIV 6/F rendu le 16 mai 2018, le Tribunal de première instance d’B avait condamné monsieur C C X à payer à monsieur A Z la somme de 8.200.000 frs ; que sur appel de monsieur C C X, la Cour d’appel d’Af a rendu le 07 mai 2019, l’arrêt n°521 objet du présent pourvoi ;
Sur la compétence de la Cour de céans
Attendu que dans son mémoire en réponse enregistré au greffe de la Cour de céans le 16 février 2021, monsieur A Z soulève l’incompétence de la Cour au motif que cette dernière est incompétente à connaitre des litiges dont seule l’application du droit interne est en cause ;
Attendu qu’aux termes de l’article 14, alinéa 3, du Traité de l' OHADA, saisie par la voie du recours en cassation, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage «se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats- parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes, à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales » ;
Mais attendu en l’espèce, que la décision querellée a été rendue par une cour d’appel statuant en matière de procédure d’injonction de payer ; que s’agissant d’un contentieux régi par l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, il échet pour la Cour de se déclarer compétente en application des dispositions de l’article 14, alinéa 3, du Traité de l’'OHADA susvisées ;
Sur le premier moyen
Attendu que le demandeur au pourvoi, par ce premier moyen, reproche à la cour d’appel d’avoir déclaré recevable l’exception de nullité de l’appel soulevée par l’intimé alors, selon le moyen, qu’elle aurait dû requérir les observations de l’appelant ; qu’en agissant de la sorte, elle aurait violé le principe du contradictoire qui est un principe général du droit existant dans toute procédure et qui est repris par le code de procédure civile ivoirien en son article 52 alinéa 4 ;
Attendu que le respect du principe du contradictoire suppose que chacune des parties ait été mise en mesure de discuter l'énoncé des faits et les moyens juridiques que ses adversaires lui ont opposés ;
Attendu en l’espèce, que le demandeur au pourvoi ne conteste pas avoir reçu, par l’intermédiaire de son avocat, les conclusions de l’intimé, préalablement au jugement de l’affaire par la cour d’appel ; qu’il n’est pas non plus contesté que lesdites conclusions contenaient l’exception de nullité de l’appel expressément soulevée in limine litis par l’intimé pour défaut de qualité dans le chef de l’huissier instrumentaire ; que des énonciations de l’arrêt attaqué, il découle que l’appelant a été informé de l’irrecevabilité de l’appel soulevée par l’intimé et a été mis en situation d’y répondre ; que dès lors, le principe du contradictoire ayant été ainsi respecté, il y a lieu de rejeter le moyen comme non fondé ;
Sur le deuxième moyen
Attendu que le demandeur au pourvoi reproche à la cour d’appel d’avoir, pour parvenir à sa décision de nullité de l’appel, établi un parallèle entre les dispositions de l’article 7 de la loi n°97-514 du 04 septembre 1997 portant statut des huissiers de justice et la validité de la carte professionnelle présentée par l’huissier de justice auxiliaire lors de la signification de l’acte d’appel alors, selon le moyen, que nulle part, à la lecture de l’article 7 précité, il n’est fait allusion à la nullité de l’acte accompli par l’huissier de justice en rapport avec la validité ou l’invalidité de la carte professionnelle dont celui-ci est muni lors de l’accomplissement de son acte ;
Attendu qu’aux termes de l’article 7 sus-évoqué « Tout exploit ou tout acte accompli par un huissier de Justice hors des limites de son ressort territorial en ce qui conceme les huissiers de Justice auxiliaires ou hors de sa compétence d'attribution, telles que définies par l'article 5 est atteint de nullité absolue » ;
Attendu qu’il résulte de ce texte que la nullité est encourue notamment lorsque l’huissier de justice agit hors de sa compétence d’attribution telle que définie par l'article 5 alinéa 1 de la même loi qui dispose « Les huissiers de Justice ont seuls qualité pour signifier ou notifier les exploits ou les actes et mettre à exécution des décisions de Justice ou les actes ou titres en forme exécutoire, lorsqu'aucun autre mode de signification, de notification ou d'exécution n'a été précisé par les lois ou les règlements. » ; que la violation des compétences d’attribution de l’huissier, au sens de ces textes, doivent s’entendre comme visant non seulement les cas dans lesquels un huissier pose un acte qui ne relève pas de sa compétence d’attribution, mais aussi les cas dans lesquels une personne autre qu’un huissier de justice pose un acte qui relève de la compétence exclusive des huissiers de justice ;
Attendu en l’espèce, que l’acte litigieux a été instrumenté par une personne se prévalant de la qualité de clerc assermenté, alors même que, selon l’article 9 alinéa 1 de la loi n°97-514 du 04 septembre 1997 susvisée « Les clercs assermentés justifiant d'une année de cléricature et remplissant les conditions 1 à 7 de l'article 14 peuvent suppléer les huissiers de Justice titulaires de Charges dans tous les actes de leur ministère » ;
Mais attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que monsieur Y, clerc ayant signifié l’acte d’appel, ne remplissait pas les conditions prévues par ce texte en ce qu’il n’a ni la qualité de clerc assermenté ni celle d’huissier titulaire de charge, agissant ainsi en violation de la compétence d’attribution des huissiers de justice telle que définie à l’article 5 la loi n°97-514 du 04 septembre 1997 précitée ;
Que dès lors, en prononçant la nullité de l’appel sur le fondement de l’article 7 de la loi n°97-514 du 04 septembre 1997 précitée, la cour d’appel n’a nullement violé ce texte ; qu’il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé et sera rejeté ;
Sur le troisième moyen
Attendu enfin, que monsieur C C X reproche à l’arrêt attaqué de manquer de base légale en ce qu’il a fait application de l’article 7 de la loi n°97-514 du 04 septembre 1997 portant statut des huissiers de justice qui ne traite pas de la nullité de l’acte accompli par l’huissier instrumentaire en rapport avec la validité ou l’invalidité de la carte professionnelle dont celui-ci est muni, alors, selon le moyen, que l’arrêt ne dit pas en quoi les mentions portées sur la carte professionnelle présentée par l’huissier instrumentaire étaient insuffisantes et n’a pas recherché s’il en était résulté un préjudice pour le défendeur ;
Mais attendu que, pour parvenir à l’arrêt attaqué, la cour d’appel énonce « considérant qu’il ressort des mentions figurant sur la copie de l’acte d’appel en date du 15 juin 2018 que ledit exploit, portant le cachet de maitre DAPE Sylvain a été servi par Monsieur Y Ad Aa Ac, auxiliaire de justice, sans autre précision, comme l’atteste la photocopie de sa carte professionnelle versée au dossier ;
Qu'’il s’ensuit que ce dernier qui n’a pas qualité de clerc assermenté, ne peut suppléer Maître DAPE Sylvain dans l’exercice de ses fonctions ;
Il sied de déclarer nul l’acte d’appel en date du 15 juin 2018 et en conséquence, irrecevable l’appel relevé par monsieur C C X du jugement n° 54 en date du 16 mai 2018 » ; qu’en prononçant la nullité de l’acte d’appel sur le fondement des articles 5 et 7 de la loi n°97-514 du 04 septembre 1997 portant statut des huissiers de justice, ladite cour a fait une exacte application de ces textes et, donné une base légale à sa décision ; que le moyen tiré du manque de base légale n’est donc pas fondé et doit être rejeté ;
Attendu qu’aucun moyen ne prospérant, le pourvoi doit être rejeté ;
Sur les dépens
Attendu que monsieur C C X ayant succombé, sera condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
Se déclare compétente ;
Rejette le recours formé par monsieur C C X contre l’arrêt N°521 rendu le 07 mai 2019 par la Cour d’appel d’Af ;
Le condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier