ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Troisième chambre
Audience publique du 24 juin 2021
Pourvois : n° 251/2020/PC du 09/09/2020
n° 308/2020/PC du 15/10/2020
Affaire : Bank Of Africa Mali (BOA MALI-SA)
(Conseils : Ae Z et Maître Founékè F. TRAORE, Avocats à la Cour)
Contre
Union Africaine de Transport et de Transit SA (UATT-SA)
Monsieur Y C
(Conseils : Cabinet YATTARA-SANGARE et Maître Hamidou KONE,
Avocats à la Cour)
Arrêt N° 137/2021 du 24 juin 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 24 juin 2021 où étaient présents :
Messieurs Mahamadou BERTE, Président
Arsène Jean Bruno MINIME, Juge
Sabiou MAMANE NAISSA, Juge, rapporteur
et Maître Louis Kouamé HOUNGBO, Greffier ;
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n°308/2020/PC du 15 octobre 2020 et formé par Maître Salif SANOGO, « Ae Z », Avocat à la Cour, demeurant à Djélibougou, rue 284, porte 121, BP 705 Bamako, République du Mali, agissant au nom et pour le compte de la Bank of Africa Mali (BOA MALI-SA), société anonyme, ayant son siège social à Ad A 2000, immeuble BOA-MALI-SA, Bamako, représentée par son directeur général monsieur X B, dans la cause qui l’oppose à l’Union Africaine de Transport et de Transit SA (UATT-SA), société anonyme, ayant son siège social à Bamako, République du Mali, avenue de l’OUA , BP 2299, représentée par son président directeur général monsieur Y C, débitrice principale, et monsieur Y C, administrateur de société, demeurant à Bamako, cité du Niger, résidence FICIUS, caution hypothécaire, ayant tous pour Conseil le Cabinet YATTARA- SANGARE, Avocats à la Cour, BP E 1878, immeuble ABK 1, 2°"° étage, bureau n°207, avenue Ab Aa, Ad A 2000, Bamako, Mali ;
et le recours enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n°251/2020/PC du 09 septembre 2020 et formé par Maître Founeké F. TRAORE, Avocat à la Cour, Sébénicoro, derrière l’Ecole de Santé « Ac » située à gauche, à 500 mètres de la résidence IBK, BP E 3456, Bamako, République du Mali, agissant au nom et pour le compte de la Bank of Africa Mali (BOA MALI-SA), ci-dessus identifiée, dans la cause qui l’oppose à l’Union Africaine de Transport et de Transit SA (UATT-SA), et monsieur Y C, tels que ci-dessus identifiés, ayant pour conseil Maître Hamidou KONE, Avocat à la Cour, demeurant à Bamako, rue 369, porte 1230, Bamako, République du Mali,
en cassation du jugement n°218/JGT rendu le 21 mai 2020 par le Tribunal de grande instance de la Commune III du district de Bamako, et dont le dispositif est le suivant :
« Le Tribunal,
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort ;
Dit n’y avoir lieu à rabat de délibéré ;
Rejette l’irrecevabilité invoquée par la BOA-Mali SA ;
En la forme
Reçoit l’assignation en annulation de jugement d’adjudication ;
Au fond
La déclare bien fondée ;
Prononce l’annulation du jugement d’adjudication N°970 du 31 Octobre 2019 du Tribunal de céans ayant déclaré la BOA Mali SA adjudicataire des titres fonciers N°11249 vol 58 Fol 16 et N°11250 vol 58 Fol 17 insérés au livre foncier du District de Bamako et appartenant à Monsieur Y C ;
Invalide la procédure postérieurement à l’audience éventuelle ;
Met les dépens à la charge de la BOA Mali. » ;
La BOA MALI-SA invoque à l’appui de ses pourvois n°251/2020/PC du 09 septembre 2020 les deux moyens de cassation et n°308/2020/PC du 15 octobre 2020 les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à ses requêtes annexées au présent arrêt ;
Sur le rapport de monsieur Sabiou MAMANE NAISSA, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’'OHADA ;
Attendu, selon les énonciations de l’arrêt attaqué, que par exploit d’huissier en date du 18 novembre 2019, l’Union Africaine de Transport et de Transit SA (UATT-SA) et monsieur Y C assignaient la Bank of Africa Mali (BOA MALI-SA) en annulation du jugement d’adjudication N°970 du 31 octobre 2019 devant le Tribunal de grande instance de la Commune III du district de Bamako ; que par jugement n°218 rendu le 21 mai 2020, objet du présent pourvoi en cassation, ledit tribunal a annulé le jugement d’adjudication attaqué ayant déclaré la BOA Mali SA adjudicataire des titres fonciers N°11249 vol 58 Fol 16 et N°11250 vol 58 Fol 17 insérés au livre foncier du District de Bamako appartenant à monsieur Y C, et invalidé la procédure postérieurement à l’audience éventuelle ;
Sur la jonction des procédures
Attendu qu’aux termes de l’article 33 du Règlement de procédure de la Cour de céans, « la Cour peut à tout moment pour cause de connexité, ordonner la jonction de plusieurs affaires aux fins de la procédure écrite ou orale ou de l’arrêt qui met fin à l’instance… » ; qu’en l’espèce, il est constant que les deux recours de la BOA Mali SA se rapportant au même jugement opposent les mêmes parties ; qu’en raison de cette connexité manifeste, il y a lieu de les joindre aux fins d’y statuer par un seul arrêt en application de l’article 33 du Règlement de procédure susvisé ;
Sur la recevabilité du recours n°308/2020/PC du 15 octobre 2020
Attendu que dans leur mémoire en réponse reçu au greffe de la Cour de céans le 03 décembre 2020, l’Union Africaine de Transport et de Transit SA (UATT-SA) et monsieur Y C soulèvent l’irrecevabilité du recours en cassation, pour forclusion ;
Attendu en effet, que conformément aux dispositions de l’article 28 du Règlement de procédure de la Cour de céans, un délai de deux mois, à compter de la signification de la décision attaquée, est imparti au requérant pour présenter le pourvoi en cassation ; que ce délai est augmenté du délai de distance de 14 jours, lorsque, comme c’est le cas d’espèce, ledit requérant réside en Afrique occidentale ;
Attendu qu’en l’espèce, le jugement attaqué a été signifié à la requérante par exploit d’huissier le 10 juillet 2020 ; qu’aux termes de l’article 25.2-4 du Règlement susmentionné, « lorsqu’un délai est exprimé en mois ou en année, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la signification qui fait courir le délai. À défaut d’un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois. Les délais comprennent les jours fériés légaux, les samedis et les dimanches. Tout délai expire le dernier jour à 24 heures. Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié légal dans le pays où l’acte ou la formalité doit être accompli est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant. La liste de ces jours fériés sera dressée par la Cour et sera publiée au Journal Officiel de l'OHADA. » ; qu’en application de ces dispositions, la Bank of Africa Mali (BOA MALI-SA), dont le délai a commencé à courir à compter du 11 juillet 2020, avait, en considérant le délai de distance de 14 jours, jusqu’au 28 septembre 2020 pour déposer son pourvoi en cassation ;
Attendu que la simple invocation, en raison de la pandémie à coronavirus, de la décision n°084/CCJA/PDT du 12 mai 2020 portant mesure exceptionnelle dans la prise en compte des délais de procédure devant la CCJA, de l’état d’urgence sanitaire proclamé en République du Mali ayant entrainé momentanément la fermeture de ses frontières ainsi que de l’embargo imposé par la CEDEAO au Mali suite aux évènements liés au coup d’Etat intervenu dans ce pays, ne saurait justifier ce retard, dès lors que la BOA MALI-SA n’a pas démontré les diligences entreprises et les difficultés avérées rencontrées, pour faire parvenir son recours en cassation dans les délais prescrits, notamment par envoi postal, DHL Express ou assimilé, habituellement utilisé pour transmettre les procédures au greffe de la Cour de céans ; qu’à cet effet, il y a lieu de relever que la demanderesse au pourvoi a introduit dans les mêmes situations qu’elle invoque son recours n°251/2020/PC du 09 septembre 2020 ; que dès lors, le présent pourvoi, transmis au greffe de la Cour le 15 octobre 2020, est irrecevable ;
Sur la recevabilité du recours n°251/2020/PC du 09 septembre 2020
Attendu que dans leur mémoire en réponse reçu au greffe de la Cour de céans le 03 décembre 2020, l’Union Africaine de Transport et de Transit SA (UATT-SA) et monsieur Y C soulèvent l’irrecevabilité du recours en cassation introduit par la BOA Mali SA, aux motifs que le jugement attaqué étant susceptible d’appel en application des articles 313 de l’AUPSRVE et 558 du code de procédure civile, commerciale et sociale du Mali, ne peut être directement déféré à la Cour de céans, même s’il est qualifié à tort de dernier ressort ;
Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article 300, alinéa 2, de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution que les décisions rendues en matière de saisie immobilière ne sont susceptibles d’appel que lorsqu’elles ont statué « sur le principe même de la créance ou sur des moyens de fond tirés de l’incapacité d’une des parties, de la propriété, de l’insaisissabilité ou de l’inaliénabilité des biens saisis » ;
Attendu en l’espèce, que le jugement attaqué a été rendu à la suite de la demande d’annulation faite par voie d’action principale par l’Union Africaine de Transport et de Transit SA et monsieur Y C devant la juridiction compétente conformément aux dispositions de l’article 313 de l’Acte uniforme précité ; que ce jugement, qui a prononcé l’annulation du jugement d’adjudication N°970 du 31 Octobre 2019, du Tribunal de grande instance de la Commune IN du district de Bamako opposant les mêmes parties, relève sans conteste des « décisions judiciaires rendues en matière de saisie immobilière » au sens de l’article 300 susvisé ; que celui-ci, n’ayant statué ni sur le principe même de la créance ni sur des moyens de fond tirés de l’incapacité d’une des parties, de la propriété, de l’insaisissabilité ou de l’inaliénabilité des biens saisis, n’est pas susceptible d’appel ; qu’il y a lieu dès lors de rejeter l’exception d’irrecevabilité du recours soulevée ;
Sur la première branche du moyen unique de cassation tirée de la violation de la loi par fausse interprétation et fausse application des articles 246, 274 alinéa 1 et 313 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Vu l’article 274 de l’Acte uniforme susvisé
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué la violation de la loi, par fausse interprétation et fausse application des articles 246, 274 alinéa 1 et 313 de l’ Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en ce que le tribunal, pour faire droit à la demande d’annulation a estimé que le jugement éventuel n’a pas fait l’objet de signification conformément aux dispositions de l’article 274 alinéa 1 de l’AUPSRVE, alors, selon le moyen, que d’une part, l’'UATT-SA et monsieur Y C ont relevé appel de la décision rendue à l’audience éventuelle du 20 juin 2019 avant même la signification de ladite décision et, d’autre part, que le jugement a fait l’objet de recours qui a abouti à l’arrêt n°820 du 04 septembre 2019 de la Cour d’appel de Bamako, lequel arrêt a été signifié aux défendeurs de telle sorte qu’on ne peut plus se prévaloir d’un défaut de signification ;
Attendu qu’aux termes de l’article 246 de l’Acte uniforme susvisé « le créancier ne peut faire vendre les immeubles appartenant à son débiteur qu’en respectant les formalités prescrites par les dispositions qui suivent.
Toute convention contraire est nulle ;
Qu’aussi, aux termes de l’article 274, alinéa 1 du même Acte uniforme « La décision judiciaire rendue à l’occasion de l’audience éventuelle est transcrite sur le cahier des charges par le greffier ; elle est levée et signifiée à la demande de la partie la plus diligente. » ;
Attendu qu’il résulte des dispositions de ce dernier article que la formalité consistant à lever et signifier la décision judiciaire rendue à l’occasion de l’audience éventuelle n’est pas exclusivement mise à la charge d’une seule partie ; qu’elles prescrivent à la diligence des parties la levée et la signification de la décision rendue à l’audience éventuelle ; que dès lors, l’UATT-SA et monsieur Y C sont donc mal venus à invoquer le défaut d’une formalité qu’ils pouvaient accomplir ;
Qu’aussi, en annulant le jugement d’adjudication au motif que le jugement éventuel n’a pas fait l’objet de signification, le tribunal a commis le grief visé au moyen ; que dès lors, il y a lieu de casser et d’annuler le jugement n°218/JGT du 21 mai 2020 et d’évoquer l’affaire sur le fond conformément aux dispositions de l’article 14 alinéa S du Traité de l’'OHADA ;
Sur l’évocation
Attendu que suivant exploit d’huissier en date du 18 novembre 2019, l’UATT-SA et monsieur Y C ont assigné la BOA Mali SA et la Banque de Développement du Mali-SA en annulation du jugement d’adjudication n°970 du 31 octobre 2019 rendu par le Tribunal de grande instance de la Commune III du district de Bamako ;
Qu’au soutien de leur action, l'UATT-SA et monsieur Y C font valoir que le jugement n°551 du 20 juin 2019 rendu à la suite de l’audience éventuelle n’a pas été signifié à ce dernier, propriétaire des immeubles saisis, en violation des dispositions des articles 274 et 313 de l’AUPRSVE ;
Que les demandeurs arguent aussi de la violation de l’article 276 de l’Acte uniforme susvisé en relevant que la publicité prévue audit texte n’a pas été faite à la porte de monsieur Y C ;
Attendu que pour sa part, la BOA Mali-SA oppose à cette action, la fin de non-recevoir tirée de la déchéance prévue aux dispositions de l’article 299 alinéa 2 de l'AUPSRVE ; qu’elle fait valoir, qu’en application des dispositions combinées des articles 299 et 335 de l’Acte uniforme susvisé, l’assignation du 18 novembre 2019 en annulation du jugement d’adjudication portant sur des faits postérieurs à l’audience éventuelle et antérieurs à l’audience d’adjudication doit être déclarée irrecevable pour cause de déchéance ;
Sur l’irrecevabilité de la demande d’annulation du jugement d’adjudication, relevée d’office par la Cour
Attendu qu’aux termes de l’article 313 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution « La nullité de la décision judiciaire ou du procès-verbal notarié d’adjudication ne peut être demandée par voie d’action principale en annulation portée devant la juridiction compétente dans le ressort de laquelle l’adjudication a été faite que dans un délai de quinze jours suivant l’adjudication.
Elle ne peut être demandée que pour des causes concomitantes ou postérieures à l’audience éventuelle, par tout intéressé, à l’exception de l’adjudicataire.
L’annulation a pour effet d’invalider la procédure à partir de l’audience éventuelle ou postérieurement à celle-ci selon les causes de l’annulation. » ;
Attendu qu’il résulte de ce texte que le recours en annulation contre un jugement d’adjudication en matière de saisie immobilière n’est possible que dans un délai de quinze jours suivant l’adjudication ;
Attendu en l’espèce, que l’adjudication querellée a eu lieu le 31 octobre 2019 ; qu’en application des dispositions des articles 313 et 335 de l’Acte uniforme susvisé, les parties ont jusqu’au 15 novembre 2019 inclus pour exercer leur recours ;
Or attendu que l’UATT-SA et monsieur Y C n’ont introduit leur recours qu’à la date du 18 novembre 2019, soit plus de quinze jours à compter du jugement d’adjudication attaqué ; qu’en application desdites dispositions, il convient de déclarer l’action en annulation du jugement d’adjudication n°970 du 31 octobre 2019 rendu par le Tribunal de grande instance de la Commune II du district de Bamako introduite par l’'UATT-SA et monsieur Y C irrecevable comme formée hors délai ;
Sur les dépens
Attendu que l’UATT-SA et monsieur Y C ayant succombé, seront condamnés aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
Ordonne la jonction des procédures sous le numéro 251/2020/PC du 09 septembre 2020 et sous le numéro 308/2020/PC du 15 octobre 2020 ;
Déclare irrecevable le pourvoi n°308/2020/PC du 15 octobre 2020 ;
Déclare par contre recevable le pourvoi n°251/2020/PC du 09 septembre 2020 ;
Casse et annule le jugement n°218/JGT rendu le 21 mai 2020 par le Tribunal de grande instance de la Commune III du district de Bamako ;
Evoquant :
Déclare irrecevable l’action en annulation du jugement d’adjudication introduite par l’UATT-SA et monsieur Y C ;
Les condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier