ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Deuxième chambre
Audience publique du 28 octobre 2021
Pourvoi : n° 095/2018/PC du 30/03/2018
Affaire : Am Ai Af
(Conseil : Maître Jean-Luc Dieudonné VARLET, Avocat à la Cour)
Contre
Madame C Ac B
(Conseil : Maître BAGUY LANDRY Anastase, Avocat à la Cour)
Arrêt N° 157/2021 du 28 octobre 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 28 octobre 2021 où étaient présents :
Messieurs : Robert SAFARI ZIHALIRWA, Président,
Djimasna N’DONINGAR, Juge
Birika Jean Claude BONZI, Juge, rapporteur
Armand Claude DEMBA, Juge
Mounetaga DIOUF Juge
et Maître Koessy Alfred BADO, Greffier ;
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans le 30 mars 2018 sous le n°095/2018/PC et formé par Maître Jean-Luc Dieudonné VARLET, Avocat à la Cour, demeurant au 29 boulevard Clozel, Immeuble TF, 2°"° étage, Porte 2C, 25 BP 7 Ag 25, agissant au nom et pour le compte de la Société Afriland First Bank Côte d’Ivoire, ayant son siège social à Ag Ah, Avenue Noguès Immeuble Woodin Center, 01 BP 6928 Ag 01, dans la cause qui les oppose Madame C Ac B, demeurant à Ag Ab, zone industrielle, ayant pour conseil Maître BAGUY Landry Anastase,
Avocat à la Cour, demeurant à Cocody, Ad Ak AAd IT), Rue dénommée Al Aj, Villa n°525, face à la station Ai Ae,
en cassation de l’arrêt n°487 rendu le 28 juillet 2017 par la Cour d’appel de d’Ag et dont le dispositif est le suivant :
« statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale, sur appel et en dernier ressort
EN LA FORME
Reçoit madame C Ac B en son appel ;
AU FOND
L’y dit partiellement fondée ;
Infirme partiellement le jugement attaqué ;
Statuant à nouveau
Déclare que la parcelle de terrain située à Ag Aa zone 3, d’une superficie de 1860 m°, objet du titre foncier n°30630 de Bingerville est la propriété de madame C Ac B ;
Ordonne distraction dudit immeuble de la saisie survenue ;
Dit qu’il est sursis à la continuation des poursuites ;
Déboute par contre madame C Ac B du surplus de ses prétentions ;
Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;
Condamne les intimées aux dépens. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent Arrêt ;
Sur le rapport de monsieur Birika Jean Claude BONZI, juge ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’'OHADA ;
Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que Madame C Ac B avait saisi le Tribunal de première instance d’Ag d’une demande de distraction d’un immeuble dont elle revendique la propriété ; que cet immeuble s’était trouvé impliqué dans une procédure de saisie de bail emphytéotique engagée par la société Afriland First Bank SA contre son débiteur, la société COME ENTREPRISE SA, au profit de laquelle la société ivoirienne de réalisations immobilières, elle-même venant aux droits de la société ivoirienne de gestion du patrimoine ferroviaire, avait constitué ledit bail ; que par jugement n° 309 du 16 mars 2015, le tribunal donnait acte à Madame C Ac B de sa renonciation à sa requête, puis déclarait irrecevable sa demande d’ajournement de l’audience d’adjudication ; que celle-ci relevait appel de cette décision devant la Cour d’appel d’Ag ; que la Cour d’appel infirmait le jugement entrepris et déclarait l’immeuble litigieux, propriété de Madame C Ac B, puis ordonnait la discontinuation des poursuites, par l’arrêt n° 87 du 28 juillet 2017 dont pourvoi ;
De la recevabilité du pourvoi
Attendu que Madame C Ac B demande à la Cour de déclarer irrecevable le pourvoi formé par la société Afriland First Bank SA pour violation de l’article 28 du Règlement de procédure de la Cour de céans, en ce que, d’une part, celle-ci n’a pas précisé la date à laquelle l’arrêt attaqué lui a été signifié, d’autre part, le pourvoi n’a pas indiqué les nom, prénoms et domicile des autres parties à la procédure devant la Cour d’appel ;
Mais attendu, s’agissant de la fin de non-recevoir, que la mention de la date de signification de l’arrêt est exigée aux fins de permettre à la Cour de s’assurer que le pourvoi a été formé dans le délai requis et ne peut être sanctionnée par l’irrecevabilité que suite à une demande de régularisation non satisfaite ; que l’exploit de signification de l’arrêt attaqué auquel la Cour a eu égard étant produit au dossier, cette branche de la fin de non-recevoir ne saurait prospérer ; que relativement à la deuxième branche, ces prescriptions faites aux fins de la notification du recours aux soins du greffe de la Cour de céans sont apparues sans intérêt, dès lors que lesdites parties n’ont ni participé aux débats au cours de l’instance devant la juridiction de fond, ni été visées dans le dispositif de la décision attaqué ; qu’elles n’ont donc pas pu acquérir la qualité de parties au litige devant cette juridiction ; que, de ce fait, l’on ne saurait reprocher au recourant de ne les avoir pas mentionné dans son pourvoi ; que la fin de non-recevoir de Madame C Ac B est alors mal fondée, et par conséquent, le pourvoi de la société Afriland First Bank SA est recevable ;
Sur le premier moyen de cassation, tiré de la violation de l’article 300 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUPSRVE)
Attendu que la société Afriland First Bank SA fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré l’action de Madame C Ac B recevable, aux motifs que la demande de distraction de l’immeuble dont celle-ci revendique la propriété infère que la contestation porte sur un moyen de fond tiré de la propriété du bien saisi, alors, selon le moyen, qu’au sens de la disposition visée, ce n’est pas le contenu du moyen soulevé qui importe, mais les motifs de la décision déférée ; que le jugement du Tribunal de première instance d’Ag,
frappé d’appel, ne s’est pas prononcé sur une question de propriété, mais s’est limité à donner acte à Madame C Ac B de sa renonciation à la demande de distraction qu’elle avait préalablement formulée ; que ce faisant, en application de l’article 300 de l’AUPSRVE, un tel jugement ne peut faire l’objet d’appel ;
Mais attendu que, s’il est vrai que pour l’application de l’article 300 de l’AUPSRVE, les cas ouvrant droit à appel s’apprécient, non pas à partir des moyens de l’appelant, mais plutôt du dispositif de la décision attaquée, il n’en demeure pas moins que dans le cas d’espèce, il ne résulte nullement des conclusions rectificatives invoquées, une quelconque renonciation de dame C à sa demande de distraction du bien dont elle revendique la propriété ; que cela étant, le premier juge était tenu de répondre à la demande de distraction qui lui a été formulée, donc, de statuer sur la propriété revendiquée de l’immeuble ; que la question de la propriété étant dans l’objet même de sa saisine, le fait pour le premier juge de n’y avoir pas donné suite, alors qu’il y était tenu, ouvre droit à appel qui a pour conséquence, en raison de l’effet dévolutif, de porter de nouveau la même question à la Cour d’appel, laquelle est tenue de la trancher ; que c’est alors à bon droit que la Cour d’appel a jugé l’appel de Madame C Ac B recevable ; que ce moyen apparaît donc mal fondé ;
Sur le deuxième moyen de cassation, tiré de la violation de l’article 308 de l’AUPSRVE et 3 du Code de procédure civile de la Côte d’Ivoire
Attendu que le demandeur au pourvoi reproche à la Cour d’appel d’Ag d’avoir attribué la propriété de l’immeuble querellée à Madame C Ac B, alors, selon le moyen, que l’état foncier, pièce d’identité du terrain délivré par le conservateur renseigne que ledit terrain appartient toujours à l’Etat de Côte d’Ivoire ; que la propriété de ce dernier, incontestée à ce jour, s’impose à tous ; que ce droit de propriété ne peut se voir évincé par les actes administratifs provisoires, non-inscrits au livre foncier, que Madame C Ac B a produits ; que celle-ci ne pouvant, de ce fait, pas être regardée comme propriétaire du terrain, elle ne pouvait exercer avec succès, ainsi que l’a jugé la Cour d’appel, une action en distraction ;
Attendu qu’aux termes de l’article 308 de l’AUPSRVE «le tiers qui se prétend propriétaire d’un immeuble saisi et qui n’est tenu ni personnellement de la dette ni réellement sur l’immeuble, peut, pour le soustraire à la saisie, former une demande en distraction avant l’adjudication dans le délai prévu par l’article 299 alinéa 2 ci-dessus.
Toutefois, la demande en distraction n’est recevable que si le droit foncier de l’Etat partie dans lequel est situé l’immeuble consacre l’action en revendication ou toute autre action tendant aux mêmes fins. » ;
Attendu que, usant de son pouvoir d’appréciation des éléments de preuve produits au soutien de chacune des prétentions, la Cour d’appel a pu parvenir à la constatation « qu’il ne ressort pas du décret n° 95.683 du 06 septembre 1995 portant dévolution du patrimoine ferroviaire de l’Etat à la SIPF que l’immeuble litigieux est la propriété de la SIPF… », et qu’en revanche, les documents produits par Madame C Ac B étaient de nature à lui attribuer les droits de propriété sur le terrain querellé ; que par suite, le moyen qui tend à remettre en cause ce pouvoir propre et souverain d’appréciation des juges du fond en matière de preuve, est irrecevable ;
Sur le troisième moyen de cassation, tiré du « défaut de base légale pour insuffisance de motifs »
Attendu que la société Afriland First Bank SA fait grief à l’arrêt attaqué de s’être focalisée sur la question de la propriété de l’immeuble ; qu’elle a implicitement reconnue à Madame C Ac B ladite propriété, en déclarant l’action en distraction de celle-ci fondée, en ce qu’elle n’est tenue de la dette dont le recouvrement est poursuivi, ni personnellement, ni sur l’immeuble litigieux, alors, selon le moyen, que la saisie poursuivie n’avait aucune incidence sur la propriété de l’immeuble ; qu’elle tendait uniquement à réaliser l’hypothèque portant sur le bail emphytéotique dont elle est bénéficiaire ; que de ce fait, la propriété de l’immeuble ne subit aucun transfert ni mutation ; que dans ces conditions, Madame C Ac B n’était fondée à exercer qu’une action en revendication à l’encontre de la société ivoirienne de gestion du patrimoine ferroviaire, laquelle a conclu un bail emphytéotique avec la société ivoirienne de réalisation immobilière, sur lequel cette dernière lui a consenti une hypothèque en garantie de la dette de la société COME ENTREPRISE contractée auprès d’elle ;
Attendu que le moyen, tel qu’articulé, manque de clarté dans la mesure où il invoque deux cas d’ouverture envisagés distinctement par le Règlement de procédure de la Cour de céans de sorte qu’il est impossible à la Cour de mettre en lien le grief articulé avec celui du cas d’ouverture que le recourant entend invoquer ; qu’au bénéfice de tout ce dessus, il échet de le déclarer irrecevable ;
Attendu qu’aucun moyen n’ayant prospéré, le pourvoi mérite rejet ;
Sur les dépens
Attendu que la société Afriland First Bank SA succombant, sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement après en avoir délibéré,
En la forme :
Reçoit le pourvoi ;
Au fond :
Le rejette ;
Condamne la société Afriland First Bank SA aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier