ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Deuxième chambre
Audience publique du 28 octobre 2021
Pourvoi : n° 363/2020/PC du 02/12/2020
Affaire : PRUDENTIAL BENEFICIAL INSURANCE S.A. anciennement
dénommée BENEFICIAL GENERAL INSURANCE
(Conseil : Maître Henri JOB, Avocat à la Cour)
Contre
AFRIQUE CONSTRUCTION S.A.
(Conseil : Maître Charles TCHUENTE, Avocat à la Cour)
Arrêt N° 167/2021 du 28 octobre 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 28 octobre 2021 où étaient présents :
Messieurs : Robert SAFARI ZIHALIRWA, Président
Djimasna N’DONINGAR, Juge
Birika Jean Claude BONZI, Juge
Armand Claude DEMBA, Juge, rapporteur
Mounetaga DIOUF, Juge
et Maître Koessy Alfred BADO, Greffier ;
Sur le renvoi, par arrêt n°39/CIV du 02 mai 2019 de la Chambre judiciaire, Section Civile, de la Cour suprême du Cameroun, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, de l’affaire enregistrée au greffe de la Cour de céans le 02 décembre 2020 sous le n° 363/2020/PC, et opposant BENEFICIAL GENERAL INSURANCE, ayant pour conseil Maître Henri JOB, Avocat à la Cour, cabinet sis au Boulevard de la République, Immeuble Stamatiades, BP 5482, Aa, Cameroun, à la société AFRIQUE CONSTRUCTION S.A., ayant pour conseil Maître Charles TCHUENTE, Avocat à la Cour, cabinet sis au n° 110 Vallée des Ministres, Ab, Aa,
en cassation de l’arrêt n° 160/CIV, rendu le 02 novembre 2016 par la Cour d’appel du Littoral, dont le dispositif est le suivant :
« statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière de contentieux de l’Exécution, en appel et en dernier ressort ;
En la forme :
Reçoit l’appel de la société BENEFICIAL GENERAL INSURANCE ;
Au fond :
Confirme l’ordonnance entreprise ;
Condamne la société BENFFICIAL GENERAL INSURANCE aux
La requérante invoque à l’appui de son recours les cinq moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent Arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Armand Claude DEMBA ;
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu, selon les énonciations de l’arrêt querellé, que par jugement n°499/COM du 21 octobre 2014, le Tribunal de Grande Instance du Wouri condamnait la société BENEFICIAL GENERAL INSURANCE à payer à la société AFRIQUE CONSTRUCTION S.A. la somme de 547.993.536 FCFA, assortie de l’exécution provisoire pour la somme de 231.493.950. FCFA ; qu’en exécution de cette décision, AFRIQUE CONSTRUCTION S.A. faisait pratiquer une saisie conservatoire de créances les 06 et 07 janvier 2016 entre les mains de plusieurs établissements bancaires de la ville de Aa, laquelle sera convertie en saisie-attribution par exploit du 08 janvier 2016 de l’huissier ayant instrumenté ; qu’en réaction, BENEFICIAL GENERAL INSURANCE saisissait le juge du contentieux de l’exécution du Tribunal de Grande Instance du Wouri pour contester, tant la saisie conservatoire de créances pratiquée que la conversion de saisie opérée « à son préjudice » ; que le premier juge joignait les deux procédures et vidait sa saisine par l’ordonnance n°743/PTGI/WDLA du 08 avril 2016 qui rejetait l’action de la demanderesse ; qu’insatisfaite, BENEFICIAL GENERAL INSURANCE interjetait appel de cette décision devant la Cour du Littoral qui rendait l’arrêt confirmatif n° 160/CIV du 02 novembre 2016, objet du présent pourvoi ;
Sur la seconde branche du premier moyen
Attendu qu’il est fait grief à la cour d’appel d’avoir violé l’article 7 de la loi camerounaise n°2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire, en ce qu’elle a reçu des conclusions émanant d’avocats étrangers à la procédure, en l’occurrence la SCP MUNA MUNA et Maitre NDOUMBE et associés, tout en fixant une audience à la date du 06 avril 2016 alors, selon le moyen, que jamais la société BENEFICIAL GENERAL INSURANCE n’a été convoquée à une telle audience et que, surtout, les conclusions susdites ne lui ont jamais été communiquées ; qu’ainsi, en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé aussi bien le texte visé au moyen que le principe du contradictoire attaché à toutes les procédures et les droits de la défense de l’appelante ; que son arrêt encourt cassation ;
Attendu qu’aux termes de l’article 7 de la loi camerounaise n°2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire, « toute décision judiciaire est motivée en fait et en droit. L’inobservation de la présente disposition entraine nullité d’ordre public de la décision » ; qu’en sa première page, la lecture de l’arrêt dont s’agit renseigne nettement que les parties litigantes en la présente cause sont indubitablement la société BENEFICIAL GENERAL INSURANCE, appelante, et la société AFRIQUE CONSTRUCTION S.A., intimée, assistées respectivement de Maîtres Henri JOB et Charles TCHUENTE, tous deux Avocats à la Cour ; que contre toute attente, aux pages 12, 13 et 14, sont mentionnés d’autres avocats et une autre partie : la SCP MUNA MUNA, Maitre NDOUMBE et associés et un «intimé » ; que tous sont inconnus de la société BENEFICIAL GENERAL INSURANCE qui n’a même pas reçu communication de leurs conclusions ; que par ailleurs, il est établi que le juge d’appel a évoqué une audience du 06 avril 2016 dont il n’est pas prouvé que l’appelante y a pris part ou, tout au moins, y a été régulièrement appelée; que dans le sens de la disposition visée au moyen, tout arrêt qui fonde sa décision sur des données matérielles et des parties étrangères au dossier équivaut à une décision non motivée ; qu’il s’en infère qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a commis le grief allégué ; qu’il échet de casser l’arrêt attaqué de ce seul chef, avant d’évoquer sur le fond ;
Sur l’évocation
Attendu que par requête enregistrée le 15 avril 2016, la société BENEFICIAL GENERAL INSURANCE a relevé appel de l’ordonnance n°743/PTGI/WDLA, rendue le 08 avril 2016 par le juge du contentieux de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance du Wouri, à Aa, et dont le dispositif est ainsi conçu :
« PAR CES MOTIFS Statuant en chambre de conseil, comme juge du contentieux de l’Exécution, contradictoirement à l’égard des parties, en premier ressort,
Rejetons comme non fondée la fin de non-recevoir soulevée par la société BENFFICIAL GENERAL INSURANCE ;
Recevons l’action introduite par la demanderesse ;
Disons cependant non fondée la demande en nullité du procès-verbal de saisie conservatoire de créances et l’exploit de conversion de cette saisie en saisie- attribution des 06 et 07 janvier 2016 du ministère de Maitre YOSSA ;
La rejetons en conséquence ;
Disons notre ordonnance exécutoire par provision et avant tout enregistrement… » ;
Attendu qu’au soutien de son appel, la société BENEFICIAL GENERAL INSURANCE demande à la Cour :
- d’infirmer intégralement l’ordonnance susdite ;
- de constater, statuant de nouveau, que la saisie conservatoire de créances des 06 et 07 janvier 2016 a été pratiquée en violation de l’article 54 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution ;
- de constater également que l’acte de conversion de ladite saisie en saisie- attribution de créances du 08 janvier 2016 a omis des mentions prescrites à peine de nullité par l’article 82, alinéa 5, du même Acte uniforme ;
- d’ordonner en conséquence la mainlevée ;
Attendu qu’en réponse, la société AFRIQUE CONSTRUCTION S.A. conclut à la confirmation pure et simple de l’ordonnance dont appel ;
Attendu que les pièces de la procédure comportent des écritures émanant de la SCP MUNA MUNA, de Maitre NDOUMBE, Avocat et associés et d’un supposé « intimé », tous étrangers à la présente affaire ; qu’il y a lieu de les écarter purement et simplement ;
Sur la nullité de la saisie conservatoire
Attendu qu’aux termes de l’article 54 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, toute personne dont la créance parait fondée en son principe peut, par requête, solliciter de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où se trouve le débiteur, l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur tous les biens mobiliers corporels ou incorporels de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances de nature à en menacer le recouvrement ;
Attendu que la société BENEFICIAL GENERAL INSURANCE fait grief à l’ordonnance appelée d’avoir rejeté sa demande d’annulation de l’acte de saisie conservatoire des 06 et 07 janvier 2016, alors même que, d’une part, la société AFRIQUE CONSTRUCTION S.A. a pratiqué cette saisie sans justifier de circonstances de nature à menacer le recouvrement de sa créance au sens de l’article 54 précité et, d’autre part, elle est une société notoirement solvable ;
Mais attendu que l’article 55 du même Acte uniforme dispose, quant à lui, qu’une autorisation préalable de la juridiction compétente n’est pas nécessaire lorsque le créancier se prévaut d’un titre exécutoire ; qu’en la présente cause, le premier juge a retenu que « la saisie querellée a pour fondement la grosse en forme exécutoire du jugement n°499/COM rendu le 21 octobre 2014 par le Tribunal de Grande Instance du Wouri ; que dans le cas d'espèce, le créancier n’a pas à justifier que le recouvrement de sa créance est en péril » ; qu’en statuant de la sorte, il n’a donc pas commis le grief allégué ; que ce premier moyen d’appel est donc infondé et mérite le rejet ;
Sur la nullité de l’acte de conversion
Attendu que, selon l’article 82, alinéa 5, de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, muni d’un titre exécutoire constatant l’existence de sa créance, le créancier signifie au tiers saisi un acte de conversion qui contient, à peine de nullité, une demande de paiement des sommes précédemment indiquées à concurrence de celles dont le tiers s’est reconnu ou a été déclaré débiteur ;
Attendu que l’appelante reproche au premier juge d’avoir rejeté sa demande alors que cette exigence n’a pas été respectée par la société AFRIQUE CONSTRUCTION S.A. ;
Mais attendu que le juge a rejeté ladite demande en retenant que « l'exploit querellé ne recèle aucun vice » et qu’il en ressort que « l'officier ministériel a requis les banques d’avoir à payer le montant de 242.837.946 FCFA dument détaillé » ; qu’en effet, les pièces du dossier établissent sans ambiguïté qu’aucun des tiers saisis n’a cru devoir révéler le solde des comptes du débiteur ; que l’huissier, qui n’est donc en rien comptable de l’obligation de réponse sur le champ ou au plus tard dans les cinq jours à laquelle ils sont tenus, s’est régulièrement acquitté de la formalité requise à l’article 82 de l’Acte uniforme précité ; qu’il s’en infère qu’il a été bien jugé et que ce second moyen d’appel doit être rejeté ;
Attendu que les deux moyens d’appel ayant été dits infondés, l’ordonnance entreprise est confirmée en toute ses dispositions ;
Sur les dépens
Attendu que la société BENFEFICIAL GENERAL INSURANCE, ayant succombé, sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l’arrêt n° 160/CIV, rendu le 02 novembre 2016 par la Cour d’appel du Littoral ;
Evoquant et statuant sur le fond :
- Confirme l’ordonnance n°743 rendue le 08 avril 2016 par le Juge du contentieux de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance du Wouri ;
- Condamne la société PRUDENTIAL BENEFICIAL INSURANCE S.A, anciennement dénommée B GENERAL A, aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier