ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Troisième chambre
Audience publique du 28 octobre 2021
Pourvoi :n° 039/2021/PC du 10/02/2021
Affaire : Société Radio Nostalgie dite B
(Conseils : Maître Mame Adama GUEYE & Associés, Avocats à la Cour)
Contre
Monsieur Ae C
(Conseil : Maître Alassane CISSE, Avocat à la Cour)
Arrêt N° 179/2021 du 28 octobre 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Troisième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 28 octobre 2021 où étaient présents :
Messieurs Mahamadou BERTE, Président
Fodé KANTE, Juge, rapporteur
Arsène Jean Bruno MINIME, Juge
Mariano Esono NCOGO EWERO, Juge
Sabiou MAMANE NAISSA, Juge
et Maître Kouamé Louis HOUNGBO, Greffier ;
Sur le renvoi enregistré sous le n°039/2021/PC du 10 février 2021, fait en vertu de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, par ordonnance n°37 du 29 juillet 2019 rendue par la Cour suprême du Sénégal, du pourvoi formé par Maître Mame Adama GUEYE et Associés, Avocats à la Cour, Société Civile Professionnelle d’Avocats, 28, Rue Ab Aa Y à Dakar, agissant au nom et pour le compte de la Société Radio Nostalgie dite SORANO SA, ayant son siège social à Dakar, SICAP Mermoz VDN, poursuites et diligences de son représentant légal en ses bureaux au siège de la société, lequel fait élection de domicile en l’étude de Maître Mame Adama GUEYE & Associés, dans la cause l’opposant à monsieur Ae C, demeurant à Dakar, Lot R130, SICAP KEUR GORGUI, défendeur au pourvoi, ayant pour conseil Maître Alassane CISSE, avocat à la Cour à Dakar, 103 Avenue PEYTAVIN,
en cassation de l’arrêt n°177 rendu le 03 mai 2017, par la cour d’appel de Dakar et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en référé et en dernier ressort ;
En la forme :
Déclare l’appel recevable ;
Au fond :
Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Condamne l’appelante aux dépens. » ;
La requérante invoque à l’appui de son recours le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent Arrêt ;
Sur le rapport de monsieur Fodé KANTE, Juge ;
Vu les articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu, selon les énonciations de l’arrêt attaqué, que par un protocole d’accord, dont les stipulations sont principalement destinées à donner un nouvel essor à une Ad X, propriété de la Société Radio Nostalgie dite la SORANO SA dont il est actionnaire et Président directeur général, monsieur Ac A s’est lié, au nom de son entité, à monsieur Ae C ; que ce dernier, soutenant avoir exécuté les obligations mises à sa charge, dès la signature dudit protocole, et que la SORANO SA rechignait quant à elle, à exécuter les siennes, assignait celle-ci devant le juge des référés du Tribunal de grande instance hors- classe de Dakar, pour la voir condamner à exécuter lesdites obligations sous astreinte ; que ce juge ayant accédé à ladite demande, la SORANO SA relevait appel devant la chambre des procédures accélérées de la Cour d’appel de Dakar, laquelle rendait l’arrêt dont pourvoi ;
Sur le moyen unique de cassation tiré de la violation de la loi
- Première branche :
Attendu qu’en sa première branche, le moyen invoque la violation de l’article 247 du code de procédure civile du Sénégal, en ce que, la Cour d’appel, pour imputer à la demanderesse au pourvoi un manquement à ses obligations contractuelles, a interprété le protocole d’accord signé par les parties, puis vérifier au préalable si monsieur Ae C a exécuté ses propres obligations et, par là même, a tranché au fond, alors que, suivant l’article 247 précité, le juge des référés ne peut ordonner que des mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou qui ne touchent pas au fond ; que pour la SORANO SA donc, la chambre des procédures accélérées de la Cour d’appel de Dakar ayant tranché alors qu’il y a une contestation sérieuse, et à la suite d’une interprétation des stipulations contractuelles, l’arrêt entrepris aurait méconnu la compétence du juge du fond, et par suite encourt la cassation ;
Attendu qu’aux termes de l’article 247 du code de procédure civile visé au moyen, « dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal peut, à titre provisoire, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. » ; qu’il s’en induit que le juge des référés ne peut connaître d’une affaire que dans des hypothèses bien déterminées, qui sont les limites de ses pouvoirs, à savoir : l’urgence, le trouble manifestement illicite, le dommage imminent, les mesures provisoires que justifie l’existence d’un différend, et l’exécution d’une obligation non sérieusement contestable ; qu’il lui est notamment interdit de connaître d’une affaire, lorsqu’il y a une contestation sérieuse, et surtout lorsqu’il doit être amené à trancher une question de fond ;
Qu’en l’espèce, pour statuer comme elle l’a fait, la Cour d’appel a retenu : «(...) qu’il résulte ainsi de ces stipulations que l'exécution des engagements du cédant, qui est la société Radio Nostalgie Sorano SA, n’est pas soumise à une quelconque contrepartie préalable à apporter par le cessionnaire, qui est Ae C, mais, dans le premier cas, est due « dès à présent » en d’autres termes immédiatement, et, dans le deuxième cas, « à compter de la signature du présent », en d’autres termes du protocole d'accord ;
Que de plus l'accueil d’un nouvel associé dans le capital de la société ne constitue pas une cession de la société, ni même de la radio qui demeure la propriété de la même société Radio Nostalgie Sorano SA ; » ;
Attendu qu’il ressort des énonciations qui précèdent que la cour d’appel a commis le grief allégué au moyen en sa première branche ; que celle-ci étant bien fondée, il y a lieu pour la Cour de casser l’arrêt attaqué sans avoir à examiner les autres branches du moyen unique de cassation, et d’évoquer l’affaire sur le fond conformément aux dispositions de l’alinéa 5 de l’article 14 du Traité ;
Sur l’évocation
Attendu que suivant exploit servi le 19 octobre 2016 par Maître Adama DIA, Huissier de justice à Dakar, la Société Radio Nostalgie dite la SORANO SA interjetait appel de l’ordonnance de référé n°1257 rendue le 17 octobre 2016 par le juge des référés du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Dakar pour voir statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel, infirmer l’ordonnance entreprise et statuant à nouveau dire et juger le juge des référés incompétent ; subsidiairement, débouter Ae C de ses demandes et dire qu’il n’y a pas lieu à référé, le condamner aux entiers dépens ;
Sur la recevabilité de l’appel
Attendu que la SORANO SA a relevé appel le 19 octobre 2016 de l’ordonnance de référés n°1257 rendue le 17 octobre 2016 ; que ce recours a été régulièrement formé et sera déclaré recevable ;
Sur la compétence du juge des référés
Attendu que par conclusions en date du 30 janvier 2017, l’appelante plaide l’infirmation de l’ordonnance entreprise et le rejet de l’action pour incompétence du juge des référés ou absence d’un cas de référés ;
Qu'elle soutient à l’appui de sa demande que le juge des référés était saisi pour une prétendue inexécution de sa part d’obligations qui résulteraient du protocole d’accord en date du 24 janvier 2016 qui la lie à Ae C alors que ledit protocole n’est pas un contrat de cession comme le croit le juge des référés ; qu’en outre, cet accord a mis à la charge de monsieur Ae C un certain nombre d’obligations à accomplir en vue de son intégration future dans le capital de la société, ce qui devrait faire l’objet d’un contrat ultérieur ; que le 17 octobre 2016, le juge des référés du Tribunal de Grande instance Hors Classe de Dakar rendait l’ordonnance n°1257 dont le dispositif suit :
« Statuant publiquement, en référé et en premier ressort ;
En la forme :
Déclarons l’action recevable ;
Au fond :
Ordonnons à la société Radio Nostalgie SORANO de mettre à la disposition du sieur Gueye, toutes les situations patrimoniales et financières permettant de bien appréhender la situation nette et la valeur de la société SORANO, entreprendre toutes les démarches administratives nécessaires pour l'intégration du sieur GUEYE dans le capital de ladite société et d’éponger les arriérés de salaire du personnel de Nostalgie, ce sous astreintes de la somme de 200.000 FCFA par jour de retard ; » ;
Attendu que par écritures en date du 28 février 2017, Ae C conclut à la confirmation de l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, et allègue à l’appui que l’ordonnance querellée a été rendue dans les limites de la compétence de la juridiction des référés, invoquant à cet effet les dispositions de l’article 249 du code de procédure civile ;
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux qui ont prévalu à la cassation de l’arrêt déféré, il y a lieu d’infirmer l’ordonnance n°1257 rendue le 17 octobre 2016 par le juge des référés du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Dakar en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, dire n’y avoir lieu à référé ;
Sur les dépens
Attendu que monsieur Ae C succombe et sera condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
Déclare le pourvoi recevable ;
Casse l’arrêt n°177 rendu le 03 mai 2017, par la cour d’appel de Dakar ;
Evoquant et statuant sur le fond,
Infirme l’ordonnance n°1257 rendue le 17 octobre 2016 par le juge des référés du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Dakar, en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Dit n’y avoir lieu à référé ;
Renvoie Ae C à mieux se pourvoir ;
Le condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier