ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(O.H.A.D.A)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(C.C.J.A)
Première chambre
Audience publique du 11 novembre 2021
Pourvoi : n° 069/2020/PC du 19/03/2020
Affaire : SCI LA DUNE D’ESTERIAS
(Conseils : Maître FATOU MAVIOGA ISSA, Avocat à la Cour)
Contre
Monsieur Ab X
(Conseil : Maître NZE Béranger du Cabinet NB-LEGAL, Avocat à la Cour) Arrêt N° 185/2021 du 11 novembre 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Première chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 11 novembre 2021 où étaient présents :
Messieurs : César Apollinaire ONDO MVE, Président, rapporteur
Fodé KANTE, Juge
Mesdames : Afiwa-Kindéna HOHOUETO, Juge
Esther Ngo MOUTNGUI IKOUE, Juge
Monsieur : Sabiou MAMANE NAISSA, Juge
et Maître : Jean Bosco MONBLE, Greffier ;
Sur le recours enregistré sous le n°069/2020/PC le 19 mars 2020, formé par la Maître Fatou MAVIOGA ISSA, Avocat au Barreau du Gabon, demeurant à Libreville, à l’Ancienne SOBRAGA, en face de l’Hôtel Palme d’Or, Rue Aa B, BP 6575 Libreville, Gabon, agissant au nom et pour le compte de la Société Civile Immobilière LA DUNE D’ESTERIAS, ayant son siège à Libreville au Carrefour GIGI d’Angondjé, BP 356 Libreville, dans la cause qui l’oppose à monsieur Ab X, demeurant à Libreville, BP 950, ayant pour conseil Maître NZE Béranger du Cabinet NB-LEGAL, Avocats au Barreau du Gabon, demeurant à Libreville, au 307, Rue Aa B, Ancienne SOGRAGA, derrière l’Ambassade du Cameroun, BP 143 Libreville,
en révision de l’Arrêt n°055/2020 rendu le 27 février 2020 par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l’arrêt n°33 du 25 juillet 2017 rendu par la quatrième chambre de la Cour d’appel judiciaire de Libreville ;
Evoquant et statuant sur le fond ;
Infirme en toutes ses dispositions le jugement n°3, rendu le 08 janvier 2016 par le Tribunal de première instance de Libreville ;
Statuant à nouveau :
- Ordonne la réintégration dans les lieux de sieur Ab X ;
- Condamne la SCI LA DUNE D’ESTERIAS au dépens. » ;
La requérante invoque à l’appui de son recours les moyens de révision tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent Arrêt ;
Sur le rapport de monsieur César Apollinaire ONDO MVE, Président ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu que, par Arrêt n°121/2021 du 24 juin 2021, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ouvrait, conformément aux dispositions des articles 49 et suivants de son Règlement de procédure, la procédure de révision contre son Arrêt n°055/2020 du 27 février 2020 ayant statué sur le recours enregistré à ce siège sous le n°053/2019/PC du 04 mars 2019, formé par sieur Ab X contre un Arrêt confirmatif de la Cour d’appel de Libreville du 25 juillet 2017 ; qu’il est expressément fait renvoi aux Arrêts susvisés pour l’exposé plus ample des faits de la cause, des moyens et des prétentions respectives des parties ;
Sur la révision de l’Arrêt n°055/2020 du 27 février 2020
Vul’Arrêt n°121/2021 du 24 juin 2021 rendu par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, déclarant le recours en révision recevable en la forme ;
Attendu qu’au titre de ses observations postérieures à l’Arrêt n°121/2021 susvisé, la SCI LA DUNE D’ESTERIAS réitère ses moyens initiaux ; qu’elle précise que la Cour ignorait en rendant l’Arrêt querellé qu’une expertise faite à la requête du défendeur avait évalué le coût des investissements réalisés par ce dernier dans le local litigieux et que le rapport de l’expert avait été homologué par le Tribunal de première instance de Libreville ; que cela a créé une situation confuse dans les attentes du locataire qui demandait à la fois sa réintégration et le remboursement de ses impenses sous-entendant la résiliation du bail ; que par ailleurs, sieur Ab X a produit aux débats des copies de chèques supposés remis à son ancien bailleur, sieur A C qui n’a jamais encaissé lesdits titres sachant que les loyers ne lui étaient plus dus au terme de la cession de sa parcelle ; que c’est à tort que la Cour a considéré que les loyers avaient été payés ; que sieur Ab X n’a jamais payé de loyers entre ses mains pour la période allant de novembre 2013 à juin 2016 date de son expulsion ; que mieux, au mépris de la réglementation en la matière, l’intéressé a sous-loué les lieux sans autorisation du bailleur ; que la révision est encourue conformément à l’article 49 du Règlement de procédure de la CCJA ;
Attendu que bien qu’ayant été signifié de l’arrêt d’ouverture de la révision par l’entremise de son conseil, suivant acte du Greffier en chef n°404/2021/GC/adr du 22 juin 2021, sieur Ab X n’a fait aucune observation de fond au terme du délai qui lui a été imparti par la Cour de céans ;
Mais attendu qu’il est acquis au dossier que Ab X occupe les lieux en vertu du bail commercial signé avec sieur A C qui a cédé les lieux à la SCI LA DUNE D’ESTERIAS ; que devenue nouveau bailleur, la SCI LA DUNE D’ESTERIAS soutient que Ab X doit des loyers impayés ; qu’il n’appartient pas au bailleur de prouver que le loyer ne lui a pas été payé ; qu’il incombe au preneur de faire la preuve de ce paiement qui correspond à l’exécution de son principal engagement contractuel ; qu’il doit justifier d’un paiement régulier dudit loyer, en ce qu’il doit avoir été fait à bonne date et entre les mains du bailleur ; que cette preuve n’est pas rapportée en l’espèce ; que mieux, la demanderesse à la révision produit au dossier de la Cour un exploit d’huissier de justice en date du 21 décembre 2020 faisant foi jusqu’à inscription de faux, duquel il ressort que sans y avoir été autorisé par le bail, Ab X sous-loue les lieux à des tiers à des fins d’habitation ; qu’il viole ainsi de façon manifeste les dispositions de l’article 121 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général ;
Attendu qu’il appert de tout ce qui précède que si le non-respect des règles de formes relatives à la résiliation d’un bail commercial justifie l’irrégularité de la rupture dudit bail et l’expulsion du preneur, il ne saurait fonder la réintégration d’un preneur qui ne paie pas ses loyers et méconnait la destination des lieux loués telle qu’elle résulte du bail ; qu’il échet pour la Cour de céans de rétracter l’Arrêt n°055/2020 du 27 février 2020 et de procéder à un réexamen du recours enregistré à ce siège sous le n°053/2019/PC du 04 mars 2019 et formé par Ab X ;
Sur le recours en cassation formé par Ab X
Attendu que Ab X a formé un recours en cassation de l’arrêt n°33 du 25 juillet 2017 rendu par la Cour d’appel de Libreville, ayant confirmé en tous ses points le jugement rendu par le tribunal de Libreville le 8 janvier 2016 ; qu’il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que le 1 août 2009, Ab X a conclu un bail commercial avec Ac Aa A C d’une durée de trois ans, renouvelable par tacite reconduction, sur la parcelle n°26 Section YF1 du plan cadastral de Libreville ; que la SCI LA DUNE D’ESTERIAS ayant acquis ladite parcelle par acte notarié du 27 novembre 2013, assignait le 12 novembre 2015 Ab X par devant le Tribunal de Libreville qui ordonnait l’expulsion de ce dernier par jugement du 08 janvier 2016 ; que saisie par Ab X, la Cour d’appel judiciaire de Libreville rendait objet du pourvoi ;
Sur la compétence de la Cour de céans
Attendu que la SCI LA DUNE D’ESTERIAS a soulevé l’incompétence de la Cour à connaître du litige ; que cependant, le bail commercial visé par l’arrêt querellé étant régi par l’Acte uniforme portant droit commercial général, le litige relève bien de la compétence de la Cour et celle-ci se déclarera compétente ;
Sur le moyen unique tiré de la violation des dispositions de l’article 133 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général
Attendu que le demandeur fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé le texte visé au moyen, en ce que la cour d’appel a confirmé la décision ordonnant son expulsion alors que, par l’acquisition de la parcelle n°26 de la section YE1, la SCI LA DUNE D’ESTERIAS était devenue son nouveau bailleur et se devait d’observer les règles relatives à la résiliation du bail professionnel fixée par l’Acte uniforme précité ;
Mais attendu que le preneur commercial protégé par la procédure de résiliation prévue par l’article 133 de l’Acte uniforme précité est celui qui est en règle vis-à-vis de ses engagements contractuels ; que pour les mêmes motifs que ceux justifiant la révision, il y a lieu pour la Cour de céans de rejeter le pourvoi en ce qu’il tend à la réintégration de Ab X dans les lieux loués ;
Sur les dépens
Attendu que le demandeur succombant, sera condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rétracte l’ Arrêt n°055/2020 rendu par ce siège le 27 février 2020 ;
Se déclare compétente ;
Rejette le pourvoi formé par Ab X contre l’arrêt n°33, rendu le 25 juillet 2017 par la Cour d’appel judiciaire de Libreville ;
Le condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier