ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Première chambre
Audience publique du 11 novembre 2021
Pourvoi : n° 370/2020/PC du 08/12/2020
Affaire : Société Générale de Surveillance SA (SGS)
(Conseils : Maîtres Mamadou Ismaila KONATE et Bakary DIALLO, Avocats à la Cour)
Contre
Etat Béninois
(Conseils : SCPA D2A et Maître Pacôme Clitandre KOUNDE, Avocats à la Cour)
Arrêt N° 192/2021 du 11 novembre 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 11 novembre 2021 où étaient présents :
Messieurs : César Appolinaire ONDO MVE, Président, rapporteur
Fodé KANTE, Juge
Mesdames : Afiwa-Kindéna HOHOUETO, Juge
Esther Ngo MOUTNGUI IKOUE, Juge
Monsieur : Sabiou MAMANE NAÏSSA, Juge
Maître : Jean Bosco MOBLE, Greffier
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans le 08/12/2020 sous le n°370/2020/PC et formé par Maître Mamadou Isamaila KONATE et Bakary DIALLO, Avocats à la Cour, demeurant respectivement à Hamdallaye ACI 2000, Immeuble D&D, 03 BP 171 Bamako, Rue 203, porte 327, Bamako-Mali et au 50, Avenue des Champs-Elisées, 75008 Paris, agissant au nom et pour le compte de la Société Générale de Surveillance S.A (SGS), ayant son siège social au 1, Place des Allpes, 1211 Genève, Suisse, dans la cause qui l’oppose à l’Etat béninois, représenté par Monsieur l’Agent Judiciaire du Trésor, ayant ses Bureaux dans les locaux de la Direction Générale du Trésor et de la Comptabilité Publique sur la route de l’Ae Ab Aj Ad A à Cotonou, 01 BP 410, Recette Principal de Cotonou, ayant pour conseils, la SCPA D2A et Maître Pacôme Clitandre KOUNDE, Avocats à la Cour, demeurant respectivement au lot 957 Ai Ah, porte 1045, immeuble Fifamin, 01 BP 4452 Cotonou et au lot 1409 Aa 2, immeuble Salanon, face à la cité Aa, … 175 Ac Af, Cotonou-Bénin,
en rectification de l’ Arrêt n°068/2020 rendu le 27 février 2020 par la Cour Commune de Justice et d’Ak dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement après en avoir délibéré,
Casse l’arrêt n°098 rendu le 21 septembre par la Chambre commerciale de la Cour d’appel de Ag ;
Evoquant,
Reçoit le recours en annulation formé par l’Etat du Bénin ;
Annule la sentence partielle rendue le 06 avril 2018 par le Tribunal arbitral constitué sous l’égide de la Cour Internationale d’arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale ;
Condamne la Société SGS SA aux dépens… »
Sur le rapport de monsieur César Apollinaire ONDO MVE, Président ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les moyens de rectification tels qu’ils figurent dans la requête jointe au présent Arrêt ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’'OHADA ;
Attendu qu’il ressort du dossier de la procédure que statuant sur le recours enregistré à ce siège sous le numéro 077/2019 du 21 mars 2019, formé par la République du Bénin, en cassation d’un arrêt rendu le 21 septembre 2018 par la Cour d’appel de Ag, dans le différend qui l’oppose à la Société Générale de Surveillance SA, en abrégé SGS, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage rendait l’Arrêt n°068/2020 du 27 février 2020 sus-rapporté ; que se fondant sur les dispositions de l’article 45 Ter du Règlement de procédure de la CCJA et la jurisprudence de ladite Cour, la SGS sollicite la rectification dudit Arrêt, par sa rétractation et conséquemment, un nouvel examen du pourvoi formé par la République du Bénin devant aboutir au rejet de celui-ci comme étant mal fondé ; qu’au soutien de cette demande, la requérante expose ce qui suit :
«(...) Dans le cas en l’espèce, la CCJA a fondé sa décision sur un argumentaire principal, celui de la violation du principe de l’autorité de la chose jugée. En effet, elle considère que le jugement n°002/1 ère CH-ADM-17 rendu le 13 février 2017 par la Chambre Administrative du Tribunal de Première Instance de Cotonou ayant autorité de la chose jugée, la sentence arbitrale rendue le 06 avril 2018 portant sur le même objet, entre les mêmes parties et dans la même cause, viole l'ordre public international et constitue un cas d'ouverture à annulation de ladite sentence. Autrement dit, le fait que la sentence arbitrale attaquée se soit prononcée sur une question déjà tranchée par le juge étatique, même en violation de la clause compromissoire contenue dans le contrat ainsi annulé, porte atteinte au principe de l’autorité de la chose jugée et doit être sanctionné par son annulation pour violation de l'ordre public international.
Ce n’est pas le cas puisque cette décision de la Cour a occulté plusieurs réalités aussi bien factuelles que juridiques qui, si elles avaient été prises en compte, auraient permis de rendre une décision différente de celle qui a été rendue. On rappellera ainsi que le jugement n°002/1°° CH-ADM-17 rendu le 13 février 2017 par la Chambre administrative du Tribunal de première instance de Cotonou était frappé d’appel au moment où la CCJA a statué et qu’aujourd’hui, l’arrêt de Cour d’appel de Cotonou confirmant ce jugement fait l’objet d’un recours en cassation devant la présente Cour.
Par conséquent, il plaira à la Cour de dire et juger recevable la présente requête formulée par la SGS Société Générale de Surveillance S. A. (SGS).
Sur l'erreur d'appréciation manifeste de la cour
Il est principalement fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir annulé la sentence partielle rendue le 06 avril 2018 par le tribunal arbitral constitué sous l’égide de la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale et d'avoir considéré que le Tribunal de première instance de Cotonou ayant déjà annulé l’ensemble du contrat de marché n°408/MEFDD/DNCMP par une décision exécutoire, toute sentence qui tire un avantage ou qui va en sens contraire de cette décision viole l'ordre public international des Etats de l'OHADA ;
La motivation de la Cour a été la suivante : « suivant l’article 26.e de l’Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage, la contrariété d'une sentence arbitrale avec l’ordre public international constitue un motif d'annulation de celle-ci ; Attendu qu’il est constant en l'espèce que, saisie par requête en date du 26 décembre 2016 par la République du Bénin pour se prononcer sur la validité du contrat n°408/MEFDD/DNCMP conclu entre elle et la société SGS SA le 05 décembre.
Le Tribunal de première instance de Cotonou, constatant qu’aucune des parties n’avait soulevé l’exception d’incompétence, a annulé ledit contrat par jugement n°002/1 er CH-ADM-17 du 13 février 2017; que nonobstant l’appel relevé par la société SGS SA, ce jugement assorti de l'exécution provisoire bénéficie de l'autorité de la chose jugée tant qu'il n'est pas annulé; attendu que l’autorité de la chose jugée qui constitue un principe fondamental de la justice, en ce qu’il assure la sécurité d'une situation acquise, participe de l'ordre public international visé à l’article 26.e de l’Acte uniforme susvisé; qu’à ce titre, il s’oppose à ce que l'arbitre statue à nouveau dans la même cause opposant les mêmes parties et ayant le même objet ; qu’en conséquence, la sentence arbitrale partielle qui déclare compétent le tribunal arbitral pour statuer à nouveau sur une demande l’invitant à « constater que le contrat conclu le 05 décembre 2014 par la SGS SA et la République du Bénin est et demeure valable, lie effectivement cette dernière et que celle-ci n'en a pas respecté les termes », porte atteinte à l'ordre public international et doit être annulée ; Qu’il s’ensuit qu'en statuant ainsi qu'elle l’a fait, la Cour d’appel de Ag a violé le texte visé au moyen ; qu’il échet de casser l'arrêt et d'évoquer, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ».
Alors en premier lieu qu’il résulte de l’article 4 de l'Acte uniforme relatif à l’arbitrage que la convention d’arbitrage est indépendante du contrat principal ; qu’en statuant comme elle l’a fait dans l’arrêt attaqué, la CCJA viole l'article 4 de l’Acte uniforme dans sa version applicable au litige et méconnait le principe d’autonomie matérielle et juridique de la clause compromissoire ;
Alors en deuxième lieu qu’il résulte de l’article 4 de l’Acte uniforme que la validité de la convention d'arbitrage n'est pas affectée par la nullité du contrat et elle est appréciée d’après la commune volonté des parties, sans référence nécessaire à un droit étatique ; qu’en statuant comme elle l’a fait dans l’arrêt attaqué, la CCJA n’a pas non plus tiré les conséquences qui découlaient du principe compétence-compétence et a violé l'article 4 l’Acte uniforme dans sa rédaction applicable au litige.
Alors en troisième lieu que la rectification de l’arrêt du chef des deux premières branches du premier moyen entraînera par voie de conséquence sur le fondement de l'article 43 ter de son Règlement de procédure, la rétractation de l’arrêt déféré en ce qu'il a débouté la SGS SA de sa demande légitime d’indemnisation, nonobstant l’annulation du contrat par jugement n°002/1°° CH- ADM-17 du 13 février 2017 par le Tribunal de première instance de Cotonou statuant en matière administrative, entrainera la reconnaissance de l’efficacité de la sentence partielle arbitrale du 06 avril 2018 du tribunal arbitral en lui donnant tous effets, dont la condamnation de l’Etat béninois à verser à la SGS diverses indemnités réclamées à ce titre.
La survivance de la convention d’arbitrage à l’annulation du contrat
L’autonomie matérielle de la convention d’arbitrage
Le principe de l'autonomie matérielle de la convention d'arbitrage est repris expressément à l'article 4 de l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage qui dispose que : « La convention d'arbitrage est indépendante du contrat principal. Sa validité n'est pas affectée par la nullité de ce contrat et elle est appréciée d'après la commune volonté des parties, sans référence nécessaire à un droit étatique. » ;
L’accord compromissoire qu’il soit conclu séparément ou inclus dans l’acte juridique auquel il a trait, présente toujours, sauf circonstances exceptionnelles une autonomie matérielle et juridique excluant qu’il puisse être affecté par une éventuelle invalidité de l’acte.
Le principe de l’indépendance de la clause arbitrale est un principe de droit intemational de l’arbitrage, il est considéré comme une règle universelle, le législateur OHADA le considère comme absolu, la juridiction de céans à travers sa jurisprudence l'a érigé en principe essentiel de l'arbitrage.
Or, l’arrêt attaqué viole manifestement ces principes et procure le moyen aux Etats-parties de contourner allègrement les règles posées par l'article 2 de l'Acte uniforme sur l'arbitrabilité de certaines matières mais surtout constitue un dangereux précédent et ouvre une sérieuse brèche sur le sacro-saint principe de sécurité juridique dans tout l'espace OHADA.
L’arrêt querellé heurte frontalement l’ordre juridique OHADA.
La convention d’arbitrage revêt une autonomie par rapport au contrat principal qui la contient, ce qui permet de préserver la convention d’arbitrage des invalidités éventuelles qui pourraient affecter le contrat principal.
L’autonomie matérielle de la convention d’arbitrage entraîne des conséquences importantes. Ainsi, lorsque le litige entre les parties porte sur la nullité du contrat principal, il revient à l’arbitre de déterminer si le contrat de base est ou non nul et, le cas échéant, de prononcer cette nullité et statuer sur les conséquences de celle-ci à l'égard des parties.
A cet égard, la doctrine considère que l’autonomie de la convention d'arbitrage doit porter sur tous les vices que peut contenir le contrat principal. Par conséquent, même un contrat principal résilié ou résolu pourra être tranché par les arbitres.
Néanmoins, il existe tout de même une limite quant à l’autonomie de la convention d’arbitrage qui tient à l'intention des parties. Il faut que l’intention des parties à l’égard de la convention d'arbitrage vise à faire trancher tous les litiges par l’arbitre.
L’intention des parties est déterminante du champ d’intervention de l’arbitrage et de la compétence de l’arbitre.
L’autonomie juridique de la convention d’arbitrage
L’autonomie juridique de la convention d'arbitrage vise les règles qui gouvernent la convention proprement dite. L'autonomie juridique se distingue de l'autonomie matérielle qui consiste à envisager la convention d'arbitrage eu égard au contrat qui la contient.
L’Acte uniforme prévoit en son article 4 le principe de l’autonomie juridique étant donné qu'il dispose que la convention d'arbitrage : « est appréciée d'après la commune volonté des parties, sans référence nécessaire à un droit étatique. »
Ainsi, ce texte permet aux parties de soustraire la convention d’arbitrage à un droit national spécifique pour la soumettre au principe de l'autonomie de la volonté. Autrement dit, les règles portant sur la validité de la volonté des parties, la validité de la convention d'arbitrage, etc. ne seront pas spécialement les lois nationales mais peuvent être le droit d'un autre Etat.
La consécration injustifiée de la violation du principe de compétence- compétence
Le principe de l’autonomie de la convention d’arbitrage entretient des liens étroits avec le principe de compétence-compétence. Ce principe général du droit de l'arbitrage permet à l'arbitre de se prononcer sur sa propre compétence pour résoudre le litige. Les deux principes, bien que non identiques, sont pour autant complémentaires dans la mesure où ils fournissent au tribunal arbitral les outils nécessaires pour trancher un litige contractuel, de manière efficace et rapide, en minimisant l'intervention des juridictions étatiques au cours de la procédure d'arbitrage.
En l’espèce, la CCJA relève elle-même dans sa décision la concomitance des instances ayant donné lieu aux décisions critiquées. Elle relève expressément dans son arrêt « … que le 26 décembre 2016, l'Etat du Bénin a saisi le Tribunal de première instance de Cotonou statuant en matière administrative aux fins d'annulation du contrat n°408/MEFDD/DNCMP pour défaut d'objet; que la SGS SA a, pour sa part, saisi en date du 31 janvier 2017, la CCI d'une demande d'arbitrage ; que par jugement rendu le 13 février 2017, le Tribunal de première instance de Cotonou annulait le contrat n°408/MEFDD/DNCMP ; que par sentence partielle rendue le 6 avril 2018, le tribunal arbitral constitué sous l'égide de la CCI rejetait l'exception d'incompétence soulevée par l'Etat du Bénin … », Néanmoins, elle a cru devoir annuler une sentence arbitrale rendue en vertu d'une clause arbitrale contenue dans la convention liant les parties, sous prétexte que ladite convention avait déjà été annulée par un jugement ayant autorité de la chose jugée, alors qu'en présence d'une clause compromissoire elle n'était plus compétente pour statuer.
La Cour aurait dû sanctionner cet errement, pour rester dans le sillon jurisprudentiel qu'elle a elle-même tracé depuis longtemps « … qu'il résulte de tout ce qui précède, notamment des dispositions sus énoncées de l'article 13, alinéas 1 et 2, de l'Acte uniforme susvisé et de celles du point 6.4 du Protocole d'accord du 10 janvier 1996 que la juridiction compétente pour connaître de tout litige ou contestation pouvant provenir de l'application ou de l'interprétation du Protocole d'accord et de son annexe ne peut être qu'une juridiction arbitrale constituée sous l'égide de la Chambre de Commerce Internationale et devant fonctionner selon le Règlement d'arbitrage de cette dernière ; qu'en conséquence, toute juridiction étatique saisie d'un tel litige doit se déclarer incompétente … » ;
Quand bien même il aurait été argué de la nullité du contrat, il ne revenait pas ou pas plus au juge étatique de statuer sur le sort de la sentence rendue sur le fondement d'une clause compromissoire autonome. En effet, aux termes des dispositions combinées des articles 4 alinéas 1 et 2 et 13, alinéa 1 de l’Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage, « La convention d'arbitrage est indépendante du contrat principal. Sa validité n'est pas affectée par la nullité de ce contrat et elle est appréciée d'après la commune volonté des parties, sans référence nécessaire à un droit étatique », d’une part, le différend relevant de la compétence du tribunal arbitral qui est seule habilité à statuer sur toutes questions y ayant trait, d'autre part. Ainsi, le contentieux opposant les parties ne relevait nullement du tribunal de première instance de Cotonou, quand bien même la nullité du contrat de marché litigieux aurait été arguée.
Tel est au demeurant le sens de la jurisprudence de la Cour dans une affaire à l'occasion de laquelle elle avait retenu que « … le principe d'autonomie de la convention d'arbitrage, par rapport au contrat principal auquel elle se rapporte, impose au juge arbitral, sous réserve d'un recours éventuel contre sa sentence à venir, d'exercer sa pleine compétence sur tous les éléments du litige à lui soumis, qu'il s'agisse de l'existence, de la validité ou de l'exécution de la convention; qu'ainsi, en retenant sa compétence pour confirmer le jugement entrepris en toutes ces dispositions au motif que « … la Cour d'appel d'Abidjan a fait une mauvaise application des dispositions sus énoncées des articles 23 du Traité et 4 de l'Acte uniforme susvisés … » ;
La CCJA a fait une intéressante application du principe d'autonomie de la convention d'arbitrage par rapport au contrat principal dans une espèce où le contrat principal avait été anéanti d'un commun accord. Le différend né par la suite avait été porté devant le juge étatique. Pour rejeter le déclinatoire de compétence formulé par le défendeur, la Cour d'appel de Bamako avait jugé que « B Al C avait elle-même signé [ … ] l'annulation de la convention d'assistance technique, que cette signature équivaut à une renonciation pure et simple à ladite convention [ … ], que cette convention annulée renferme la clause compromissoire invoquée par B Al, que les appelantes ne peuvent plus se prévaloir de leur propre turpitude pour se prévaloir de cette clause qu'elles ont elles-mêmes annulée ». La CCJA a cassé cette décision sous les visas des articles 4 et 13 de l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage : Attendu que l’article 4 susvisé énonce : « la convention d'arbitrage est indépendante du contrat principal. Sa validité n’est pas affectée par la nullité de ce contrat … » ;
Que suivant l’article 13 du même texte, « lorsqu'un litige, dont un tribunal arbitral est saisi en vertu d’une convention arbitrale, est porté devant une juridiction étatique, celle-ci doit, si l’une des parties en fait la demande, se déclarer incompétente.
Dans une autre espèce, la CCJA a jugé qu’une partie ne peut se voir rejeter son déclinatoire de compétence devant le juge étatique au motif qu’elle a, elle- même, annulé le contrat principal qui contient la convention d'arbitrage. La CCJA poursuit en précisant dans cet « Attendu qu’il est constant, comme résultant de la requête introductive et de toutes les conclusions devant les juridictions de fond, que l'action intentée par TRANS RAIL SA tend à l’annulation des deux conventions passées entre elle et les Sociétés B Al et B Am Services Inc. ; qu’il est clairement apparu que ces conventions ont prévu, pour le règlement des différends, le recours à l'arbitrage; qu’en subordonnant la validité de la clause d'arbitrage à celle de la convention qui la contient, suite à la résiliation du 31 décembre 2005, pour décider que la Société B Al ne pouvait se prévaloir de la clause compromissoire contenue dans le contrat du 15 octobre 2003, la Cour d'appel de Bamako, en retenant sa compétence, a méconnu les dispositions des articles 4 et 13 visés au moyen et sa décision encourt cassation ».
Dans une autre espèce, enfin, elle a jugé qu'une partie ne peut se voir rejeter son déclinatoire de compétence devant le juge étatique au motif qu'elle a, elle- même, annulé le contrat principal qui contient la convention d’arbitrage'.
Au regard des décisions rendues par la CCJA sur ces points et dans ces domaines, l'attitude que la haute juridiction adopte dans l'arrêt querellé constitue un revirement inattendu et incompréhensible non seulement pour la « doctrine », mais également vis-à-vis de l'abondante jurisprudence qui est la sienne qui parait tout au moins établie et claire pour les juridictions nationales qui s'y réfèrent.
En considération des développements antérieurs, il y'a lieu de relever spécifiquement que l'attitude de la CCJA parait comme incompréhensible : d'un côté, elle aura failli à son devoir de protection de la convention d'arbitrage en l'exposant à la vindicte du juge étatique (administratif béninois), et, de l'autre, elle n'a pas manqué, dans une espèce similaire, de fustiger le comportement d'un juge national qui à ses yeux, était passé outre l'existence d'une clause d'arbitrage et avait cru devoir statuer néanmoins (…).
Fn définitive, l'arrêt de la CCJA est entaché d'une grave erreur d'appréciation des hauts magistrats qui prive la SGS en tant que justiciable, du droit absolu qui est le sien, d'être rétabli dans ce qui lui est dû ; cette décision lui fermant en l'état, la porte à la réclamation des contreparties des prestations par elle fournies à l'Etat béninois, … qui ne s'est rendu compte du défaut d'objet du contrat que quand il fallait rémunérer les prestations fournies. Il convient désormais pour la Cour de corriger cette injustice par une relecture de son arrêt, sur le fondement de l'article 45 ter de son Règlement de procédure.
Plus en avant et au-delà des erreurs et omissions purement matérielles, il existe des erreurs d’appréciation que le sens donné à l’expression « selon ce que la raison commande » permet de mieux comprendre. Ainsi, les éléments de la rectification doivent pouvoir être fournis par ce que la raison commande. Une telle exigence englobe, dans une certaine mesure, les erreurs d'appréciation qui ont pu avoir une influence déterminante sur la décision rendue par la Cour et portant atteinte, par hypothèse, au principe de sécurité juridique et d’une justice équitable. Dès lors, l’on est tenté de s’interroger au regard des dispositions de l’article 45 ter de l'intention du législateur communautaire qui est de permettre à la Cour de s’ouvrir la voie du rabat de certains arrêts lorsque la nécessité s’impose. Cette préoccupation est d’autant plus légitime que la Cour considère qu'il rentre dans sa mission « de rechercher la réelle volonté du législateur qui, assurément, ne peut avoir voulu porter une caution formelle à l’injustice et à l’obstruction du droit des justiciables à accéder à la justice pour défendre leurs intérêts » (.…).
Le principe de la rectification des erreurs matérielles et des omissions a été posé par la haute Cour elle-même, à travers l'arrêt n°015/2003 rendu le 1er juillet 2003 dans l'affaire Côte d'Ivoire TELECOM CI Société PUBLISTA « … attendu qu'il est de principe que les erreurs et omissions matérielles qui affectent une décision, même passée en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendue »
Dès lors, il y'a lieu d'admettre que des erreurs matérielles et des omissions ont affecté la décision de la CCJA et qui ont besoin d'être rectifiées… » ;
Mais attendu qu’aux termes de l’article 45 Ter du Règlement de procédure de la CCJA, « les erreurs et omissions matérielles qui affectent un arrêt de la Cour peuvent toujours être rectifiées par elle selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, selon ce que la raison commande. La Cour est saisie par simple requête par l'une des parties ou par requête commune ; elle peut aussi se saisir d’office » ;
Attendu que si l’approche des erreurs et omissions visées par le texte précité peut être intellectuelle et non seulement matérielle, selon ce que le dossier révèle ou que commande la raison, c’est à la condition que les griefs soient relatifs à un acte précis de la procédure de saisine de la CCJA, dont l’exploitation ou la non prise en compte aura exercé une influence décisive sur la décision de ladite Cour, en privant notamment à tort une partie de son droit d’accès à la cassation ;
Attendu qu’en l’espèce, tous les moyens proposés par la requête de la Société Générale de Surveillance critiquent la solution de fond donnée par la Cour au litige et ne caractérisent en rien une erreur ou une omission au sens de l’article 45 Ter précité ; qu’il échet dès lors de déclarer ladite requête irrecevable ;
Sur les dépens
Attendu que la demanderesse succombant, sera condamnée aux dépens ;
Par ces motifs
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Dit que l’Arrêt n°068/2020 rendu le 27 février 2020 par la Cour de céans n’est pas affecté d’erreurs et d’omissions matérielles au sens de l’article 45 Ter du Règlement de procédure de la CCJA ;
Déclare en conséquence irrecevable la requête en rectification de la Société Générale de Surveillance ;
La condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé, les jour, mois et an que ci-dessus et ont signé
Le Président
Le Greffier
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