ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Deuxième chambre
Audience publique du 25 novembre 2021
Pourvoi : n° 326/2020/PC du 27/10/2020
Affaire : 1. Monsieur A Ad
2. Monsieur A Ac
3. La Compagnie Africaine de Transit CATRANS
(Conseils : CABINET BEUGRE ADOU MARCEL, Avocats à la Cour)
Contre
NSIA BANQUE Côte d’IVOIRE
(Conseils : La SCPA DOGUE-ABBE YAO & ASSOCIES, Avocats à la Cour)
Arrêt N° 203/2021 du 25 novembre 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 25 novembre 2021 où étaient présents :
Messieurs Robert SAFARI ZIHALIRWA, Président, rapporteur
Armand Claude DEMBA, Juge
Mounetaga DIOUF, Juge
et Maître Koessy Alfred BADO, Greffier ;
Sur le recours enregistré au greffe de la Cours de céans le 27 octobre 2020 sous le numéro 326/2020/PC et formé par le CABINET BEUGRE ADOU MARCEL, Avocats à la Cour, sis au Plateau angle Boulevard Angoulvant, rue du Docteur Crozet, immeuble Crozet, Rez-de-chaussée, porte 02, 01 BP 7323 Ag 01, agissant au nom et pour le compte de monsieur A Ad, demeurant à Ag Aa, zone 3, 18 BP 154 Ag 18, monsieur A Ac, demeurant à Ag zone 3, rue des pécheurs, 01 BP 8086 Ag 01, et la Compagnie Africaine de Transit dite CATRANS, dont le siège est à Ag Aa, zone 3, 01 BP 8086 Ag 01, représentée par monsieur son gérant, A Ad, dans l’affaire qui les oppose à NSIA BANQUE Côte d’IVOIRE, dont le siège social est sis à Ag,-10, avenue Af Ab, 01 BP 1274, ayant pour conseil, la SCPA DOGUE-ABBE YAO&Œ Associés, sise 29, boulevard Glozel,01 BP 174 Ag 01,
en annulation de l’arrêt n°706/2020 rendu le 24 juillet 2020 par la Cour de cassation de Côte d’Ivoire et dont le dispositif est le suivant :
« PAR CES MOTIFS
Casse l’arrêt n°114/COM/18 rendu le 14 décembre 2018 par la Cour d’appel d’Ag ;
Renvoie la cause et les parties devant la même Cour autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public ;
Ordonne la transcription du présent arrêt sur les registres du greffe de la Cour d’Appel en marge ou à la suite de l’arrêt cassé » ;
Les requérants invoquent à l’appui de leur recours le moyen unique d’annulation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de monsieur Robert SAFARI ZIHALIRWA, Premier Vice- Président ;
Vu les dispositions des articles 13,14 et 18 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il résulte des productions au dossier de la procédure que dans le cadre de ses activités de transit, la société CATRANS a ouvert un compte bancaire dans les livres de la BIAO-CI, devenue NSIA BANQUE-CI, et a obtenu de ladite banque une ligne de crédit à hauteur de 2.400.000.000 FCFA ; que pour garantir ce concours financier, la société CATRANS a donné les garanties suivantes : une garantie à première demande de la banque HSBC France à hauteur de 3.000.000 Euros, soit la somme de 1.967.871.000 FCFA, le gage d’un dépôt à terme de 100.000.000 FCFA, le cautionnement solidaire des frères A Ac et A Ad à hauteur de 300.000.000 FCFA chacun ; qu’à la demande de la banque, la société CATRANS a fourni les pièces justificatives de sa situation financière, notamment ses derniers bilans et comptes de résultats, lesquelles ne laissaient pas transparaitre une quelconque difficulté financière de nature à entraver le remboursement des concours sollicités ; que dès la mise en place de ces concours, la banque a constaté des difficultés dans le fonctionnement du compte courant, en raison de dépassements irréguliers sur les lignes de découvert et d’escompte commercial ; que cette situation a perduré avec les promesses de régularisation non tenues de la CATRANS, de sorte qu’en date du 22 juillet 2009, le compte n’a enregistré aucun mouvement créditeur ; que le 10 août 2019, la banque a reçu par voie d’huissier de justice, à la requête de la société CATRANS, signification d’une ordonnance de suspension de poursuites dans le cadre d’une procédure de règlement préventif, dont la banque la banque n’avait jamais eu connaissance ; que compte tenu des difficultés de fonctionnement du compte courant, et au regard du fait que C avait failli, selon la banque, aux obligations mises à sa charge, la NSIA BANQUE-CI, se fondant sur les dispositions de l’article 11 de la convention de crédit, a dénoncé ses concours par voie d’huissier et a clôturé le compte dans ses livres, tout en mettant en demeure la CATRANS de la couvrir sans délai du montant total de la créance en principal, outre la comptabilisation des opérations en cours, et des intérêts à réclamer ; qu’elle a, en outre, réalisé toutes les garanties ; qu’estimant que la BIAO devenue NSIA BANQUE-CI a violé non seulement les règles relatives au cautionnement mais également celles régissant les lettres de garanties et de contre garantie à première demande, la CATRANS, A Ac et A Ad ont saisi le Tribunal de grande instance d’Ag, qui a condamné NSIA BANQUE-CI au paiement à titre de dommages et intérêts de la somme de 100.000.000 FCFA à la société CATRANS et 1.961.871.000 FCFA à A Ac et A Ad ; que par arrêt n° 114 rendu le 14 décembre 2018 , la Cour d’appel d’Ag a donné acte à la BIAO devenue NSIA BANQUE-CI de son désistement d’appel ; que sur le pourvoi formé contre cet arrêt par la NSIA BANQUE-CI, la Cour Suprême de Côte d’Ivoire a rendu le 24 juillet 2020, l’arrêt objet du présent recours en annulation ;
Sur la recevabilité du « mémoire en défense »
Attendu, selon l’article 31.1 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, que « le recours et le mémoire en réponse peuvent être complétés par un mémoire en réplique ou par tout autre mémoire lorsque le président, soit d’office, soit à la suite d’une demande présentée en ce sens dans un délai de quinze jours à compter de la signification du mémoire en réponse ou en réplique, le juge nécessaire et l’autorise expressément. » ;
Attendu que le « mémoire en défense » de la société NSIA Banque Côte d’Ivoire a été déposé le 07 septembre 2021 au greffe de la Cour sans autorisation préalable du Président de celle-ci ; qu’il échet en conséquence, de déclarer irrecevable ledit mémoire ;
Sur la recevabilité du recours en annulation
Attendu que dans son mémoire en réponse reçu au greffe de la Cour le 11 mai 2021, la défenderesse NSIA Banque Côte d’Ivoire, soulève in limine litis, l’irrecevabilité du recours en annulation aux motifs que celui-ci, ne remplit pas les conditions édictées par l’article 18 du Traité de l'OHADA car, l’arrêt n°706/20 rendu le 24 juillet 2020 par la Cour suprême de Côte d’ivoire, objet du recours en annulation, étant totalement muet sur la question de l’exception d’incompétence que déclare avoir soulevée les demandeurs, le seul dépôt d’un mémoire contenant un tel moyen ne saurait constituer la preuve que ledit moyen a été débattue contradictoirement devant ladite Cour et que, ce faisant, le recours est irrecevable ;
Mais attendu qu’aux termes de l’article 18 du Traité de l' OHADA, « Toute partie qui, après avoir soulevé l’incompétence d’une juridiction nationale statuant en cassation estime que cette juridiction a, dans un litige la concernant, méconnu la compétence de la Cour commune de justice et d’arbitrage peut saisir cette dernière dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée.
La Cour se prononce sur sa compétence par arrêt qu’elle notifie tant aux parties qu’à la juridiction en cause.
Si la Cour décide que cette juridiction s’est déclarée compétente à tort, la décision rendue par cette juridiction est réputée nulle et non avenue. » ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure et notamment du mémoire en défense déposé au secrétariat général de la Cour de cassation de Côte d’Ivoire le 23 janvier 2020 et enregistré sous le numéro 25/20, que les recourants, agissant par le biais de leur conseil Maître BEUGRE ADOU MARCEL, ont soulevé in limine litis, l’incompétence de la Cour de cassation à connaitre de l’affaire en ce qu’elle soulève des question relatives à l’application d’un acte uniforme ; que ledit mémoire avait également été préalablement communiqué à la partie adverse NSIA BANQUE COTE D’IVOIRE le 03 septembre 2019 ainsi que cela ressort du courrier de transmission dudit mémoire contenant décharges des conseils de cette dernière ; qu’ainsi, le moyen tiré de l’incompétence de la Cour ayant été effectivement soulevé et porté contradictoirement devant celle-ci, la condition de recevabilité du recours en annulation formé par messieurs A Ad, A Ac et la Compagnie Africaine de Transit « CATRANS » est remplie ; qu’il échet en conséquence de rejeter l’exception soulevée par NSIA BANQUE Côte d’Ivoire ;
Sur l’annulation de l’arrêt n° 706/20 de la Cour de cassation de Côte d’Ivoire
Vu l’article 18 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Attendu que messieurs A Ad, A Ac et la Compagnie Africaine de Transit « CATRANS », demandent à la Cour de céans, de déclarer nul et non avenu, sur le fondement de l’article 18 du Traité susvisé, l’arrêt n°706/20 rendu le 24 juillet 2020 par la Cour de cassation de Côte d’Ivoire, au motif qu’elle s’est prononcée sur une affaire soulevant des questions relatives à l’application d’un acte uniforme, nonobstant le déclinatoire de compétence soulevé devant elle ;
Attendu qu’il est constant comme résultant des productions au dossier que l’affaire qui a opposé les parties tant devant le tribunal de première instance d’Ag Ae, que devant la Cour d’appel d’Ag concerne une lettre de garantie à première demande, le nantissement d’un dépôt à terme, ainsi que les cautions solidaires ; que ces matières étant régies par l’Acte uniforme du 15 décembre 2010 portant organisation des sûretés, le litige qui en résulte, relève en cassation, de la compétence de la Cour de céans, par application de l’article 14 du Traité de l’OHADA ; qu’il s’ensuit, qu’en statuant sur le recours exercé par messieurs A Ad, A Ac et la société CATRANS contre l’arrêt n°114 COM/18 rendu le 14 décembre 2018 par la Cour d’appel d’Ag, la Cour suprême de Côte d’ivoire a méconnu la compétence de la Cour de céans; qu’il échet en conséquence, de déclarer nulle et non avenue sa décision, en application de l’article 18 du Traité susvisé ;
Sur la demande de NSIA BANQUE COTE D'IVOIRE relative à l’évocation
Attendu que NSIA BANQUE COTE D’IVOIRE demande « très subsidiairement » à la Cour, statuant au fond après annulation et sur évocation, de : -Casser et annuler en toutes ses dispositions l’arrêt n°114/COM/18 du 14 décembre rendu par la Cour d’appel d’Ag ;
-Infirmer en toutes se dispositions le jugement n°128/13 rendu entre les parties le 18 juillet 2009, qui viole la loi ;
- Dire que c’est manifestement à tort que le premier juge a condamné la BIAO au paiement des sommes qui ne se justifient pas ;
-Déclarer en conséquence la société CATRANS, monsieur A Ad et A Ac mal fondé en toutes leurs prétentions… » ;
Mais attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 52.4 du Règlement de procédure de la Cour de céans : « Si la Cour décide que la juridiction nationale s’est déclarée compétente à tort, la décision rendue par cette juridiction est réputée nulle et non avenue. Toute partie devant ladite juridiction peut dans les deux mois de la signification du jugement de la Cour saisir cette dernière d’un recours en cassation contre la décision du juge du fond dans les conditions prévues à l’article 14 du Traité et aux articles 23 à 50 du présent Règlement. » ; qu’il s’ensuit que la demande de NSIA BANQUE COTE D'IVOIRE est formulée en violation des dispositions sus énoncée et doit par conséquent, être rejetée ;
Sur les dépens
Attendu que NSIA BANQUE COTE D’IVOIRE ayant succombé, doit être condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Dit que c’est à tort que la Cour de cassation de Côte d’Ivoire a retenu sa compétence pour examiner le pourvoi formé par messieurs A Ad, A Ac et la société CATRANS, contre l’arrêt n°114/COM/12 rendu le 14 décembre 2018 par la Cour d’appel d’Ag ;
Déclare en conséquence nul et non avenu l’Arrêt n°706/20 rendu le 24 juillet 2020 par ladite Cour ;
Rejette la demande de NSIA COTE D'IVOIRE relative à l’évocation de l’affaire ;
Condamne NSIA BANQUE COTE D’VOIRE aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé aux jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier