ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Troisième chambre
Audience publique du 25 novembre 2021
Pourvoi :n° 325/2020/PC du 27/10/2020
Affaire : Monsieur AdBAHAG Z Ac
(Conseils : Cabinet KS & Associés, Avocats à la Cour)
Contre
Société Générale Côte d’Ivoire dite SGCI
(Conseils : SCPA DOGUE-Abbe-YAO & Associés, Avocats à la Cour)
Arrêt N° 209/2021 du 25 novembre 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième chambre a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 25 novembre 2021 où étaient présents :
Messieurs Mahamadou BERTE, Président
Arsène Jean Bruno MINIME, Juge
Sabiou MAMANE NAISSA, Juge, rapporteur
et Maître Louis Kouamé HOUNGBO, Greffier ;
Sur la requête enregistrée au greffe de la Cour de céans le 27 octobre 2020 sous le n°325/2020/PC, formée par le Cabinet KS & Associés, Avocats près la Cour d’appel d’Ae, y demeurant, Ae, Cocody les Deux-Plateaux-ENA, rue J9, 01 BP 640 Ae 01, Côte d’Ivoire, agissant au nom et pour le compte de monsieur AdAHAG Z Ac, ingénieur commercial, domicilié à Ae Ah, Ai Ab, dans la cause qui l’oppose à la Société Générale Côte d’Ivoire dite SGCI, anciennement Société Générale de Banque en Côte d’Ivoire dite SGBCI, société anonyme, dont le siège est sis à Ae 5 et 7,
avenue Af Aa, 01 BP 1355 Ae 01, représentée par son directeur général monsieur X C, demeurant en cette qualité audit siège, ayant pour conseil, |]a SCPA DOGUE-Abbé YAO &Associés, Avocats près la Cour d’appel d’Ae, y demeurant …, … …, … … 174 Ae 01,
en cassation du jugement n°RG 3887/2019 rendu le 24 janvier 2020 par le Tribunal de commerce d’Ae et dont le dispositif suit :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et dernier ressort ;
Rejette les exceptions d’incompétence, de communication de pièces et de fin de non-recevoir tirée du défaut de tentative de règlement amiable préalable ;
Déclare recevable l’action de monsieur AdAHAG Z Ac ; L’y dit cependant mal fondé ;
Le déboute de toutes ses prétentions ;
Le condamne aux entiers dépens de l’instance » ;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent dans sa requête jointe au présent arrêt ;
Sur le rapport de monsieur Sabiou MAMANE NAISSA, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu, selon les énonciations du jugement attaqué, que suivant exploit d’huissier du 23 juin 2017, monsieur A Ag, poursuivant le recouvrement forcé de sa créance contre monsieur Y Z Ac, a fait pratiquer une saisie-attribution de créances au préjudice de ce dernier entre les mains de la SGCI ; qu’estimant que cette dernière a commis une faute dans l’exécution de son obligation contractuelle en procédant au paiement de la somme reliquataire des causes de la saisie après avoir payé le montant cantonné, monsieur AdAHAG Z Ac saisissait le Tribunal de commerce d’Ae aux fins de voir condamner ladite banque à recréditer son compte de cette somme de 2.257.423 F CFA qui a été créditée et de celles de 3.000.000 F CFA et 2.000.000 F CFA, respectivement à titre de préjudices matériel et moral ; que par jugement n° RG 3887/2019 rendu le 24 janvier 2020 par ledit tribunal, objet du présent recours, il fut débouté de toutes ses prétentions ;
Sur la recevabilité du pourvoi
Attendu que dans son mémoire en réponse, reçu au greffe de la Cour de céans le 3 mars 2021, la SGCTI oppose l’irrecevabilité du pourvoi pour violation des dispositions de l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en ce qu’en application desdites dispositions, les décisions rendues en matière d’exécution forcée ou de saisie conservatoire ne sont susceptibles que d’appel et non de pourvoi ;
Mais attendu que le jugement attaqué a été rendu par le Tribunal de commerce d’Ae saisi d’une action en responsabilité sur le fondement de l’article 1382 du code civil ivoirien et non, par le juge de l’article 49 de l’Acte uniforme invoqué ; que dès lors, l’irrecevabilité du recours fondée sur les dispositions dudit texte, ne peut être utilement soulevée et doit, par conséquent, être rejetée ;
Sur l’irrecevabilité des moyens
Attendu que dans le même mémoire, la SGCI fait relever que de jurisprudence constante de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, le moyen qui ne comporte aucun grief contre la décision, le moyen qui ne précise pas la partie critiquée et le moyen qui ne précise en quoi la décision encourt les reproches, sont irrecevables, comme c’est le cas, en l’espèce ;
Mais attendu que cette exception impliquant l’examen des moyens du pourvoi doit être jointe au fond ;
Sur le premier moyen tiré de la violation des articles 154, 161 et 162 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Attendu que Monsieur AdAHAG Z Ac reproche au jugement attaqué d’avoir violé les articles 154, 161 et 162 de l’Acte uniforme susvisé, en ce que, pour conclure au mal fondé de la demande aux fins de remise de fonds dans son compte bancaire et de paiement de dommages intérêts, le Tribunal de commerce a relevé « qu’il résulte de la lecture combinée de ces textes que le paiement peut être effectué tant sur les sommes disponibles que sur les sommes non disponibles au moment de la saisie et en priorité sur les fonds disponibles sauf prescription contraire du débiteur saisi, le compte du débiteur saisi continuant à fonctionner pour les opérations antérieures à la saisie et le solde créditeur emporte un résultat positif aux sommes disponibles », alors, selon le moyen, que la saisie attribution de créances ne peut porter que sur les sommes disponibles entre les mains du tiers saisi au moment de ladite saisie ;
Attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 154 de l’Acte uniforme susvisé « L’acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée ainsi que tous ses accessoires, mais pour ce montant seulement, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers. Les sommes saisies sont rendues indisponibles par l’acte de saisie. Cet acte rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation. » ; que l’article 161 du même Acte uniforme précise « Lorsque la saisie est pratiquée entre les mains d’un établissement bancaire ou d’un établissement financier assimilé, l’établissement est tenu de déclarer la nature du ou des comptes du débiteur ainsi que leur solde au jour de la saisie.
Dans le délai de quinze jours ouvrables qui suit la saisie et pendant lequel les sommes laissées au compte sont indisponibles, ce solde peut être affecté à l’avantage ou au préjudice du saisissant par les opérations suivantes dès lors qu’il est prouvé que leur date est antérieure à la saisie :
a) au crédit :
- les remises faites antérieurement, en vue de leur encaissement, de chèques ou d’effets de commerce, non encore portées au compte ;
b) au débit :
- l’imputation de chèques remis à l’encaissement ou portés au crédit du compte antérieurement à la saisie et revenus impayés ;
- les retraits par billetterie effectués antérieurement à la saisie et les paiements par carte, dès lors que leurs bénéficiaires ont été effectivement crédités antérieurement à la saisie. (…) » ; qu’enfin, l’article 162 de l’Acte uniforme dont la violation est invoquée dispose « Si le débiteur est titulaire de comptes différents, le paiement est effectué en prélevant, en priorité, les fonds disponibles à vue, à moins que le débiteur ne prescrive le paiement d’une autre manière. » ;
Attendu que, le tribunal, pour aboutir à la décision attaquée, retient « il résulte de la lecture combinée de ces textes que le paiement peut être effectué tant sur les sommes disponibles que sur les sommes non disponibles au moment de la saisie et en priorité sur les fonds disponibles sauf prescription contraire du débiteur saisi » ; qu’il ajoute « le compte du débiteur saisi continuant à fonctionner pour les opérations antérieures à la saisie et le solde créditeur emporte un résultat positif aux sommes disponibles ; ainsi, lorsque le compte bancaire à terme d’un débiteur saisi arrive à échéance le 25/8/2018, le solde créditeur qui a été l’objet d’une saisie attribution et rendu indisponible par cette saisie qui de ce fait s’avère fructueuse, peut être utilisé pour payer les causes de la saisie par le tiers saisi qui, lors de la saisie pratiquée sur les comptes du débiteur avait fait une déclaration affirmative et n’a pu payer intégralement les causes de la saisie attribution parce que le compte à terme créditeur était soumis à une échéance qui n’était pas encore arrivée à son terme » et de juger « en conséquence, ne commet aucune faute lorsqu’à l’échéance du compte à terme dit PEL, le tiers saisi paye le reliquat de la cause de la saisie à la demande du créancier saisissant, avec une partie du solde créditeur disponible du compte à terme, ledit compte étant devenu libre par l’arrivée de l’échéance » ; Qu’il en ressort qu’en application des textes visés au moyen, tous les types de comptes ouverts au nom du débiteur auprès d'un établissement bancaire ou assimilé, et qui ont des soldes créditeurs au jour de la saisie, comme c’est le cas en l’espèce, peuvent faire l’objet de saisie-attribution ;
Que dès lors, en statuant comme il l’a fait, le tribunal n’a nullement commis le grief de violation de la loi qui lui est reproché ; que le moyen n’étant pas fondé, il y a lieu de le rejeter ;
Sur le deuxième moyen tiré du fait de statuer sur une chose non demandée
Attendu que Monsieur AdAHAG Z Ac reproche au jugement attaqué d’avoir statué sur une chose non demandée, en ce que, celui-ci, a retenu que « Y Z Ac sollicite que le tribunal condamne la Société Générale Côte d’Ivoire à recréditer son compte PEL N°11445143814 de la somme de 2.257.423 qui serait illicitement débitée du compte (.…), alors, selon le moyen, qu’il ne ressort nullement de l’assignation ou des conclusions écrites de Monsieur N’Gouan que ce dernier a sollicité que son compte à rente soit recrédité;
Mais attendu qu’en l’espèce, le tribunal a été saisi de demandes aux fins de recréditer le compte bancaire et de paiement de dommages intérêts, ce à quoi il a répondu, en rejetant lesdites demandes ; que ce moyen est inopérant et doit par conséquent être rejeté ;
Sur le troisième moyen de cassation tiré du défaut, de l’insuffisance, ou de la contrariété de motifs
Attendu qu’enfin, sur son troisième moyen, le demandeur au pourvoi reproche au jugement attaqué le défaut, l’insuffisance, ou la contrariété des motifs en ces termes :
« Attendu qu’il est constamment établi qu’il y a insuffisance des motifs toutes les fois où la constatation nécessaire pour apprécier si la loi a été correctement appliquée n’est pas suffisante.
En l'espèce, il appert de la lecture de la décision querellée qu’au regard des faits de la cause et des prétentions des parties, les motivations du Tribunal ne suffisaient pas pour conclure au mal fondé de la demande en décréditement de compte bancaire et paiement de dommages-intérêts.
En, effet Monsieur N’Gouan soutenait que la SGCI avait débité son compte bancaire à la suite du terme anticipé de son compte à rente et qu'aucune indisponibilité n'avait affecté son compte Pel puisque la Banque ne l'avait informé que d’une opposition sur son compte à rente.
En réplique, la SGCI soutenait qu’elle avait procédé au paiement du reliquat de la créance litigieuse sur le compte Pel alors que cette dernière, suivant courrier en date du 23 juin 2017, avait informé son client d’une indisponibilité sur son compte courant et une opposition sur son compte à rente.
Contre toute attente, toute la motivation du Tribunal a porté uniquement sur un débit opéré sur un compte PEL qui aurait fait l’objet de saisie.
Alors que ces incohérences sur le compte qui a fait l’objet de saisie, attestaient de la confusion et des actes irréguliers menés par la Banque au cours de la saisie attribution de créances, de sorte que les Premiers Juges ne pouvaient les passer sous silence sans conférer à leurs motivations, un caractère insuffisant. » ;
Mais attendu que tel que formulé, ce moyen constitué d’un mélange de droit et de fait tend plutôt, sous le prétexte d’insuffisance de motifs, à remettre en discussion l’appréciation souveraine des faits par les juges de fond et est, par conséquent, irrecevable ;
Attendu qu’aucun moyen ne prospérant, le pourvoi doit être rejeté ;
Sur les dépens
Attendu que AdAHAG Z Ac ayant succombé, sera condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
En la forme :
Reçoit le pourvoi ;
Au fond :
Le rejette comme mal fondé ;
Condamne AdAHAG Z Ac aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier