ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
Première chambre
Audience publique du 27 janvier 2022
Pourvoi : n° 071/2021/PC du 04/03/2021
Affaire : Monsieur A Al
B (Conseil : Maître Vincent KABORE, Avocat à la Cour)
Contre
Bank Of Ai Ah Ac (BOA-BF)
(Conseils : SCPA TRUST WAY et SCPA TOU & SOME, Avocats à la Cour)
Arrêt N° 015/2022 du 27 janvier 2022
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 27 janvier 2022 où étaient présents :
Messieurs : César Apollinaire ONDO MVE, Président
Birika Jean Claude BONZI, Juge
Sabiou MAMANE NAÏSSA, Juge, rapporteur
et Maître : Jean Bosco MONBLE, Greffier ;
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n°071/2021/PC du 04 mars 2021, formé par Maître Vincent KABORE, Avocat à la Cour, Avenue du Président BABANGUIDA, Rue Ad Aa de LELLIS, villa n°1000, 01 BP 2697 Ouagadougou 01, agissant au nom et pour le compte de monsieur A Al, commerçant demeurant à Ouagadougou, exerçant sous l’enseigne « SOGEPER », 01 BP 417 Ouagadougou 01, dans la cause qui l’oppose à la Bank Of Ai Ah Ac (BOA-BF), société anonyme, dont le siège est à Ouagadougou, arrondissement N°1, Secteur 04, Rue Ab A, 01 BP 1319 Ouagadougou 01, représentée par son directeur général monsieur An X, ayant pour conseils, la SCPA TOU & SOME, Avocats à la Cour, demeurant à Ouagadougou, Secteur 52, à environ 200 mètres de Ag Aj Ae d’Oie, 01 PB 2960 Ouagadougou 01 et la SCPA TRUST WAY, Avocats à la Cour, demeurant à Ouagadougou, quartier Ak 2000, zone C, Avenue de la route de Pô, Rue 15.989, 15 BP 73 Af 15,
en cassation du jugement n°163 rendu le 17 février 2021 par le Tribunal de grande instance de Ak I, et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
Déclare recevable A Al en ses dires et observations mais
l’en déboute au fond comme étant mal fondé ;
Déboute également la BOA Burkina SA de ses demandes reconventionnelles ; Renvoie l’affaire à l’audience d’adjudication du 17 mars 2021 ;
Reserve les dépens. » ;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à sa requête annexée au présent Arrêt ;
Sur le rapport de monsieur Sabiou MAMANE NAISSA, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’'OHADA ;
Attendu, selon les énonciations du jugement attaqué, que par acte d’huissier en date du 14 octobre 2020, la BOA a fait commandement à son débiteur, monsieur A Al, d’avoir à payer la somme de 1.353.559.310 F CFA, sous peine de saisie de l’immeuble formant la parcelle 21 (05 et 06), lot 38, section 282 (F), d’une superficie de 3096 m?, sise à l’arrondissement 12 de la ville de Ouagadougou, objet du titre foncier n°3051 au nom de A Al ; que ce dernier ayant déposé ses dires et observations le 14 janvier 2021, le Tribunal de grande instance de Ak I a, par jugement n°163 rendu le 17 février 2021, objet du présent pourvoi en cassation, rejeté lesdits dires et observations et ordonné la continuation des poursuites ;
Sur le premier moyen tiré de la violation des articles 246 et 280 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Attendu que par le premier moyen, le requérant fait grief au jugement attaqué d’avoir violé les articles 246 et 280 de l’Acte uniforme susvisé en ces termes :
« D'une part, l’article 280 dudit Acte uniforme dispose que : « Au jour indiqué pour l’adjudication, il est procédé à la vente sur la réquisition, même verbale, de l’avocat du poursuivant ou de tout créancier inscrit. Celui-ci indique publiquement le montant des frais de poursuite préalablement taxés par le président de la juridiction compétente. » ;
Au sens de cette disposition légale, le paiement des frais de poursuite ne peut être poursuivi qu’à la condition d’avoir été préalablement taxés par le Président de la juridiction compétente ;
Ainsi, la décision de taxe constitue le seul et unique titre exécutoire pouvant justifier le paiement des frais de poursuite ;
Du reste, la BOA elle-même est bien consciente de cet état de fait puisque l’article 7 du cahier des charges qu'elle a rédigé pour parvenir à la vente de l’immeuble en cause dispose que « l’adjudicateur devra payer en sus du prix d’adjudication et dans les vingt (20) jours suivant l’adjudication tous les frais effectués pour parvenir à la vente et préalables à celle-ci, soit ceux de poursuite de vente, soit du présent cahier des charges et de son dépôt, de tous procès- verbaux de dire, ceux de la publicité et d’autres d’après la taxe qui en aura été faite et dont le montant sera annoncé publiquement lors de l’ouverture des enchères » ; (PIECE N°4)
Pourtant, aux termes du commandement de payer aux fins de saisie immobilière en date du 14 octobre 2020, il est loisible de constater que la BOA s’est payée le luxe de poursuivre le paiement de la somme de six millions cinq cent trente- quatre mille sept cent quatorze (6.534.714) F CFA au titre des frais de poursuites ; (PIECE N°05)
Cependant, il est tout aussi loisible de constater qu'aucune décision de taxe rendue par la juridiction compétente n'autorise la BOA à poursuivre le paiement desdits frais de poursuite ;
Dans tous les cas, le commandement de payer litigieux ne fait état d'aucune décision de taxe susceptible de servir de fondement aux poursuites exercées par la BOA à l'effet d'obtenir paiement de la somme de six millions cinq cent trente- quatre mille sept cent quatorze (6.534.714) F CFA ;
Il en résulte dès lors que la formalité tenant à la taxation préalable desdits frais de poursuites telle que prescrite par l’article 280 ci-dessus visé n’a point été respectée par la BOA ;
Or, l'article 246 du même Acte uniforme dispose que « Le créancier ne peut faire vendre les immeubles appartenant à son débiteur qu’en respectant les formalités prescrites par les dispositions qui suivent » ;
L'analyse de cette disposition légale appelle de la part de OQUEDRAOGO Alassane les observations suivantes :
- D'abord, cette disposition légale est d’ordre public de sorte qu'aucune explication fut-elle légale ou conventionnelle, ne saurait absoudre la BOA du non-respect de cette formalité ;
- Ensuite, il n’échappera pas à la Cour de céans que la taxation préalable des frais de poursuites est une formalité obligatoire mise à la charge de la BOA par la loi ;
Dès lors, le non-respect de cette formalité emporte systématiquement et nécessairement violation de la loi, notamment l’article 280 de l’Acte uniforme ci-dessus visé ;
- Enfin, la Cour conviendra avec A Al que la violation de l’article 280 de l’Acte uniforme ci-dessus visé emporte ipso facto celle de l’article 246 du même Acte uniforme ;
Or de jurisprudence constante, la violation de l’article 246 dudit Acte uniforme est une cause de nullité de la saisie immobilière entreprise ;
Il plaira en conséquence à la Cour, annuler le jugement attaqué puis statuant par évocation, annuler purement et simplement la saisie immobilière entreprise par la BOA suivant commandement de payer aux fins de saisie immobilière en date du 14 octobre 2020 pour cause de violation des articles 280 et 246 de l’Acte uniforme ci-dessus visé ;
Mais attendu que ce moyen est caractérisé par son imprécision ; qu’en effet il ne détermine ni la partie du jugement critiquée ni en quoi cette critique est méritée ; qu’il échet donc de le déclarer irrecevable ;
Sur le second moyen tiré de la violation de l’article 247 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Attendu que pour le second moyen, monsieur A Al fait grief au jugement attaqué en ces termes :
«A la page 4 de ses réponses aux dires et observations formulés par A Al, la BOA affirme ce qui suit à propos des frais de 4 poursuites : « les frais dont il s’agit sont des accessoires de la créance principale sanctionnés par le même titre exécutoire à savoir la grosse de la convention de compte courant de sorte que la concluante est fondée à les réclamer dans le commandement » ; (Pièce n°6)
La BOA estime donc que sur le fondement des articles 3 et 17 de la convention de compte courant en date du 22 octobre 2008, elle n’est point tenue de faire taxer préalablement les frais de poursuites avant d’en poursuivre le paiement ; (Pièce n°7)
Autrement dit, la BOA soutient que ladite convention de compte courant la dispense du respect de la formalité tenant à la taxation préalable des frais de poursuite telle que prévue par l’article 280 de l’Acte uniforme suscité ;
Sur ce, QUEDRAOGO Alassane prie d'abord la Cour de prendre acte d’une telle prise de position ;
Ensuite, il supplie la Cour d'en tirer toutes les conséquences de droit, notamment en faisant application de l’Arrêt N°048/2014 qu’elle a rendu le 23 avril 2014 dans la cause opposant BASSIROU IBO au sieur Am C ; (Pièce N°8)
En effet, aux termes de cette décision, la Cour a affirmé à titre de principe que « les prescriptions de l’article 246 sont d’ordre public et interdisent toute autre convention ayant pour objet ou pour effet d'affranchir le créancier du respect des formalités prescrites en matière de saisie immobilière est nulle » ; Cette décision induit qu’« en application de l’article 246 dont s’agit, toute convention ayant pour objet ou pour effet d’affranchir le créancier du respect des formalités prescrites en matière de saisie immobilière est nulle » ;
En conséquence et fondement pris de cet arrêt, A Al sollicite qu’il plaise à la Cour de céans, annuler le jugement attaqué puis statuant par évocation, annuler purement et simplement la convention de compte courant en date du 22 octobre 2008 d'autant que selon la BOA, cette convention l’affranchit du respect de la formalité tenant à la taxation préalable des frais de poursuite telle que prévue par l’article 280 de l’Acte uniforme dont s’agit ;
En conséquence de l'annulation de ladite convention de compte courant, il est évident que le principal même de la créance poursuivie par la BOA n’est pas constaté par un titre exécutoire ;
Il en résulte que la saisie entreprise contre A Al viole l’article 247 du même Acte uniforme, toute chose qui justifie son annulation de la saisie immobilière entreprise par la BOA ;
Il plaira alors à la Cour, annuler l’ordonnance attaquée puis statuant par évocation, annuler la saisie immobilière entreprise par la BOA. » ;
Attendu que tel que rédigé, le second moyen ne fait, non plus, ressortir de manière claire et précise, ni les parties critiquées de la décision attaquée, ni ce en quoi celle-ci encourt les reproches allégués ; que ledit moyen étant par conséquent vague et imprécis, il y a lieu de le déclarer irrecevable ;
Attendu, en définitive, qu’aucun des moyens du pourvoi n’ayant prospéré, il y a lieu de le rejeter ;
Sur les dépens
Attendu que monsieur A Al ayant succombé, sera condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette le pourvoi ;
Condamne monsieur A Al aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier