ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Première chambre
Audience publique du 03 mars 2022
Pourvoi : n° 270/2020/PC du 16/09/2020
Affaire : Compagnie d’Opérations de Reconditionnement Industriel (CORI) Sarl
(Conseils : SCPA TOU et SOME, Avocats à la Cour)
Contre
Monsieur B Ai Ag
Monsieur B Ad
(Conseil : Maître Issif SAWADOGO, Avocat à la Cour)
Maître OUATTARA Yacoba, Avocat à la Cour
Monsieur Aa A, Expert-comptable
Arrêt N° 059/2022 du 03 mars 2022
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCIJA) de l’Organisation pour
l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 03 mars 2022 où étaient présents :
Messieurs : César Apollinaire ONDO MVE, Président
Birika Jean Claude BONZI, Juge
Sabiou MAMANE NAISSA Juge, rapporteur
et Maître MONBLE Jean Bosco, Greffier ;
Sur le renvoi en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du
droit des affaires en Afrique devant la Cour de céans de l’affaire Compagnie d’Opérations de Reconditionnement Industriel en abrégé CORI SARL contre messieurs B Ai Ag et B Ad, actionnaires et associés de la Société
Belcot Société Générale Ac dite BSGB, demeurant respectivement à Ouagadougou
et Bobo-Dioulasso, ayant pour conseil Maître Issif SAWADOGO, Avocat à la cour, sis au 1774, avenue Ab X, 01 BP 2003, Bobo-Dioulasso 01, Maît1e OUATTARA Yacoba, Avocat à la Cour, demeurant à Ouagadougou 6790, BP 01, pris en sa qualité de liquidateur de la BSGB SARL et monsieur Aa A, Expert- comptable, cabinet PANAUDIT, Ac Ah, demeurant à Ouagadougou 01, également liquidateur de la BSGB SARL, par Arrêt n°008/2020 du 13 février 2020 de la Cour de cassation du Ac Ah, saisie d’un pourvoi formé par la Compagnie d’Opérations de Reconditionnement Industriel en abrégé CORI SARL, dont le siège est à 01 BP 2119 Bobo-Dioulasso 01, Parcelle unique, lot 04, section LS, secteur 19, zone industrielle, arrondissement de Konsa, commune de Bobo-Dioulasso, ayant pour conseil la SCPA TOU et SOME, société d’avocats sise à Ouagadougou, quartier Patte d’Oie, avenue des Tensoba, 01 BP 2960, Aj 01, renvoi enregistré au greffe de la Cour sous le n°270/2020/PC du 16 septembre 2020,
en cassation de l’Arrêt n° 016, rendu le 10 novembre 2010 par la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso, et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale, et en dernier ressort ;
Déclare l’appel de la Compagnie d’Opérations de Reconditionnement Industriel (CORD) recevable ;
Rejette toutes les exceptions soulevées par CORI ;
Confirme le jugement n°32 du 22 juillet 2009 du Tribunal de Grande Instance de Bobo-Dioulasso en toutes ses dispositions ;
Reçoit B Ai Ag et B Ad en leur demande reconventionnelle et la dit partiellement fondée ;
Condamne CORI à leur payer la somme de cinq cent mille francs (500.000) F CFA au titre des frais exposés hors les dépens ;
Déboute B Ai Ag et B Ad du surplus de leur demande ;
Condamne CORI aux entiers dépens. » ;
La requérante invoque à l’appui de son recours les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent Arrêt ;
Sur le rapport de monsieur Sabiou MAMANE NAISSA, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu, selon les énonciations de l’arrêt attaqué, que par jugement n° 248 en date du 09 août 2006, le Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso a prononcé la liquidation des biens de la BSGB SARL ; que le syndic désigné pour y procéder a, dans ce cadre, cédé une partie des actifs de la société en liquidation à CORI SARL ; que sur appel de messieurs B Ai Ag et B Ad, associés de la BSGB SARL, le jugement susvisé a été infirmé par la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso, laquelle a plutôt placé cette société sous redressement judiciaire ; que sur le fondement de l’arrêt de ladite cour, le même tribunal, de nouveau saisi par messiers B Ai Ag et B Ad a, suivant jugement n° 32 en date du 22 juillet 2009, annulé la vente d’actifs de la BSGB SARL consentie à CORI SARL ; que sur recours de cette dernière, la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso, rendait l’arrêt attaqué, dont pourvoi ;
Sur l’exception d’irrecevabilité du pourvoi tirée de l’autorité de la chose jugée soulevée par messieurs B Ai Ag et B Ad
Attendu que dans leur mémoire en réponse reçu le 26 juillet 2021 au greffe de la Cour, messieurs B Ai Ag et B Ad soulèvent l’irrecevabilité du pourvoi en raison de l’autorité de la chose jugée, en ce que CORI SARL avait auparavant saisi la CCJA en tierce-opposition contre son arrêt n° 83/2012 du 04 décembre 2012, procédure qui a donné lieu à l’arrêt n° 120 du 31 mai 2018, lequel l’a débouté de sa prétention, en application de l’article 20 du Traité de l'OHADA ; que par l’effet de ces arrêts, et en application de cette même disposition, ils demandent que le présent recours soit déclaré irrecevable ;
Mais attendu que les affaires connues par la CCJA sont toutes relatives à l’arrêt n° 14 du 12 novembre 2008, lequel a infirmé le jugement n° 248 du 09 août 2006 qui a prononcé la liquidation des biens de la BSGB SARL, tout en plaçant cette société en redressement judiciaire ; que contre cet arrêt, monsieur Af Y, alors gérant de la BSGB SARL, a introduit un pourvoi en cassation qui a fait l’objet de rejet par arrêt de la CCJA rendu sous le n° 083 en date du 04 décembre 2012 ; qu’en vertu de cet arrêt, et en application de l’article 20 du Traité de l'OHADA, la Cour de céans a cassé, suivant arrêt n° 80 du 29 avril 2015 l’arrêt n° 006 en date du 25 janvier 2012 de la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso, rétractant l’arrêt n° 14 du 12 novembre 2008 ; que le recours en tierce-opposition de CORI SARL contre l’arrêt n° 83 du 04 décembre 2012 a été rejeté par arrêt de la CCJA n° 120 en date du 31 mai 2018 ; que dès lors, l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt n° 83/2012 du 04 décembre 2012, ainsi qu’à toutes les autres décisions qui lui font suite, couvre alors seulement le fait que la liquidation de la BSGB SARL a été refusée et que celle-ci est placée sous redressement judiciaire ;
Et attendu en l’espèce, que la question principale litigieuse est relative, tant au sort d’une vente, après annulation de la procédure de liquidation qui lui a servi de fondement, qu’à la régularité de la procédure judiciaire ayant conduit à l’annulation de ladite vente ; qu’il s’ensuit que la question du sort des actes consécutifs à une liquidation lorsque celle- ci est annulée, demeure, puisque n’ayant été abordée par aucune des décisions sus- spécifiées ; que la question de la régularité de la procédure judiciaire ayant conduit à l’annulation de cette vente, est totalement étrangère aux arrêts déjà rendus par la CCJA, de sorte que l’autorité attachée à ces décisions ne peut faire obstacle à l’examen des moyens du pourvoi ; que dès lors la fin-de-non-recevoir de messieurs B Ai Ag et B Ad ne peut prospérer et doit par conséquent être rejetée ;
Sur le premier moyen tiré de la violation de la loi
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté la demande d’inopposabilité du jugement n° 32/09 du 02 juillet 2009, tiré de l’inexistence du jugement n° 248/06 du 19 juillet 2006 comme visé par cette décision, en retenant, d’une part, que l’article 390 du code de procédure civile permet à la cour d’appel de réparer les erreurs survenues sur les décisions qui lui sont déférées, et d’autre part, que l’appelante n’apporte pas la preuve d’un grief, alors, selon le moyen, qu’en reconnaissant par une telle motivation l’existence de l’erreur incriminée, la cour d’appel ne pouvait faire application d’office de l’article 390 du code de procédure civile sans appeler les observations des parties, sous peine de violer l’article 7 du même code, ni même subordonner le succès de sa demande à la justification d’un grief que l’article 390 dudit code dont elle a fait application n’exige pas ;
Attendu que l’article 390 du code de procédure civile invoqué dispose « Les erreurs et omissions matérielles qui affectent une décision, même passée en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l’a rendue ou par celle à laquelle elle est déférée, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande. » ; qu’aussi, aux termes des dispositions de l’article 7 du même code « En toutes circonstances, le juge doit faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office ou sur les explications complémentaires qu'il a demandées, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. » ;
Et attendu qu’il résulte des dispositions sus-rapportées, que s’il est vrai que le juge doit appliquer aux faits les dispositions légales appropriées, il est tout aussi vrai qu’il ne peut faire application d’office d’un moyen de droit, sans appeler les observations des parties ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans solliciter lesdites observations, la cour d’appel a commis le grief visé au moyen et sa décision mérite cassation ; qu’il échet pour la Cour d’examiner l’affaire sur le fond, par évocation, conformément aux dispositions de l’article 14 alinéa 5 du Traité de l’'OHADA ;
Sur l’évocation
Attendu que par acte d’appel en date du 15 septembre 2009, la Compagnie d’Opérations de Reconditionnement Industriel a relevé appel du jugement n°32/09 rendu le 22 juillet 2009 par le Tribunal de Grande Instance de Bobo-Dioulasso, dont le dispositif est le suivant :
« PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort ;
Déclare B Ai Ag et B Ad recevable en leur action et
les y déclare bien fondés ;
Prononce en conséquence l’annulation de la vente de la BSGB ordonnée sur le fondement du jugement n°248/06 du 19 juillet 2006 du Tribunal de Grande Instance de Bobo-Dioulasso ;
Condamne la Compagnie d’Opérations de Reconditionnement Industriel (CORI) à payer à B Ai Ag et B Ad la somme de cinq cent mille (500.000) francs CFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Condamne la CORI aux dépens » ;
Attendu qu’au soutien de son appel, la Compagnie d’Opérations de Reconditionnement Industriel soulève au principal, l’inopposabilité du jugement n°32/09 du 22 juillet 2009, aux motifs qu’il n’existe pas de jugement N°248/06 rendu le 19 juillet 2006 qui était visé par l’exploit d’assignation de B Ai Ag et B Ad ; qu’elle fait en outre relever que le tribunal a prononcé l’annulation de la vente de la BSGB, alors qu’elle n’a pas acquis cette dernière mais plutôt les actifs de celle-ci ; que subsidiairement, CORI soulève, d’une part, l’irrecevabilité de l’action de B Ai Ag et B Ad en application des articles 171 et 175 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif aux motifs que par jugement n°037/2008 rendu le 10 septembre 2008 en dernier ressort, le Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso a prononcé la clôture des opérations de liquidation des biens de la société BSGB pour insuffisance d’actif de telle sorte qu’aucune juridiction ne peut réexaminer l’opération de cession des actifs de ladite société faite à CORI et d’autre part, l’irrecevabilité de l’action de B Ai Ag et B Ad pour défaut de qualité aux motifs que ces derniers ont agi en qualité d’actionnaires de la BSGB, alors même, que celle-ci n’est nullement partie en la présente procédure ; qu’enfin, et au fond, la CORI demande à la cour d’appel d’annuler le jugement querellé en toutes ses dispositions et par évocation, débouter les demandeurs de leurs prétentions fins et moyens comme étant mal fondés ; qu’elle demande en outre la condamnations des intimés à lui payer la somme de dix millions (10.000.000) F CFA au titre des frais non compris dans les dépens, outre leur condamnation aux dépens ;
Attendu que messieurs B Ai Ag et B Ad, intimés, demandent pour leur part, la confirmation du jugement dont appel en toutes ses dispositions en relevant que CORI SARL aurait, avant de se lancer dans une opération d’achat des actifs de la BSGB, exiger des liquidateurs un certificat de non opposition ou d’appel pour être certaine qu’elle accomplissait des actes qui seraient définitifs ; qu’à titre reconventionnel, les intimés qui estiment qu’un procès qui n’a pas sa raison d’être leur est imposé, demandent de condamner solidairement CORI SARL et les liquidateurs au paiement d’un million (1.00.000) F CFA au titre des frais non compris dans les dépens en application de l’article 6 de la loi 028-2004 du 08 septembre 2004, outre leur condamnation aux dépens ;
Sur la recevabilité de l’appel
Attendu que l’appel de CORI SARL, interjeté dans les délai et forme de la loi, doit être déclaré recevable ;
Sur l’inopposabilité du jugement n° 32 du 09 juillet 2009
Attendu qu’au principal, CORI soulève l’inopposabilité du jugement n°32/09 du 22 juillet 2009 ayant prononcé l’annulation de la vente de la BSGB ordonné sur le fondement du jugement N°248/06 rendu le 19 juillet 2006 du Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso, aux motifs qu’il n’existe pas de jugement N°248/06 rendu le 19 juillet 2006, jugement qui lui est inconnu et pourtant visé par l’exploit d’assignation de B Ai Ag et B Ad ; qu’elle fait aussi relever que le tribunal a prononcé l’annulation de la vente de la BSGB alors qu’elle n’a pas acquis cette dernière mais plutôt les actifs de celle-ci après sa mise en liquidation des biens ;
Mais attendu que l’inopposabilité d’une décision judiciaire ne peut être plaidée avec succès, dès lors que celui qui l’invoque a été entièrement partie prenante à la procédure qui lui a donné lieu, a pu faire valoir ses droits à la défense, et que la décision a été rendue contradictoirement à son égard ; que n’étant donc pas tierce à cette décision, CORI SARL ne saurait se prévaloir d’aucune inopposabilité ;
Que s’agissant de l’erreur invoquée, il y a lieu de retenir qu’une simple méprise sur les références d’un jugement ne saurait entacher la portée décisionnelle de celui-ci, s’il n’y aucun doute sur l’existence et le contenu de la décision qui est censée être visée ; qu’en l’espèce, la seule décision qui a prononcé la liquidation de la BSGB SARL est bien le jugement n° 248 du 09 août 2006 ; qu’en effet, d’une part, la motivation de la décision attaquée fait clairement référence au jugement n° 248 du 09 août 2006 par lequel le Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso a prononcé la liquidation des biens de la BSGB SARL et, d’autre part, l’assignation aux fins de nullité de la vente vise expressément le même jugement, lequel a été infirmé par l’arrêt n° 14 du 12 novembre 2008 ; que dès lors, l’erreur faite par le jugement n° 32 du 22 juillet 2009 sur la date du prononcé du jugement n° 248 ne peut fonder la réclamation de CORI SARL ; qu’une telle erreur, qui n’affecte pas le fond de la décision elle-même, ne peut être sanctionnée qu’à charge pour la partie qui l’invoque de justifier d’un grief, comme l’a motivé à juste titre la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso ;
Attendu enfin, que s’agissant de la méprise sur l’objet de la vente dont CORI SARL veut également se prévaloir, on peut noter qu’il n’existe aucune incidence juridique quant à écrire que la vente a porté sur BSGB SARL ou une partie des actifs de celle-ci, dès lors que ce qui fait l’objet du litige est le contrat de vente, dans son principe même ; que ce grief de CORI SARL ne peut donc prospérer et doit être rejeté ;
Sur le moyen d’irrecevabilité de la demande initiale de B Ai Ag et B Ad
Attendu que CORI SARL soulève, d’une part, l’irrecevabilité de l’action de B Ai Ag et B Ad sur le fondement des articles 171 et 175
de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, aux motifs qu’elle ne pouvait imaginer qu’une procédure d’appel serait encore en cours, nonobstant les prescriptions de l’article 221 de l’Acte uniforme précité qui impartit le délai d’un mois à la Cour d’appel pour statuer et que l’article 523 du Code de procédure civile dont il a été fait application pour infirmer le jugement ayant ordonné la liquidation de cette société, et par conséquent aussi, sur celui qui l’a clôturé, était inapte à régir la situation, dès lors que des dispositions spéciales, notamment les articles 171 et 175 de l’Acte uniforme sur les procédures collectives sont applicables à la cause, et d’autre part, l’irrecevabilité de l’action de B Ai Ag et B Ad pour défaut de droit d’agir et de qualité sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, aux motifs que ces derniers n’ayant pas déclaré agir au nom de la société BSGB, encore moins en vertu d’un mandat dûment donné par un représentant légal de cette demière, ne peuvent exercer en leurs noms personnels une action en annulation de la vente des actifs intervenue ;
Mais attendu qu’en ce qui concerne le premier moyen d’irrecevabilité, il y a lieu de relever que les dispositions des articles 171 et 175 de l’Acte uniforme sus-évoquées ne sont pas applicables, dès lors que l’arrêt n° 14 du 12 novembre 2008 de la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso est venu anéantir le jugement n° 248 du 09 août 2006 qui a prononcé la liquidation de la BSGB SARL, de sorte que tous les actes juridiques et judiciaires qui tirent leur fondement de cette décision, notamment la vente d’une partie des actifs de cette société, ainsi que le jugement de clôture de la liquidation, se trouvent privés de base juridique ; qu’en l’absence de procédure de liquidation, l’on ne saurait appliquer des dispositions prévues en matière de clôture de la liquidation ; que dès lors, le jugement mérite donc confirmation sur ce point ;
Que s’agissant du second moyen d’irrecevabilité, il y a lieu de relever que messieurs B Ai Ag et B Ad n’agissent pas au nom de la BSGB SARL, laquelle a d’ailleurs été appelé en cause, mais en leurs noms personnels ; qu’en l’espèce, il ne fait nul doute qu’ils ont chacun un intérêt personnel à agir contre la vente d’une partie des actifs de la BSGB SARL ; qu’en effet, ladite vente compromet l’existence même de la société dans laquelle ils ont investi financièrement ; qu’ils sont donc en droit de contester une telle démarche qui nuit à leurs intérêts personnels ; qu’ils ont également intérêt à l’annulation de la vente, consécutive à une procédure de liquidation qui n’existe plus, afin d’assurer le retour des actifs de BSGB dans son patrimoine ; qu’il n’est pas, non plus, contestable que cet intérêt suffit à leur donner qualité pour agir ; que dès lors, messieurs B Ai Ag et B Ad sont recevables à agir en leurs seules qualités d’associés ;
Sur la violation de l’article 7 du Code de procédure civile
Attendu que relativement à la violation de l’article 7 du Code de procédure civile, comme déjà relevé lors de l’examen du moyen ayant abouti à la cassation de l’arrêt attaqué, il est constant que pour justifier la recevabilité de l’action de messieurs B Ai Ag et B Ad, le premier juge a convoqué l’article 163 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique ; que pourtant, il ne résulte nullement des pièces de la procédure que les observations des parties aient été appelées sur ce point conformément aux dispositions de l’article 7 du code de procédure civile qui prescrivent que le juge « …ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office ou sur les explications complémentaires qu'il a demandées, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations » ; qu’il convient alors à ce niveau, de reformer le jugement attaqué, en substituant, sur le fondement légal de la recevabilité de l’action de messieurs B Ai Ag et B Ad, l’article 12 du code de procédure civile qui dispose que « l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé » à l’article 163 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique qui a été appliqué ;
Sur l’annulation du jugement n°32/09 du 22 juillet 2009
Attendu qu’en ce qui concerne la violation de l’article 420 du code de procédure civile qui dispose que « Les jugements qui ordonnent une mainlevée ou une radiation de sûretés, un paiement, une mention, une transcription, publication ou quelque chose à faire par un tiers ou à sa charge, ne sont exécutoires par les tiers ou contre eux que sur présentation du certificat du greffe attestant qu'il n'existe ni opposition, ni appel, et constatant la date de la signification », il y a lieu de relever que ledit article tend à éviter qu’un tiers qui, par hypothèse, n’est pas partie à une procédure, et donc est en ignorance de la nature de la décision dont il est débiteur d’exécution, puisse le faire alors que cette décision n’est pas exécutoire ;
Et attendu en l’espèce, que d’une part, qu’il est constant que l’arrêt n° 14 du 12 novembre 2008 de la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso était définitif, raison pour laquelle il a pu servir de fondement à la demande d’annulation de la vente querellée, d’autre part, qu’il n’est pas demandé à CORI SARL d’exécuter une quelconque mesure ou dispositif de cette décision, hypothèse de la disposition invoquée, qui est donc inapplicable dans le cas d’espèce ; que dès lors, le jugement attaqué ne peut être annulé sur la base des dispositions sus-invoquées ;
Sur l’intervention forcée de la BSGB SARL
Attendu que par acte en date du 10 février 2009, les intimés ont appelé à la cause, Maître Yacoba OUATTARA et monsieur Souleymane SERE, liquidateurs de la BSGB SARL ; que la cour d’appel a approuvé la décision du premier juge, qui n’a pas statué sur cette demande, en relevant que ces derniers n’ayant ni comparu, ni produit d’écritures, le premier juge n’avait pas l’obligation de statuer à leurs égards ; que pourtant, d’une part, les mis en cause l’ont été en leurs qualités de syndics liquidateurs de la BSGB SARL et c’est donc en réalité cette dernière, qui est partie à la vente querellée, qui a été appelée à la cause ; que conformément à l’article 21 du code de procédure civile, le juge devait statuer à l’égard de celle-ci, qu’elle ait comparu ou pas, qu’elle ait fait valoir des moyens de défense ou pas ; qu’également, conformément à l’article 384 du code de procédure civile, la BSGB SARL devait figurer comme partie à la cause et le jugement rendu lui est commun aux autres parties ; qu’il convient alors d’infirmer le jugement en ce qu’il a manqué de statuer sur l’appel forcée à la cause de la BSGB SARL ;
Attendu qu’aussi, en application de l’article 115 du code de procédure civile qui dispose « Un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d'agir contre lui à titre principal. Il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement. Le tiers doit être appelé en temps utile pour faire valoir sa défense. L'intervention forcée est formée par voie d'assignation », il y'a lieu de noter que l’annulation de la vente doit être poursuivie contre CORI SARL, l’acquéreur et la BSGB SARL, le vendeur ; que ce faisant, l’appel à la cause forcée de la BSGB SARL mérite d’être déclarée recevable et qu’en statuant à nouveau, de déclarer ladite intervention recevable ;
Attendu enfin, qu’il y a lieu de relever que la BSGB SARL a été assignée à personne à travers les personnes de ses syndics, mais n’a daigné comparaître ni déposé d’écritures ; que l’article 377 du code de procédure civile dispose que « Le juge statue par jugement réputé contradictoire, si le défendeur, cité à personne, ne comparaît pas (..) » ; que dès lors en application de cette disposition, il convient de statuer, par réputé contradictoire, à l’égard de la BSGB SARL ;
Sur la demande reconventionnelle de messieurs B Ai Ag et B Ad
Attendu qu’à titre reconventionnel, les intimés qui estiment qu’un procès qui n’a pas sa raison d’être leur est imposé, demandent de condamner solidairement CORI SARL et les liquidateurs au paiement d’un million (1.00.000) FCFA au titre des frais non compris dans les dépens en application de l’article 6 de la loi 028-2004 du 08 septembre 2004 ;
Attendu que cette demande des intimés se justifie par le fait d’une part qu’ils ont eu gain de cause dans la présence procédure et d’autre part, pour se défendre, qu’ils se sont entourés des conseils d’un avocat, lequel a droit à ses frais et honoraires ; que le tribunal ayant condamné CORI SARL au paiement de la somme de 500.000 F CFA eu égard aux circonstances de la cause, sa décision doit être confirmée sur cet autre point ;
Sur les dépens
Attendu que CORI SARL ayant succombé, sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Reçoit le pourvoi formé par CORI SARL ;
Casse l’Arrêt n° 016, rendu le 10 novembre 2010 par la Cour d’appel de Bobo- Ae ;
Evoquant
Infirme partiellement le jugement attaqué en ce qu’il a omis de statuer sur la mise en cause forcée de la BSGB SARL et en ce qu’il a déclaré recevable l’action de messieurs B Ai Ag et B Ad en application de l’article 163 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique ;
Statuant à nouveau sur ces points :
Déclare recevable l’intervention forcée de la BSGB SARL ;
Dit qu’il est statué par réputé contradictoire à son égard ;
Déclare l’action de messieurs B Ai Ag et B Ad recevable en application de l’article 12 du code de procédure civile ;
Confirme le jugement en ses autres dispositions ;
Condamne CORI SARL aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier