ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Première chambre
Audience publique du 03 mars 2022
Pourvoi : n° 077/2021/PC du 11/03/2021
Affaire : Express Service Corporation
Succession de feu B A Luc
(Conseil : Maître Goïlar NDJEDUBUM, Avocat à la Cour)
Contre
Banque Ah Af pour l’Investissement et le Commerce
(BSIC SA)
(Conseil : Maître NGADJADOUM Josué, Avocat à la Cour)
Arrêt N° 062/2022 du 03 mars 2022
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 03 mars 2022 où étaient présents :
Messieurs César Apollinaire ONDO MVE, Président ;
Birika Jean Claude BONZI, Juge, Rapporteur ;
Sabiou MAMANE NAISSA, Juge ;
Et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 11 mars 2021, sous le n° 077/2021/PC et formé par le cabinet Goïlar NDJEDUBUM, Avocat au barreau du Tchad, Avenue Aa Y AeCAc, Tchad, agissant au nom et pour le compte de l’entreprise Express Service Corporation, Entreprise individuelle inscrite au RCCM de Ab sous le n° TC-MD-2005-A-23, RC 031/A, NIF 900177, BP
239, Représentée par Monsieur AG A Ai, Ab, République de Tchad et la Succession de feu B A Luc, représentée par Monsieur Z Ad, Administrateur provisoire, dans la cause qui les oppose à la Banque Sahelo-saharien pour l’Investissement et le Commerce dite BSIC, Société anonyme inscrite au RCCM sous le n° TCH-NDJ/2002/B/936, ayant son siège sis, Avenue Ag AH X, BP 81, N’Ndjamena-Tchad, représentée par son Directeur général, laquelle a pour conseil le cabinet NGADJADOUM Josué, Avocat au barreau du Tchad, Avenue Mobutu, BP 5554, N’Ac, Tchad ;
en cassation de l’arrêt n° 024 rendu le 10 février 2020 par la Cour d’appel Ab et dont le dispositif est le suivant :
« LA COUR
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant publiquement et contradictoirement à l’égard des parties, en matière commerciale et en dernier ressort ;
Déclare irrecevable l’appel de Express Service ;
La condamne aux dépens. »
Les requérants invoquent à l’appui de leur recours, les six moyens de cassation tels qu’ils figurent dans leur requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Birika Jean-Claude BONZI, Juge ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en
Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que dans le cadre de leurs relations, la BSIC SA a accordé à l’entreprise Express Service Corporation divers concours bancaires, en garantie du remboursement desquels Monsieur B A Luc lui a consenti une hypothèque sur un immeuble lui appartenant ; que munie de la grosse de leur convention notariée de compte courant avec affectation hypothécaire, la BSIC SA a fait pratiquer une saisie de l’immeuble donnée en garantie ; que par jugement n° 25/2018 en date du 22 novembre 2018, le Tribunal de commerce de Ab a constaté l’absence de dires de la succession de
feu B A Luc, à laquelle la saisie a été dénoncée après le décès de celui-ci, puis renvoyé la procédure à l’audience d’adjudication du 20 décembre 2018 ; que saisie par Express Service Corporation et la succession de feu B A Luc, la Cour d’appel de Ab a rendu l’arrêt dont pourvoi ;
Sur la recevabilité du recours
Attendu que la BSIC SA relève que, conformément aux dispositions de l’article 23 du Règlement de procédure de la Cour de céans, toute partie doit être représentée par un avocat, muni d’un mandat spécial de celle-ci ; qu’en l’espèce, Monsieur AG A Ai, agissant au nom de Express Service Corporation, a donné mandat à maître Goïlar NDJEDUBUM aux fins du présent pourvoi ; que pourtant, Express Service Corporation, entreprise individuelle, est dépourvue de personnalité juridique, laquelle se confond à celle de son promoteur ; que Monsieur AG A Ai, lequel n’est pas titulaire de l’Autorisation administrative d’exercice commerciale et ne figure pas sur le RCCM délivré à Express Service Corporation, n’a aucune qualité pour donner mandat ; que ce faisant, le pourvoi est irrecevable ;
Attendu cependant qu’il est acquis au dossier que le conseil qui a introduit le présent recours a reçu mandat du représentant de la succession, également demanderesse au pourvoi, à laquelle revient au demeurant tout le patrimoine attaché à l’entreprise Express Services Corporation ; que cela suffit tant à la régularité de sa représentation qu’à la perfection du recours ; qu’il y a lieu de rejeter l’exception soulevée et de déclarer le pourvoi recevable ;
Sur le premier moyen tiré de la violation de l’article 301 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Vu l’article 28 bis (nouveau), 1” tiret, du Règlement de procédure de la
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré irrecevable l’appel de l’entreprise Express Services Corporation, en application des dispositions de l’article 301 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, motif tiré de ce que l’acte d’appel ne contient pas les motifs du recours, alors, selon le moyen, que d’une part, cette disposition s’applique aux décisions rendues en matière d’incidents de la saisie-immobilière, différente du jugement d’adjudication contre lequel leur recours était dirigé, et d’une part, la sanction prévue par cette disposition est une nullité et non une irrecevabilité comme la Cour d’appel l’a prononcé ;
Attendu qu’il ne fait nul doute que la décision n° 25 du 22 novembre 2018 du Tribunal de commerce de Ab, frappé d’appel, est un jugement rendu à l’audience éventuelle et non le jugement d’adjudication comme le prétendent l’entreprise Express Services Corporation et les ayants droit de feu B A Luc ; que l’appel contre un tel jugement est soumis aux dispositions de l’article 301 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, lesquelles prescrivent, à peine de nullité, que cet acte comporte les motifs pour lesquels appel est relevé ; qu’en l’espèce, il est constant que l’acte d’appel en date du 11 décembre 2018, rédigé par le greffier en chef du Tribunal de commerce de Ab sur les déclarations du conseil de l’appelante Express Services Corporation, ne comporte pas les motifs de l’appel ; que celui-ci s’était réservé le droit de produire ses « moyens de défense » devant la Cour ; que conformément à la disposition susvisée, cet acte d’appel doit être déclaré nul ; que mais en se méprenant sur la nature de la sanction prévue par cette disposition qu’elle a entendue appliquer, et en déclarant le recours irrecevable, ce qui suppose que l’acte n’est pas nul mais a pu porter régulièrement l’action qui serait irrecevable, sans pour autant indiquer les motifs de cette irrecevabilité, la Cour d’appel a commis le grief visé au moyen et exposé sa décision à la cassation ; qu’il échet de casser l’arrêt et d’évoquer ;
Sur l’évocation
Attendu que par déclaration d’appel acté le 11 décembre 2018 par le greffier en chef du Tribunal de commerce de Ab, maître Goïlar NDJEDOUBOUM, Avocat au barreau du Tchad, conseil de l’entreprise Express Services Corporation a relevé appel du jugement n° 25 rendu le 22 décembre 2018 par le Tribunal de commerce de Ab ; qu’il s’est réservé le droit de produire ses « moyens de défense » devant la Cour ;
Attendu que la BSIC SA a soulevé, in limine litis, la nullité de cet appel pour violation des articles 301 et 300 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en ce que l’acte d’appel ne comporte pas les moyens qui soutiennent ce recours et que la décision attaquée n’a statué sur aucun des cas ouvrants limitativement énumérés le droit à l’appel ;
Sur la nullité de l’acte d’appel
Attendu que l’article 301 de l’Acte uniforme précité dispose que « (.…) L’acte d’appel contient l’exposé des moyens de l’appelant à peine de nullité … » ;
Attendu qu’en l’espèce, il est constant que l’acte d’appel du 11 décembre 2018, rédigé par le greffier en chef du Tribunal de commerce de Ab sur les déclarations du conseil de l’appelante Express Services Corporation, ne comporte pas les motifs de l’appel ; qu’il est donc nul, en application de la disposition susvisée ; que s’il apparait des pièces de la procédure que précédemment, par acte d’huissier de justice en date du 30 novembre 2018, l’entreprise Express Services Corporation et les Ayants droit de feu B A Luc ont relevé appel de la même décision, lequel comporte des moyens de fait et de droit qui sous-tendent ce recours, aucun de ces appelants ne se prévaut de cet acte ; qu’au demeurant, cet appel se serait lui aussi heurté à l’irrecevabilité, en application de l’article 300 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, le tribunal de commerce de Ab, en l’absence de dires sur l’un des cas limitativement énumérés à cette disposition n’ayant pu statuer sur aucun de ceux-ci ;
qu’il convient donc de déclarer nul, l’acte d’appel de Express Service Corporation en date du 11 décembre 2018 ;
Sur les dépens
Attendu que l’entreprise Express Services Corporation et les Ayants droit de feu B A Luc ayant succombé, doivent être condamnés aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l’arrêt n° 024/2020 rendu le 10 février 2020 par la Cour d’appel de
Evoquant :
Déclare nul, l’acte d’appel de l’entreprise Express Services Corporation relevé contre le jugement n° 25 du 22 novembre 2018 ;
Déclare en conséquence cet appel irrecevable ;
Condamne l’entreprise Express Service Corporation et les Ayants droit de feu B A Luc aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier