ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
Première chambre
Audience publique du 03 mars 2022
Pourvoi : n° 364/2021/PC du 30/09/2021
Affaire : Madame X Afi, épouse C
(Conseils : Maîtres ALOGNON Ayayi François et DJOMATIN Ezin, Avocats à la Cour)
Contre
Madame A Ah
Arrêt N° 066/2022 du 03 mars 2022
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 03 mars 2022 où étaient présents : Messieurs : César Apollinaire ONDO MVE, Président
Birika Jean Claude BONZI, Juge
Sabiou MAMANE NAISSA Juge, rapporteur
et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier ;
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n°364/2021/PC le 30 septembre 2021, formé par Maîtres ALOGNON Ayayi François, Avocat à la Cour, demeurant à Lomé, 135, boulevard Ad Ab, 06 BP : 61316 Lomé 06, Togo et DJOMATIN Ezin, Avocat au barreau du Togo, 313, boulevard du 13 janvier, 1” étage, immeuble de l’agence UTB à côté de Ag Af et en face de la société EFPGERC AUDIT CONSEIL, 04 BP : 926 Lomé 18, agissant au nom et pour le compte de madame X Afi épouse C, commerçante, domiciliée à Lomé, quartier Adawlato, avenue Maman N°’danida, ancienne station Total Aa, … : 81162, Lomé, Togo, dans la cause qui l’oppose à madame A Ah, promotrice des Ac B, dont le siège est à Lomé, avenue Maman N’danida, ancienne station Total Aa, en face de l’immeuble Saint-Michel,
en cassation de l’arrêt ADD N°068/20 rendu le 06 août 2020 par la Cour d’appel de Lomé, et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en appel ; EN LA FORME
Reçoit l’appel ;
AU FOND
Sursoit à statuer ;
Vu l’article 75 du code de procédure civile ;
Ordonne une audition des parties en Cabinet ;
Désigne le Conseiller LARE Ae pour y procéder ;
Fixe au mardi 25 août à 15 heures la date de ladite audition ;
Réserve les dépens. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à sa requête annexée au présent Arrêt ;
Sur le rapport de monsieur Sabiou MAMANE NAISSA, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu, selon les énonciations de l’arrêt attaqué, que par jugement n°038/2019 rendu le 15 janvier 2019, le Tribunal de première instance de Lomé, statuant sur opposition à l’ordonnance d’injonction de payer n°166/2018 rendue le 26 avril 2018 par le Président dudit tribunal, formée par madame A Ah, débouta cette dernière de l’ensemble de ses demandes et la condamnait à payer à madame X Afi la somme de 26.388.400 F CFA ; que sur recours de madame A Ah, la Cour d’appel de Lomé rendait l’arrêt attaqué, objet du présent pourvoi en cassation ;
Attendu que par lettre n°1902/2021/GC/G4 du 18 novembre 2021, le Greffier en chef de la Cour de céans signifiait le recours à madame A Ah, et lui impartissait un délai de trois (03) mois à compter de la date de réception pour transmettre à la Cour, son mémoire en réponse, conformément aux dispositions des articles 29 et 30 du Règlement de procédure de la Cour ; que le principe du contradictoire étant observé, il échet d’examiner le pourvoi ;
Sur le premier moyen de cassation tiré de la violation de l’article 15 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Vu l’article 28 bis (nouveau), 1” tiret, du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l'OHADA
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé le texte visé au moyen, en ce que la cour d’appel a déclaré recevable l’appel relevé le 23 mai 2019 par madame A Ah contre un jugement sur opposition du 15 janvier 2019, aux motifs « que le jugement entrepris n’ayant pas été signifié, l’appel ainsi relevé est recevable dans les conditions de droit national togolais relativement aux conditions d’exercice des voies de recours devant les juridictions de droit commun, et ce, à l’aune des dispositions de l’article 296 du Code de procédure civile qui prévoient que « les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu’après leur avoir été notifiés, à moins que l’exécution n’en soit volontaire », alors selon le moyen, que ce recours avait été formé hors délai, pour avoir été introduit au-delà du délai de trente jours prévu par la loi ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a, selon le moyen, violé le texte susvisé et exposé sa décision à la cassation ;
Attendu en effet, qu’aux termes de l’article 15 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution « La décision rendue sur opposition est susceptible d’appel dans les conditions du droit national de chaque Etat partie. Toutefois, le délai d’appel est de trente jours à compter de la date de cette décision. » ; qu’en outre, selon l’article 10 du Traité de l’OHADA « Les Actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats-parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure. » ;
Et attendu qu’il résulte de ces dispositions qu’en République du Togo, Etat- partie à l'OHADA, le délai d’appel contre le jugement sur opposition est de trente jours à compter du prononcé de ladite décision et non, comme le prétend la cour d’appel, à compter de sa signification ; que le jugement contesté ayant été rendu le 15 janvier 2019, l’appel interjeté le 23 mai 2019, soit plus de quatre (04) mois, l’a été hors délai ; que l’arrêt attaqué qui le déclare recevable a donc violé le texte visé au moyen et encourt la cassation ; qu’il échet pour la Cour d’examiner l’affaire sur le fond, par évocation, conformément aux dispositions de l’article 14 alinéa 5 du Traité susvisé ;
Sur l’évocation
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que madame X Afi, créancière de madame A Ah, a obtenu du président du Tribunal de première instance de première classe de Lomé, une ordonnance d’injonction de payer n°166/2018 du 26 avril 2018 ; que madame A Ah en opposition à ladite ordonnance, a saisi le Tribunal de première instance de première classe de Lomé qui a rendu le jugement n° 038/2019 en date du 15 janvier 2015 dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, sur opposition à ordonnance d’injonction de payer et en premier ressort,
En la forme
Reçoit dame A Ah en son opposition ;
Au fond
L’en dit non fondée ;
La déboute, en conséquence de l’ensemble de ses demandes ;
La condamne à payer à dame X Afi, épouse C, la somme de vingt- six millions trois cent quatre-vingt-huit mille quatre cents (26.388.400) franc CFA ; Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision nonobstant toutes voies de recours et sans caution ;
Condamne dame A Ah aux dépens. » ;
Attendu que, par acte d’appel du 23 mai 2019, madame A Ah a relevé appel du jugement sus-rapporté en sollicitant de la cour tant pour les motifs exposés devant le premier juge que pour ceux à exposer ultérieurement devant elle, de réformer le jugement entrepris et de lui adjuger l’entier bénéfice de ses demandes, fins et conclusions ; qu’en réplique et au principal, l’intimée a soulevé l’exception d’irrecevabilité de l’appel, estimant qu’il a été interjeté après expiration du délai imparti par l’article 15 de l’Acte uniforme visé au moyen, applicable en la cause ; que subsidiairement, elle demande à la cour d’appel de débouter l’appelante de toutes ses demandes, fins et conclusions, en confirmant le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;
Sur la recevabilité de l’appel
Attendu que, pour les mêmes motifs que ceux retenus pour la cassation de l’arrêt déféré, il y a lieu de déclarer l’appel interjeté par madame A Ah irrecevable ;
Sur les dépens
Attendu que madame A Ah ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l’arrêt ADD N°068/20 rendu le 06 août 2020 par la Cour d’appel de
Lomé ;
Evoquant :
Déclare irrecevable l’appel interjeté par madame A Ah ;
La condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier