ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Troisième chambre
Audience publique du 02 juin 2022
Pourvoi :n° 224/2019/PC du 19/08/2019
Affaire : Société HYDROFOR INTERNATIONAL SA
(Conseil : Maître MESSAN TOMPIEU Nicolas, Avocat à la Cour)
Contre
Office National de l’Eau Potable dite ONEP
(Conseil : SCPA KSK, Avocats à la Cour)
Arrêt N° 074/2022 du 02 juin 2022
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Troisième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 02 juin 2022 où étaient présents :
Messieurs Mahamadou BERTE, Président
Djimasna N’DONINGAR, Juge
Madame Afiwa-Kindéna HOHOUETO, Juge rapporteur
et Maître Louis Kouamé HOUNGBO, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 19/08/2019 sous le numéro 224/2019/PC et formé par Maître Tompieu Nicolas MESSAN Avocat à la Cour, demeurant à Ab Af Ac les Caddies, immeuble Bunker, 1°” étage , appartement 742, agissant, au nom et pour le compte de la société HYDROFOR INTERNATIONAL SA ayant son siège social à Lomé, Rue 312, maison 49, quartier Agbalpedogan, poursuites et diligences de son représentant légal monsieur Ag B, dans la cause qui l’oppose à l’Office National de l’Eau Potable en abrégé «ONEP» dont le siège social est sis à Abidjan, II plateaux Vallons, Rue J93, îlot 212, lot 2470, 04 BP 42 Abidjan 04, agissant aux poursuites et diligences de son représentant légal monsieur Aa C et ayant pour conseil la SCPA KSK, Avocats à la Cour, demeurant à Abidjan, Commune de Cocody, Avenue Ae A, villa Médecine, 08 BP 118 Abidjan 08,
en cassation de l’Arrêt n°85/2019 du 07 mars 2019 rendu par la Cour d’appel de commerce d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Déclare l’Office National de l’Eau Potable dit ONEP recevable en son appel contre l’ordonnance n° 4144/2018 rendue le 15 janvier 2019 par la juridiction présidentielle du Tribunal de commerce d’Abidjan ;
L’y dit bien fondé ;
Infirme l’ordonnance querellée en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau
Déclare la demande de la société HYDROFOR INTERNATIONAL SA tendant à la délivrance d’un titre exécutoire et au paiement des causes de la saisie contre l’ONEP mal fondée ;
L’en déboute ;
Met les dépens a la charge de la société HYDROFOR INTERNATIONAL. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation en deux branches tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Madame le Juge Afiwa Kindena HOHOUETO ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des éléments du dossier de la procédure, qu’en exécution du jugement n°1216/2015 rendu le 15 novembre 2015 par le Tribunal de commerce d’Ad et qui condamnait la société TYRONE BUILDING à lui payer la somme de 81.998.915 F CFA à titre principal et celle de 5.000.000 de FCFA à titre de dommages et intérêts, la société HYDROFORD INTERNATIONAL a fait pratiquer, le 29 novembre 2016, une saisie-attribution de créances portant sur la somme de 98.554.59 F CFA entre les mains de l’ONEP, sur les avoirs de sa débitrice; que les contestations élevées par celle-ci ayant été rejetées, la société HYDFROFORD INTERATIONAL a sollicité de l'ONEP, le paiement de la somme que celui-ci avait, dans le procès-verbal de saisie, reconnu devoir à ladite débitrice ; que le paiement n’étant pas intervenu, la créancière saisissante a fait assigner l’ONEP devant le président du Tribunal de commerce d’Abidjan, en obtention de titre exécutoire et en paiement des causes de la saisie ; que par ordonnance n° RG 4141/2018 rendue le 15 janvier 2029, la juridiction présidentielle a prononcé contre l’ONEP la délivrance d’un titre exécutoire pour le paiement à HYROFORD INTERNATIONAL, de la somme de 98.544.359 F CFA, représentant les causes de la saisie ; que sur saisine de l’ONEP, la cour d’appel a rendu l’arrêt infirmatif ci-dessus visé et dont pourvoi ;
Sur les deux branches réunies du moyen unique, tiré de la violation des articles 156 et 168 de l’Acte Uniforme portant organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d’Exécution
Attendu qu’il est reproché à la cour d’appel la violation, d’une part, des dispositions de l’article 156 ci-dessus visé au moyen, en ce qu’elle a énoncé que : « dès lors l’ONEP (...) ne détient aucune somme d’argent en vertu d’un pouvoir propre et indépendant pour le compte de la société TYRONE BUILDING (.…) qu’il n’a donc pas la qualité de tiers saisi (…) » alors, selon le moyen, que le fait pour l’ONEP d’avoir déclaré à la créancière saisissante, détenir des sommes d’argent pour le compte de celle-ci, suffit à faire de celui-là, un tiers saisi ; et, d’autre part, la violation des dispositions de l’article 168 de l’Acte uniforme sus visé en ce qu’elle a retenu que : « l’ONEP n’a pas la qualité de tiers saisi (.…) nécessaire pour qu’un titre exécutoire soit délivré à son encontre et pour qu’il soit condamné au paiement des causes de la saisie » alors, selon le moyen, que, d’une part, le tiers saisi a l’obligation de faire des déclarations exactes dont la violation est sanctionnée en vertu de l’article 156 par la condamnation au paiement des causes de la saisie et de dommages et intérêts le cas échéant et, d’autre part, que la juridiction compétente peut délivrer un titre exécutoire contre le tiers saisi qui refuse, comme c’est le cas en l’espèce, le paiement des sommes qu’il a reconnu devoir au débiteur ; que la cour d’appel en ignorant les déclarations inexactes faites par l’ONEP et qui ont empêché la créancière à poursuivre d’autres saisies a, selon le moyen, violé les textes susvisés et exposé sa décision à la cassation ;
Attendu que les deux branches du moyen se recoupent qu’il y a lieu de les examiner ensemble ;
Attendu que selon les dispositions de l’article 156 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution : « le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s’il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures. Il doit communiquer copie des pièces justificatives.
Ces déclarations et communication doivent être faites sur le champ à l’huissier ou l’agent d’exécution et mentionnées dans l’acte de saisie ou, au plus tard, dans les cinq jours si l’acte n’est pas signifié à personne. Toute déclaration inexacte, incomplète ou tardive expose le tiers saisi à être condamné au paiement des causes de la saisie, sans préjudice d’une condamnation au paiement de dommages-intérêts. » ;
Attendu qu’aux termes de l’article 168 de l’Acte uniforme précité : « en cas de refus de paiement par le tiers saisi des sommes qu’il a reconnu devoir ou dont il a été jugé débiteur, la contestation est portée devant la juridiction compétente qui peut délivrer un titre exécutoire contre le tiers saisi. » ;
Attendu qu’il ressort de ces dispositions que la juridiction compétente peut, en cas de refus du tiers saisi de procéder au paiement des sommes saisies dont il s’est reconnu débiteur, délivrer contre lui, un titre exécutoire, ou, en cas de déclaration inexacte ou incomplète, prononcer sa condamnation au paiement des causes de la saisie ;
Attendu qu’il est de jurisprudence constante de la Cour de céans que les dispositions de l’article 156 susvisé s’appliquent exclusivement au tiers saisi, terme désignant la personne qui détient des sommes d’argent dues au débiteur saisi en vertu d’un pouvoir propre et indépendant, même si elle les détient pour le compte d’autrui ; qu’en conséquence, même en cas de déclaration inexacte ou incomplète, lesdites dispositions ne sauraient s’appliquer à une personne qui n’a pas la qualité de tiers saisi ;
Attendu, en l’espèce, que pour déclarer que l’ONEP n’a pas la qualité de tiers saisi, la cour d’appel a retenu que « les pièces du dossier établissent que les sommes détenues par l’ONEP pour le compte de la société TYRONE BUILDING, représentent le coût d’un marché dont ladite société était attributaire dans le Programme Présidentiel d’Urgence ; et pour le paiement de ces sommes, l’ONEP établit des décomptes et des certificats de paiement qu’il adresse à la cellule de coordination du PPU placée sous l’autorité du Secrétaire Général du gouvernement ; que ces sommes sont payées sur le budget spécial du PPU par virement direct sur le compte de la société TYRONE BUILDING ; que, dès lors, l’ONEP, du fait de ce mécanisme, ne détient aucune somme d’argent en vertu d’un pouvoir propre et indépendant pour le compte de la société TYRONE BUILDING.» ;
Attendu que c’est à l’appui de ces constatations de fait dont l’appréciation échappe à la Cour de céans, que la cour d’appel a pu, sans commettre les griefs allégués, retenir que l’ONEP n’a pas la qualité de tiers saisi et ne peut, par conséquent, faire l’objet de délivrance d’un titre exécutoire ni de condamnation au paiement des causes de la saisie ; qu’aucune branche du moyen unique n’étant fondée, il y a lieu de rejeter le pourvoi ;
Sur les dépens
Attendu que la société HYDROFOR INTERNATIONAL SA succombant, il y a lieu de la condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
Rejette le pourvoi contre l’arrêt n° 85/2019 rendu le 07 mars 2019 par la Cour d’appel de commerce d’Abidjan ;
Condamne la société HYDROFOR INTERNATIONAL aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier