ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Troisième chambre
Audience publique du 02 juin 2022
Pourvoi :n° 011/2021/PC du 15/01/2021
Affaire : AXA Assurances Gabon SA
(Conseil : Maître Aimery-Paul BHONGO-MAVOUNGOU, Avocat à la Cour)
Contre
Diffusion Universelle SARL
Arrêt N° 077/2022 du 02 juin 2022
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 02 juin 2022 où étaient présents :
Messieurs Mahamadou BERTE, Président
Djimasna N’DONINGAR, Juge, rapporteur
Madame Afiwa-Kindéna HOHOUETO, Juge,
et Maître Louis Kouamé HOUNGBO, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 15 janvier 2021 sous le n°011/2021/PC et formé par Maître BHONGO-MAVOUNGOU, Avocat à la Cour, demeurant à Libreville, B.P. 13880, agissant au nom et pour le compte de la société AXA Assurances Gabon, S.A. dont le siège est à Libreville, au 1935, Boulevard de l’Indépendance, B.P. 4.047, dans la cause qui l’oppose à la société Diffusion Universelle, S.A.R.L. dont le siège est à Libreville, quartier Montagne Sainte, B.P. 4.988 ;
en cassation de l’arrêt n°76/2018-2019 rendu le 22 mai 2019 par la Cour d’appel de Libreville et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;
- Déclare la société AXA ASSURANCES GABON irrecevable en son appel pour forclusion ;
- La condamne aux dépens » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Djimasna N’DONINGAR ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’en date du 13 novembre 2017, la SARL Diffusion Universelle, munie d’un titre exécutoire à hauteur de 110.000.000 FCFA contre la Société d’Energie et d’Eau du Gabon, dite la SEEG, pratiquait entre les mains de plusieurs entités dont la société AXA Assurances Gabon une saisie-attribution de créances sur toutes sommes dont celles-ci sont redevables envers la débitrice ; qu’estimant la déclaration de la société AXA non conforme aux exigences de la loi, la société Diffusion Universelle l’assignait devant le Juge de l’Urgence du Tribunal de Première Instance de Libreville en paiement des causes de cette saisie et de dommages- intérêts ; que, par ordonnance n°195/2017-2018 du 06 juillet 2018, le Juge accédait à cette demande et condamnait AXA Assurances Gabon à payer la somme de 123.471.473 FCFA représentant les causes de la saisie et 30.000.000 FCFA à titre de dommages-intérêts ; que, sur saisine de AXA Assurances Gabon, la Cour d’appel de Libreville rendait, le 22 mai 2019, l’arrêt n°76/2018-2019 susmentionné, objet du présent pourvoi ;
Attendu que la partie défenderesse, la société Diffusion Universelle, à laquelle le recours a été signifié par courrier n°0909/2021/GC/G4 du 10 mai 2021, reçu le 28 Octobre 2021, conformément aux dispositions des articles 29 et 30 du Règlement de procédure de la Cour de céans, n’a pas réagi ; que le principe du contradictoire ayant ainsi été observé, il convient d’examiner l’affaire ;
Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des articles 49 et 335 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt querellé d’avoir violé les textes visés au moyen en ce que, pour déclarer l’appel irrecevable, la Cour d’appel a, d’une part, fondé sa décision sur l’article 444 du Code gabonais de procédure civile alors que, selon le moyen, l’ordonnance querellée était rendue en matière de contentieux de l’exécution par le Juge institué par l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; que, d’autre part, la computation du délai de recours par ladite Cour est faite en violation de l’article 335 susvisé ;
Attendu que le délai pour faire appel d’une décision rendue à la suite de «tout litige ou demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie… » est de quinze jours à compter de son prononcé, conformément à l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; qu’en application de l’article 335 dudit Acte uniforme, « les délais prévus (…) sont des délais francs » ; que le délai franc est celui dans le décompte duquel sont exclus le dies a quo et le dies ad quem ;
Attendu qu’il ressort des pièces non contestées du dossier de la procédure que l’ordonnance querellée a été rendue le 06 juillet 2018 ; que, dès lors, le dies a quo et le dies ad quem étant respectivement le 06 juillet et le 20 juillet 2018, les parties avaient jusqu’au 21 juillet 2018 pour interjeter appel contre cette décision ; qu’or le 21 juillet 2018 étant un samedi, donc jour non ouvrable, ce délai était reporté au premier jour ouvrable suivant ; qu’il s’ensuit que l’appel interjeté par la société AXA Gabon S.A. en ce jour du lundi 23 juillet 2018 est fait dans le délai imparti par la loi; qu’en le déclarant irrecevable sur le fondement d’une disposition du droit national inapplicable en l’espèce, la Cour d’appel de Libreville a violé les articles 49 et 335 susmentionnés et expose son arrêt à la cassation ; qu’il échet d’évoquer ;
Sur l’évocation
Attendu que, par acte en date du 23 juillet 2018, la société AXA Gabon S.A. relevait appel de l’ordonnance n°195/2017-2018 rendue le 6 juillet 2018 par le Juge de l’urgence du Tribunal de première instance de Libreville et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière d’urgence, et en premier ressort ;
Tous droits et intérêts des parties préservés quant au fond ;
Mais dès à présent, vu l’urgence ;
- Affirmons la qualité de tiers saisi de la société AXA Assurances Gabon ;
- En conséquence, la condamnons à payer à la société Diffusion Universelle SARL la somme de cent vingt-trois millions quatre cent soixante-onze mille quatre cent soixante-treize (123.471.473 F) de francs au titre des causes de la saisie outre, celle de trente millions (30.000.000F) de francs à titre de dommages et intérêts ;
- Disons notre ordonnance exécutoire au seul vu de la minute, avant enregistrement et nonobstant toutes voies de recours ;
- Laissons les dépens à la charge de la société AXA Assurances Gabon. » ;
Qu'elle fait grief à l’ordonnance querellée de « n’avoir pas recherché si la saisie litigieuse continuait de produire ses effets, alors que les articles 164 et 165 de l’AUPSRVE font ressortir qu’un seul paiement de la condamnation principale libère l’ensemble des tiers saisis de leurs obligations » ; qu’elle soutient que, la société Diffusion Universelle s’étant déjà fait payer, il n’existe plus de créance, les causes de la saisie n’existent plus ;
Attendu que la société Diffusion Universelle, en réplique, conclut à la confirmation de l’ordonnance attaquée en toutes dispositions ; qu’elle soutient que AXA Assurances Gabon ayant violé l’article 156 de l’AUPSRVE, le juge n’a pas besoin de justifier ou de motiver sa décision ;
Sur la recevabilité de l’appel
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux ayant conduit à la cassation de l’arrêt n°73/2018-2019 du 22 mai 2019 susvisé, il y a lieu de déclarer l’appel interjeté par la société AXA Assurances Gabon recevable, en application des articles 49 et 335 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Sur le paiement des causes de la saisie et des dommages-intérêts
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier que la saisie-attribution dont le paiement des causes est poursuivi était déjà entièrement payée le 28 février 2018 par la SOBRAGA, tiers saisi, en accord avec la SEEG, débitrice poursuivie ; que, dès lors, aux termes de l’article 165, alinéa 2, suivant lesquels « ce paiement éteint l’obligation du débiteur et celle du tiers saisi », aucune condamnation ne saurait être prononcée du fait des déclarations relativement à cette même saisie ; qu’il y a lieu d’infirmer, en conséquence, l’ordonnance rendue le 6 juillet 2018 par le Juge de l’urgence du Tribunal de première instance de Libreville et, statuant à nouveau,
de dire qu’il n’y a pas lieu à condamner AXA Assurances Gabon ni au paiement des causes de la saisie ni à des dommages-intérêts ;
Sur les dépens
Attendu que la société Diffusion Universelle succombant, sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
Casse l’arrêt n°73/2018-2019 rendu le 22 mai 2019 par la Cour d’appel de Libreville ;
Evoquant et statuant sur le fond :
Déclare l’appel recevable ;
Infirme l’ordonnance rendue le 6 juillet 2018 par le Juge de l’urgence du Tribunal de première instance de Libreville ;
Statuant à nouveau :
Dit qu’il n’y a pas lieu à condamnation de la société AXA Assurances Gabon ni au paiement des causes de la saisie ni à des dommages-intérêts ;
Condamne la société Diffusion Universelle aux entiers dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier