ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
(CCJA)
Première Chambre
Audience publique du 09 juin 2022
Pourvoi : n° 017/2020/PC du 04/02/2020
Affaire : Etat du Cameroun et Société de Recouvrement des Créances du Cameroun dite SRC (ex-liquidation BIAOC)
(Conseils : SCPA NOUGWA & KOUONGUENG, Avocats à la Cour)
Contre
Sieurs A Ab, B Aa et TOWA FOTSO Luc (Conseil : Maître KADJE Victor D., Avocat à la Cour)
Arrêt N° 083/2022 du 09 juin 2022
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première chambre a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 09 juin 2022 où étaient présents :
Madame Esther Ngo MOUTNGUI IKOUE, Présidente
Messieurs Fodé KANTE, Juge, rapporteur
Robert SAFARI ZIHALIRWA, Juge
Mariano ESONO NCOGO EWORO, Juge
Mounetaga DIOUF, Juge
et Maître Jean-Bosco MONBLE, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 04 février 2020 sous le n°017/2020/PC et formé par la SCPA Nougwa & Kouongueng, Société d’avocats représentée par Maîtres Nougwa Bienvenue et Kouongueng Théodore, Avocats au barreau du Cameroun, Bafoussam, BP 963, agissant au nom et pour le compte de l’Etat du Cameroun et la Société de Recouvrement des Créances du Cameroun dite SRC (ex-liquidateur BIAOC), dans la cause qui les oppose aux sieurs A Ab, B Aa et TOWA FOTSO Luc, ayant pour conseil maître KADJE Victor D., Avocat au Barreau du Cameroun, Bafoussam, BP 699,
en cassation du Jugement n° 97/COM rendu le 05 novembre 2019 par le Tribunal de grande instance de la Mifi à Bafoussam, Cameroun, et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale, en premier et dernier ressort et à l’unanimité des membres formant le collège ;
Arrête le montant de la créance de la société de recouvrement des créances du Cameroun sur les saisis à la somme de 17 287 921 francs ;
Ordonne en conséquence la continuation des poursuites ;
Fixe la nouvelle date d’adjudication, après accomplissement des formalités de publicité, en vue de la vente, de l’article 276 de l’acte uniforme OHADA n° 06, au 3 décembre 2019 ;
Laisse les dépens quant à présent liquidés à la somme de 885 800 (huit cent quatre-vingt-cinq mille huit cents) francs cfa en frais privilégiés de l’adjudication. » ;
Les requérants invoquent à l’appui de leur recours les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent dans la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Fodé KANTE, Juge ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il résulte des énonciations du jugement attaqué que, pour obtenir le recouvrement d’une créance qu’il réclame à Monsieur A Ab, l’Etat du Cameroun, représenté par la Société de Recouvrement des Créances du Cameroun dite SRC a fait pratiquer une saisie sur un immeuble appartenant à celui-ci ; que par jugement rendu en son audience éventuelle du 05 novembre 2019, le Tribunal de grande instance de Bafoussam a rejeté les dires et observations du débiteur saisi, puis renvoyé l’affaire à l’audience d’adjudication ; que ledit jugement a, en outre, fixé le montant de la créance à 17.287.921 francs CFA, ce qui n’a pas rencontré l’assentiment du créancier poursuivant, lequel a formé le présent pourvoi ;
Sur l’exception d’incompétence
Attendu que, suivant mémoire en réponse reçu au greffe de la Cour de céans le 18 janvier 2021, Monsieur A Ab soulève l’incompétence de cette Cour ; qu’il soutient à cet effet que le jugement attaqué est susceptible d’appel ; qu’appel a même déjà été relevé, suivant requête de l’Etat du Cameroun représenté par la SRC en date du 28 novembre 2019 devant la Cour d’appel de Bafoussam ; que dès lors, en application de l’article 14 du Traité de l' OHADA, la Cour de céans est manifestement incompétente à connaître de ce contentieux non encore réglé par la juridiction d’appel saisie ;
Attendu, cependant, que la compétence de la Cour de céans est tributaire, non de l’existence d’une instance en cours devant une juridiction nationale, mais de la nature de l’affaire ; qu’en application de l’article 14 du Traité susdit, cette compétence est acquise dès lors que l’affaire soulève une question relative à l’application d’un Acte uniforme ou d’un règlement prévu audit Traité ; qu’en l’espèce, l’affaire est relative à une saisie immobilière ; que le jugement attaqué a, du reste, été rendu à l’audience éventuelle ; que cette matière étant régie par l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, la Cour de céans est compétente pour en connaître ;
Sur l’irrecevabilité, relevée d’office
Attendu qu’au soutien de son exception d’incompétence, Monsieur A Ab a relevé que le jugement attaqué est non seulement susceptible d’appel, et qu’appel a même déjà été relevé devant la Cour d’appel de Bafoussam par l’Etat du Cameroun représenté par la Société de Recouvrement des Créances du Cameroun dite SRC, suivant requête en date du 28 novembre 2019 ;
Que si un tel moyen ne peut venir en soutien d’une exception d’incompétence, comme sus relevé, il soulève en revanche des questions relatives à la recevabilité du recours ;
Attendu, en effet, qu’aux termes de l’article 300 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution «les décisions judiciaires rendues en matière de saisie immobilière ne sont pas susceptibles d’opposition. Elles ne peuvent être frappées d’appel que lorsqu’elles statuent sur le principe même de la créance ou sur des moyens de fond tirés de l’incapacité d’une des parties, de la propriété, de l’insaisissabilité ou de l’inaliénabilité des biens saisis (.…) » ; qu’en l’espèce, le jugement dont pourvoi a statué sur la nullité de la convention portant ouverture de compte courant avec affectation hypothécaire du 27 octobre 1983, invoquée par le demandeur au pourvoi dans ses dires et observations ; qu’à cet effet, le Tribunal a statué en ces termes : « Attendu que par jugement n°101/ADD/COM du 02 octobre 2018, le Tribunal de céans, après avoir rejeté les dires et observations des saisis sur tous les autres aspects, a jugé celui relatif à la liquidité de la créance fondé et ordonné,
en conséquence, une expertise financière des comptes de sieur A Ab ouverts dans les livres de l’ex BIAO Cameroun ; » ; qu’en soulevant la nullité de la convention portant ouverture de compte courant avec affectation hypothécaire du 27 octobre 1983, source de la créance réclamée, le demandeur conteste l’existence de celle-ci et donc son principe même ; qu’au regard des dispositions légales susvisées, la saisine de la Cour de céans n’est pas justifiée à ce stade de la procédure, le jugement attaqué étant susceptible d’appel, et que appel a été effectivement relevé ; qu’il s’ensuit que le présent recours en cassation doit être déclaré irrecevable ;
Sur les dépens
Attendu que l’Etat du Cameroun représenté par la SRC ayant succombé, doit être condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Se déclare compétente ;
Déclare le pourvoi irrecevable ;
Condamne l’Etat du Cameroun représenté par la SRC aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
La Présidente
Le Greffier