ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(O.H.A.D.A)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(C.C.J.A)
Première chambre
Audience publique du 09 juin 2022
Pourvoi : n° 333/2020/PC du 03/11/2020
Affaire : A Am Af
(Conseils B Z X et Associés, Avocats à la Cour)
Contre
Société ECOBANK TOGO
(Conseil : Maître Tiburce MONNOU, Avocat à la Cour)
Arrêt N° 086/2022 du 09 juin 2022
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 09 juin 2022 où étaient présents :
Madame Esther Ngo MOUTNGUI IKOUE, Présidente, rapporteur
Messieurs Fodé KANTE, Juge
Robert SAFARI ZIHALIRWA, Juge
Mariano NCOGO EWORO, Juge
Mounetaga DIOUF, Juge
Et Maître Jean-Bosco MONBLE, Greffier ;
Sur le recours enregistré sous le n°333/2020/PC du 03 novembre 2020 et formé par la SCPA FEMIZA Associés, société d’Avocats, sise au 390, Rue Aj … …, … … : 64 Lomé 14, République du Togo pour le compte de madame A Af Am, revendeuse demeurant et domiciliée à Lomé, République du Togo, Boulevard Ah AH, à côté de l’ancienne savonnerie de Bè, quartier Bè-Houvemé, dans la cause qui l’oppose à ECOBANK TOGO, Société anonyme avec conseil d’administration, dont le siège est à Lomé, 20 Avenue Ac Ae, République du Togo, ayant pour conseil Maître Tiburce MONNOU, Avocat au Barreau du Togo, cabinet sis Angle 1294 Rue Ab (99TKN) et 234, Rue Al, 06 BP 62 296 Lomé 06,
en cassation de l’arrêt n°20/20 rendu le 05 mars 2020 par la Cour d’appel de Lomé, dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de saisie immobilière et en appel ;
En la forme
Vu les dispositions de l’article 272 de l’AUPSRVE ;
Constate que la décision attaquée a été rendue en audience éventuelle ;
Dit et juge que ladite décision est un jugement et non une ordonnance du juge de l’article 49 de l’'AUPSRVE ;
Déclare l’appel ainsi interjeté recevable ;
Au fond
Vu la convention de compte courant entre ECOBANK-TOGO SA et GTC SARL ;
Vu les articles 13 et 17 de ladite convention ;
Vu l’article 196 de l’Acte uniforme sur les suretés (AUS) ;
Dit et juge que la créance de la Banque, garantie par l’hypothèque de l’immeuble objet du Titre Foncier n°27184 RT Vol 137, F°66 appartenant à dame A Am Af est le solde débiteur du compte courant pour une durée de vingt (20) ans ;
Infirme par conséquent en toutes ses dispositions le jugement n°0151/2019 rendu le 30 septembre 2019 par le Tribunal de première instance de Lomé ;
Statuant à nouveau ;
Déboute dame A Am Af de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Ordonne la poursuite de la procédure de saisie immobilière objet du Titre foncier sus-décrit ;
Renvoie la cause et les parties par devant le Tribunal de première instance de Lomé pour la fixation d’une nouvelle date d’adjudication ;
Condamne l’intimée aux dépens, dont distraction au profit de Maître Tiburce MONNOU, Avocat au Barreau du Togo aux offres de droit (.…) » ;
La requérante invoque à l’appui de son recours les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent Arrêt ;
Sur le rapport de madame Esther Ngo MOUTNGUI IKOUE, Présidente ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’'OHADA ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que par convention de crédit du 15 juin 2010, assortie d’une garantie hypothécaire offerte par dame A Am Af sur son immeuble objet du titre foncier n° 27 184 RT, la société ECOBANK TOGO offrait à la société GTC Sarl deux facilités de crédit en compte courant d’un total de 35 278 713 FCFA, pour une durée de deux (2) mois ; que ladite hypothèque était inscrite le 06 décembre 2011 ; que par avenant du 09 décembre 2010, la banque offrait à la même société une nouvelle facilité d’un montant de 113 157 200 FCFA et, courant août 2015, il était procédé à la clôture juridique du compte, qui faisait ressortir un solde débiteur de 413 688 174 FCFA ; que sur cette base, ECOBANK engageait la réalisation de l’immeuble hypothéqué et faisait déposer, le 09 avril 2019, un cahier des charges en vue de la vente dudit immeuble, et la demanderesse au pourvoi était sommée d’en prendre connaissance par acte en date du 11 avril 2019 ; qu’à l’audience des dires et observations, dame A Ak tant la validité de l’hypothèque que sa réalisation et, par jugement n°015/2019 du 30 septembre 2019, le Tribunal de première instance de Lomé, statuant en audience éventuelle, décidait que l’hypothèque consentie était éteinte et en ordonnait la radiation ; que sur appel de ECOBANK TOGO, la Cour de Lomé rendait l’arrêt objet du présent pourvoi ;
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 300 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Attendu que le moyen reproche à l’arrêt attaqué la violation de l’article 300 sus visé, en ce qu’il a retenu que dame A contestait le principe même de la créance et que l’appel relevé contre la décision du premier juge entrait dans l’une des catégories énumérées par cet article alors, selon le moyen, que devant le premier juge, seule la validité de la garantie hypothécaire avait été discutée et que la cour d’appel avait elle-même relevé que la recourante n'avait saisi ce juge que pour voir ordonner la mainlevée et la radiation de l’hypothèque inscrite sur son immeuble ; qu’en retenant que c’est le principe même de la créance qui était contesté, la juridiction d’appel a violé l’article visé au moyen, et fait encourir cassation à sa décision ;
Attendu, d’une part, qu’aux termes de l’article 300 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution « les décisions rendues en matière de saisie immobilière ne sont pas susceptibles d’opposition. Elles ne peuvent être frappées d’appel que lorsqu’elles statuent sur le principe même de la créance ou sur les moyens de fond tirés de l’incapacité des parties, de la propriété, de l’insaisissabilité ou de l’inaliénabilité des biens saisis (…) » ; que, d’autre part, l’article 196 de l’Acte uniforme portant organisation des suretés dispose que « l’inscription a une durée déterminée et conserve le droit du créancier jusqu’à une date devant être fixée par la convention ou la décision de justice dans la limite de trente ans au jour de la formalité (.…) » ;
Attendu qu’en l’espèce, l’article 13 de la convention d’ouverture de crédit assortie de la garantie hypothécaire du 15 juin 2010 prévoit que «les suretés constituées à la garantie des créances portées au compte courant subsisteront, (…) leur effet sera reporté sur le solde débiteur du compte, tel que ce solde apparaîtra lors de la clôture du compte », et l’article 17 de ladite convention précise que «(...) en conséquence, à la sureté et garantie du remboursement de la somme principale ci-dessus prêtée, du montant de tous intérêts, commissions et indemnités, du remboursement de tous avances, frais et accessoires quelconques, et d’une manière générale, à la garantie du solde éventuellement débiteur existant entre la banque et le client, la caution affecte et hypothèque spécialement au profit de Y C, à hauteur de soixante-douze millions (72 000 000) de francs CFA, ce qu’elle accepte, l’immeuble dont la désignation ci-après (.…) » ;
Attendu qu’il s’induit de la lecture combinée des dispositions de l’article 196 de l’Acte uniforme susmentionné et de celles de la convention des parties que la garantie hypothécaire consentie par la caution couvre systématiquement la période allant de sa signature au remboursement complet de toutes les sommes dues à la banque créancière en principal, intérêts et accessoires ;
Que c’est donc à bon droit que la cour d’appel a dit et jugé que la créance de la banque, garantie par l’hypothèque de l’immeuble objet du Titre Foncier n°27184 RT Vol 137, F°66 appartenant à dame A Am Af est le solde débiteur du compte courant pour une durée de vingt (20) ans ;
Qu’en énonçant dans ce cadre qu’« (.…) il est donc clair que le principe même de la créance dont ECOBANK veut obtenir recouvrement est contesté », ladite cour n’a en rien commis le grief visé, et le moyen sera rejeté ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches réunies
Attendu que la première branche du second moyen reproche à l’arrêt attaqué la violation des articles 201 et suivants de l’Acte uniforme portant organisation des suretés, en ce qu’il a étendu la garantie hypothécaire consentie par dame A à la seconde facilité bancaire du montant de 113 157 200 Fcfa, alors que celle-ci ne concernait que les premiers crédits spot d’un montant global de 35 278 713 Fcfa totalement apurés, et que cet avenant a été fait hors la vue et la volonté de dame A ; que dame A, illettrée et ne s’exprimant que dans son dialecte Ewé, tel qu’il ressort de la convention mère du 15 juin 2010, aurait dû être assistée de deux certificateurs ; qu’en décidant comme elle l’a fait, alors que c’est vainement que l’on recherchera dans l’acte du 09 décembre 2010 la constitution d’une hypothèque par la recourante, l’arrêt attaqué a commis le grief à la première branche, et mérite d’être cassé ;
Que la seconde branche du moyen reproche à l’arrêt déféré la violation des articles 195 et 196 de l’Acte uniforme portant organisation des suretés, en ce qu’il a validé une hypothèque inscrite le 06 décembre 2011, alors que le 09 décembre 2010, soit un an avant, ECOBANK déclarait elle-même que le crédit pour lequel la garantie avait été consentie était entièrement soldé ; qu’en validant ainsi la garantie et en autorisant la banque à poursuivre la procédure de saisie immobilière, alors que l’hypothèque n’avait plus aucune validité sur le Titre foncier n° 27.184 RT appartenant à dame A Af, la cour d’appel a erré, et son arrêt mérite la cassation ;
Attendu que les deux branches interfèrent, en ce qu’elles sont toutes deux relatives à l’étendue de la garantie hypothécaire consentie par la constituante ; qu’il convient de leur donner une réponse unique ;
Attendu qu’il ressort de la lecture des articles 13 et 17 de la convention liant les parties qu’elle a été régulièrement conclue, en ce que dame A Af était régulièrement assistée par monsieur AG Ag Ai, interprète-traducteur assermenté près la Cour d’appel de Lomé; que la constituante a déclaré se rendre et se constituer caution hypothécaire de la Société Groupe de Transaction et de Coopération Sarl envers ECOBANK TOGO ; que ladite convention, tel qu’il a été développé supra, couvre le solde débiteur du compte courant ouvert, selon ce que les parties ont voulu, et l’hypothèque consentie était bien valable au moment de la clôture du compte ;
Qu'en retenant, dans ces circonstances, qu’« au moment de la réalisation de l’hypothèque, le droit de ECOBANK TOGO était toujours conservé ; (.…) le premier juge a ignoré la loi des parties (…) », la Cour d’appel de Lomé n’a en rien violé les textes visés par les deux branches du moyen qui, de ce fait, mérite le rejet ;
Attendu qu’aucun des moyens développés au pourvoi ne prospérant, il y a lieu de le rejeter ;
Sur les dépens
Attendu que madame A Am Af succombant, doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette le pourvoi ;
Condamne madame A Am Af aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
La Présidente
Le Greffier