ORGANISTAION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Première chambre
Audience publique du 09 juin 2022
Pourvoi : n° 160/2021/PC du 29/04/2021
Affaire : Société SECURISYS SARL
(Conseils : la SCPA SORO, BAKO & Associés, Avocats à la Cour)
Contre
1/ Société ECOBANK Côte d’Ivoire SA
2/ Madame A X C
3/ Monsieur Z Aa
(Conseils : Cabinet Binta BAKAYOKO, Avocats à la Cour)
Arrêt N° 090/2022 du 09 juin 2022
La Cour Commune de justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du droit des Affaires (OHADA), Première chambre, a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 09 juin 2022 où étaient présents :
Madame Esther Ngo MOUTNGUI IKOUE, Présidente
Messieurs Fodé KANTE, Juge
Robert SAFARI ZIHALIRWA, Juge, rapporteur Mariano Esono NCOGO EWORO, Juge
Mounetaga DIOUF, Juge
et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans sous le numéro 160/2021/PC du 29 avril 2021, formé par Maître SORO Adama, Avocat à la Cour, demeurant à Cocody les deux Plateaux, rue des jardins, Villa 2160, BP 139 CIDEX 1 Abidjan, agissant au nom et pour le compte de la société SECURISYS CI, dont le siège est sis à Abidjan Cocody-Angré-les Oscars section DO, parcelle 182, lot 58 de l’ilot 4, 11 BP 2926 Abidjan 11, dans la cause l’opposant à la société ECOBANK COTE D’IVOIRE, ayant son siège social à Abidjan, immeuble ECOBANK, avenue Y, place de la République, 01 BP 4107 Abidjan 01, à madame A X, gestionnaire immobilier domiciliée à Ab, et à monsieur Z Aa, ingénieur technico- commercial, demeurant à Abidjan, tous, ayant pour conseils, Cabinet Binta BAKAYOKO, Avocats à la Cour, demeurant à Abidjan-Plateau, immeuble Chardy 8° étage,
en cassation de l’arrêt RG N°661/2020 rendu le 07 janvier 2021 par la Cour d’appel de commerce d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Déclare recevable l’appel interjeté par Madame A X C épouse Z et Monsieur Z Aa contre le jugement RG 0429/2020 rendu le 18 juin 2020 par le Tribunal de Commerce d’Abidjan ;
Les y dit cependant mal fondé ;
Les en déboute ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Les condamne aux dépens de l’instance. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation tel qu’il figure à sa requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Robert SAFARI ZIHALIRWA ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’'OHADA ;
Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que, le 31 mars 2017, la société SECURISYS SARL concluait avec la société ECOBANK Côte d’Ivoire une convention de compte courant bancaire avec ouverture de crédit au profit de la première ; que cette convention prévoyait la consolidation des encours impayés de SECURISYS dans les livres d’ECOBANK, d’un montant de 409.150 000 FCFA en principal, l’octroi d’un crédit court terme de 200.000.000 FCFA en principal, destiné a x financer les marchés obtenus par la société SECURISYS et l’ouverture d’une ligne de caution de marché d’un montant de 100.000.000 FCFA en principal destiné à l’émission de cautions des marchés obtenus par SECURISYS SARL ; que monsieur Z Aa et madame C A X épouse Z s’étant portés cautions hypothécaires de la société SECURISYS SARL afin de garantir le remboursement de ce financement, une hypothèque de premier rang a été inscrite au bénéfice d’ECOBANK, pour une valeur de 906.260.000 FCFA, sur deux immeubles leur appartenant ; que reprochant à la société SECURISYS SARL de ne pas honorer les échéances de remboursement convenues, ECOBANK lui adressait, le 29 mars 2018, un courrier de mise en demeure de payer la somme de 511.075.369 FCFA ; que le 21 juin 2018, elle informait SECURISYS SARL de la clôture de son compte et servait, par exploit d’huissier de justice du 14 décembre 2018, un commandement aux fins de saisie immobilière aux époux Z et à sa débitrice ; que ces derniers, considérant que la banque n’avait pas mis en place le financement conventionnellement prévu, saisissaient le Tribunal de commerce d’Abidjan aux fins d’obtenir la résolution de la convention d’hypothèque ; que par jugement n° 0429 rendu le 18 juin 2020, le Tribunal déclarait mal fondée leur requête ; que sur appel relevé de ce jugement, la Cour de commerce d’Abidjan rendait, le 07 janvier 2021, l’arrêt RG N°661/2020 objet du pourvoi ;
Sur la recevabilité du recours
Attendu que dans son mémoire en réponse reçu au greffe de la Cour de céans le 25 novembre 2021, ECOBANK Côte d’Ivoire soulève l’irrecevabilité manifeste du recours formé par la société SECURISYS SARL au motif que, bien qu’étant partie à l’instance, cette dernière n’a fait valoir aucun moyen de défense tant devant le Tribunal que devant la Cour d’appel et que cela étant, elle n’a aucun intérêt à former un recours en cassation contre une demande de résolution de convention d’hypothèque alors qu’elle n’est qu’une simple cautionnée ; que même si elle demeure intéressée par l’issue de l’instance, SECURISYS SARL n’a pas qualité pour agir en cassation contre la décision d’appel querellée ;
Mais attendu, selon l’article 15 du Traité de l'OHADA, que « les pourvois en cassation prévus à l’article 14 sont portés devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), soit directement par l’une des parties à l’instance, soit sur renvoi d’une juridiction nationale statuant en cassation saisie d’une affaire soulevant des questions relatives à l’application des actes uniformes » ; qu’il s’infère de cette disposition que le droit de se pourvoir en cassation devant la CCJA est limité aux parties à l’instance ayant donné lieu à la décision attaquée, et à la juridiction nationale statuant en cassation dans les conditions sus-décrites ; que la société SECURISYS SARL étant partie à l’instance, tel que cela résulte des pièces de la procédure, elle est parfaitement recevable à former un recours en cassation contre l’arrêt attaqué ; qu’il échet par conséquent, de rejeter l’exception soulevée par ECOBANK COTE D'IVOIRE ;
Sur le moyen unique de cassation
Attendu que la société SECURISYS SARL fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 17 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés (AUS) en ce que, nonobstant les dispositions du texte susvisé selon lesquelles le cautionnement ne peut exister que si l’obligation principale garantie est valable, la Cour d’appel a, pour rejeter l’appel interjeté contre le jugement RG N°0429/2020 rendu le 18 juin 2010 par le Tribunal de commerce d’Abidjan, retenu que les conditions qui affectaient l’obligation garantie ont été réalisées, de sorte que l’obligation principale garantie serait valablement constituée alors qu’en réalité, l’obligation principale garantie par les cautions hypothécaires était affectée des conditions cumulatives de la consolidation des encours de la société SECURISYS CI dans les livres de ECOBANK, de la mise en place, dès la signature de la convention, d’un crédit court terme de 200.000.000 FCFA en une seule fois sur le compte de la société SECURISYS et de la mise en place d’une ligne de caution de marché d’un montant de 100.000.000 FCFA ; que la société ECOBANK n’a pas réalisé lesdites conditions alors que la société SECURISYS et les époux Z ont exécuté leur part du contrat en faisant inscrire des hypothèques de premier rang sur leurs immeubles au profit de ECOBANK ; que l’obligation principale garantie n’a pas été valablement constituée ; que la société ECOBANK a seulement consolidé les encours de SECURISYS dans ses livres dans l’unique dessein de faire muer sa créance chirographaire en créance assortie d’une hypothèque, sans mettre en place le crédit court terme de 200.000.000 FCFA qui était l’essence de la convention, car les bénéfices des marché obtenus auraient servi à rembourser les échéances du prêt et ses encours ; que, toujours selon le moyen, la position de la Cour d’appel, qui consiste à subordonner le déblocage du crédit court terme à la double condition de la justification des marchés à financer et la formulation d’une demande de financement dans le délai de 12 mois, relève d’une mauvaise lecture de la convention de prêt, et qu’en décidant comme elle l’a fait, la Cour d’appel a méconnu les dispositions visées au moyen ;
Mais attendu qu’il ne résulte nullement de l’arrêt attaqué, que la société SECURISYS CI a fait appel du jugement RG N°0429/2020 rendu le 18 juin 2020 par le Tribunal de commerce d’Abidjan ; qu’il ne résulte non plus dudit arrêt, que ladite société a soutenu devant la Cour d’appel le moyen susrelaté ; qu’ainsi, le moyen unique, tiré de la violation de l’article 17 de l’AUS présenté pour la première fois en cassation, est nouveau, mélangé de fait et de droit et doit être déclaré irrecevable ; qu’il échet, en conséquence, de rejeter le pourvoi ;
Sur les dépens
Attendu que la société SECURISYS ayant succombé, doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Déclare le pourvoi recevable ;
Le rejette ;
Condamne la société SECURISYS aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les, jour, mois et an que dessus et ont signé :
La Présidente
Le Greffier