ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
(CCJA)
Deuxième Chambre
Audience publique du 30 juin 2022
Pourvoi : n° 193/2021/PC du 26/05/2021
Affaire : Aa Ac X Ab AI SA
(Conseil : Maître Michel Janvier VOUKENG, Avocat à la Cour)
Contre
Ag Ae B C AJ
En présence de
Monsieur le Conservateur de la Propriété Foncière du Wouri A
Arrêt N° 110/2022 du 30 juin 2022
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, présidée par Monsieur Armand Claude DEMBA), assisté de Maître Koessy Alfred BADO, Greffier, a rendu en son audience publique du 30 juin 2022 l’Arrêt dont la teneur suit, après délibération d’un collège de juges composé de :
Messieurs : Armand Claude DEMBA, Président ;
César Apollinaire ONDO MVE, Juge, rapporteur ;
Arsène Jean Bruno MINIME, Juge ;
Sabiou MAMANE NAISSA, Juge ;
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour sous le n°193/2021/PC du 26 mai 2021, formé par Maître Michel Janvier VOUKENG, Avocat au Barreau du Cameroun, résidant à Af au Cameroun, Rue des Cocotiers, 2°"° étage de l’Immeuble Crédit Commercial du Sud, au lieu-dit AG Z, BP 4256 Douala-Cameroun, agissant au nom et pour le compte de l’Aa Ac X Ab, société anonyme dont le siège se trouve à Bamenda, BP 110 Bamenda au Cameroun, dans la cause qui l’oppose, d’une part, à Ag Ae B C AJ, demeurant à Af, assistée devant le juge du fond par maître Anatol MBANDJE, Avocat aux Barreaux du Nigeria et du Cameroun, BP 1972 Yaoundé au Cameroun, Etude sise au lieu-dit MESSA et, d’autre part, au Conservateur de la Propriété Foncière du Wouri A, dont les bureaux sont situés au quartier Z à Af, Cameroun,
en cassation de l’Ordonnance n°101/OSE/PTA/DLA/2020 du 17 septembre 2020, rendue par la juridiction du Président du Tribunal Administratif du Littoral à Af, dont le dispositif est libellé ainsi qu’il suit :
« PAR CES MOTIFS ORDONNONS :
Article 1”: La requête aux fins de sursis à exécution introduite par dame Ag Ae B C AJ est recevable ;
Article 2: Elle est fondée. Par conséquent, les effets du titre foncier N°1433/W établi au profit de sieur Y AH Ad sont suspendus jusqu’à intervention de la décision au fond… »
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent Arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge César Apollinaire ONDO MVE ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l'OHADA ;
Attendu, selon l’ordonnance attaquée, que dame Ag Ae B C AJ a saisi le Premier Ministre camerounais d’un recours gracieux relatif aux conditions d’établissement et de délivrance du titre foncier n°1433/W que son époux a affecté à la garantie des dettes contractées auprès de l’Aa Ac X Ab ; que dans l’attente de l’issue de ce recours, elle a saisi la juridiction du Président du Tribunal Administratif du Littoral, à Af, à l’effet de voir les effets dudit titre foncier provisoirement suspendus ; que suivant ordonnance objet du présent recours, il a été fait droit à cette demande ;
Attendu que par acte n°1253 du 30 juin 2021, le Greffier en chef de la Cour a signifié le recours à Ag Ae B C AJ par le canal de son conseil devant la juridiction ayant rendu l’ordonnance attaquée, Maître Anatol MBANDIJE, Avocat à la Cour, seule adresse connue d’elle ; que la défenderesse n’a ni conclu ni comparu ; que le principe du contradictoire ayant cependant été observé, l’affaire peut valablement être examinée ;
Sur la compétence de la Cour
Attendu qu’il ressort des dispositions des alinéas 3 et 4 de l’article 14 du Traité de l'OHADA que, saisie par la voie du recours en cassation, la CCJA « se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité, à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales. » ; qu’elle «se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats parties dans les mêmes contentieux. » ;
Attendu, en l’espèce, que la décision déférée énonce expressément « que curieusement, il y a quelques jours, elle a appris par le canal des réseaux sociaux, que l'immeuble dont s’agit avait, il y a quelques années, fait l’objet d’une garantie hypothécaire au profit de le Aa Ac X Ab AI, et qu’il se trouve même menacé à tout instant d'être vendu aux enchères publiques » ;
Qu’il en résulte que l’affaire soulève des questions relatives à l’application de l’Acte uniforme relatif aux sûretés et de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Que l’ordonnance entreprise étant insusceptible d’appel comme ayant été rendue à juge unique par un juge administratif, elle peut valablement être soumise à la censure de la CCJA par voie de cassation ; qu’il échet par conséquent pour la Cour de céans d’affirmer le principe de sa compétence à connaitre de la cause ;
Sur le deuxième moyen de cassation, tiré de la violation des dispositions de l’article 20 du Traité de l'OHADA
Vu l’article 28 bis (nouveau), 1“ tiret, du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ;
Attendu qu’il est fait grief à l’ordonnance querellée la violation de l’article 20 du Traité de l'OHADA, en ce que le Président du Tribunal Administratif du Littoral a méconnu l’autorité de la chose jugée et la force exécutoire rattachées, d’une part, à l’Arrêt n°043/2010 rendu le 1“ juillet 2010 par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage et, d’autre part, à l’ordonnance rendue sous le n°096/2017 du 29 novembre 2017 par le Président de la même Cour ; que selon la requérante, à travers ces deux décisions, la CCJA constate respectivement que dame B ne démontre pas que l’immeuble objet du titre foncier sur lequel porte la saisie immobilière initiée par l’Aa Ac X Ab est un bien commun et ne prouve pas le « lien juridique tant avec la société débitrice UNIMARCHE qu’avec le sieur PIWELE Grégoire » ; qu’en statuant comme il a fait, le premier juge a, selon le moyen, violé la loi et exposé son ordonnance à la cassation ;
Attendu, en effet, qu’aux termes de l’article 20 du Traité de l’'OHADA, visé au moyen, les arrêts de la CCJA « ont l’autorité de la chose jugée et la force exécutoire. Ils reçoivent sur le territoire de chacun des Etats parties une exécution forcée dans les mêmes conditions que les décisions juridictions nationales. Dans une même affaire, aucune décision contraire à un arrêt de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ne peut faire l’objet d’une exécution forcée sur le territoire d’un Etat partie. » ;
Attendu qu’en l’espèce, il est acquis au dossier que la CCJA a déjà été saisie des revendications de dame B C et que, par un Arrêt n°043/2010 du ''" juillet 2010 et par une Ordonnance n°096/2017 du 29 novembre 2017, elle a constaté l’absence de preuve de l’appartenance du titre foncier litigieux à une quelconque communauté d’époux et d’un lien juridique tant avec la société débitrice UNIMARCHE qu’avec monsieur Ad A ; qu’il est alors constant qu’en statuant comme elle l’a fait, la décision attaquée a méconnu l’autorité de la chose jugée et le caractère exécutoire des décisions de la CCJA ; que le grief énoncé au moyen étant avéré, elle est cassée de ce seul chef ; qu’il échet par conséquent pour la Cour de céans d’évoquer l’affaire au fond en application des dispositions de l’article 14, alinéa 5, du Traité de l’OHADA ;
Sur l’évocation
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure qu’ayant appris que son époux, sieur Ad Y AH, faisait l’objet d’une procédure de saisie immobilière à la demande de l’Aa Ac X Ab, madame Ag Ae B C AJ a, le 11 mai 2020, introduit auprès du Premier Ministre de la République du Cameroun, un recours gracieux aux fins de rectification des erreurs et omissions commises, selon elle, lors de l’établissement du titre foncier n°1433/W délivré à son époux et que celui-ci a donné en garantie du remboursement des dettes contractées auprès de la banque précitée ; qu’en attendant la suite de cette saisine, elle a saisi la juridiction du Président du Tribunal Administratif du Littoral à Af, à l’effet de voir les effets dudit titre foncier provisoirement suspendus ; qu’au soutien de cette demande, elle a essentiellement fait valoir son intérêt pour agir, lié à sa qualité d’épouse légitime ; qu’au fond, elle a invoqué la violation par l’Administration foncière des dispositions, d’une part, de l’article 23 (nouveau) du Décret N°2005-481 du 16 décembre 2005 modifiant et complétant les dispositions du Décret N°76-165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d’obtention du titre foncier et, d’autre part, de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes du 18 décembre 1979 ; que c’est dans ces conditions que Ag Ae B C AJ a saisi le Président du Tribunal Administratif du Littoral ;
Attendu que, sans avoir à exposer plus amplement les prétentions et moyens des parties, il suffit à la Cour de céans de se référer aux motifs qui sous-tendent la cassation de l’ordonnance entreprise, pour rejeter la demande de madame Ag Ae B C AJ comme étant mal fondée ;
Sur les dépens
Attendu que la défenderesse succombe et sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Se déclare compétente ;
Au fond : Casse et annule l’ordonnance attaquée ;
Evoquant :
Déboute Ag Ae B C AJ de sa demande ;
La condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier