ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
(CCJA)
Deuxième chambre
Audience publique du 30 juin 2022
Pourvoi : n° 361/2021/PC du 30/09/2021
Affaire : Société Civile Immobilière SAN SEVERINA (SCI SAN
SEVERINA)
(Conseils : Cabinet A. FADIKA & Associés, Avocats à la Cour)
Contre
Société Ivoirienne d’Alimentation (SIAL)
(Conseil : Maître Mohamed Lamine FAYE, Avocat à la Cour)
Arrêt N° 114/2022 du 30 juin 2022
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, présidée par Monsieur Armand Claude DEMBA, assisté de Maître Koessy Alfred BADO, Greffier, a rendu en son audience publique du 30 juin 2022 l’Arrêt dont la teneur suit, après délibération d’un collège de juges composé de :
Messieurs : Armand Claude DEMBA, Président ;
César Apollinaire ONDO MVE, Juge, rapporteur ;
Arsène Jean Bruno MINIME, Juge ;
Sabiou MAMANE NAISSA, Juge ;
Sur le recours enregistré sous le n°361/2021/PC du 30 septembre 2021 et formé par le Cabinet A. FADIKA & Associés, Avocats à la Cour, demeurant à Af Ae, … Delafosse, Cité Esculade, Bâtiment L., 8%"° étage, 01 BP 4763 Af 01, République de Côte d’Ivoire, agissant au nom et pour le compte de la Société Civile Immobilière SAN SEVERINA, dite SCI SAN SEVERINA, ayant son siège à Af, Ac, zone 4, rue Calmette, près de la Polyclinique « Les Grâces », 01 BP 3401 Af 01, dans la cause qui l’oppose à la Société Ivoirienne d’Alimentation, dite SIAL, dont le siège est à Af, Zone 4C, 01 BP 3131 Af 01, assisté de Maître Mohamed Lamine FAŸE, Avocat au Barreau de Côte d’Ivoire, demeurant à Abidjan-Plateau, 20-22 Boulevard Clozel, Immeuble « Les Acacias », 7°" étage, 01 BP 265 Af 01,
en cassation de l’arrêt n°175/2021 rendu le 1” juillet 2021 par la Cour d’Appel de Commerce d’Af, dont le dispositif est le suivant :
« Par ces motifs :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Déclare recevable l’appel interjeté par la Société Ivoirienne d’Alimentation, société en liquidation dite SIAL, contre le jugement RG N°0665/2020 et RG N°092/2020 rendu le 16 juillet 2020 par le Tribunal de Commerce d’Af ;
L’y dit bien fondée ;
Infirme le jugement attaqué en ce qu’il a ordonné l’expulsion de la Société Ivoirienne d’Alimentation, société en liquidation dite SIAL, des lieux loués ;
Statuant à nouveau :
Déclare mal fondée l’action en expulsion de la Société Civile Immobilière SAN SEVERINA dite SCI SA SEVERINA ;
L’en déboute ;
Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;
Condamne la Société Civile Immobilière SAN SEVERINA, dite SCI SAN SEVERINA, aux dépens de l’instance… »
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les quatre moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent Arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge César Apollinaire ONDO MVE ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que par convention du 18 octobre 2003, la SCI SAN SEVERINA donnait à bail à la société SIAL un local constitué d’un magasin et d’un hangar situé au rez-de-chaussée de l’Immeuble « Résidence Ab », angle des Rues Chevalier de Clieu et Aa Ad, à Ac, Zone 3, dans lequel la SIAL allait exercer son activité sous la dénomination "Top Budget" ; que par courrier du 19 août 2016, elle servait un congé de sept mois au preneur, arguant de l’exécution imminente de travaux de démolition et de reconstruction de l’immeuble loué ; que suivant exploit en date du 15 mars 2017, la SIAL dénonçait ce congé, pour non-conformité à l’article 134 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, les pièces justificatives de la nature et de la description des travaux projetés ne lui ayant pas été produites ; que la SCI SAN SEVERINA affirmait avoir observé ce texte, en servant au locataire un extrait d’urbanisme, un extrait topographique et le nouveau plan des lieux ; qu’elle ajoutait que la SIAL avait, sans son autorisation, sous-loué les lieux ; que sur la base de ces raisons, elle saisissait le Tribunal de Commerce d’Af d’une demande de validation du congé et d’expulsion de la locataire et des personnes de son chef ; que pour y faire échec, la SIAL invoquait le défaut de tentative de règlement amiable ; qu’au fond, elle faisait valoir qu’après avoir contesté le congé, la SCI SAN SEVERINA n’avait pas intenté une action en validation de ce congé ou fait servir un autre ; qu’elle en avait déduit une continuité des relations contractuelles des parties, en voulant pour preuve le maintien du paiement des loyers échus ; qu’elle concluait par conséquent au débouté de la demanderesse ; que vidant sa saisine par jugements RG N°0665/2020 et RG N°0920/2020 du 16 juillet 2020, le Tribunal de Commerce d’Af rejetait la fin de non-recevoir soulevée par la SIAL, recevait la SCI SAN SEVERINA en son action, l’y disait bien fondée et ordonnait l’expulsion de la SIAL du local occupé, tant de sa personne, de ses biens que de tous occupants de son chef ; que suivant exploit daté du 24 février 2021, la SIAL contestait ce jugement par-devant la Cour d’Appel de Commerce d’Af, laquelle rendait alors l’arrêt objet du présent recours en cassation ;
Sur le premier moyen, tiré du manque de base légale
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de manquer de base légale, en ce que la cour d’appel, après avoir pourtant constaté que la SIAL avait quitté le local litigieux depuis le 08 juillet 2020, a ensuite fondé sa décision sur « des procès- verbaux de constat en date des 06 janvier, 06 février et 18 mars 2020 ainsi que l’ordonnance des référés n°523/2020 qui a ordonné à la SCI SAN SEVERINA de cesser de troubler l’appelante dans la jouissance des lieux loués » pour conclure que le moyen invoqué était « sans objet » et devait « être rejeté » alors, selon le moyen, que divers éléments du dossier démontrent que c’est de son plein gré, et non sous aucune contrainte, que la SIAL est partie des lieux ; qu’il appartenait à la cour d’appel de tirer les conséquences de cette réalité en déclarant notamment l’appel de la SIAL sans objet ; qu’en ne le faisant pas, elle a fait manquer à sa décision toute base légale, l’exposant par conséquent à la cassation ;
Mais attendu que le grief vise l’interprétation faite par la cour d’appel de l’état des relations des parties et déduite du comportement de celles-ci ; qu’en effet, les juges d’appel ont considéré qu’on ne saurait retenir un départ volontaire d’un locataire qui se prévaut des voies de fait imputées à son bailleur qui, du reste, poursuit son expulsion devant les juridictions ; que le moyen, qui critique ainsi une motivation des juges du fond assise sur leur pouvoir souverain d’appréciation des faits de la cause, est irrecevable et sera déclaré tel par la Cour ;
Sur le deuxième moyen de cassation, tiré du défaut, de l’insuffisance ou de la contrariété des motifs
Attendu qu’il est fait grief à la cour d’appel d’avoir, pour statuer comme elle l’a fait, retenu, d’une part, que la SIAL a contesté le congé donné au mois d’août 2016 et, d’autre part, que la SCI SAN SEVERINA n’a initié aucune action en expulsion fondée sur ce congé consécutivement à cette contestation, pour, ensuite, conclure que la SCI SAN SEVERINA « ne peut se fonder sur le congé du 19 août 2016 contesté pour solliciter l’expulsion de la société SIAL » ; que selon le moyen, la cour qui avait déjà énoncé que « des mêmes pièces du dossier, il ressort que par exploit en date du 15 mars 2017 la société SIAL a contesté le congé servi, respectant ainsi les dispositions de l’article 125 susvisées par la notification de la protestation dans le délai ; (...) qu’il ne résulte nullement des éléments du dossier que suite à la protestation du congé par la société SIAL, la SCI SAN SEVERINA a initié, sur la base du congé du 19 août 2016, une action en expulsion de l’intimée », a affecté son arrêt attaqué d’un défaut, d’une insuffisance ou d’une contrariété de motifs ; que cette décision encourt alors la cassation ;
Mais attendu que, tel que libellé, ce moyen est mélangé de faits et de droit ; qu’il ne spécifie d’ailleurs pas le défaut, l’insuffisance ou la contrariété des motifs qu’il invoque ; que du fait de son caractère ambigu, il sera déclaré irrecevable ;
Sur le troisième moyen, tiré de la violation des dispositions de l’article 125 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article 125 de l’Acte uniforme visé au moyen, en ce que la cour d’appel a retenu que la SCI SAN SEVERINA n’a formé aucune action en validation du congé après la contestation de celui-ci par la SIAL alors que, comme l’a souligné le tribunal, « dès lors que le congé est servi, aucun texte n'’enferme sa validation ou le constat de ses effets par le tribunal dans un délai » ; qu’en statuant de la sorte, les juges d’appel ont violé la loi et leur arrêt encourt de ce fait la cassation ;
Attendu, cependant, que c’est au terme d’une ample motivation contenue dans son arrêt, à laquelle la Cour renvoie utilement les parties litigantes, que les juges d’appel ont adopté une position différente de celle du Tribunal de Commerce d’Af ayant éludé la poursuite des relations contractuelles par les parties au bail caractérisée, après la contestation du congé, par le paiement des loyers, dont la révision à la hausse, par le bailleur, a même été exécutée sur la période allant jusqu’au 31 décembre 2021 ; qu’il suit de là que la cour d’appel était dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des circonstances de la cause, de sorte que la critique formulée par le moyen ne peut être déférée à la Cour de céans par voie de cassation ; que ce moyen sera donc déclaré irrecevable ;
Sur le quatrième moyen de cassation, tiré de l’omission de statuer
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué l’omission de statuer, en ce que, saisie du dossier comprenant les deux actions introduites par la SCI SAN SEVERINA devant le Tribunal de Commerce d’Af, portant respectivement sur la validité du congé donné à la SIAL et l’expulsion de celle-ci, la cour d’appel n’a statué que sur la seconde action, c’est-à-dire l’expulsion ; que ce faisant, elle a, selon le moyen, exposé sa décision à la cassation, en application des dispositions de l’article 28 bis du Règlement de procédure de la CCJA ;
Mais attendu, d’une part, que le dispositif du jugement déféré à la cour d’appel ne comporte nullement un chef spécifique à la validation du congé comme le prétend la demanderesse ; que d’autre part, il ressort du dossier qu’il a été procédé à une jonction de procédures faisant de l’expulsion la principale demande de la SCI SAN SEVERINA, le bien-fondé du congé donné à la SIAL devenant une condition de cette expulsion ; que fort de cette articulation du litige, la cour d’appel, qui rejette la demande d’expulsion, statue nécessairement et implicitement sur les mérites du congé excipé ; que le grief énoncé n’ayant donc pas été commis, le moyen qui le porte sera rejeté comme étant mal fondé ;
Et attendu qu’aucun des moyens qui sous-tendent le recours en cassation formé par la SCI SAN SEVERINA ne prospérant, il convient de le rejeter ;
Sur les dépens
Attendu que la demanderesse succombe et sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette le pourvoi formé par la SCI SAN SEVERINA contre l’arrêt n°175/2021 du 1°" juillet 2021 de la Cour d’Appel de Commerce d’Af ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier