ORGANISATION PF POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Troisième Chambre
Audience publique du 30 juin 2022
Pourvoi :n° 337/2021/PC du 03/09/2021
Affaire : Ac A
(Conseil : Cabinet BEUGRE ADOU Marcel, Avocat à la Cour)
Contre
Société Sécurité & Services
(Conseil : SCPA N’DRI & WOGNIN, Avocats à la Cour)
Arrêt N° 122/2022 du 30 juin 2022
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 30 juin 2022 où étaient présents :
Messieurs Mahamadou BERTE, Président
Djimasna N’DONINGAR, Juge, rapporteur
Sabiou MAMANE NAISSA, Juge,
et Maître Louis Kouamé HOUNGBO, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 03 septembre 2021 sous le n°337/2021/PC et formé par le Cabinet d’Avocat BEUGRE ADOU Marcel, Avocat à la Cour, demeurant au Plateau, Rue du Docteur Crozet, Immeuble Crozet, rez-de-chaussée, porte 2, 01 BP 7323 Ag 01, au nom et pour le compte de monsieur Ac A, commerçant exerçant sous la dénomination « ARTIS », demeurant à Ag Ae Ai, 18 BP 1870 Ag 18, dans la cause qui l’oppose à la société Sécurité & Services dite S&S, SARL dont le siège est à Ag Ae, … … ………, … … 467 Ag 01, ayant pour Conseil la SCPA N’DRI & WOGNIN, Avocats à la Cour, demeurant à Ag Ab Ad, Af B n°273, 11 BP 1111 Ag 11,
en cassation de l’Arrêt n°789/2020 rendu le 17 mars 2021 par la Cour d’appel de Commerce d’Ag et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
En la forme :
Se rapporte à l’arrêt avant-dire droit n°789/2020 qui a déclaré la société Sécurité & Services dite S&S recevable en son appel ;
Au fond :
L’y dit bien fondée ;
Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré l’opposition recevable ;
Statuant à nouveau :
Déclare monsieur A Ac irrecevable en son opposition pour cause de forclusion ;
Le condamne aux dépens. » ;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Djimasna N’DONINGAR ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’'OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que, suite à une requête aux fins d’injonction de payer présentée par la société Sécurité & Services, dite S&S, la Présidente du Tribunal de commerce d’Ag enjoignait au sieur Ac A, exerçant sous la dénomination commerciale « ARTIS », de payer à la requérante la somme de 14.121.942 FCFA, par ordonnance n°2544/2020 du 23 juillet 2020 ; que le Tribunal de commerce d’Ag, faisant droit à l’opposition formée par sieur Ac A, déclarait irrecevable la demande en recouvrement de la société S&S par jugement n°2802/2020 rendu le 26 novembre 2020 ; que sur appel, la Cour d’appel de commerce d’Ag rendait, en date du 17 mars 2021, l’arrêt infirmatif n°789/2020 dont pourvoi ;
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 10 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré l’opposition de sieur Ac A irrecevable pour forclusion, aux motifs que la signification faite à son employé Ah Aa, l’a été à une personne habilitée à recevoir l’acte pour le compte de l’intimé, alors, selon le moyen, qu’aux termes de l’article 10 susvisé, « si le débiteur n’a pas reçu personnellement la signification de la décision portant injonction de payer, l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration du délai de 15 jours suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponible en tout ou partie les biens du débiteur » ; que c’est donc à tort que son opposition à l’ordonnance d’injonction de payer a été déclarée irrecevable ;
Attendu que l’appréciation, par la Cour de céans, de la régularité de la signification d’un acte doit être faite en application des dispositions pertinentes du droit national de chaque Etat partie ; qu’ainsi, aux termes de l’article 247 du Code de procédure civile ivoirien, « l’huissier de justice doit, en toute occasion, s’efforcer de délivrer l’exploit à la personne même qu’il concerne » ; que l’article 250 dudit code précise le cas où la signification à personne s’avère impossible : « (...) la copie de l’exploit est remise à la personne présente au domicile. (…) Dans ces hypothèses, l’huissier avise sans délai de cette remise la partie que l’exploit concerne, par lettre recommandée, avec demande d’avis de réception. » ;
Attendu, en l’occurrence, qu’il est constant que l’ordonnance n°2544/2020 du 23 juillet 2020 querellée n’a pas été signifiée à la personne même du destinataire, mais délaissée au sieur Ah Aa, employé de l’entreprise individuelle « ARTIS » ; qu’il est aussi constant comme résultant des éléments du dossier que l’huissier n’a accompli aucune des autres formalités prévues dans ce cas de figure, conformément à l’article 250 suscité ; que, dès lors, en application de l’alinéa 2 de l’article 10 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution, l’opposition « est recevable jusqu’à l’expiration du délai de quinze jours suivant le premier acte signifié à personne ou à défaut suivant la première mesure d’exécution…» ; qu’en l’espèce, aucune de ces deux conditions énoncées à l’alinéa 2 de l’article 10 susvisé n’a été établie ; qu’il s’ensuit que l’opposition faite par sieur A le 17 septembre 2020 contre l’ordonnance délaissée le 31 août 2020 est recevable ; qu’en retenant le contraire, la Cour d’appel a méconnu les dispositions de l’article 10 susmentionné ; qu’il échet en conséquence de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer ;
Sur l’évocation
Attendu que, par exploit d’huissier en date du 24 décembre 2020, la société Sécurité & Services a relevé appel du jugement n°2802/2020 rendu le 26 novembre 2020 par le Tribunal de commerce d’Ag dont le dispositif suit :
« Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort ;
- Reçoit A Ac en son opposition ;
- L’y dit bien fondé ;
- Dit que la créance dont le recouvrement est poursuivi, est prescrite ;
- Par conséquent, déclare irrecevable la demande en recouvrement de la société Sécurité & Services dite S&S ;
- Condamne la défenderesse à l’opposition aux entiers dépens de l’instance distraits au profit de Maître BEUGRE ADOU Marcel, Avocat aux offres de droit. » ;
Qu’au soutien de son appel, elle excipe de l’irrecevabilité de l’action en opposition de sieur Ac A pour forclusion ; qu’elle expose que l’ordonnance d’injonction de payer ayant été signifiée le 31 août 2020, le délai de quinze jours pour faire opposition expirait le 16 septembre 2020 ; que, de ce fait, soutient-elle, l’opposition formée le 17 septembre 2020 par monsieur A n'avait pas respecté le délai légal et devrait être déclarée irrecevable ; qu’elle conclut à l’infirmation du jugement querellé et, sur évocation, de dire sa créance non prescrite et d’en ordonner le paiement ;
Attendu que sieur Ac A, en réplique, soutient que la signification de l’ordonnance d’injonction de payer n’ayant pas été faite à sa personne, mais à son employé, l’huissier de justice, instrumentaire dudit acte, ne l’a pas mis en demeure d’être informé de cette signification, en violation des articles 247 et 250 du code de procédure civile Ivoirien ; que, plaide-t-il, suivant une jurisprudence constante de la CCJA, l’opposition est recevable « lorsque l’ordonnance n’a pas été signifiée à la personne du débiteur et qu’aucune des deux conditions requises par l’article 10 in fine de l’AUPSRVE n’est survenue » ; qu’il conclut à la confirmation du jugement attaqué ;
Sur la recevabilité de l’opposition
Attendu que la signification de l’ordonnance d’injonction de payer n’a pas été faite à la personne même du destinataire de l’acte ; qu’il y a lieu, pour les mêmes motifs que ceux développés lors de l’examen du moyen de cassation, de confirmer le jugement du Tribunal de commerce d’Ag sur ce point ;
Sur la prescription de la créance poursuivie
Attendu que la créance réclamée résulte des factures émises de juin 2007 à août 2009 ; que sieur Ac A, dans son opposition à l’injonction de payer, excipe de la prescription de l’action en recouvrement de ladite créance, en application de l’article 16 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général ; que la société Sécurité & Services soutient qu’il y a interruption de cette prescription, en ce qu’elle avait fait une mise en demeure par voie d’huissier courant 2017 ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande en recouvrement de la société Sécurité & Services pour cause de prescription, le Tribunal a retenu que « s’il est vrai qu’en tenant compte de l’année 2017, la prescription ne saurait être invoquée dans la mesure où le délai de 5 ans (…) court toujours, il n’en demeure pas moins que la pièce alléguée n’est pas une reconnaissance de dette susceptible d’interrompre la prescription conformément aux dispositions de l’article 23 de l’Acte uniforme précité (...) et qu’un tel courrier [une mise en demeure] ne saurait interrompre la prescription de l’action de sorte que, depuis le 02 mars 2013, la prescription est acquise » ; qu’en statuant ainsi qu’il l’a fait, le Tribunal de Commerce d’Ag a fait une exacte application de la loi, qui mérite approbation ;
Sur les dépens
Attendu que la société Sécurité & Services ayant succombé, sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
Casse l’Arrêt n°789/2020 rendu le 17 mars 2021 par la Cour d’appel de commerce d’Ag ;
Evoquant et statuant sur le fond ;
Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement n°2802/2020 rendu le 26 novembre 2020 par le Tribunal de commerce d’Ag ;
Condamne la société Sécurité & Services, dite S&S, aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président Le Greffier