ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
FT D’ARBITRAGE
(CCJA)
Deuxième chambre
Audience Publique du 19 janvier 2023
Pourvoi : n° 112/2021/PC du 29/03/2021
Affaire : Société A C X (Conseils: Maître Thomas DINGAMGOTO et la SCPA ASSOCIES, Avocats à la Cour)
Contre
Société SENEV-TCHAD SA BILF-AKA, BRIZOUA-BI &
Arrêt N° 002/2023 du 19 janvier 2023
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 19 janvier 2023 où étaient présents :
Messieurs : Armand Claude DEMBA, Président
Sabiou MA MANE NAISSA, Juge, rapporteur
Mathias NIAMBA, Juge
Et Maître Louis Kouamé HOUNGBO, Greffier ;
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans le 29 mars 2021 sous le n°112/2021/PC, formé par Maître Thomas DINGA MGOTO, A vocat au barreau du Tchad, BP 1003, N’Ab, République du Tchad, quartier N’Aa, rue 6420, porte 1296, etla SCPA BILE-AKA, BRIZOUA-BI & ASSOCIES, Avocats à la Cour, demeurant au 7, Boulevard Latrille, Cocody 25 BP 945 Abidjan 25, agissant au nom et pour le compte de la société SCHLUMBERGER SEA CO INC, dont le siège est au 8, À quilino de la Guardia-Panama city, Panama, ayant une succursale au Tchad, sise rue du Havre, BP 1221, N’Ab, République du Tchad, représentée par son directeur général monsieur Ac B Y, dans la cause qui l’oppose à la société SENEV-TCHAD SA, dont le siège est à N’Ab, Tchad, BP 187,
en cassation de l’arrêt n° 042/2020 rendu le 17 décembre 2020 par la Cour d’appel de N’Ab et dont le dispositif suit :
« Reçoit les appels des parties ;
Déclare irrecevable la demande de la saisie conservatoire ;
AU FOND
Dit l’appel principal mal fondé ;
Dit par contre l’appel incident fondé ;
Confirme le jugement commercial n° 277 du 28/10/2020 quant au principe de condamnation aux dommages-intérêts ;
Le reforme quant au montant ;
Condamne A C Inc. au paiement de la somme de trois cents millions (300.000.000) FCFA à titre de dommages et intérêts ;
Déboute Senev-Tchad du surplus ;
Condamne A C Inc. aux dépens. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent dans sa requête jointe au présent Arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Sabiou MA MA NE NAISSA, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en A frique ;
Vu le Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’'OHADA ;
Attendu, selon les énonciations de l’arrêt attaqué, que par assignation du 21 février 2019, SNEV-TCHAD SA saisissait le Tribunal de commerce de N’Ab d’une action a l’effet d’obtenir la condamnation de A C X à lui payer la somme de 500.000.000 F CFA à titre de dommages et intérêts pour résiliation des relations contractuelles qui les lient ; que par jugement N° 277 du 28 octobre 2019, elle obtenait gain de cause ; que sur recours de A C X, la Cour d’appel de N’Ab rendait l’arrêt, objet du présent recours ;
Attendu que par lettre n° 0707/2021/GC/G4 du 19 avril 2021, Monsieur le Greffier en chef de la Cour signifiait le recours à la Société SENEV-TCHAD SA et lui impartissait un délai de trois mois pour présenter son mémoire en réponse conformément aux dispositions des articles 29 et 30 du Règlement de procédure ; que le principe du contradictoire étant observé, il échet d’examiner le pourvoi ;
Sur le deuxième moyen, tiré de l’omission ou refus de répondre à des chefs de demandes
Vu l’article 28 bis du Règlement de procédure de la CCJA ;
Attendu que A C X fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir, en violation des articles 15 de la loi N° 011/PR/2013 du 17 juin 2013 portant Code de l’organisation judiciaire du Tchad, 154.2 et 3 du Code tchadien de procédure civile, omis ou refusé de répondre à des chefs de demandes, en ce que la cour d’appel ne s’est pas prononcée sur l’incompétence du Tribunal de commerce de N’Ab qu’elle a soulevée dans ses conclusions d’appel datées du 23 septembre 2020, pourtant versées au dossier de ladite cour ;
Attendu, en effet, que de l’examen des pièces du dossier et notamment des conclusions d’appel du 23 septembre 2020, il appert que la société A C X a soulevé l’incompétence du Tribunal de commerce de N’Ab, en invoquant les dispositions des articles 19 de la lettre d’intention et 154 du Code tchadien de procédure civile ; que pourtant, nulle part dans l’arrêt attaqué, on ne trouve la réponse à ce chef de demande ; que l’omission ou le refus de réponse à des chefs de demandes étant un cas d’ouverture à cassation au sens de l’article 28 bis, 5°" tiret, du Règlement de procédure de la CCJA, il échet de casser l’arrêt déféré et d’évoquer, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens ;
Sur l’évocation
Attendu que par déclaration faite au greffe du Tribunal de commerce de N’Ab en date du 30 octobre 2019, la société SCHLUMBERGER SEA CO INC a relevé appel du jugement n° 277/2019 rendu le 28 octobre 2019 par ledit Tribunal, dont le dispositif est ainsi conçu :
« Après délibération ;
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière commerciale et en premier ressort ;
Déclare l’exception d’incompétence soulevée recevable en la forme, la rejette au fond ;
Déclare recevable et fondée l’action de SENEV-T chad ;
Condamne, par conséquent, A C X à lui payer la somme de deux cent cinquante millions de francs (250.000.000 f) CFA à titre de dommages-intérêts pour tous préjudices subis ;
Déboute la requérante du surplus de la demande ;
Rejette la demande en exécution provisoire ;
Déclare recevable mais mal fondée la demande reconventionnelle de A C X et la rejette ;
Condamne la A C X aux dépens. » ;
Attendu qu’à l’appui de son appel, la société A C X demande, en application des dispositions des articles 49 et 54 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, de déclarer irrecevable la demande de saisie conservatoire, présentée pour la première fois devant la cour d’appel ; qu’elle sollicite également l’infirmation du jugement attaqué pour, d’une part, incompétence du Tribunal de commerce de N’Ab et, d’autre part, pour avoir déclaré caduque la lettre d’intention du 26 octobre 2015 ; qu’elle sollicite, enfin, que soit condamnée SENEV-TCHAD SA à lui payer la somme de 100.000.000 F CFA pour tous préjudices subis ;
Attendu que pour sa part, SENEV-TCHAD SA, dans ses conclusions d’appel incident, soutenait que sa relation d’affaires avec l’appelante a été matérialisée le 26 octobre 2015 par une lettre d’intention signée par les deux parties, et dont la prestation est relative à la maintenance technique, l’entretien des charpentes, la plomberie, l’entretien des jardins, l’électricité, l’entretien et la sécurisation des sites pétroliers, les fournitures de services divers... ; qu’elle invoque le caractère irrégulier de la rupture du contrat de fait qui les lie, au motif que A C X s’était basée sur la lettre d’intention qui est devenue caduque conformément aux dispositions du point 1, alinéa i, qui prévoyait la date de la fin automatique de la lettre d’intention et son éventuelle régularisation par un contrat de prestation ; que l’intimée formule également une demande tendant à l’autoriser à pratiquer une saisie conservatoire sur les biens de A C X ; qu’elle sollicite, enfin, la confirmation du jugement attaqué, et sa reformation quant au quantum des dommages et intérêts qui devraient être portés à 500.000.000 F CFA ;
Sur l’incompétence du Tribunal de commerce de N’Ab
Attendu que la société A C X soulève l’incompétence du Tribunal de commerce de N’Ab, au motif que les parties ont prévu dans leur contrat le recours obligatoire au règlement amiable de tout litige avant la saisine d’une juridiction compétente ;
Attendu, en effet, qu’aux termes des dispositions de l’article 19 de la lettre d’intention liant les parties, « la présente lettre d’intention est régie par les lois du Tchad et les parties conviennent que tout litige né de, ou en relation avec la présente lettre d’intention, sera d’abord résolu à l’amiable par les Parties, faute de quoi il sera soumis à la juridiction exclusive de N’Ab » ; que selon cet article, la saisine de la juridiction compétente ne peut intervenir qu’après l’échec de la tentative du règlement amiable prévue parles contractants ; que par ailleurs, aux termes des dispositions de l’article 1134 du Code civil tchadien, « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. » ;
Et attendu, en l’espèce, qu’il ne ressort pas des pièces du dossier de la procédure, que cette étape de règlement amiable ait été respectée ; que le tribunal, en retenant sa compétence dans le dispositif de son jugement, sans pour autant préciser dans les motifs de celui-ci, en quoi cette compétence est, en l’état, acquise, a méconnu la loi des parties ; que dès lors, il y a lieu d’annuler le jugement dont appel et, évoquant et statuant à nouveau, renvoyer les parties au respect de la procédure qu’elles ont librement choisie ;
Sur les dépens
Attendu que la société SNEV-TCHAD SA, ayant succombé, sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l’arrêt n° 042/2020 rendu le 17 décembre 2020 par la Cour d’appel de N’Ab ;
Evoquant et statuant au fond :
Annule le jugement n° 277/2019 rendu le 28 octobre 2019 par le Tribunal de commerce de N’Ab ;
Renvoie les parties au respect de la procédure qu’elles ont librement choisie ;
Condamne la société SNEV-TCHAD SA aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier