ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Deuxième chambre
Audience Publique du 19 janvier 2023
Pourvoi : n° 209/2021/PC du 04/06/2021
Affaire : Société Total Ab Ae
(Conseil : Maître KODENGAR ODJENGAR RADET, Avocat à la Cour)
Contre
Société La Paix SA
(Conseils : Maîtres DIIMASBEY LOKOULDE Francis, ALBAS Jacques Derthal et RABY MBAIADOUM NATADJINGARTI, Avocats à la Cour)
Arrêt N° 004/2023 du 19 janvier 2023
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), Deuxième chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des A ffaires (OHAD A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 19 janvier 2023 où étaient présents :
Messieurs : Armand Claude DEMBA, Président
Sabiou MA MANE NAISSA, Juge, rapporteur
Mathias NIAMBA, Juge
et Maître Louis Kouamé HOUNGBO, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 04 juin 2021 sous le n° 209/2021/PC, formé par Maître KODENGAR ODJENGAR RADET, A vocat au Barreau du Tchad, BP 5885, N’Ac, Tchad, agissant au nom et pour le compte de la Société Total Ab Ae, société anonyme, dont le siège est sis à la zone des hydrocarbures de Farcha, BP 102, N’Ac, représentée par son directeur général monsieur A Z B, dans la cause l’opposant à la société La Paix SA, société anonyme, dont le siège est sis à Sarh, BP 40, représentée par son directeur général monsieur X Ad, ayant pour conseils Maîtres DJIIMASBEY LOKOULDE Francis,
Avocat au barreau du Tchad, avenue Bokassa, quartier Kabalaye, N’Ac, Tchad, ALBAS Jacques Derthal, Avocat au barreau du Tchad, avenue Taiwan, quartier Amtoukoui, en face de la brigade urbaine, n° 10 de la ville de N’Djaména, et RABY MBAIADOUM NATADJINGARTI, Avocat au barreau du Tchad, 7&" arrondissement, avenue Taiwan, rue 5444, immeuble abritant Express-union, N’Ac, Tchad,
en cassation de l’arrêt n° 025/21 rendu le 15 mars 2021 par la Cour d’appel de Aa et dont le dispositif est le suivant :
« La Cour
Après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement et contradictoirement à l’égard des parties, en matière commerciale et en demier ressort ;
En la forme : Reçoit les appels des parties ;
Au fond : déclare l’appel de la société la Paix SA fondé et mal fondé celui de la Société Total Ab Ae ;
Confirme partiellement le jugement entrepris n° 01/20 du 19/11/2020 en ce qu’il a condamné la Société Total Ab Ae à verser des dommages et intérêts à la société la Paix SA ;
Le réforme ;
Rehausse le quantum des D.I à trois cent cinquante millions (350.000.000) CFA pour tous préjudices confondus ;
Condamne la Société Total Ab Ae aux entiers dépens liquidés à la somme de dix millions cinq cent mille francs (10.500.000 F) » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent A rrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Sabiou MA MA NE NAISSA, Juge ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en A frique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ;
Attendu, selon les énonciations de l’arrêt attaqué, qu’en date du 22 janvier 2010, la société la Paix SA, a conclu avec la Société Total Ab Ae, un contrat de bail à usage professionnel pour une durée de cinq ans, renouvelable par tacite reconduction ; qu’alors que le contrat entrait dans sa troisième année d’exécution, la Société Total Ab Ae adressait au preneur un préavis de quitter les lieux ; qu’en suite de cette mise en demeure, la société la Paix SA était expulsée des lieux ; qu’estimant injustifiée son expulsion, cette dernière, par assignation du 10 juin 2019, saisissait le Tribunal de commerce de Sarh d’une action à l’effet d’obtenir la condamnation de la Société Total Ab Ae à lui payer la somme de 750.000.000 F CFA à titre de dommages et intérêts, pour rupture abusive du contrat de bail qui les liait ; que par jugement N° 001/20 du 19 novembre 2020, elle obtenait partiellement gain de cause ; que sur recours de la société Total Ab Ae, la Cour d’appel de Sarh rendait l’arrêt, objet du présent pourvoi ;
Sur la recevabilité du recours
Attendu que dans son mémoire en réponse enregistré au greffe de la Cour le 13 décembre 2021, la société la Paix SA soulève l’irrecevabilité du recours introduit par la société Total Ab Ae, au motif que le mandat spécial donné à l’avocat est irrégulier, pour défaut de qualité de son signataire ; qu’elle relève, d’une part, que sur le pouvoir spécial et sur le recours, il figure tantôt les noms et prénoms de monsieur A Y, tantôt ceux de monsieur A Y, directeur général et, d’autre part, sur l’extrait du RCCM, le directeur général est plutôt monsieur ALLA HOURY AMADOU ALMOKTAY; que le mandat donné par monsieur A Y, qui n’a aucune qualité, est irrégulier et le recours, introduit dans ces conditions, est irrecevable ;
Mais attendu qu’il ressort du pouvoir spécial daté du 17 mai 2021, que monsieur A Y, demeurant à N’Ac, né le … … … à Af, directeur général de la société Total Ab Ae, a, au nom de celle-ci, donné mandat de représentation à Maître KODENGAR ODJENGAR RADET, Avocat à la Cour ; que le RCCM, invoqué par la société La Paix SA, indique clairement que le directeur général de la société Total Ab Ae est Monsieur Y C A, demeurant à N’Ac, né le … … … à Af ; qu’il s’agit manifestement d’une seule et même personne dont la qualité ne peut être contestée ; que par conséquent, l’exception soulevée, n’étant pas fondée, sera rejetée ;
Sur le premier moyen, tiré de la violation de la loi, par fausse application, des dispositions de l’article 133 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général
Attendu que la société Total Ab Ae fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir, par fausse application de l’article 133 de l’Acte uniforme susvisé, violé la loi, en retenant la rupture abusive du contrat liant les parties, alors, selon le moyen, que dans le cas d’espèce, il ne s’agit pas d’une inexécution contractuelle de la part d’une partie, mais plutôt d’une résiliation pour cause de travaux dans les locaux donnés à bail, conformément aux dispositions de l’article 127 du même Acte uniforme ;
Mais attendu que la cour d’appel a retenu « … qu’en l’espèce, la société Total Ab Ae a procédé à l’expulsion de la société La Paix SA avant le terme de 5 ans, violant ainsi frontalement les dispositions de leur propre convention ; ( …) ; considérant que l’article 133 du code OHADA précité est d’ordre public (article 134) ; que la convention de quelque nature qu’elle soit ne saurait l’y déroger ; qu’ainsi, l’article 10 du contrat qui a accordé la possibilité de rompre le contrat à tout moment et sans motif est inopérant au regard de l’article 133 qui relève du droit communautaire » ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a fait une exacte application du texte visé au moyen ; qu’il s’ensuit que le moyen, n’étant pas fondé, sera rejeté ;
Sur le second moyen, tiré de la violation de la loi, par fausse application, des dispositions de l’article 126 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général
Attendu que la société Total Ab Ae fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir, par fausse application de l’article 126 de l’Acte uniforme susmentionné, violé la loi, en la condamnant, à tort, au paiement de dommages et intérêts, alors, selon le moyen, qu’en l’espèce, c’est l’article 127, alinéa 1, point 2 du même Acte uniforme qui s’applique, la bailleresse ayant resilié le bail en vue de la démolition et la reconstruction de l’immeuble donné en location ;
Mais attendu que, pour allouer des dommages et intérêts, la cour d’appel a relevé : « considérant qu’il est disposé à l’article 126 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général quele bailleur peut s’opposer au droit au renouvellement du bail à durée déterminée ou indéterminée en réglant au locataire une indemnité d’éviction ; considérant que c’est pour le motif de démolir et reconstruire le local que la société Total Ab Ae SA a résilié le contrat de bail avant terme ; que son acte a causé des préjudices énormes à l’égard de la société La Paix SA ; (...); qu’au regard de ces préjudices, il sied de condamner la société Total Ab Ae SA à allouer des dommages et intérêts à la société La Paix SA » ;
Et attendu, qu’en se déterminant de la sorte, la cour d’appel n’a nullement violé le texte visé au moyen ; qu’il s’ensuit que le moyen, n’étant pas fondé, sera rejeté ;
Attendu qu’aucun moyen ne prospérant, le pourvoi doit être rejeté ;
Attendu que la société Total Ab Ae, succombant, sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Déclare recevable le pourvoi formé par la société Total Ab Ae ;
Le rejette comme étant mal fondé ;
Condamne la société Total Ab Ae aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier