ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Deuxième chambre
Audience Publique du 19 janvier 2023
Pourvoi : n° 357/2021/PC du 27/09/2021
Affaire : BGFI Bank Congo SA
(Conseil : Maître Eulalie KOLYARDO-NGANGA, Avocat à la Cour)
Contre
B Af et Consorts
(Conseils : Maîtres Jean Philippe ESSEAU, Audrey MALONGA MBOKO Keith Klyff KISSOUESSOUE, Avocats à la Cour) et Harris Arrêt N° 007/2023 du 19 janvier 2023
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 19 janvier 2023 où étaient présents :
Messieurs : Armand Claude DEMBA, Président
Sabiou MAMA NE NAISSA, Juge, rapporteur
Mathias NIA MBA, Juge
et Maître Louis Kouamé HOUNGBO, Greffier ;
Sur le recours enregistré sous le n° 357/2021/PC du 27 septembre 2021, formé par Maître Eulalie KOLY ARDO-NGANGA, À vocat au Barreau de Pointe- Noire, République du Congo, demeurant Boulevard Général de Gaulle, 1 étage de l’Immeuble nouveau presbytère, face Am Aj Ad, BP 1072 Pointe-Noire, agissant au nom et pour le compte de la BGFI Bank Congo, société anonyme dont le siège est sis Boulevard Ac Z C, entre le Rond-Point de la Coupole et la Place de la Grande Poste, Centre-ville, Brazzaville,
République du Congo, BP 14579, dans la cause qui l’oppose au Sieur B Af et Consorts, demeurant à Pointe-Noire, ayant pour conseils Maîtres Jean Philippe ESSEAU, Audrey MALONGA MBOKO et Harris Keith Klyff KISSOUESSOUE, tous du Cabinet ESSEAU, Avocats au Barreau de Brazzaville, BP 1974 Brazzaville-Congo,
en cassation de l’arrêt n° 135 du 18 juin 2021 rendu par la Cour d’appel de Pointe-Noire et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en demier
En la forme :
Reçoit l’appel ;
Au fond :
Infirme l’ordonnance attaquée en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
Maintient en toutes ses dispositions l’ordonnance, rôle civil n° 1191, répertoire n° 168 du 24 novembre 2020, rendue par le président du Tribunal de grande instance de Pointe-Noire ;
Rejette les demandes de la BGFI Bank Congo SA, en condamnation des Consorts B au paiement des dommages-intérêts pour appel manifestement abusif et au paiement d’une amende ;
Condamne la BGFI Bank Congo SA aux dépens… »
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent À rrêt ;
Sur le rapport de Monsieur MA MA NE NAISSA Sabiou, Juge ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en A frique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’'OHADA ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué qu’en vue de recouvrer une créance surles époux GOMA, B Af A bi A dou Ismäel, MOUNTOU TY POA OBALAS, AK Ah Ac AI A Ai Aa, X AJ Ae Ak, ci-après désignés Consorts B AH, pratiquaient une saisie conservatoire contre leurs débiteurs entre les mains de Maître BESSOVI Florence, Notaire à Pointe-Noire, détentrice de sommes d’argent provenant de la vente d’un immeuble appartenant aux époux GOMA,
déposées dans le compte dudit Notaire ouvert dans les livres de BGFI Bank Congo ; que cette saisie conservatoire ayant été convertie en saisie-attribution de créances, les consorts B Af obtenaient du juge des requêtes du Tribunal de grande instance de Pointe-Noire la condamnation de la BGFI Bank Congo au paiement de la somme de 76.500.000 de FCFA ; que par la même ordonnance, le juge des requêtes déclarait la BGFI Bank Congo personnellement débitrice des causes de la saisie ; qu’à la requête de la BGFI Bank Congo, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Pointe-Noire rétractait l’ordonnance sur requête du 24 novembre 2020 ; que saisie par les consorts B AH, la Cour d’appel de Pointe-Noire rendait l’arrêt objet du présent pourvoi ;
Sur le premier moyen, tiré de la violation, par application erronée, des dispositions de l’article 38 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Vu l’article 28 bis, 1“ tiret, du Règlement de procédure de la CCJA ;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir fait une application erronée de l’article 38 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en ce que, pour infirmer l’ordonnance attaquée et reconnaitre la qualité de tiers saisi à la BGFI Bank Congo, la Cour d’appel s’est fondée sur cet article alors, d’une part, qu’au sens de ce texte, le tiers saisi est « le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie » et que, d’autre part, le tiers entre les mains duquel a été versé la somme de 76.500.000 FCFA est Maitre Florence BESSOVI, Notaire dont le compte est logé à la BGFI Bank Congo et qui demeure seul tiers saisi ; qu’en décidant autrement, les juges d’appel ont, selon le moyen, violé la disposition légale précitée, exposant par conséquent la décision déférée à la cassation ;
Attendu qu’aux termes de l’article 38 susvisé, « les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures en vue de l’exécution ou de la conversion des créances. Ils doivent y apporter leur concours lorsqu’ils en sont légalement requis. Tout manquement par eux à ces obligations peut entrainer leur condamnation à verser des dommages et intérêts. Le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie peut également, et sous les mêmes conditions, être condamné au paiement des causes de la saisie, sauf son recours contre le débiteur » ;
Qu’il en résulte qu’à l’occasion d’une saisie, une personne peut engager sa responsabilité soit pour avoir, comme simple tiers, obstrué le cours normal d’une telle mesure ou manqué à son devoir de concours ou de coopération alors qu’elle y a été légalement requise, soit pour avoir, comme tiers entre les mains duquel une saisie est pratiquée c’est-à-dire comme tiers saisi, commis les mêmes manquements ; que si, dans le premier cas, le tiers peut être condamné à des dommages-intérêts, dans le second, il s’expose à la condamnation à la fois à des dommages-intérêts et aux causes de la saisie ;
Qu’ainsi, seul le tiers saisi s’expose à la condamnation aux causes de la saisie ; qu’il se conçoit de la personne qui, au jour de la saisie pratiquée entre ses mains, détient effectivement pour le compte du saisi, des fonds en vertu d’un contrat, de sorte qu’il est nécessairement le débiteur du débiteur saisi ;
Attendu en l’espèce, que le tiers saisi est le Notaire, Florence BESSOVI, détentrice des fonds des époux GOMA en vertu du contrat de mandat ; qu’au regard des éléments versés au dossier, notamment les actes de conversion de la saisie conservatoire en saisie-attribution de créances, la débitrice saisie est dame AG Y Ab Al, épouse GOMA ; que celle-ci n’a aucun rapport juridique avec la BGFI Bank Congo ; que le fait que Maître BESSOVI ait déposé le fruit de la vente dans son compte ouvert dans les livres de ladite banque ne fait pas de celle-ci la débitrice de dame GOMA, seule et unique débitrice saisie auprès de Maitre Florence BESSOVI ;
Attendu qu’indépendamment de ce qui précède, il demeure constant que la conversion de saisie conservatoire en saisie-attribution de créances n’a jamais été notifiée à la BGFI Bank, mais à Ag Florence BESSOVI ; que la BGFI Bank Congo s’est vue simplement notifier une ordonnance sur pied de requête lui ordonnant de payer des sommes entre les mains de Ag MPOUKOU Jean- Bruno, huissier de justice mandaté par les consorts B Af ; que le débiteur saisi n’est pas non plus Maître Florence BESSOVI qui, elle, est liée à la BGFI Bank Congo par un contrat d’ouverture de compte ;
Qu'en l’état de tous les éléments qui précèdent, rien ne permet d’engager la responsabilité personnelle de la BGFI Bank dans les causes de la saisie pratiquée, auprès du Notaire Florence BESSOVI, contre dame GOMA, par les consorts B AH Af ; qu’il s’ensuit qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a effectivement violé, moyennant son application erronée, l’article 38 de l’Acte uniforme visé au moyen ; que celui-ci étant bien fondé, il y a lieu pour la Cour de casser l’arrêt querellé sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens et, par conséquent, d’évoquer l’affaire au fond conformément aux dispositions de l’article 14, alinéa 5, du Traité de l'OHADA ;
Sur l’évocation
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que le 20 novembre 2020, les consorts B AH K éita demandaient au juge des requêtes du Tribunal de grande instance de Pointe-Noire d’ordonner à la BGFI Bank Congo de payer des sommes d’argent objet d’une saisie-attribution ; que le 24 novembre 2020, le juge des requêtes faisait droit à cette requête et ordonnait à la BGFI Bank d’avoir à payer la somme de 76.500.000 de FCFA, provenant de la vente de la villa des époux GOMA sise au quartier Mpita à Pointe-Noire, viré sur le compte de l’étude du Notaire, Ag BESSOVI Florence, ouvert sous le numéro 3200070901121 RIB 30008032000 dans les livres de ladite banque ; que cette somme faisait l’objet de saisie conservatoire convertie en saisie-attribution de créance, suivant exploit de Maitre Jean-Bruno MPOUKOU, huissier de justice entre les mains duquel elle devait être versée en sa qualité de mandataire désigné par les créanciers saisissants ; que dans la même ordonnance, le juge des requêtes déclarait la BGFI Bank Congo personnellement débitrice envers les créanciers saisissants des causes de la saisie et dans la limite de son obligation ; qu’après avoir été signifiée de cette ordonnance, la BGFI Bank Congo, par requête du 29 novembre 2020, saisissait la juridiction des référés du Tribunal de grande instance de Pointe-Noire en rétractation de l’ordonnance du 24 novembre 2020 ; que par ordonnance en date du 24 mars 2021, le juge des référés statuait ainsi qu’il suit :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile, en référé et en premier ressott ;
Au principal :
Renvoyons les parties à poursuivre les débats devant les juges du fond déjà saisis ;
Mais dès à présent, vu l’urgence ;
Vu les dispositions des articles 481, 267, 269, 225, 214, 217 et 57 du code de procédure civile, commerciale, administrative et financière ;
Constatons que la BGFI a intérêt à agir en la cause ;
Constatons en outre que dame AG Y Ab, épouse GOMA, n’est pas intervenue volontairement par requête ;
Constatons enfin l’existence des circonstances nouvelles de nature à motiver la rétractation de l’ordonnance querellée ;
En conséquence,
Déclarons recevable l’action de la BGFI Bank Congo SA ;
Déclarons en outre dame AG Y Al Ab, épouse GOMA, irrecevable en son intervention volontaire ;
Rétractons, en toutes ses dispositions, l’ordonnance n° 1191, répertoire n°168 du 24 novembre 2020 ;
Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire par provision, sans caution, nonobstant toutes voies de recours ;
Mettons les dépens à la charge des nommés B AH Af A bi Ismaël, dame AG Y Al Ab, épouse GOMA, MOPENDOLLE, AJ Ae Ak et MOUNTOU TYPOA OBALAS... » ;
Attendu que par acte du 24 mars 2020, les consorts B AH relevaient régulièrement appel de ladite ordonnance et sollicitaient son infirmation et, conséquemment, la réactualisation de l’ordonnance sur requête rétractée ;
Attendu qu’en réplique, la BGFI Bank Congo plaidait la confirmation de l’ordonnance attaquée, arguant essentiellement que les conditions de la mise en œuvre de sa responsabilité personnelle, comme tiers saisi, ne sont pas réunies ;
Mais attendu que pour les mêmes motifs que ceux retenus au fondement de la cassation de l’arrêt déféré, il y a lieu de rejeter l’appel comme mal fondé et de confirmer l’ordonnance attaquée en toutes ses dispositions ;
Sur les dépens
Attendu que les défendeurs succombent et seront condamnés aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse et annule, en toutes ses dispositions, l’arrêt n°135 du 18 juin 2021 rendu par la Cour d’appel de Pointe-Noire ;
Evoquant :
En la forme :
Reçoit les consorts B AH Af en leur appel ;
Au fond :
Les en déboute ;
Confirme l’ordonnance attaquée en toutes ses dispositions ;
Condamne les défendeurs aux entiers dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier