ORGANISATION POUR een L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Deuxième chambre
Audience publique du 19 janvier 2023
Pourvoi : n° 378/2021/PC du 14/10/2021
Affaire : CBAO Groupe Attijariwafa Bank SA
Conseils : SCPA Aa AG & Associés et SCPA Am AH & Associés,
Avocats à la Cour)
Contre
Monsieur X B C E ou DIEW
(Conseils : la SCPA LO, KAMARA & DIOUF et Maître Assane Dioma NDIAYE,
Avocats à la Cour)
Arrêt N° 008/2023 du 19 janvier 2023
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 19 janvier 2023 où étaient présents :
Messieurs : Armand Claude DEMBA, Président
Sabiou MA MANE NAISSA, Juge, rapporteur
Mathias NIAMBA, Juge
et Maître Louis Kouamé HOUNGBO, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 14 octobre 2021 sous le n° 378/2021/PC, formé par la SCPA Aa AG & Associés, À vocats à la Cour, 19 rue Ag Al Ab A Af Z, 1" étage, Ae, Sénégal, et la SCPA Am AH & A ssociés, À vocats à la Cour, 33, avenue de Ah Ai Y, Ae, Sénégal, agissant au nom et pour le compte de la CBAO Groupe Attijariwafa Bank SA, sise 1, Place de l’Indépendance à Ae, dans la cause qui l’oppose à monsieur X B C E ou DIEW, demeurant à Grand Ae, immeuble n° 07 bis, Parcelle n°581, ayant pour conseils la SCPA LO, KAMARA & DIOUF, Avocats à la Cour, demeurant 38, rue Af Z à Ae et Maître Assane Dioma NDIAY EF, Avocat à la Cour, 10, rue Saba immeuble SAM SECK derrière An Ad Ac Ae, BP 312 Ak Aj,
en cassation de l’arrêt n° 208 rendu le 12 juillet 2021 par la Cour d’appel de Ae et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en demier ressort ;
EN LA FORME
Vu l’ordonnance de clôture du conseiller de la mise en état du 21 juin 2021 ;
Déclare la procédure régulière ;
AU FOND
Vu l’arrêt n° 95 en date du 09 avril 2018 rendu par la 1*° Chambre civile de la Cour d’appel de Ae ;
Vu l’ordonnance n° 519 en date du 18 octobre 2018 du Président de la 1#° Chambre civile de la Cour d’appel de Ae ;
Vu l’arrêt n° 43 en date du 02 mai 2019 rendu par la Cour Suprême ;
Rejette l’exception d’incompétence de la Cour d’appel à homologuer le rapport soulevée par l’intimée ;
Rejette l’exception de nullité du rapport d’expertise établi par le cabinet FINEX CO en date du 02 septembre 2020 soulevée par la CBAO ;
Homologue ledit rapport et entérine les conclusions de l’expert ;
Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté X B AI ou DIEY E de ses demandes, statuant à nouveau :
Condamne en conséquence la CBAO Groupe Attijariwafa Bank SA à payer à X B C ou DIEY E la somme de 879.002.411 F CFA outre les intérêts de droit représentant le solde créditeur de son compte arrêté par l’expert ;
Met les dépens à la charge de la CBAO Groupe A ttijariwafa Bank SA. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent A rrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Sabiou MA MANE NAISSA, Juge ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’arbitrage de l’OHADA ;
Attendu, selon les énonciations de l’arrêt attaqué, que suivant exploit d’huissier en date du 17 novembre 2020, monsieur X B C a fait, devant la Cour d’appel de Ae, servir avenir à la CBAO Groupe Attijariwafa Bank aux fins d’homologuer le rapport d’expertise du cabinet Fiduciaire International d’Expertise Comptable et de Conseil en Gestion, en abrégé CCCS-FINEX CO SA, déposé le 03 septembre 2020 au greffe de ladite Cour ; que statuant sur ledit avenir, cette dernière rendait l’arrêt, objet du présent pourvoi ;
Sur la compétence de la Cour
Attendu que dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour le 02 février 2022, monsieur X B C soulève in limine litis l’incompétence manifeste de la Cour, aux motifs, d’une part, que le litige opposant les parties n’est pas relatif à un recouvrement de créance, encore moins aux suretés et aux voies d’exécution, mais à la détermination du solde définitif entre les parties, consécutivement à l’expertise du compte courant du sieur C dans les livres de la CBAO ; que ladite expertise, ordonnée dans le cadre d’un contentieux bancaire régi par les dispositions du Code sénégalais de procédure civile, échappe à la compétence de la Cour de céans et, d’autre part, que l’application des dispositions du Règlement UEMOA relatif aux systèmes de paiement ne relève pas de la compétence de la CCJA ; qu’il fait relever, en outre, que toutes les décisions dans la présente affaire ont été rendues par les juridictions sénégalaises statuant en matière civile, et n’ont fait application d’aucune disposition du Traité de l'OHADA ou d’Actes uniformes et de Règlements pris pour son application ;
Attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 14, alinéas 3 et 4, du Traité instituant l'OHADA : « saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des Règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales.
Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats Parties dans les mêmes contentieux... » ; qu’il résulte de ces dispositions que la compétence de la CCJA s’apprécie, non pas sur le fondement des moyens invoqués à l’appui du pourvoi mais plutôt, sur la nature de l’affaire qui a donné lieu à la décision attaquée ; qu’il s’ensuit que la compétence doit être retenue par référence aux Actes uniformes applicables, alors même que l’application de ces actes n’aurait pas été expressément requise par les deux parties ;
Et attendu en l’espèce, que l’affaire ayant donné lieu à la décision attaquée est relative à l’expertise d’un compte courant bancaire à l’effet de faire les comptes entre les parties ; qu’elle avait déjà donné lieu à une procédure de saisie immobilière régie par l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution qui a abouti à un A rrêt de la Cour de céans ; que l’une des 3 parties a invoqué cet A rrêt, tant devant les juridictions de fond que devant la Cour de céans, soutenant qu’elle aurait déjà définitivement tranché la question, de sorte qu’il y aurait autorité de la chose jugée ; qu’il s’ensuit que l’affaire soulève des questions relatives à l’application des articles 20 du Traité et 41 du Règlement de procédure de la CCJA, lesquels posent le principe de l’autorité de la chose jugée des A rrêts de la CCJA ; qu’il en découle que la compétence de la Cour est acquise ;
Sur l’exception d’irrecevabilité des moyens
Attendu que dans le même mémoire, monsieur X B C soulève l’irrecevabilité des moyens proposés par la demanderesse au pourvoi, aux motifs que lesdits moyens, qui tendent à faire examiner les faits de la cause par la Cour de céans, sont mélangés de faits et de droit et sont, par conséquent, irrecevables. ;
Mais attendu que cette exception, qui implique l’examen des moyens du pourvoi, doit être jointe au fond ;
Sur la première branche du premier moyen de cassation, tiré de la violation des dispositions des articles 20 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique et 41 du Règlement de procédure de la Cour Commune de
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les articles 20 du Traité de l’'OHADA et 41 du Règlement de procédure de la CCJA, en ce que, pour parvenir à la décision attaquée, la cour d’appel a entériné les conclusions de l’expert selon lesquelles X B C est créancier de la CBAO dela somme de 879 002 411 FCFA, outre les intérêts représentant le solde créditeur de son compte courant, alors, selon le moyen, qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a remis en cause des décisions de justice antérieures revêtues de l’autorité de la chose jugée, et notamment l’Arrêt de la CCJA n° 279/2018 du 27 décembre 2018 ; que ce faisant, l’arrêt attaqué a violé les articles susvisés et mérite la cassation ;
Attendu, en effet, que l’article 20 du Traité OHADA invoqué dispose que « les A rrêts de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ont l’autorité de la chose jugée et la force exécutoire. Ils reçoivent sur le territoire de chacun des Etats parties une exécution forcée dans les mêmes conditions que les décisions des juridictions nationales. Dans une même affaire, aucune décision contraire à un arrêt de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ne peut faire l’objet d’une exécution forcée sur le territoire d’un Etat partie » ; que l’article 41 du Règlement de procédure de la CCJA précise que « L’arrêt a force obligatoire à compter du jour de son prononcé. » ;
Attendu, en l’espèce, qu’il n’est pas contesté que la Cour de céans a, par A rrêt n° 279/2018 du 27 décembre 2018, dans la même cause et entre les mêmes parties, statué sur un litige opposant celles-ci ;
Que par cet Arrêt, la Cour a rejeté le pourvoi formé le 29 juillet 2016 contre l’arrêt n° 32 rendu le 18 mai 2016 par la Cour d’appel de Ae, laquelle a retenu « que le principe de la créance de la CBAO sur X B C E résulte de l’existence de relations contractuelles, matérialisées par les actes notariés d’ouverture de crédits, de réaménagement de garanties et de protocole d’accord en dates des 02 février 2000, 20, 22 février, 17 juillet, 03 septembre 2008 et 16 septembre 2013, en vertu desquels X B C E a reconnu devoir la somme de 7.100.000.000 F CFA avec affectations hypothécaires des titres fonciers (.…) ; que dans ledit protocole d’accord, les parties, après avoir rappelé l’historique de leurs relations de compte courant, les différends concours financiers de la banque et les garanties consenties, ont arrêté le montant du solde de tout compte à la somme de 7.100.000.000 F CFA et défini les modalités de son remboursement, tout en maintenant les garanties initialement octroyées » ; que dès lors, la même cour, ne peut sans méconnaitre les dispositions des articles 20 du Traité OHA DA et 41 du Règlement de procédure de la CCJA visés au moyen, homologuer, au sujet du même compte, un rapport d’expertise ultérieurement établi et condamner la CBAO Groupe Attijariwafa Bank SA à payer à X B C les sommes réclamées ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d’appel a remis en cause des décisions de justice antérieures, revêtues de l’autorité de la chose jugée, et a, manifestement, violé les dispositions des textes susvisés, exposant ainsi sa décision à la cassation et à l’annulation ;
Et attendu que rien ne restant à juger, il n’y a pas lieu d’évoquer ;
Sur les dépens
Attendu que Monsieur X B C E ayant succombé, il convient de le condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Se déclare compétente ;
Déclare le recours recevable ;
Casse et annule l’arrêt n° 208 rendu le 12 juillet 2021 par la Cour d’appel de
Ae ;
Dit n’y avoir lieu à évocation ;
Condamne monsieur X B C E, ou DIEW, aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président