ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA) ------------- COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA) ---------- Première chambre -------- Audience publique du 30 mars 2023 Pourvoi : n° 116/2021/PC du 30/03/2021
Affaire : Société Ae Ag (Conseil : Maître Gisèle EYUE BEKALE, Avocat à la Cour)
Contre Société Assureurs Conseils Réunis (ACR) SA (Conseil : Maître Jean Rémy BANTSANTSA, Avocat à la Cour)
Arrêt N° 051/2023 du 30 mars 2023
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 30 mars 2023 où étaient présents : Madame Esther Ngo MOUTNGUI IKOUE, Présidente Messieurs : Arsène Jean Bruno MINIME,Juge, rapporteur Mariano Esono NCOGO EWORO, Juge Mounetaga DIOUF, Juge Adelino Francisco SANCA, Juge
Et Maître Jean Bosco MONBLE,Greffier ;
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans le 30 mars 2021 sous le n°116/2021/PC et formé par Maître Gisèle EYUE BEKALE, Avocat à la Cour, immeuble Dumez, Boulevard du Bord de Mer, BP 13009 Libreville-Gabon, agissant au nom et pour le compte de Ae Ag, société anonyme dont le siège est à Libreville, 104, rue Ad A, immeuble SERENA MALL, BP 20333 Libreville-Gabon, représentée par son directeur général adjoint, dans la cause l’opposant à la Société Assureurs Conseils Réunis, en abrégé ACR, société anonyme dont le siège est à Libreville, avenue de Cointet, BP 16111 Libreville-Gabon, ayant pour conseil Maître Jean Rémy BANTSANTSA, Avocat à la Cour, 426, avenue Aa Af Ah, immeuble Okouaghé, Ac Ag, en cassation de l’arrêt n°28/2020-2021 du 25 février 2021 rendu par la Cour d’appel de Libreville, dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière d’urgence et en dernier ressort ;
En la forme Déclare recevable l’appel interjeté par les Assureurs Conseils Ab B, représentés par Maître BANTSANTSA, Avocat au Barreau du Gabon pour le compte de son client ACR contre l’ordonnance du juge de l’urgence en date du 10 janvier 2020 ;
Au fond Infirme l’ordonnance querellée du 10 janvier 2020 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau Disons que l’ordonnance du juge de l’urgence du 27 septembre 2019 concerne la saisie attribution du 21 août 2019 et non celle du 25 septembre 2019 ;
Constatons que la saisie attribution du 25 septembre 2019 n’a fait l’objet de contestation et de demande de main levée ;
Disons que la banque ORABANK a manqué à ses obligations légales en refusant de libérer les sommes cantonnées entre les mains de l’Huissier instrumentaire au regard du certificat de non-contestation et de transport de créances qui lui a été servi ;
En application des dispositions des articles 38 et 164 de l’AUPSVE ;
Condamnons la banque ORABANK au paiement des causes de la saisie, soit à la somme de cantonnée de 232.742.089 francs CFA, entre les mains de l’Huissier instrumentaire ;
Condamnons en outre ORABANK au paiement de la somme de cent millions (100.000.000) de francs CFA à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral causé à la ACR SA ;
Condamnons la banque ORABAK aux entiers dépens (…).» ; La requérante invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent Arrêt ; Sur le rapport de Monsieur le Juge Arsène Jean Bruno MINIME ; Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ; Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ; Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Assureurs Conseils Réunis a fait pratiquer successivement deux saisies-attributions de créances sur les avoirs de la société Assurances du Gabon auprès de plusieurs banques, dont Ae Ag ; que la première saisie, pratiquée le 21 août 2019, a fait l’objet d’une main levée volontaire le 25 septembre 2019, suivie le 27 septembre 2019 d’une ordonnance du juge de l’urgence qui a également ordonné la mainlevée de cette même saisie ; que la seconde saisie a été pratiquée le 25 septembre 2019, après la mainlevée volontaire de la première saisie ; que se prévalant de la non contestation de cette dernière saisie par le débiteur saisi et du refus de paiement des sommes cantonnées par le tiers saisi, la société Assureurs Conseils Réunis a assigné ce dernier en paiement des causes de la saisie et de dommages-intérêts ; que par ordonnance du 10 janvier 2020, le juge de l’urgence du Tribunal de première instance de Libreville l’a débouté de toutes ses demandes ; que sur son appel, la Cour d’appel de Libreville a rendu l’arrêt infirmatif faisant l’objet du présent recours ; Sur le moyen unique tiré de la violation de la loi Attendu qu’il est reproché à l’arrêt d’avoir violé les articles 38 et 164 de de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en ce qu’il a reconnu à Ae Ag la qualité de tiers saisi et l’a condamné au paiement des causes de la saisie au motif qu’elle n’a pas satisfait à son obligation de paiement, alors, selon le moyen, qu’une ordonnance du juge de l’urgence du 27 septembre 2019 avait déclaré que les sommes saisies le 21 août 2019 n’étaient pas la propriété du débiteur saisi, mais plutôt celle de la Nouvelle Compagnie Africaine de Réassurance, et que la banque qui avait restitué à son propriétaire les sommes cantonnées n’avait plus la qualité de tiers saisi ; Attendu que le tiers saisi est la personne qui détient effectivement des fonds pour le compte du débiteur ; qu’en l’espèce, pour infirmer l’ordonnance du premier juge, la cour d’appel a d’abord considéré que la saisie litigieuse était celle du 25 septembre 2019 et non celle du 21 août 2019 ; qu’elle a ensuite relevé que la saisie du 25 septembre 2019, pour laquelle la banque avait déclaré détenir et cantonner la somme saisie, n’était pas contestée par le débiteur saisi ; qu’enfin, elle a jugé que le refus de la banque de libérer les sommes cantonnées constitue une violation des dispositions de l’article 164 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; qu’en statuant ainsi, alors que la banque avait déjà restitué les sommes cantonnées à leur propriétaire en vertu d’une décision exécutoire et n’avait donc plus la qualité de tiers saisi, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen ; qu’il y a lieu de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer ; Sur l’évocation
Attendu que, par déclaration en date du 14 janvier 2020, la société Assureurs Conseils Réunis a interjeté appel de l’ordonnance n° 56/2019-2020 rendue le 10 janvier 2020 par le juge de l’urgence du Tribunal de première instance de Libreville et dont le dispositif est ainsi conçu : « Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, en matière d’urgence et en premier ressort ; Déboutons la société Assureurs Conseils Réunis de toutes ses demandes ; La condamnons aux dépens. » ; Attendu qu’au soutien de son appel, la société Assureurs Conseils Réunis demande l’infirmation de l’ordonnance querellée et fait valoir que le 25 septembre 2019, elle a fait pratiquer entre ls mains de Ae Ag et d’autres banques, une saisie-attribution de créances de la Compagnie Assurances du Gabon ; que Ae Ag a déclaré détenir la somme de 232.742.089.121 FCFA et cantonné ladite somme ; que bien qu’aucune contestation n’a été élevé par le débiteur saisi, Ae Ag a refusé de libérer les sommes cantonnées malgré les commandements et itératifs commandement qui lui ont été adressés ; que Ae Ag a préféré remettre la somme saisie à la société Assurance du Gabon en se fondant sur une décision de justice du 27 septembre 2019 ; Attendu qu’en réplique Ae Ag demande, avant tout débat au fond, le sursis à statuer dans la présente instance en attendant l’issue d’une autre procédure qui oppose la société Assureurs Conseils Réunis à la Compagnie d’Assurance du Gabon ; qu’en outre, elle allègue qu’elle s’est exécutée après signification le 27 septembre 2019, d’une décision du juge d’urgence rendue le même jour et qui a donné mainlevée sur la saisie et la distraction des desdites sommes sous astreinte de 4.000.000 FCFA par jour de retard à compter de la signification ; qu’ainsi, elle ne peut avoir la qualité de tiers saisi et ne peut pas être condamnée en cause de celle-ci ; Attendu que cet appel, relevé dans les forme et délai de la loi, est recevable ; Sur le sursis à statuer Attendu que Ae Ag sollicite le sursis à statuer en attendant l’issue d’une autre procédure en cours, opposant la société Assureurs Conseils Réunis à la Compagnie Assurance du Gabon, au motif que la décision qui en résultera pourrait avoir une incidence sur la présente procédure ; Mais attendu que l’instance en cause ici ne concerne pas les mêmes parties et que la solution à y apporter ne peut en dépendre ; qu’il convient donc de rejeter la demande de sursis à statuer ; Sur le bienfondé de l’ordonnance du premier juge Attendu que, pour débouter l’appelante de toutes ses demandes, le premier juge a retenu que « le tiers saisi est la personne qui détient des sommes d’argent dues au débiteur saisi (…), que c’est dans le cadre d’une saisie pratiquée le 21 août 2019 que le juge de l’urgence avait déclaré, le 27 septembre 2019, que les sommes saisies étaient la propriété de la société Nouvelle Compagnie Africaine de Réassurance (…), que les saisies du 21 août 2019 et du 25 septembre 2019 portaient sur les même sommes, que la décision du juge de l’urgence relative à la saisie du 21 août 2019 n’étant intervenue que le 27 septembre 2019, la banque Ae Ag SA ne savait pas encore, le 25 septembre 2019, que les sommes saisie n’étaient pas la propriété de la société Assurances du Gabon débiteur poursuivi, que dans la mesure où la société Ae Ag SA ne détenait pas de sommes appartenant au débiteur poursuivi, elle ne peut être considérée comme un tiers saisi. » ; qu’en jugeant ainsi, le premier juge a fait une application correcte de la loi et il convient de confirmer, en toute ses dispositions, l’ordonnance n°56/2019-2020 du 10 janvier 2020 rendue par le juge de l’urgence du Tribunal de première instance de Libreville ; Sur les dépens Attendu qu’ayant succombé, la société Assureurs Conseils Réunis sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré, Casse l’arrêt n°28/2020-2021 du 25 février 2021 rendu par la Cour d’appel de Libreville ; Evoquant et statuant à nouveau Déclare recevable l’appel interjeté ; Rejette la demande de sursis à statuer ; Confirme, en toutes ses dispositions, l’ordonnance n°56/2019-2020 du 10 janvier 2020 rendue par le juge de l’urgence du Tribunal de première instance de Libreville ; Condamne la société Assureurs Conseils Réunis aux dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé : La Présidente
Le Greffier