EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA) -------- COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA) -------- COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA) --------- Deuxième chambre --------- Audience publique du 06 avril 2023 Recours : n° 131/2021/PC du 09/04/2021
Affaire : La Société Thabor (Conseils : Cabinet EKA, Avocats à la Cour) Contre La Société Claire Fontaine
Arrêt N° 072/2023 du 06 avril 2023 La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, présidée par Monsieur Sabiou MAMANE NAISSA, assisté de Maître Louis Kouamé HOUNGBO, Greffier, a rendu en son audience publique ordinaire du 06 avril 2023 l’Arrêt dont la teneur suit, après délibération du collège de juges composé de :
Messieurs : Armand Claude DEMBA,Président Sabiou MAMANE NAISSA,Juge, rapporteur Mathias NIAMBA,Juge et Maître Louis Kouamé HOUNGBO,Greffier Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 09 avril 2021 sous le n°131/2021/PC, formé par le Cabinet EKA, Avocats près la Cour d’appel d’Af, demeurant à Af Aa les Deux Plateaux, quartier SIDECI, derrière SOCOCE, rue K113, villa 155, 08 BP 2741 Af 08, agissant au nom et pour le compte de la société Thabor, société à responsabilité limitée dont le siège est sis à Af, Aa Ab Ae, à côté de la Pharmacie du Bonheur, 06 BP 1489 Af 06, dans la cause qui l’oppose à la Société Claire Fontaine, société à responsabilité limitée dont le siège est sis à Af, Aa Ab, route de MAAc, près de de la Ad B, 26 BP 88 Af 26, prise en la personne de son gérant, monsieur Ah Ag, demeurant au susdit siège, en cassation de l’Arrêt n° 847/20 du 23 octobre 2020 rendu par la Cour de cassation de Côte d’Ivoire et dont le dispositif est le suivant : « Ordonne la discontinuation des poursuites entreprises contre la Société CLAIRE FONTAINE en vertu de l’arrêt RG n° 85 rendu le 13 mai 2020 par la Cour d’Appel de Commerce d’Af ; Laisse les frais à la charge du Trésor public… » ; La requérante invoque à l’appui de son recours les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent Arrêt ;
Sur le rapport de monsieur Sabiou MAMANE NAISSA, Juge ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu, selon les énonciations de l’arrêt attaqué, que la Société CLAIRE FONTAINE a été condamnée à payer la somme de 23.326.909 francs CFA à la société Thabor, par arrêt RG n° 85 du 13 mai 2020 rendu par la Cour d’appel de commerce d’Af ; qu’en exécution de cet arrêt, la société Thabor a pratiqué une saisie-attribution de créances contre son débiteur suivant procès-verbal de saisie-attribution de créances en date du 08 septembre 2020 de Maître LORNG BARTHE, commissaire de justice ; que c’est dans le cadre de la contestation de cette saisie qu’est intervenu l’arrêt n° 847/20 du 23 octobre 2020 rendu par la Cour de cassation de Côte d’Ivoire, objet du présent recours ;
Attendu que par lettre n° 1063/2021/GC/G4 en date du 02 juin 2021, reçue en l’étude du conseil de la Société Claire Fontaine le 08 juin 2021, le Greffier en chef de la Cour de céans a invité cette dernière, défenderesse au pourvoi, à présenter dans un délai de trois mois à compter de la réception de la correspondance, son mémoire en réponse ; que cette lettre étant demeurée sans suite, il y a lieu de statuer sur le pourvoi, le principe du contradictoire ayant été respecté ;
Sur le second moyen, tiré de la violation des dispositions de l’article 32 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article 32 de l’Acte uniforme susvisé, en ce que la Cour de cassation a ordonné la discontinuation des poursuites au motif que « l’exécution immédiate de l’arrêt contesté est de nature à entrainer le préjudice allégué » alors, selon le moyen, que l’arrêt en question avait déjà reçu une exécution forcée matérialisée par un procès-verbal de saisie-attribution de créances en date du 08 septembre 2020 de Maître LORNG BARTHE, commissaire de justice ; que selon toujours le moyen, en statuant comme elle l’a fait, la Cour de cassation a violé le texte susvisé et exposé par conséquent sa décision à la cassation ;
Attendu que, selon les alinéas 3, 4 et 5 de l’article 14 du Traité, « saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’Appel des Etats-Parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales. Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats-parties dans les mêmes contentieux.
En cas de cassation, elle évoque et statue sur le fond... » ;
Attendu que la Cour considère qu’en vertu de ces dispositions, la juridiction suprême nationale n’est plus apte à exercer la compétence que lui confère l’article 16 du Traité de l’OHADA en matière de sursis à exécution, dès lors que la décision querellée a fait l’objet d’un acte d’exécution forcée, conformément à l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; qu’en le faisant, elle interfère dans les attributions du juge des urgences établi par l’article 49 du même Acte uniforme et, sa décision, non rendue en matière de cassation, étant insusceptible d’appel, tombe dans le champ d’application des dispositions de l’article 14 du Traité susvisées ;
Attendu, en outre, qu’aux termes de l’article 32 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, « A l’exception de l’adjudication des immeubles, l’exécution forcée peut être poursuivie jusqu’à son terme en vertu d’un titre exécutoire par provision. L’exécution est alors poursuivie aux risques du créancier à charge pour celui-ci, si le titre est ultérieurement modifié, de réparer intégralement le préjudice causé par cette exécution sans qu’il y ait lieu de relever de faute de sa part.» ; qu’il résulte de toutes ces dispositions l’incompétence du juge de cassation national à ordonner un sursis à exécution, dès lors qu’une mesure d’exécution forcée est mise en œuvre, conformément aux dispositions de l’Acte uniforme sus-évoqué ; qu’en l’espèce, cette compétence est dévolue au président du tribunal de la circonscription judiciaire concernée ;
Attendu qu’en l’espèce, la Cour de cassation a ordonné la discontinuation des poursuites au motif que « l’exécution immédiate de l’arrêt contesté est de nature à entrainer le préjudice allégué » ; Attendu qu’en se déterminant ainsi le 23 octobre 2020, alors que l’arrêt objet de la demande de sursis à exécution avait déjà donné lieu à une saisie-attribution depuis le 08 septembre 2020, laquelle constitue incontestablement une mesure d’exécution, la Cour de cassation a méconnu les dispositions des articles 32 et 49 de l’Acte uniforme ci-dessus rapportées ; que le grief étant encouru, il échet pour la Cour de céans de casser l’arrêt entrepris conformément à l’article 14 du Traité de l’OHADA et ce, dans l’intérêt bien compris de l’ordre juridique communautaire ; Et attendu que plus rien ne restant à juger, il n’y a pas lieu à évocation ;
Sur les dépens Attendu que la défenderesse, ayant succombé, sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l’Arrêt n° 847/20 du 23 octobre 2020 rendu par la Cour de cassation de Côte d’Ivoire ;
Dit n’y avoir lieu à évocation, plus rien ne restant à juger ; Condamne la Société Claire Fontaine aux dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé : Le Président Le Greffier