EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA) -------- COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA) ---------
ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA) -------- COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA) --------- Deuxième chambre -------
Audience publique du 27 avril 2023 Pourvoi : n° 119/2021/PC du 01/04/2021
Affaire : Société dénommée Centre d’Ai Ag Ac dite CA2C (Conseil : Maître KAMIL Tarek, Avocat à la Cour) Contre Société NESTLE COTE D’IVOIRE SA (Conseils : SCPA LEX-WAYS, Avocats à la Cour) 2. Société Ivoirienne de Promotion Ab et Ah dite SIPAINE
Arrêt N° 100/2023 du 27 avril 2023 La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, présidée par Monsieur Sabiou MAMANE NAISSA, assisté de Maître Louis Kouamé HOUNGBO, Greffier, a rendu en son audience publique ordinaire du 27 avril 2023 l’Arrêt dont la teneur suit, après délibération du collège de juges composé de :
Messieurs : Armand Claude DEMBA,Président Sabiou MAMANE NAISSA,Juge, rapporteur Mathias NIAMBA,Juge Joachim GBILIMOU,Juge Ndodinguem Casimir BEASSOUM,Juge Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 01 avril 2021 sous le n° 119/2021/PC, formé par Maître KAMIL Tarek, Avocat près la Cour d’appel d’Af, y demeurant, Aa Ae, rue de la Paix, immeuble LENA, 7ème étage, porte 7c, 05 BP 1404 Abidjan 05, agissant au nom et pour le compte de la Société dénommée Centre d’Ai Ag Ac dite CA2C, société anonyme dont le siège est sis à Abidjan, Treichville, Boulevard Ad Ak d’Estaing, immeuble les DUNES, face SOLIBRA, 3ème étage, 01 BP 6474 Abidjan 01, représentée par son directeur général, monsieur A Aj, demeurant ès qualité audit siège, dans la cause qui l’oppose à la Société NESTLE COTE D’IVOIRE, société anonyme, ayant son siège à Abidjan-Cocody, rue du Lycée technique, 01 BP 1840 Abidjan 01, ayant pour conseil, Maître Soualiho Lassomann DIOMANDE, Avocat à la Cour, Associé au sein de la SCPA LEX WAYS, sis à Abidjan, Cocody II Plateaux, villa River Forest, 101, rue J 41, 25 BP 1592 Abidjan 25 et la Société Ivoirienne de Promotion Ab et Ah dite SIPAINE, société à responsabilité limitée, dont le siège est sis à Abidjan, commune de Yopougon, Niangon, 1ère tranche, 08 BP 1221 Abidjan 08,
en cassation de l’arrêt n° 888/20 du 05 novembre 2020 rendu par la Cour de cassation de Côte d’Ivoire et dont le dispositif est le suivant : « Ordonne la discontinuation des poursuites entreprises contre la Société NESTLE Côte d’Ivoire en vertu de l’arrêt n° 836 en date du 14 mai 2020 de la Cour d’Appel de Commerce d’Abidjan ; Laisse les frais à la charge du Trésor public… » ; La requérante invoque à l’appui de son recours le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent Arrêt ;
Sur le rapport de monsieur Sabiou MAMANE NAISSA, Juge ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu selon les énonciations de l’arrêt attaqué, que la société NESTLE COTE D’IVOIRE et la SIPAINE, ont été condamnées à payer diverses sommes d’argent à la société CA2C, par arrêt RG N° 836/2019 du 14 mai 2020 rendu par la Cour d’appel de commerce d’Abidjan ; qu’en exécution de cet arrêt, la société CA2C a pratiqué une saisie-attribution de créances contre son débiteur suivant procès-verbal de saisie-attribution de créances en date du 18 août 2020 de Maître POTEY K. SIMEON, commissaire de justice ; que c’est dans le cadre de la contestation de cette saisie qu’est intervenu l’arrêt n° 888/20 du 05 novembre 2020 rendu par la Cour de cassation de Côte d’Ivoire, objet du présent recours ;
Attendu que par lettre n° 0712/2021/GC/G4 en date du 19 avril 2021, reçue en l’étude du conseil de la SIPAINE le 26 avril 2021, le Greffier en chef de la Cour de céans a invité cette dernière, autre défenderesse au pourvoi, à présenter dans un délai de trois mois à compter de la réception de la correspondance, son mémoire en réponse ; que cette lettre étant demeurée sans suite, il y a lieu de statuer sur le pourvoi, le principe du contradictoire ayant été respecté ; Sur la compétence de la Cour de céans
Attendu que la Société NESTLE COTE D’IVOIRE, autre partie défenderesse au pourvoi, soulève l’incompétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA à connaitre du présent recours, aux motifs que sa requête destinée à obtenir un sursis à exécution est antérieure à l’exécution entamée par la société CA2C ; qu’elle estime donc que les conditions de la compétence de la CCJA telles que fixées par l’article 14 du Traité de l’OHADA ne sont pas remplies en la cause, et qu’il y a lieu pour elle de se déclarer incompétente ; Attendu que, selon les alinéas 1, 3 et 4 de l’article 14 du Traité institutif de l’OHADA, la CCJA « assure dans les Etats-parties l’interprétation et l’application commune du présent Traité, des Règlements pris pour son application, des Actes uniformes et des Décisions (...).
Saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales.
Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats parties dans les mêmes contentieux. » ; Attendu, en l’espèce, que l’arrêt de la Cour de cassation de Côte d’Ivoire, déféré devant la Cour de céans, a été rendu le 05 novembre 2020 ; que la société CA2C a, elle, déjà pratiqué une saisie-attribution de créances contre sa débitrice, la société NESTLE COTE D’IVOIRE, suivant procès-verbal de saisie-attribution de créances en date du 18 août 2020 de Maître POTEY K. SIMEON, commissaire de justice ; qu’elle a donc été pratiquée bien avant l’intervention de l’arrêt attaqué ; que ladite saisie-attribution des créances est régie par les articles 153 à 172 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; qu’il y a donc lieu pour la Cour de se déclarer compétente, conformément aux dispositions des alinéas 1, 3 et 4 de l’article 14 du Traité institutif de l’OHADA sus-rapportées ;
Sur le moyen unique, tiré de la violation de l’article 32 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article 32 de l’Acte uniforme susvisé, en ce que la Cour de cassation de Côte d’Ivoire a ordonné la discontinuation des poursuites, au motif que « l’exécution immédiate de l’arrêt contesté est de nature à entrainer le préjudice allégué » alors, selon le moyen, que l’arrêt en question avait déjà reçu une exécution forcée matérialisée par un procès-verbal de saisie-attribution de créances en date du 18 août 2020 de Maître POTEY K. SIMEON, commissaire de justice ; que selon toujours le moyen, en statuant comme elle l’a fait, la Cour de cassation a violé le texte susvisé et exposé par conséquent sa décision à la cassation ;
Attendu que selon les alinéas 3, 4 et 5 de l’article 14 du Traité institutif de l’OHADA, « saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’Appel des Etats-Parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales. Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats-parties dans les mêmes contentieux.
En cas de cassation, elle évoque et statue sur le fond... » ;
Attendu que la Cour considère qu’en vertu de ces dispositions, la juridiction suprême nationale n’est plus apte à exercer la compétence que lui confère l’article 16 du Traité de l’OHADA en matière de sursis à exécution, dès lors que la décision querellée a fait l’objet d’un acte d’exécution forcée conformément à l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; qu’en le faisant, elle interfère dans les attributions du juge des urgences établi par l’article 49 du même Acte uniforme et, sa décision, non rendue en matière de cassation, étant insusceptible d’appel, tombe dans le champ d’application des dispositions de l’article 14 du Traité susvisées ;
Attendu en outre qu’aux termes de l’article 32 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, « A l’exception de l’adjudication des immeubles, l’exécution forcée peut être poursuivie jusqu’à son terme en vertu d’un titre exécutoire par provision. L’exécution est alors poursuivie aux risques du créancier à charge pour celui-ci, si le titre est ultérieurement modifié, de réparer intégralement le préjudice causé par cette exécution sans qu’il y ait lieu de relever de faute de sa part.» ; qu’il résulte de toutes ces dispositions l’incompétence du juge de cassation national à ordonner un sursis à exécution, dès lors qu’une mesure d’exécution forcée est mise en œuvre, conformément aux dispositions de l’Acte uniforme sus-évoqué ; qu’en l’espèce, cette compétence est dévolue au président du tribunal de la circonscription judiciaire concernée ;
Attendu, en l’espèce, que la Cour de cassation a ordonné la discontinuation des poursuites au motif que « l’exécution immédiate de l’arrêt contesté est de nature à entrainer le préjudice allégué » ; Attendu qu’en se déterminant ainsi le 05 novembre 2020, alors que l’arrêt objet de la demande de sursis à exécution avait donné lieu à une saisie-attribution depuis le 18 août 2020, laquelle constitue incontestablement une mesure d’exécution, la Cour de cassation a méconnu les dispositions des articles 32 et 49 de l’Acte uniforme ci-dessus rapportées ; que le grief étant encouru, il échet pour la Cour de céans de casser l’arrêt entrepris conformément à l’article 14 du Traité de l’OHADA et ce, dans l’intérêt bien compris de l’ordre juridique communautaire ; Et attendu que plus rien ne restant à juger, il n’y a pas lieu à évocation ;
Sur les dépens Attendu que les défenderesses, ayant succombé, seront condamnées aux dépens ;
PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Se déclare compétente ;
Casse l’arrêt n° 888/20 du 05 novembre 2020 rendu par la Cour de cassation de Côte d’Ivoire ; Dit n’y avoir lieu à évocation, plus rien ne restant à juger ; Condamne la Société NESTLE COTE D’IVOIRE et la Société Ivoirienne de Promotion Ab et Ah aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé : Le Président Le Greffier