ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA) ---------- COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA) ---------- Deuxième Chambre ---------- Audience publique du 27 avril 2023
Pourvoi : n° 236/2021/PC du 21/06/2021
Affaire : Madame A Aa Ac (Conseils : Cabinet d’Avocats Rufin MAYANG, Avocats à la Cour) Contre Le Crédit Foncier du Cameroun (CFC) (Conseils : SCPA NGOULLA FOTSO & ASSOCIES, Avocats à la Cour)
Arrêt N° 105/2023 du 27 avril 2023 La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, présidée par Monsieur Sabiou MAMANE NAISSA, assisté de Maître Louis Kouamé HOUNGBO, Greffier, a rendu en son audience publique ordinaire du 27 avril 2023 l’Arrêt dont la teneur suit, après délibération du collège de juges composé de :
Messieurs : Armand Claude DEMBA,Président Sabiou MAMANE NAISSA,Juge Mathias NIAMBA,Juge Joachim GBILIMOU,Juge, rapporteur Ndodinguem Casimir BEASSOUM,Juge Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 21 juin 2021, sous le numéro 236/2021/PC, formé par le Cabinet d’Avocats Rufin MAYANG, Avocats au Barreau du Cameroun, rue Pau, Immeuble Ancienne Clinique Mère et Enfants AKWA-Douala, BP 5193, agissant au nom et pour le compte de madame A Aa Ac, Médecin en service à l’Hôpital Général de Ab, dans la cause qui l’oppose au Crédit Foncier du Cameroun (CFC), société à capital public avec conseil d’administration, dont le siège social est sis à Yaoundé, 484 Boulevard du 20 mai 1972, BP 1531, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, ayant pour conseil la C NGOULLA FOTSO & Associés, Avocats au Barreau du Cameroun, Cabinet sis Immeuble ancien Centre Culturel Français Douala-Bonanjo, 111, Rue du Tribunal, BP 4389 Ab, en cassation du jugement commercial n°246/COM, rendu le 02 juillet 2020 par le Tribunal de grande instance du Wouri à Ab, dont le dispositif suit : « Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en chambre commerciale, en premier et dernier ressorts, en formation collégiale, à l’unanimité ; Vu le jugement ADD du 07 novembre 2019 ; Rejette la demande d’annulation des poursuites ; Constate que l’expert commis a évalué l’immeuble saisi à la somme de 238.802.500 FCFA ; Fixe la nouvelle date d’adjudication de l’immeuble saisi à la mise à prix reformée de 230.000.000 FCFA (Deux cent trente millions) au 06 août 2020 par devant Me Régine DOOH Collins-EKOLLO, notaire à Ab après accomplissement des formalités légales de publicité ; Dit que les dépens seront payés par privilège en sus du prix de l’adjudication et supportés par la saisie » ; La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent Arrêt ; Sur le rapport de Monsieur Joachim GBILIMOU, Juge ; Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ; Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ; Attendu qu’il résulte du jugement attaqué, qu’en exécution de la grosse d’une convention de prêt assortie d’hypothèque conventionnelle suivant acte n° 6.284 du répertoire de Maître Régine DOOH Collins-EKOLLO, notaire à Ab en date du 31 août 2010, le Crédit Foncier du Cameroun procédait, après exploit de commandement servi en date du 12 août 2016, à la saisie de l’immeuble urbain bâti immatriculé au livre foncier du Département du Wouri sous le n°36.480, appartenant à madame A Aa Ac, aux fins d’obtenir le paiement de sa créance évaluée à la somme de 167.610.761 FCFA ainsi détaillée : 147.040.603 FCFA en principal, 15.439.263 FCFA au titre des intérêts, 4.880.895 FCFA de droit de recette et 250.000 FCFA représentant le coût de l’acte ; que le 10 février 2017, madame A Aa Ac insérait ses dires et observations dans le cahier des charges déposé le 05 janvier 2017 par la C NGOULLA FOTSO, conseil du Crédit Foncier du Cameron, au greffe du Tribunal de grande instance du Wouri qui, accédant à sa demande et par jugement n° 297/COM/ADD rendu le 02 août 2018, lui accordait un délai de grâce de 12 mois et ordonnait la suspension des poursuites jusqu’à l’épuisement de ce délai ; qu’aucun paiement n’ayant été fait par la saisie pendant ce délai de grâce, les débats reprenaient devant le même tribunal qui, par jugement n° 460/ADD rendu le 07 novembre 2019, ordonnait une expertise immobilière afin d’évaluer la valeur de l’immeuble à adjuger ; qu’en exécution de ce jugement, l’expert désigné a évalué l’immeuble saisi à la somme de 238.802.900 FCFA ; que c’est sur la base de ce montant que le Tribunal de grande instance du Wouri à Ab fixait la nouvelle date d’adjudication pour la mise à prix de 230.000.000 FCFA et rendait, le 02 juillet 2020, le jugement commercial n°246/COM, objet du pourvoi ; Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, tiré de la violation des dispositions de l’article 1er de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Attendu par la première branche du moyen, qu’il est fait grief au jugement attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article 1er de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en ce qu’il n’a pas tenu compte du caractère éminemment incertain et contesté de la créance dont le recouvrement est poursuivi par le Crédit Foncier du Cameroun, découlant des incohérences observées sur la détermination réelle du montant de cette créance, alors, selon la branche du moyen, que ledit texte exige une créance certaine et liquide pour que son recouvrement puisse être demandé suivant la procédure d’injonction de payer ; que par la seconde branche, il est reproché au jugement d’avoir violé le texte visé, en ce qu’il a admis la créance du Crédit Foncier du Cameroun, alors, selon cette branche du moyen, que ladite créance n’est pas exigible en l’état et son recouvrement forcé prématuré, l’échéance de son paiement étant fixée à l’année 2030 suivant la convention de prêt ; qu’en statuant ainsi, conclut la requérante, il est manifeste que le Tribunal de grande instance du Wouri à Ab a commis les griefs allégués, et a ainsi exposé son jugement à la cassation ; Attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 1er de l’Acte uniforme sus-invoqué, « le recouvrement d'une créance certaine, liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d'injonction de payer » ; Mais attendu, en l’espèce, qu’il ne ressort pas des énonciations du jugement déféré faisant foi jusqu’à inscription de faux, que le tribunal a été saisi d’une procédure d’injonction de payer dont la mise en œuvre est subordonnée à l’existence d’une créance certaine, liquide et exigible, mais plutôt d’une procédure de saisie immobilière engagée en exécution de la grosse d’une convention de prêt assortie d’hypothécaire conventionnelle ; qu’aucune pièce du dossier de la procédure ne se rapporte à une telle procédure évoquée pour la première fois devant la Cour de céans ; Et attendu, que pour parvenir au jugement attaqué, le tribunal a relevé, à la suite de madame A Aa Ac qui déclarait dans ses dires et observations n’avoir aucunement l’intention de contester la créance dont le recouvrement est poursuivi, « qu’au cours des audiences précédentes, la débitrice saisie n’avait élevé aucune contestation quant à la forme et la créance dont recouvrement, mais simplement mis en avant les paiements partiels par elle opérés pour solliciter des délais de grâce ; que le tribunal avait accédé à cette demande mais la débitrice n’a pas cru devoir payer le montant restant dû par elle » ; qu’ainsi, en statuant comme il l’a fait, le tribunal n’a en rien violé le texte visé au moyen au demeurant inapplicable à l’espèce, lequel sera rejeté comme mal fondé ; Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des dispositions de l’article 264 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Attendu qu’il est reproché au jugement déféré d’avoir violé les dispositions de l’article 264 de l’Acte uniforme susvisé, en ce que madame A Aa Ac a offert en vain de déléguer la gestion de ses revenus locatifs à son créancier, lesquels revenus sont à même, au bout de deux années, d’éponger sa dette dans les livres du Crédit Foncier du Cameroun, alors, selon le moyen, que ledit texte permet de suspendre la poursuite lorsque le débiteur justifie que le revenu de ses immeubles pendant deux ans suffit pour payer la dette et qu’il offre la délégation au créacier dudit revenu ; Attendu que l’article 264 visé au moyen dispose que : « Dans le cas où la valeur des immeubles saisis dépasse notablement le montant de la créance, le débiteur saisi peut obtenir de la juridiction compétente qu'il soit sursis aux poursuites sur un ou plusieurs des immeubles désignés dans le commandement sans que cette demande empêche la publication du commandement. Avant le dépôt du cahier des charges, la demande est formée devant la juridiction compétente par simple acte d'avocat à avocat ; après le dépôt du cahier des charges, elle est formulée par un dire reçu comme il est dit à l'article 272 ci-après. A l'appui de sa demande le débiteur doit justifier que la valeur des biens sur lesquels les poursuites seront continuées est suffisante pour désintéresser le créancier saisissant et tous les créanciers inscrits. La demande est jugée à l'audience éventuelle. La décision judiciaire accordant le sursis indique les immeubles sur lesquels les poursuites seront discontinuées. Après l'adjudication définitive, le créancier peut reprendre les poursuites sur les biens provisoirement exceptés, si le prix des biens adjugés ne suffit pas pour le désintéresser » ; Mais attendu que ce moyen développe plutôt la violation des dispositions de l’article 265 de l’Acte uniforme susvisé reproduit dans la requête et dont il n’est pas justifié des conditions d’application ; qu’il s’ensuit que ce moyen confus et ambigu doit être déclaré irrecevable ; Sur le troisième moyen, tiré de la fraude orchestrée par le Crédit Foncier du Cameroun
Attendu que madame A Aa Ac fait grief au jugement attaqué de n’avoir pas déclaré nuls les actes du Crédit Foncier du Cameroun, en ce qu’usant de la fraude, celui-ci a, d’une part, omis d’indiquer qu’elle n’a reçu sur les 95.123.000 FCFA fixés par la convention que la somme de 80.000.000 FCFA et, d’autre part, indiqué dans le cahier des charges que la mise à prix de son immeuble, évalué à plus de 238.000.000 FCFA, était de 70.000.000 FCFA, alors que selon la vieille maxime « la fraude corrompt tout », tous les actes qui en découlent ne peuvent produire le moindre effet ; Attendu qu’aux termes des dispositions de l’Article 28 bis du Règlement de procédure de la Cour de céans, « Le recours en cassation est fondée sur la violation de la loi, l’incompétence et l’excès de pouvoir, la violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité, le défaut, l’insuffisance ou la contrariété des motifs, l’omission ou le refus de répondre à des chefs de demandes, la dénaturation des faits de la cause ou des pièces de la procédure, le manque de base légale, la perte de fondement juridique, le fait de statuer sur une chose non demandée ou d’attribuer une chose au-delà de ce qui a été demandé » ; Mais attendu que ce moyen tiré de la fraude orchestrée par le Crédit Foncier du Cameroun, n’est pas un cas d’ouverture prévu par le texte ci-dessus rapporté ; qu’il y a lieu de le déclarer irrecevable ; Attendu qu’aucun moyen ne prospérant, il échet de rejeter le pourvoi de madame A Aa Ac comme non fondé ; Sur les dépens Attendu que madame A Aa Ac, succombant, sera condamnée aux dépens ; PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré, Rejette le pourvoi formé par madame A Aa Ac contre le jugement commercial n° 246/COM, rendu le 02 juillet 2020 par le Tribunal de grande instance du Wouri à Ab ; La condamne aux dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé : Le Président Le Greffier