ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA) -------- COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA) --------- Deuxième chambre ------- Audience publique du 15 juin 2023 Pourvoi : n° 466/2021/PC du 29/12/2021 Affaire : Aa A (Conseil : Maître Ciré Clédor LY, Avocat à la Cour) Contre La Société ELIE MAJAHES et FILS SARL (Conseil : Maître Moise Mamadou NDIOR, Avocat à la Cour)
Arrêt N° 137/2023 du 15 juin 2023 La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, présidée par Monsieur Armand Claude DEMBA, assisté de Maître Louis Kouamé HOUNGBO, Greffier, a rendu en son audience publique ordinaire du 15 juin 2023 l’Arrêt dont la teneur suit, après délibération du collège de juges composé de : Messieurs : Armand Claude DEMBA, Président, rapporteur Sabiou MAMANE NAISSA,Juge Mathias NIAMBA,Juge Joachim GBILIMOU,Juge Ndodinguem Casimir BEASSOUM,Juge
Sur le recours enregistré sous le n° 466/2021/PC du 29 décembre 2021, formé par Maître Ciré Clédor LY, Avocat à la Cour, cabinet sis au 40, Avenue Ab B, Médina - Dakar, agissant au nom et pour le compte de Aa A, dans la cause qui l’oppose à la Société ELIE MAJAHES et FILS SARL, ayant pour conseil Maître Moise Mamadou NDIOR, Avocat à la Cour, cabinet sis à la Résidence SAMASSA, appartement A4, Médine, Route de Dakar, Mbour, en cassation de l’arrêt n° 056, rendu le 07 juillet 2021 par la Cour d’appel de Thiès, dont le dispositif est le suivant : « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
En la forme :
Vu l’ordonnance n°45 en date du 19 mai 2019 du conseiller de la mise en état déclarant tant les appels principal qu’incident recevables ;
Au fond :
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Fait masse des dépens entre les parties, chacune pour moitié. » ; La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les quatre moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent Arrêt ; Sur le rapport de Monsieur Armand Claude DEMBA, Premier Vice-président ; Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ; Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ; Attendu, selon les énonciations de l’arrêt attaqué, qu’en vertu d’un contrat de location à durée déterminée de deux ans en date du 12 novembre 2017, la Société ELIE MAJAHES et FILS SARL occupe un local appartenant à la dame Aa A ; que par exploit d’huissier daté du 29 mars 2019, celle-ci signifiait au preneur un congé de six mois pour non-renouvellement dudit contrat ; qu’estimant que le congé qui lui était servi présentait des irrégularités, et qu’elle avait droit au renouvellement du bail les liant, la Société ELIE MAJAHES et FILS SARL assignait Aa A par-devant le Tribunal de grande instance de Mbour en son annulation, et paiement, par conséquent, de la somme de 600.000.000 FCFA au titre d’indemnité d’éviction ; que sur appel de Aa A, la Cour de Thiès, par l’arrêt n° 056 rendu le 07 juillet 2021, confirmait le jugement du tribunal ; que c’est cette décision qui fait l’objet du présent pourvoi ;
Sur les premier et quatrième moyens réunis Attendu, en la première branche du premier moyen, qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article 123 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, en ce qu’il a considéré que le preneur avait droit au renouvellement du bail à durée déterminée liant les parties, alors, selon le moyen, que les juges ont retenu que les parties étaient liées par ledit contrat à compter du 12 novembre 2017 et que son renouvellement n’était pas encore acquis en l’espèce ;
Qu’en la seconde branche du même moyen, la requérante fait grief à l’arrêt dont pourvoi la violation de l’article 126 de l’Acte uniforme précité, en ce qu’il a déclaré nul le congé servi sans ordonner l’expulsion du preneur ou mettre fin au bail à son expiration pour une éviction effective ; que de ce fait, il ne peut justifier la condamnation de Aa A au règlement d’une indemnité d’éviction ; Que dans le quatrième moyen, il est reproché à l’arrêt attaqué la dénaturation du contrat de bail à usage professionnel, en ce qu’il a énoncé que le preneur avait droit au renouvellement du bail, dès lors que la société intimée a exploité un magasin sur le lieu loué pendant plus de deux ans, alors, selon le moyen, que le contrat signé le 12 novembre 2017 n’excède nullement deux ans ; que de tout ce qui précède, la décision attaquée mérite cassation ;
Mais attendu qu’aux termes de l’article 123 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, « le droit au renouvellement du bail à durée déterminée ou indéterminée est acquis au preneur qui justifie avoir exploité, conformément aux stipulations du bail, l’activité prévue à celui-ci, pendant une durée minimale de deux ans.
Aucune stipulation du contrat ne peut faire échec au droit de renouvellement.
En cas de renouvellement exprès ou tacite, le bail est conclu pour une durée minimale de trois ans.
En cas de renouvellement pour une durée indéterminée les parties doivent prévoir la durée du préavis de congé qui ne peut être inférieure à six mois » ; Que l’article 126 ibidem prescrit, quant à lui, que « le bailleur peut s’opposer au droit au renouvellement du bail à durée déterminée ou indéterminée en réglant au locataire une indemnité d’éviction.
A défaut, d’accord sur le montant de cette indemnité, celle-ci est fixée par la juridiction compétente en tenant compte notamment du montant du chiffre d’affaires, des investissements réalisés par le preneur, de la situation géographique du local et des frais de déménagement imposés par le défaut de renouvellement » ; Qu’en l’espèce et de première part, les pièces du dossier, et notamment l’article 3 du contrat de « bail à usage commercial », renseignent nettement qu’il « est conclu pour une période de deux (02) ans et prend effet à compter du 12 novembre 2017 pour arriver à terme le 12 novembre 2019 » ; que le droit au renouvellement du bail s’apprécie, non au moment où le preneur formule son droit au renouvellement, en l’occurrence le 31 juillet 2019, mais bien à l’expiration arrêtée d’accord commun au 12 novembre 2019 ; qu’il s’en déduit que c’est à bon droit que le juge d’appel s’est prononcé comme il l’a fait ;
Qu’ensuite, le droit au renouvellement au bail ayant été justement apprécié dans le temps, la cour d’appel n’a pas méconnu le sens et la portée des dispositions de l’article 126 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général en condamnant Aa A à payer à la Société ELIE MAJAHES et FILS SARL une indemnité d’éviction ; Qu’enfin, la dénaturation arguée par Aa A n’est pas de mise, dès lors qu’il est constant que le droit au renouvellement du bail de la Société ELIE MAJAHES et FILS SARL s’est bien inscrit dans la période de deux ans allant du 12 novembre 2017 au 12 novembre 2019, un bail d’un an ayant par ailleurs précédemment lié les parties contractantes ;
Attendu qu’il s’en infère que le premier moyen, en ses deux branches, et le quatrième moyen sont infondés ; qu’il échet de les rejeter ;
Sur le deuxième moyen Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de manquer de base légale, en ce que, sans résilier le bail liant les deux parties il a retenu que le preneur a droit au paiement de l’indemnité d’éviction, alors, selon le moyen, que la nullité du congé a pour conséquence le non avenu du congé, ce qui met les parties dans l’état antérieur pour poursuivre la relation contractuelle et ce, sans éviction, aux termes de l’article 126 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général ; Mais attendu qu’il est établi que la Société ELIE MAJAHES et FILS SARL avait formulé une demande de renouvellement du bail suivant exploit daté du 31 juillet 2019 ; que Aa A y a répondu par exploit du 18 septembre 2019 en lui signifiant une lettre de non-renouvellement du bail ; que dès lors, aucune poursuite dudit bail ne pouvant être alléguée, la Cour d’appel a fait une correcte application de l’Acte uniforme en se prononçant comme elle l’a fait ; que ce deuxième moyen, aussi infondé que les précédents, est également rejeté ; Sur le troisième moyen Attendu que, par le troisième moyen, il est reproché à la cour d’appel une insuffisance de moyens, aux motifs, d’une part, que les juges n’ont pas permis à la Haute Cour d’exercer un contrôle sur le véritable chiffre d’affaires du commerce exercé par l’enseigne « Le Bon Coin » et, d’autre part, qu’ils n’ont pas ordonné la résiliation du bail ainsi que l’expulsion du preneur, avant d’allouer à la Société ELIE MAJAHES et FILS SARL une indemnité d’éviction ;
Mais attendu que ces deux branches du moyen tendent à remettre en cause l’appréciation souveraine des juges du fond ; que par conséquent, son irrecevable est de mise ;
Attendu qu’aucun des quatre moyens de cassation n’ayant prospéré, le pourvoi mérite rejet ; Sur les dépens
Attendu que Aa A ayant succombé, les dépens sont mis à sa charge ;
PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, après en avoir délibéré, Rejette le pourvoi ;
Condamne Aa A aux dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé : Le Président Le Greffier