REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
COUR DE CASSATION
RC85/RC3851
En cause : Mme B.B.S, demanderesse en cassation.
Contre : Héritiers de feu M.M.M, défendeurs en cassation.
ARRET :
Par requête déposée le 05 mai 2014 au greffe de la Cour suprême de justice, Madame B.B.S sollicite la cassation du jugement RCA 1775 du 03 janvier 2017 rendu par le tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe lequel après avoir dit recevable mais non fondée sa requête en réouverture des débats, a dit recevables et partiellement fondés les appels principal et incident ; statuant sur le fond, a dit que les deux parties avaient eu comme biens communs, pendant leur mariage, l’immeuble sis quartier B, avenue de R n°.., commune de Ngaliema, les fonds de roulement de la société G.MAG, une voiture Mitsubishi, immatriculée KN… et une Aa A, immatriculée… ; a dit que cet immeuble sera vendu après évaluation de sa valeur réelle par un expert et le prix de vente partagé, à parts égales, entre les deux parties, de même que les fonds de la société (POLYCLINIC) G.MAG qui seront vendus et le produit de la vente partagé à parts égales entre les deux parties ; a dit que la voiture Mitsubishi susdécrite reviendra à la demanderesse et la Aa A à Monsieur M.M.M.
Dans leur mémoire en réponse, Messieurs MUB.H et MUB.V, liquidateurs de la succession M.M.M., défendeurs en cassation, opposent au pourvoi trois fins de non-recevoir :
La première est tirée de la violation des articles 1, 115 et 124 de l’ordonnance-loi n° 82/018 du 31 mars 1982 relative à la procédure devant la Cour suprême de justice, 1, 115, 119 et 120 de la loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle, 756 à 758 du Code de la famille en ce que la requête introductive de pourvoi n’a pas été adressée à la Cour suprême de justice en tant que Cour de cassation reprise par eux en vertu des articles 756 à 758 du Code de la famille pour appliquer tous les textes légaux par eux cités.
Cette fin de non-recevoir n’est pas fondée. En effet, outre que l’énumération de tous ces textes légaux sème la confusion, les défendeurs ne précisent pas en quoi ils ont été violés.
La deuxième est déduite de la violation de l’article 39 de l’ordonnance-loi n° 82/017 du 31 mars 1982 relative à la procédure devant la Cour suprême de justice en ce que la requête introductive du pourvoi n’a pas été déposée dans le délai légal de trois mois à dater de la signification de la décision attaquée.
Cette fin de non-recevoir n’est pas non plus fondée. La décision attaquée ayant été signifiée à la demanderesse le 03 février 2014, celle-ci, en déposant sa requête le 05 mai 2014 au greffe de la Cour suprême de justice, a agi dans le délai légal de trois mois ; le samedi 03 mars 2014 étant un jour où le greffe n’est pas ouvert et le lundi 05 mai 2014 étant le plus proche jour utile pour accomplir cette formalité.
La troisième fin de non-recevoir est déduite de la violation des articles 43 et 44 de l’ordonnance-loi n° 82/017 relative à la procédure devant la Cour suprême de justice en ce que la requête introductive du pourvoi a été déposée sans un dossier contenant l’assignation et les feuilles d’audience du premier degré.
Cette fin de non-recevoir n’est pas non plus fondée. En effet, les dispositions légales invoquées par les défendeurs ne sont pas prescrites à peine de nullité et ceux-ci ne prouvant pas avoir subi un préjudice à la suite de cette omission.
Les fins de non-recevoir n’étant pas retenus, le pourvoi sera reçu ;
A l’appui de son pourvoi, la demanderesse développe quatre moyens de cassation :
Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 1er de l’ordonnance du 14 mai 1886 sur l’application des principes généraux du droit plus particulièrement celui qui édicte que le patrimoine constitue un attribut de la personne humaine à fortiori de l’article 211 du Code de la famille sur la jouissance des droits civils par toute personne à condition qu’elle soit vivante, ainsi que l’article 23 du Code de procédure civile sur la motivation inadéquate ou insuffisante équivalant à l’absence de motif en ce que les juges d’appel ont choisi de rendre un jugement au bénéfice d’un mort qui légalement ne peut détenir ou bénéficier des droits patrimoniaux et ce, après avoir rejeté la demande de réouverture des débats initiée par la demanderesse en cassation qu’ils reconnaissent pourtant avoir reçue au motif fallacieux, d’une part que la reprise d’instance n’était pas justifiable, et d’autre part, qu’il n’y avait pas d’instance en cours, alors que la reprise d’instance qui implique l’interruption de l’instance en cours, soit par décision du juge pour une instance en instruction, soit par la réouverture des débats pour une cause prise en délibéré dont le jugement n’est pas encore rendu, se trouve organisée par les articles 19 à 21 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation qui se trouve applicable devant toutes les juridictions, et que l’instance judiciaire a cours depuis l’enrôlement d’une cause jusqu’au prononcé du jugement y relatif, avec pour conséquence qu’une cause mise en délibéré est réputée toujours en instance.
Ce moyen n’est pas fondé. En effet, le juge d’appel s’exprime comme suit pour rejeter la demande de réouverture des débats de la demanderesse : « attendu que le tribunal note que par sa correspondance datée du 23 décembre 2013 sous le numéro MVK/622/2013, le conseil de la partie appelante B.B.S sollicite la réouverture des débats dans cette cause, pour motif pris de ce qu’elle aurait été informée du décès de l’intimé principal en la personne de M.M.M., laquelle réouverture des débats permettrait dans ces conditions, une éventuelle reprise d’instance ».
A cette demande, le tribunal opposera un rejet pour trois raisons suivantes :
Les débats étant clos et la cause prise en délibéré, l’éventuelle reprise d’instance sur laquelle, Madame B.B.S se fonde n’est justifiable, faute d’instance en cours
Il n’appartient pas à une personne non mandatée par cette partie adverse d’introduire une telle demande en lieu et place de celle-ci et ce, en application du principe « nul ne plaide par procureur » ;
Aucune pièce du dossier ne prouve à suffisance de droit le décès vanté ;
Tel qu’il a fait, le juge a bien motivé sa décision quant au rejet de la demande de réouverture des débats.
Le deuxième moyen est pris de la violation de l’article 1er de l’ordonnance du 14 mai 1886 sur l’application des principes généraux du droit plus particulièrement de la maxime « nul ne plaide par procureur ».
Première branche en ce que la décision attaquée a rejeté la demande de réouverture des débats sollicitée par la demanderesse en vue d’une éventuelle reprise d’instance au prétexte qu’elle n’avait pas été mandatée par la partie adverse pour introduire celle-ci en ses lieu et place en application du principe « nul ne plaide par procureur », alors qu’en l’absence de précision découlant de la loi sur la partie susceptible de solliciter la réouverture des débats ou de faire valoir la nécessité éventuelle de la reprise d’instance et /ou devant le silence de la loi, toute partie est fondée à informer la juridiction saisie de l’instance du décès de son adversaire en cours de celle-ci en vue de la reprise d’instance, du fait que les juridictions ne peuvent statuer pour ou contre un mort, sans que pareille démarche ne puisse équivaloir à plaider par procureur qui consiste dans le fait de soutenir des postulations en justice ou devant une juridiction au nom d’un tiers sans en avoir reçu mandat.
Deuxième branche en ce que la décision attaquée a rejeté la demande de réouverture des débats sollicitée par la demanderesse en vue d’une éventuelle reprise d’instance, au prétexte qu’aucune pièce du dossier ne prouve à suffisance de droit le décès vanté, alors que la gravité de la révélation faite par la demanderesse elle-même, devait inciter tout juge moyen, diligent et prudent à faire procéder à des vérifications après avoir ordonné la réouverture des débats, d’autant plus que le conseil de la partie décédée à qui avait été réservée copie de la correspondance dénonçant le décès de son client, n’avait émis aucune protestation.
En tant qu’il vise l’article 1er de l’ordonnance du 14 mai 1886 sur l’application des principes généraux du droit plus particulièrement celui qui édicte que le patrimoine constitue un attribut de la personne humaine, le moyen, en cette branche, est irrecevable car mal visé, cette matière étant régie par la loi.
En tant qu’il vise l’article 211 du Code de la famille sur la jouissance des droits civils par toute personne à condition qu’elle soit vivante, le moyen en cette branche, est non fondé, le juge n’ayant pas visé un mort.
En tant qu’il vise l’article 23 du Code de procédure civile, le moyen n’est pas fondé, le juge ayant suffisamment motivé sa décision sur ce point. En effet, le juge d’appel a rejeté cette demande parce que la mort n’était pas prouvée d’une part et d’autre part que celle-ci fût dubitative.
Le troisième moyen est déduit de la violation de l’article 390 de la loi dite foncière, sur la propriété des biens détenus par les nationaux non couverts par le certificat d’enregistrement.
En ce que la décision attaquée a désavantagé la demanderesse dans le partage des biens communs en refusant de prendre en compte d’autres immeubles faisant partie du patrimoine commun des parties et en ce qu’en invoquant faussement l’article 219 de cette même loi qui dispose que le droit de jouissance d’un fonds n’est légalement établi que par un certificat d’enregistrement, pour conclure que dans le cas sous examen, l’épouse divorcée n’avait pas apporté la preuve de l’existence de tous les biens prétendument appartenus aux parties comme biens communs, alors que la demanderesse a revendiqué non seulement la villa résidentielle sise quartier B, avenue du R n°.., commune de Ngaliema couverte par un certificat d’enregistrement, mais aussi des immeubles situés dans des circonscriptions foncières loties et cadastrées et couverts soit par des livrets de logeur, soit par des actes de vente détenus par l’époux décédé, immeubles qui, aux termes de l’article 390 de cette même loi, devraient être pris en compte comme bien de la communauté conjugale, même si jusqu’au jour d’aujourd’hui, l’administration n’a pas pu convertir leur occupation par eux en concession perpétuelle et a omis de leur octroyer des titres outre qu’il a été jugé par la Cour suprême de justice que les contestations relatives à des parcelles situées dans des cités indigènes de Kinshasa doivent être tranchées par l’application des règles de droit écrit.
Ce moyen est irrecevable car l’article invoqué ne régit pas la matière citée par la demanderesse.
Le quatrième moyen est tiré de la violation de l’article 223 du Code civil livre III sur le commencement de preuve par écrit et de l’article 202 du même Code sur la foi due aux actes ainsi que la fausse motivation équivalant à l’absence de motifs.
Première branche en ce que la décision attaquée a désavantagé la demanderesse dans le partage des biens communs en refusant de prendre en compte l’appartement commun des parties se trouvant en Afrique du Sud et enregistré au nom de feu son ex-époux au prétexte qu’elle n’a produit à son sujet qu’un acte de cession notarié sans signature du notaire qui ne saurait emporter la conviction du juge quant à son existence, alors que la demanderesse a produit devant le tribunal un acte de propriété libellé en anglais et portant les signatures du notaire et des parties qu’elle redépose devant la Cour suprême de justice dans l’inventaire de son dossier, outre que si tel était le cas, il appartenait au tribunal d’ordonner la réouverture des débats pour clarifier les débats.
Deuxième branche en ce que la décision attaquée a désavantagé la demanderesse dans le partage des biens communs en refusant de prendre en compte l’existence d’un compte bancaire existant au nom de feu l’époux divorcé M.M.M lequel au nom du régime de la communauté des biens qui était le leur et leur appartenant en commun au prétexte que la demanderesse n’avait pas produit des titres authentiques pour prouver l’existence du compte bancaire courant au nom de son ancien mari ainsi que du compte titre au même nom portant n° 210-0950885, alors qu’il est de règle que le juge a compétence pour ordonner toutes enquêtes ou investigations pour confirmer les allégations des parties en justice quant à l’existence des biens dont elles ne seraient pas en mesure de produire non pas des titres authentiques qui n’existent en matière bancaire, qu’il s’agisse d’un compte courant ou d’un compte titre mais plutôt de tout titre quelconque ou à défaut, de prendre en compte tout commencement de preuve par écrit, tel que le numéro dudit compte et la dénomination de la banque dans laquelle il se trouve logé qui ont été fournis par la demanderesse.
En ces deux branches : En ce qui concerne l’article 223 du Code civil livre III sur le commencement de preuve par écrit, cette disposition est mal visée au moyen, les écrits dont se prévaut la demanderesse n’émanant pas de son feu mari, Monsieur M.M.M.
En ce qui concerne l’article 202 du même Code sur la foi due aux actes, le moyen est non fondé, la demanderesse n’ayant pas prouvé que la pièce dont elle se prévaut a été soumise au juge du fond et que celui-ci l’a ignorée, le juge d’appel n’a donc pas violé la foi due aux actes.
Aucun moyen n’étant retenu, le pourvoi sera rejeté.
C’EST POURQUOI,
La Cour de cassation, siégeant en cassation en matière de droit privé ;
Le Ministère public entendu ;
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais d’instance ;
La Cour a ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6/2/2019… .