REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
COUR DE CASSATION
RP 320/RP 3959
En cause : Mme A, demanderesse en cassation.
Contre : M.P. & Mme A.M.B., défendeurs en cassation.
A R R E T :
Par déclaration faite par la demanderesse et actée le 09 mai 2012 au greffe du tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe et confirmée par requête déposée le 07 août 2012 au greffe de la Cour de cassation, Madame A, demanderesse, poursuit la cassation du jugement RPA 1856/18476 du 27 mars 2012 par lequel le tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe a déclaré recevables mais non fondées les exceptions d’irrecevabilité tirées de la mauvaise direction de l’action de la partie civile sous RP 21666 et du principe non bis in idem soulevées par la demanderesse ; a dit que ces infractions ne constituent qu’une seule en raison de l’unité d’intention délictueuse et condamné la demanderesse avec admission de larges circonstances atténuantes à la peine de 6 mois de SPP assortis d’un sursis de 6 mois.
Il a, en outre, ordonné la destruction de tous les documents reconnus faux et a condamné la demanderesse au paiement à la succession de la somme de 25.000 USD ou son équivalent en franc congolais à titre de dommages-intérêts.
Dans son mémoire en réponse, la défenderesse oppose au pourvoi les fins de non-recevoir suivantes :
La première fin de non-recevoir est tirée de la violation des articles 47 alinéa 1 et 51 alinéa 1 du Code de procédure applicable devant la Cour de cassation qui disposent que le délai pour se pourvoir est pour toutes les parties de 40 jours francs à dater du prononcé de l’arrêt ou du jugement rendu contradictoirement et par dérogation à l’article 1er et que le pourvoi contre les arrêts ou jugements rendus par les juridictions répressives peut être formé par une déclaration verbale ou écrite des parties au greffe de la juridiction qui a rendu la décision entreprise.
Elle poursuit que même si le jugement pénal contradictoire a été prononcé à une date non communiquée aux parties, cela n’a aucune incidence juridique pour l’exécution à la condamnation à la servitude pénale principale, à l’amende et à la contrainte par corps.
Elle ajoute que selon l’article 80 du Code de procédure pénale, les juges sont obligés de prononcer leur décision dans les huit jours qui suivent la clôture des débats mais cette décision ne devient par défaut si elle est rendue et précise que la signification d’un jugement pénal contradictoire n’est pas requis par la loi et n’a aucune incidence sur le délai légal du recours tant en appel qu’en cassation et s’oppose à la demande d’être relevé de la déchéance encourue formulée par la demanderesse pour absence de motif pertinent et sérieux ayant empêché de connaître la date du prononcé de la décision et la force majeure ne se présume pas mais doit être démontrée avec preuve à l’appui ;
Cette fin de non-recevoir n’est pas fondée.
En effet, la Cour observe que dans sa requête, la demanderesse a sollicité d’être relevée de la déchéance encourue pour avoir fait sa déclaration de pourvoi le 09 mai 2012 contre la décision contradictoire du 27 mars 2012, soit 43 jours après le prononcé.
Elle poursuit que l’article 47 alinéa 1 du Code de sa procédure prescrit un délai de 40 jours francs à partir du prononcé pour introduire un recours à moins que le prononcé de la décision ne se soit conformé à l’article 80 du Code de procédure pénale.
Elle ajoute qu’in fine du treizième feuillet de l’œuvre attaquée, il est renseigné que l’audience publique a eu lieu le 16 janvier 2012 mais que le prononcé s’est fait le 27 mars 2012, soit 71 jours après que la cause soit prise en délibéré sans toutefois que les parties soient informées de la date du prononcé.
Elle relève que, selon la jurisprudence constante, la partie lésée bénéficie d’une présomption de force majeure qui l’a placée dans l’impossibilité d’exercer son recours dans le délai requis et demande à la Cour de faire application de l’article 13 de sa procédure.
La Cour constate que cette demande est fondée d’autant plus que le prononcé est intervenu largement en dehors du délai légal et ce, en l’absence et à l’insu des parties.
La deuxième fin de non-recevoir est tirée de l’absence de procuration spéciale dans le chef de l’avocat à la Cour de cassation LU. lu NZ. K.
Développant cette fin de non-recevoir, la défenderesse allègue que cette pièce fait défaut à l’inventaire des pièces annexées à la requête de la demanderesse.
Elle poursuit que les articles 1 et 2 du Code de procédure devant la Cour de cassation exigent que la requête soit l’œuvre des parties elles-mêmes ou agissant par mandataire spécial.
Cette fin de non-recevoir n’est pas non plus fondée.
En effet, la Cour rappelle qu’aux termes de l’article 5 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation, les parties doivent, dans la requête introductive ou dans le mémoire en réponse déposé au greffe, sous peine d’irrecevabilité, faire élection de domicile au cabinet d’un avocat près la Cour de cassation et non exciper d’un mandat spécial.
Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 107 du Code de procédure pénale en ce que l’évocation est intervenue, alors que les faits n’ont jamais été instruits par le premier juge.
Dans le développement de ce moyen, elle allègue que les infractions de faux en écritures et d’usage de faux dont elle fut poursuivie sous RP 21609/21666VII n’avaient pas connu de début d’instruction mais qu’une décision sur les exceptions soulevées est intervenue le 19 septembre 2011.
Elle poursuit que pour évoquer le juge doit infirmer le jugement avant dire droit et se prononcer sur l’ensemble des faits y compris ceux censurés par le premier juge, or au premier degré il n’y a pas eu instruction car le jugement RP 21609/21666/VII est à la fois définitif sur incident et préparatoire et seul le double débat peut justifier qu’il soit statué sur l’ensemble au degré d’appel pour vider l’affaire et en ce qui concerne la décision préparatoire, elle n’est pas susceptible d’appel.
Ce moyen n’est pas fondé.
En effet, la Cour fait observer que l’article 107 du Code de procédure pénale dispose que la juridiction d’appel qui réforme la décision entreprise pour un motif autre que la saisine irrégulière ou l’incompétence du premier juge, connaît du fond de l’affaire.
Il suit donc que l’évocation s’impose en cas d’annulation d’un jugement interlocutoire qui soustrait la cause au double degré de juridiction.
Le deuxième moyen est pris de la violation de l’article 107 du Code de procédure pénale en ce que l’évocation est intervenue en l’absence d’une décision d’infirmation de l’avant dire droit définitif sur incident.
Explicitant ce moyen, elle allègue que selon l’article invoqué au moyen pour évoquer, il faut que la juridiction d’appel infirme le jugement a quo mais le juge d’appel n’a rien infirmé (28ème feuillet).
Elle ajoute que c’est par malice ou mauvaise foi caractérisée que le juge d’appel au neuvième feuillet feint d’infirmer la décision du premier juge sur la mauvaise direction qui n’était qu’une astuce devant amener à la décision finale du 27 mars 2012.
Ce moyen n’est pas non plus fondé.
En effet, la Cour note qu’effectivement le jugement entrepris par la voie d’appel avait été annulé dans toutes ses dispositions par jugement du 23 novembre 2011 rendant ipso facto sans fondement l’argumentaire de la demanderesse.
Le troisième moyen est déduit de la violation des articles 201 et 202 du Code civil Livre III en conjugaison avec l’article 87 du Code de procédure pénale en ce que le juge d’appel a violé la foi due aux actes authentiques en les rejetant sans preuve contraire moyennant motivation déplacée voire insuffisante.
Elle allègue que pour prouver son innocence, elle s’est appuyée sur trois titres authentiques tous établis durant sa minorité, soit deux en 1964 et le troisième en 1967, alors qu’elle est née en 1955.
Elle poursuit que ces actes, convention de vente de 1964, fiche parcellaire de 1964 et autorisation de bâtir de 1967, ont l’air authentique pour avoir été établis au sein des services et par des agents qualifiés et ont été rejetés sans vérification digne de procédure ad hoc.
Elle précise qu’avant la loi foncière de 1973, il existait pour la population noire un bureau de convention de vente et achat d’immeubles avec fiches parcellaires et non à l’hôtel de ville.
Elle reproche à la décision attaquée d’avoir écarté la vente advenue et de lui avoir imputé le faux en écritures en s’adressant à l’office notarial où la réponse ne devait qu’être négative car il ne s’agissait pas d’une parcelle enregistrée à l’époque chez le conservateur des titres immobiliers ni chez le notaire mais bien au bureau de la population noire.
Elle ajoute qu’il est inconcevable sans interpellations des autorités des différents services qu’elle puisse imaginer des dates, mentions requises, quittances de paiement, cachets, signatures apposés sur ces titres avec précision des autorités des services de l’époque.
Elle fait grief à l’œuvre attaquée d’avoir feint l’évocation et sans confirmation des titres authentiques et sans apporter la preuve de la foi due aux actes et donc sans motivation suffisante.
En tant qu’il vise la violation des articles 201 et 202 du Code civil Livre III, le moyen n’est pas fondé.
En effet, la Cour fait observer que la convention de vente de construction et de transfert de droit d’occupation, la fiche parcellaire de l’immeuble n°1409 et l’acte de cession d’immeuble n°1409 et de l’acte de cession n°646 18 F 17/119 vol DCC LXX VII du 12 novembre 1958 constituent les éléments constitutifs des infractions de faux en écritures et d’usage de faux mises à charge de la demanderesse et après leur établissement ont abouti à sa condamnation et ne peuvent donc pas servir du tout comme base quelconque au moyen relatif à la foi due aux actes.
En tant qu’il vise la violation de l’article 87 du Code de procédure pénale, le moyen n’est pas fondé. En effet, la Cour note que l’œuvre attaquée est largement et suffisamment motivée tel que cela ressort du 2ème au 6ème paragraphes du vingt-cinquième feuillet et du 7ème au 8ème paragraphes du vingt-sixième feuillet et du 1er au 2ème paragraphes du vingt-septième feuillet de l’œuvre attaquée.
Non seulement l’altération de la vérité doit avoir été faite volontairement et sciemment mais aussi et surtout elle doit avoir été commise méchamment et frauduleusement dans le but de nuire à autrui ou de se procurer des avantages illicites et l’écrit doit en outre être apte à prouver les faits sur lesquels porte l’altération de la vérité.
Dans l’espèce sous examen, il ressort des déclarations de la prévenue à tous les niveaux d’instruction qu’elle savait que la parcelle querellée a appartenu à feu L. MOK…. décédé en 1965 mais qui a laissé des enfants dont la partie civile lesquels avaient droit aux loyers de la parcelle de leur feu père comme le faisait dame Pétro., mais la prévenue non seulement a confisqué ces loyers mais aussi confectionné les titres incriminés pour la parcelle devenue sienne sans ses propres frères aussi héritiers de Pétro. MPIA…..
Le désir de nuire existe dès que le faux cause ou peut causer un préjudice soit à un intérêt public ou collectif, soit à un intérêt privé ou individuel et en l’espèce, l’acte de la prévenue DE.ND. a causé un dommage certain aux intérêts privés de la succession L. MO…. qui est privée de la possession de la parcelle située au n°18 avenue Aa dans la commune de Barumbu pendant plusieurs années.
Tous les éléments constitutifs de faux en écritures sont ainsi réunis, le tribunal dira établie en fait comme en droit l’infraction de faux en écritures à charge de la prévenue DE.ND. ».
« De l’usage de faux actes.
L’article 126 du Code pénal Livre II dispose que celui qui, dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire fait usage de l’acte faux ou de la pièce fausse, sera puni comme s’il était l’auteur du faux.
Par citation à prévenu sous le RP 21.609, le ministère public poursuit la prévenue pour usage de faux respectivement de la convention de vente de 1964, de l’acte de cession d’immeuble n°616 18 F/178/179 vol. DCC LXX VII, ainsi que la fiche parcellaire n°1409 de 1985 en date du 05 juillet 2010 devant le parquet général de la Gombe.
Après réquisition, le ministère public a constaté l’existence des documents faux auprès de la division urbaine de cadastre indigène gisant dans le dossier physique sur la parcelle Aa n°18, commune de Barumbu, dont le chef de division entendu a soutenu que c’est la prévenue qui a apporté ces différents documents dans son dossier logé dans ses services et l’usage de tous ces documents n’est nié ni par la prévenue DE.ND. et qui s’est réalisé dans la période entre 1985 à 2010, ayant pour finalité de nuire à la succession L. MO…. et de se procurer un avantage, un profit quelconque en sa personne.
Le tribunal dira également cette infraction établie en fait comme en droit dans le chef de la prévenue DE.ND. »
En s’exprimant ainsi, le juge d’appel a suffisamment motivé sa décision.
Aucun moyen n’étant retenu, le pourvoi sera rejeté.
C’est pourquoi ;
La Cour de cassation, siégeant en matière répressive ;
Le Ministère Public entendu ;
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse au paiement des frais d’instance fixés à ……………FC ;
La Cour a ainsi jugé et prononcé à son audience publique du 22 mai 2019… .