ORDONNANCE
Dans l'affaire des demandeurs au pourvoi a) M. H., b) T. H., c) H. V., d) P. K., e) O. N., dont les demandeurs b), c), e) étant représentés dans la procédure de pourvoi en cassation par leur avocate, contre la défenderesse Z. o. à P., représentée par son avocat, en présence de la partie inervenante aux demandeurs 1) L. K. F., 2) E. B., 3) H. B., 4) P. K., 5) Mgr. J. W., 6) N. B., portant sur la nullité de la réunion de l'Assemblée des membres et régie par le Tribunal de district de Prague 1, dossier No. 19 C 7/2005, la Cour Suprême, siégeant en sénat composé de JUDr. Ludvík David, CSc., président et JUDr. Oldrich Jehlicka, CSc. et JUDr. Josef Rakovský, juges, a arrêté sur le pourvoi en cassation formé par des demandeurs au pourvoi b), c), e) et la partie intervenante 5) contre l'ordonnance du Tribunal municipal de Prague du 27 octobre 2005, dossier No. Co 549/2005-180 que voici:
I. Les pourvois des demandeurs T. H., H. V. a O. N. sont rejettés.
II. Le pourvoi de la partie subsidiaire Mgr. J. W. est refusé.
III. Les demandeurs au pourvoi T. H., H. V. a O. N., ainsi que le participant subsidiaire Mgr. J. W. sont obligés de payer; de manière solidaire et indivise, à l'avocat de la partie défenderesse des frais et dépens de 3.175,- couronnes tchèques (ci-après "CZK"), et ceci dans un délai de 3 jours à compter de l'autorité de la chose jugée de la présente ordonnance.
Par ces motifs:
Par son ordonnance du 8 juillet 2005, dossier No. 19 C 7/2005-156, le Tribunal de district de Prague 1 a cessé la procédure dans laquelle les demandeurs, à l'assistance des parties intervenantes, revendiquaient de déclarer la nullité de la tenue et de la délibération de l'assemblée des membres (l'Assemblée des membres de la Z. o. à P.) du 12 décembre 2004. Tous les demandeurs et parties intervenantes en étaient engagés de recouvrir de manière solidaire et indivise des frais et dépens au montant de 6.425,- CZK exposés par la partie défenderesse, et ceci aux mains de son avocat. Le tribunal de première instance a relevé que dans l'affaire, la compétence du tribunal n'était pas donnée selon l'art. 7 par. 1 du c. proc. civ. Par conséquent, il a cessé la procédure au motif d'un vice de procédure irrégularisable de conditions de procédure (art. 104 par. 1 du c. proc. civ.). En se référant à l'article 16 par. 1 de la Charte des droits et des libertés fondamentaux, ainsi qu'à l'article 4 par. 3 de la loi No. 3/2002 Coll., sur la liberté de confession religieuse et la situation des Eglises et associations religieuses et sur l'amendement de certaines lois (loi sur des Eglises et associations religieuses), le tribunal de première instance a relevé que, suite de ladite autonomie de l'Eglise interne, la compétence d'un tribunal de droit commun ne peut nullement être donnée. Un éventuel réexamen judiciaire des décisions rendues au sein de l'Eglise ou d'une association religieuse provoquerait une intervention illégitime de l'Etat dans ladite autonomie.
Par son ordonnance du 27 octobre 2005, dossier No. 14 Co 549/2005-180, rendue sur le recours d'appel des demandeurs d), c), e) et des parties intervenantes, le Tribunal municipal de Prague a confirmé l'ordonnance du tribunal de première instance portant sur la cessation de la procédure relative aux appelants susnommés. Elle les a également engagés, de manière solidaire et indivise, au recouvrement des frais et dépens de la procédure d'appel, exposés par la partie défenderesse, au montant de 535,50 CZK. La cour d'appel a partagé l'opinion du tribunal de première instance concernant le défaut de compétence judiciaire. Elle a renvoyé à l'article 7 par. 1, 3 du c. proc. civ. selon lequel il ne s'agit guère d'un litige relevant d'une relation civile, de travail, familiale ni commerciale; il ne s'agit non plus d'un cas où le règlement d'une affaire relevant d'un autre domaine des relations sociales serait attribué par la loi au tribunal. La compétence d'intervenir dans des relations internes de l'Eglise ou d'une association religieuse n'y est imputée non plus par la loi No. 3/200 Coll. Si les objections des appelants se référaient à l'article 36 par. 1 de la Charte des droits et libertés fondamentaux, il s'aurait agit d'une disposition à caractère général qui prévoyerait la compétence du tribunal de juger les affaires et ne pourrait ainsi rien changer à l'article 16 de la Charte, ni à la loi No. 3/2002 Coll. relative aux Eglises et associations religieuses, toutes les deux émanant du principe d'autonomie religieuse.
Les demandeurs T. H., H. V. a O. N. ont formé un pourvoi en cassation contre l'ordonnance de la cour d'appel. Ils ont objecté que selon l'article 6 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, faisant partie du système juridique de la République tchèque, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil. Un tel droit est soulevé également dans la présente cause. Par sa démarche, l'Assemblée des membres de la Z. o. à P. est parvenue à la violation des droits civils de ses membres à l'encontre de ses Statuts et du Statut de la Fédération de la Z. o. en République tchèque. Etant donné qu'il n'existait aucun tribunal ecclésiastique auprès de ces institutions religieuses et que les organes de l'Eglise ne pouvaient pas se contenter du fait qu'il puisse exister un demandeur sans aucun juge, ainsi, les demandeurs ont saisi le tribunal de droit commun à juste titre. Supposé que le dernier a renoncé à toute protection juridique obligatoire, il en a donc statué illégitimment et les demandeurs au pourvoi ont saisi la Cour suprême afin de casser les ordonnances des deux juridictions inférieures et de renvoyer la cause devant tribunal de première instance.
Parmi les parties intervenantes, seul Mgr. J. W s'est pourvu en cassation.
La partie défenderesse a présenté son avis écrit au pourvoi. Elle y a estimé que le raisonnement de la cour d'appel était conforme à la loi procédurale citée. Elle s'est également référé à la jurisprudence des Cour constitutionnelle et Cour suprême relative aux questions de la compétence des tribunaux de droit commun de juger les causes religieuse; elle en a cité, de la jurisprudence de la cour d'appel, l'ordonnance du 30 novembre 2004, dossier No. 20 Cdo 1487/2003 contenant un raisonnement juridique qui correspondait à celui des deux juridictions inférieures dans la présente cause. Concernant l'état des faits, la défenderesse a notamment indiqué qu'à partir de l'Assemblée des membres de la Z. o. à P., quatre assemblées ultérieures ont eu lieu jusqu'à novembre 2005 dont la dernière a élu la nouvelle direction de la défenderesse et aux actes delaquelle les demandeurs ont activement participé. La partie défenderesse a demandé la Cour surpême de rejeter le pourvoi des demandeurs.
La Cour surpême a observé que le pourvoi de tous les trois demandeurs a été formé dans le délai légal au sense de l'article 240 par. 1 du c. proc. civ. et que tous les demandeurs ont été représentés par l'avocate conformément à l'article 241 par. 1 du c. proc. civ. Le pourvoi a été déclaré recevable puisqu'il a été formé contre l'ordonnance confirmative de la cour d'appel par laquelle la procédure a été cessée au sense de l'article 104 par. 1 du c. proc. civ. (art. 239 par. 2 alinéa a) du c. proc. civ.).
Toutefois, le pourvoi des demandeurs n'a pas été motivé.
Conformément à l'article 16 par. 2 de la Charte des droits et libertés fondamentaux, les Eglises et associations religieuses régissent leurs affaires, notamment désignent leurs organes et leurs desservants de l'Eglise et établissent des institutions d'ordre et d'autres institutions ecclésiastiques, tout indépendamment à l'Etat.
L'article 7 par. 1 du c. proc. civ. impose aux tribunaux d'entendre et de juger des litiges et autres causes juridiques relevant des relations civiles, de travail, familiales et commerciales à moins qu'ils ne soient pas entendus et jugés par d'autres organes. Conformément au paragraphe 3 du même article, les tribunaux entendent et statuent sur d'autres causes dans le cadre de la procédure civile uniquement quand ceci est expresémment prévu par la loi.
La Cour constitutionnelle a plusieurs fois statué sur la nature de l'autonomie religieuse. Elle en a notamment fait dans son arrêt du 31 août 2000, dossier No. III. ÚS 136/2000 et dans son arrêt du 27 novembre 2002, dossier No. Pl. ÚS 6/02 (publiés dans la Collection des arrêts et ordonnances de la Cour constitutionnelle, Volume 19, No. 30 et Volume 28, No. 146; le dernier arrêt a été également publié dans la Collection des lois, No. 4/2003). Dans les deux arrêts, la Cour constitutionnelle a souligné que la République tchèque soit basée sur le principe de l'Etat laïque acceptant le pluralisme et la tolérance religieux. La liberté de confession, signifiant la liberté de toute personne de confesser sa religion, forme à l'intérieur des Eglises, ou bien à l'intérieur de leurs institutions un, "forum internum" qudans lequel il n'appartient pas aux tiers, notamment au pouvoir public, de s'ingérer. Le principe de l'autonomie de l'Eglise et des associations religieuses se reflète ainsi dans une restriction maximale admissible des inteventions de l'Etat dans les activités des premières de telle manière que notamment les affaires internes de ces entités ne peuvent principalement pas faire sujet d'un réexamen judiciaire. Dans le premier des arrêts cités, la Cour constitutionnelle a relevé que les juridictions de droit commun ne sont pas autorisées à juger des affaires liées aux relations de service établies entre les desservants de l'Eglise et l'Eglise elle-même.
La Cour suprême s'est prononcée sur la question des affaires religieuses dans l'arrêt du 30 novembre, dossier No. 20 Cdo 1487/2003, cité par la partie défenderesse. Il est vrai qu'au point de la action civile demandant de statuer sur l'existence du service des demandeurs au sein de la défenderesse, la Cour suprême a admis un éventuel examen d'une action civile ainsi dressée (compte tenu de la possibilité de l'extinction du service par un organe incompétent ou bien en violation d'une règle interne), de l'autre côté, elle a conjointement relevé - en se référant au principe de l'autonomie religieuse interne - que vu le défaut de la compétence d'un tribunal au sense de l'article 7 par. 1 du c. proc. civ., il n'est pas possible de requerir la nullité d'un acte constituant l'extinction du service d'un desservant de l'Eglise. Et, justement, les demandeurs au pourvoi ont demandé la nullité de la tenue et des décisions d'un organe religieux interne.
Il n'est pas possible, à la déliberation sur un éventuel réexamen des décisions internes rendues par une entité religieuse, de se reposer sur la loi No. 83/1990 Coll. relative à l'association des citoyens dont l'article 15 par. 1 admet la possibilité de l'ingérence judiciaire sous forme de détermination de la conformité ou de la nonconformité des décisions d'un organe de l'association par rapport à ses statuts ou par rapport à la loi. Toutefois, au sense de l'article 1 par. 3 alinéa c) de ladite loi, ces dispositions ne s'appliquent pas à l'association des citoyens en religions et associations religieuses. Il s'agit des domaines de réglementation législative qualitativement différents. Pendant que le droit d'association, analogiquement basé sur le principe constitutionnel de la séparation de l'Eglise à l'Etat, est régi, dans le cadre des droits politiques, par l'article 20 de la Charte des droits et libertés fondamentaux, la liberté de confession (y inclus l'autonomie religieuse) est régie par l'article 16 de cette Charte, c'est-à-dire dans le cadre des droits de l'Homme et libertés fondamentales. Il en résulte d'autant plus la nécessité de respecter le fait que la loi No. 3/2002 Coll., dont les dispositions concrétisent des guaranties initiales exprimées dans la Charte, ne régit nullement et donc ne rend pas possible l'altérnative que les tribunaux de droit commun puissent d'emblée réexaminer les actes juridiques rendus par les organes de l'Eglise ou des associations religieuses dans le cadre de leur autonomie religieuse. Il n'est alors point possible d'en conclure que le tribunal de droit commun soit à vocation d'entendre et statuer sur une action civile demandant la nullité de la tenue ou de la décision d'une assemblée des membres d'une communauté religieuse au sense de l'article 7 par. 1, 3 du c. proc. civ.
Une telle interprétation, à conformité constitutionnelle, ne s'oppose non plus à l'article 6 par. 1 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales du Conseil de l'Europe selon lequel toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil. A condition que la Cour européenne des droits de l'Homme n'a pas inclus le service d'un fonctionnaire dans la catégorie des droits et obligations civils (l'affaire Simmer v. République tchèque, l'arrêt du 8 décembre 1998, en détail également dans la publication de Hubálková, E.: Convention européenne des droits de l'Homme et la République tchèque, Linde, Prague 2003, p. 140 et s.), d'autant moins - a fortiori - le droit de réexamen judiciaire d'une décision rendue par un organe interne de l'Eglise ou association religieuse peut appartenir aux droits civils ou droits d'obligation, puisque ceci signifierait une intervention considérable dans l'autonomie religieuse.
Par son raisonnement sur la question de compétence judiciaire dans la présente cause, la cour au pourvoi en a conclut alors que la cour d'appel n'a pas privé les demandeurs de leur droit et qu'en ne reconnaissant pas la compétence judiciaire et en confirmant l'ordonnance du tribunal de première instance sur la cessation de la procédure, elle a rendu sa décision de manière régulière. La cour au pourvoi a donc rejeté le pourvoi formé par les trois parties demanderesses (art. 243b par. 2 phrase précédant le point-virgule du c. proc. civ.).
Le pourvoi formé par la partie intervanante, Mrg. J. W., a dû être refusé selon l'article 243b par. 5 première phrase et l'article 218 alinéa b) du c. proc. civ. puisqu'une parite intervenante n'est pas autorisée de se pourvoir en cassation (selon l'ordonnance de la Cour suprême du 27 mai 2003, dossier No. 25 Cdo 162/2003, Collection des arrêts et avis judiciaires, No. 3/2004).
Au regard de la nature de la présente cause, il en résulte l'obligation solidaire et indivise des demandeurs au pourvoi et la partie intervenante rejetés de recouvrir des frais et dépens de la procédure de pourvoi en cassation (art. 243b par. 5 première phrase, art. 224 par. 1, art. 243c par. 1, art. 146 par. 3 du c. proc. civ.). Ces frais et dépens proviennent d'un unique acte fait par la partie défenderesse, son avis sur le pourvoi. Le montant
de la rémunération s'élevait, dans la présente affaire portant sur la détermination d'un droit, au montant de 6.200,- CZK (art. 5 alinéa c) de l'arrêté No. 484/2000 Coll.). Toutefois, vu l'unique acte de l'avocat tout au long de la procédure de pourvoi en cassation, il était indispensable de diminuer sa rémunération de moitié (art. 18 par. 1 de l'arrêté cité) et additioner ensuite des frais généraux de 75,- CZK (art. 13 par. 3 de l'arrêté No. 177/1996 Coll.) d'où le montant des frais et dépens s'élevait à 3.175,- CZK.
Au sense du Code de la procédure civile, aucune voie de recours n'est plus admissible à former contre la présente ordonnance.
Fait à Brno, le 29 mai 2006
JUDr. Ludvík D a v i d , CSc.
Président du sénat