ROUMANIE
LA HAUTE COUR DE CASSATION ET DE JUSTICE
I ÈRE CHAMBRE CIVILE
Arrêt n° 1530 Dossier n° x/120/2021*
Audience publique du 10 octobre 2023
Mis en examen du pourvoi introduit par la demanderesse A. contre l'arrêt n° 2789 du 25 octobre 2022, rendu par la Cour d'appel de Ploieşti – I ère Chambre civile.
À l’appel nominal en audience publique ont répondu la requérante-demanderesse A., personnellement et assisté de l'avocat B., présentation d'une procuration, série (...), et l'intimée- défenderesse C. S.R.L, représenté par l'avocat D., avec procuration, en série (...).
La procédure de citation est légalement accomplie.
Le magistrat-assistant a fait l’exposé de la requête, indiquant que: la requérante-demanderesse a rempli son obligation de fournir la preuve du paiement du droit de timbre au montant fixé par la juridiction; le recours a été introduit et motivé dans le délai prévu; l'acte de recours remplit les conditions de forme prévues à peine de nullité et a été signifié à l'intimée-défenderesse, qui a répondu en demandant le rejet du recours pour défaut de fondement; le mémoire en défense a été signifié à la requérante-demanderesse au pourvoi, qui n'a pas répondu au mémoire en défense; la présente juridiction a été saisie de l'affaire à la suite du déclin de compétence de la II ème Chambre civile de la Haute Cour de Cassation et de Justice.
La requérante-demanderesse, par son avocat, demande l'autorisation de présenter des preuves écrites, en indiquant qu'il souhaite verser au dossier l'arrêt rendu en appel dans l'autre affaire concernant le même immeuble, considérant qu'il peut être pris en compte en tant que pratique judiciaire.
L'intimée-défenderesse, par son avocat, déclare avoir pris connaissance de cet arrêt, contre lequel elle a d'ailleurs interjeté appel.
Avec l'autorisation de la Haute Cour, la requérante-demanderesse, par l'intermédiaire de son avocat, dépose et communique à la partie adverse une copie de l'arrêt civil n° 335A du 6 mars 2023, rendu par la Cour d'appel de Bucarest, III ème Chambre civile et pour affaires relatives aux mineurs et à la famille, dans l'affaire n° x/299/2021.
Constatant qu'il n'y a pas d'autres demandes à présenter, la Haute Cour autorise l'audition du recours.
La requérante-demanderesse, par son avocat, conclut à l'admission du recours et à l'annulation de l'arrêt attaqué, et, sur le fond, à ce qu'il soit fait droit à la demande de conclusions, avec dépens pour toutes les phases de la procédure.
Elle indique qu'elle a fondé son pourvoi sur le moyen de cassation régi par l'article 488, par. (1), point 8, du Code de procédure civile, considérant que l'arrêt de la Cour d'appel est rendu en violation et en application erronée des règles de droit substantiel.
Elle fait valoir que, dans la requête introductive d'instance, elle a allégué que la procuration ayant servi de base au contrat de vente n'était pas une procuration spéciale, comme l'exige l'article 1536 de l'ancien Code civil.
Elle soutient que l'exigence d'une procuration spéciale n'était pas remplie, compte tenu de la manière dont l'objet de la procuration était rédigé.
Ainsi, il souligne qu'il n'y a pas d'identification claire des opérations juridiques qui peuvent être effectuées sur la base de cette procuration, et que les biens couverts par celle-ci ne sont pas non plus identifiés.
Il souligne que le texte de la procuration est le suivant : „En mon nom et pour mon compte, pour s'occuper de mes biens en Roumanie, à savoir les bâtiments et le terrain de la rue (...), Secteur 1, Bucarest”.
Selon lui, l'expression „s'occuper de mes biens en Roumanie” est un concept non juridique.
En réponse à la demande de clarification de la Haute Cour sur le point de savoir si le présent moyen vise à réexaminer les termes de la procuration afin de déterminer si elle est ou non de nature spéciale, la requérante-demanderesse, par son avocat, indique qu'elle cherche à expliquer pourquoi l'article 1536 de l'ancien Code civil est violé.
Elle indique que ces dispositions légales se réfèrent à ce qu'il faut entendre par procuration générale et à ce qu'il faut entendre par procuration spéciale.
Il soutient ensuite que l'identification des biens n'est pas non plus réalisée, car l'adresse en question contient un terrain et plusieurs bâtiments, chacun avec plusieurs appartements.
Il considère que la référence générique au fait que l'adresse en question n'est pas une individualisation des biens, puisqu'il n'y a pas de mandat spécial.
Par une autre critique, elle soutient que la procuration en question n'a pas été donnée par un acte authentique et avec légalisation de la signature, en violation de l'article 58 de la Loi n° 36/1995, qui prévoit que, lors de l'authentification d'un acte, les parties peuvent être représentées par un mandataire muni d'une procuration authentique spéciale.
Il souligne également qu'en 2010, année où le contrat a été conclu, les biens immobiliers ne pouvaient être aliénés que par un acte authentique, ad validitatem, ce qui est une exigence stricte de la loi.
En même temps, il invoque le fait que les juridictions inférieures n'ont pas examiné la loi applicable à la procuration, c'est-à-dire la loi en vertu de laquelle la procuration qui constituait la base du contrat de vente aurait dû être évaluée; les juridictions n'ont pas eu d'option uniforme sur cette question, bien qu'il ait fondé son action sur les dispositions de l'ancien Code civil, de la loi sur les notaires et de l'article 1536 de l'ancien Code civil.
Elle indique que le tribunal a estimé que la base juridique invoquée était erronée et a considéré que le Règlement (CE) n° 805/2004 était applicable dans l'affaire présente, tandis que la cour d'appel a invalidé ces deux lois applicables, à savoir que nous sommes en présence d'une relation de droit international privé, et que la Loi n° 105/1992 était applicable, dans la mesure où elle a constaté l'existence d'un élément d'extranéité.
Il soutient que les conclusions de la cour d'appel sont erronées, étant donné que les parties sont une personne physique de nationalité roumaine et une personne morale qui est une entité roumaine, et que le fait que la procuration ait été établie en Allemagne n'est pas pertinent, puisqu'il ne s'agit pas de l'annulation de la procuration, mais de l'annulation du contrat de vente et d'achat, qui est un acte conclu devant un notaire en Roumanie, portant sur un bien immobilier situé en Roumanie.
Elle souligne que l'évaluation du mandat est effectuée au moment et au lieu de la conclusion du contrat de vente et d'achat, c'est-à-dire sur la base du droit roumain, et qu'il n'y a pas d'élément d'extranéité.
Il soutient que la question juridique soumise au juge est celle de l'invalidité de la procuration pour l'acte juridique que représente la conclusion du contrat de vente et d'achat.
Il souligne qu'il n'a pas nié que la procuration est valable en tant qu'acte authentifié par une signature légalisée, produisant des effets sur cette base.
Elle considère qu'il fait partie du syllogisme juridique dans le fait de conclure le contrat de vente et d'achat, le mandat étant considéré pour cette opération juridique.
En conséquence, il soutient que, selon lui, il n'y a pas d'élément d'extranéité et souligne qu'il a soumis un document délivré par le notaire allemand qui a établi la procuration, ce qui atteste clairement du fait que l'Allemagne connaît à la fois l'acte authentique et la légalisation.
Il souligne qu'il ressort clairement de la réponse du notaire qu'il n'a pas vérifié le contenu de la procuration, ce qui est évident dans la mesure où le notaire allemand ne connaissait pas le roumain.
Elle rappelle que, conformément à la procédure d'authentification des actes, le notaire doit: établir l'identité des parties, exprimer leur consentement, leur signature et date de l'acte; cette procédure est prévue à l'article 90 de la Loi n° 36/1995.
Elle rappelle également que l'article 225 du Règlement d'application de la Loi sur le notariat public prévoit que, une fois les parties identifiées, le notaire public les informe du contenu de l'acte soumis à authentification, mais, en l'espèce, il est clair que le notaire en Allemagne n'a pas été en mesure d'expliquer le contenu de l'acte soumis à authentification.
En réponse à la demande de clarification de la Haute Cour sur le point de savoir si, à son avis, le notaire allemand devait se conformer aux dispositions du droit roumain, la requérante-demanderesse, par son avocat, fait valoir que la notion d'acte authentique est généralement valable dans toute l'Union européenne, eu égard précisément au Règlement invoqué par la première instance.
En ce qui concerne l'application de la Loi n° 105/1992, il fait valoir que la cour d'appel a considéré que la loi allemande devait s'appliquer à la procuration sur la base de l'article 71 de cette loi, en méconnaissant toutefois les dispositions de l'article 72 de la loi, qui prévoit que, lorsque la loi applicable à l'acte juridique exige, à peine de nullité, une forme solennelle particulière, comme en l'espèce, aucune autre loi parmi celles visées à l'article 71 de la loi ne peut dispenser de cette exigence, même si l'acte a été établi à l'étranger.
Ainsi, même si la Loi n° 105/1992 devait être appliquée en l'espèce, elle considère que la première instance a eu en vue autres dispositions que celles qui étaient applicables.
En ce qui concerne les allégations de la partie adverse selon lesquelles la procuration a été apostillée, la requérante fait valoir que l'apostille certifie que le notaire qui a conclu l'acte a compétence en la matière dans son pays d'origine, et que l'apostille n'authentifie pas l'acte.
Elle souligne qu'elle a demandé la constatation de la nullité du contrat et que, à la lumière de la loi régissant le contrat, il convient également d'apprécier le mandat sur la base duquel il a été conclu.
La partie intimée-défenderesse, par son avocat, demande que le recours soit rejeté comme non fondé et que l'arrêt de la cour d'appel soit confirmé comme légal et fondé, estimant que le moyen soulevé n'est pas retenu en l'espèce.
Ainsi, elle soutient que la requérante-demanderesse n'a pas clairement indiqué en quoi consistait la supposée violation ou application des règles de droit matériel par la juridiction d'appel, mais s'est contentée d'exposer plusieurs textes juridiques, en se référant au droit roumain et au droit allemand, mais en omettant de reconnaître qu'elle n'avait pas correctement présenté une demande directe à la juridiction en ce qui concerne la procuration litigieuse, peut-être parce que cela aurait mis en cause l'incompétence des juridictions roumaines.
Il considère que la critique de la supposée interprétation erronée de l'article 58 de la Loi sur les notaires publics en ce qui concerne la notion de procuration spéciale n'est pas fondée; la partie adverse n'a pas prouvé ce point, la cour d'appel ayant appliqué cette disposition de la loi et constaté que la conclusion du contrat de vente se fondait sur une procuration authentique.
En ce qui concerne l'argument selon lequel les immeubles n'étaient pas individualisés, il souligne que l'adresse exacte des immeubles était indiquée, ce qui est suffisant pour apprécier que la procuration est une procuration spéciale.
Il souligne que la procuration indiquait : „par cette procuration spéciale, ma fille est autorisée à vendre et à percevoir le prix”, en indiquant le nom du mandataire, à savoir la fille; il souligne que la procuration en l'espèce est une procuration spéciale et non générale.
En même temps, le moyen selon lequel la cour d'appel n'a pas correctement appliqué le droit matériel, en référence à l'article 92 de la Loi sur les notaires publics de Roumanie, à la procuration établie en Allemagne, étant donné que le notaire allemand ne connaissait pas le roumain, n'est pas non plus fondé.
La partie adverse dénature la situation de fait et amalgame le droit allemand et le droit roumain afin d'obtenir un nouveau jugement de l'affaire, en s'appuyant sur des motifs d'infondé plutôt que d'illégalité, étant donné qu'elle n'a pas formulé le recours correctement.
La requérante-demanderesse souligne qu'elle n'a pas prouvé ni indiqué concrètement en quoi consistait la supposée violation des règles de droit matériel par la cour d'appel.
Il mentionne que, comme indiqué dans son mémoire en défense, invoque, outre la mauvaise foi, l'informalité de la procuration établie en Allemagne, alors que c'est précisément le mandataire mentionné dans la procuration qui a signé la plupart des actes antérieurs ayant abouti à la conclusion du contrat de vente et qui a encaissé le prix.
Elle réitère sa thèse selon laquelle la partie adverse est de mauvaise foi puisque, après une longue période, elle a demandé la constatation de la nullité du contrat en invoquant sa propre illicéité, sa faute et sa déloyauté afin d'obtenir la protection de la loi.
Il fait également valoir que nul ne peut invoquer l'ignorance de la loi.
En conclusion, la requérante demande le rejet du pourvoi et l'ajournement de l'affaire en vue de la présentation de ses conclusions écrites.
Il précise qu'il demandera séparément le remboursement des frais.
La Haute Cour, considérant la question clarifiée, ordonne la clôture des débats et renvoie l'affaire pour qu'il soit statué sur le recours formé par la demanderesse A. contre l'arrêt civil n° 2789 du 25 octobre 2022, prononcé par la Cour d'appel de Ploiești, Ière civile.
LA HAUTE COUR,
Sur l’affaire ci-présente, constate les éléments suivants:
I. Les circonstances de l'affaire
1. L'objet de l'affaire.
Par requête introduite devant le Tribunal de Dâmbovița le 19 mars 2021, sous le n° x/120/2021, la demanderesse A. a déposé une requête, à l'encontre de la défenderesse C. S.R.L., afin que, par le jugement qui sera rendu, la nullité absolue du contrat de vente-achat soit constatée, authentifié sous le n° 97/19.01.2010 par le Bureau du notaire public E., au motif qu'il a été conclu sur la base d'un mandat donné par le vendeur, qui n'a pas respecté la forme authentique, mais qui a été donné sous une signature certifiée.
2. Jugement en première instance.
Par jugement civil n° 632/15.03.2022, le Tribunal de Dâmbovița a rejeté la requête comme non fondée.
3. L'arrêt en appel.
Par l'arrêt n° 2789 du 25 octobre 2022, la Cour d'appel de Ploiești, Ière Chambre civile, a rejeté, comme non fondé, l'appel interjeté par l'appelante-demanderesse A. contre le jugement civil n°632 du 15.03.2022, rendu par le Tribunal de Dâmbovița, en contradiction avec l'intimée- défenderesse C.
La requête en dépens de l'appelante est rejetée.
4. Le recours dans l'affaire.
La demanderesse A. a fait recours contre l'arrêt civil no 2789 du 25 octobre 2022, rendu par la Cour d'appel de Ploiești, Ière Chambre civile, en demandant que le recours soit accueilli, que l'arrêt de la cour d'appel soit cassé dans son intégralité et que la requête soit accueillie sur le fond, telle qu'elle a été introduite. Avec dépens pour toutes les phases de la procédure.
L'arrêt de la cour d'appel me paraît illégitime et illégal au motif qu'il a été rendu en violation et en application erronée des règles de droit matériel (article 488, par. (1), point 8 du Code de procédure civile).
En substance, la requérante soutient que le mandat octroyé n'était pas un mandat spécial, tant en ce qui concerne les actes juridiques que le mandataire peut effectuer qu'en ce qui concerne l'identification des biens sur lesquels les actes juridiques doivent être effectués.
D'autre part, la requérante critique le jugement des juridictions inférieures selon laquelle la procuration donnée par son père, sous une signature authentifiée par le notaire allemand, est un acte authentique; elle souligne que la procuration n'est pas authentique et que, selon les règles applicables à l'activité notariale en Roumanie, l'agent ne peut représenter la partie à l'authentification que sur la base d'une procuration authentique.
La requérante soutient qu'en l'espèce, il ne s'agit pas d'un rapport de droit international privé, étant donné que l'objet de la présente affaire est la nullité absolue de l'acte d'aliénation d'un bien immobilier, le contrat de vente et d'achat, authentifié sous le no 97/19.01.2010 par le Bureau du notaire public E., qui a été conclu en Roumanie entre un citoyen roumain - personne physique (le père de la requérante avait la double nationalité roumaine et allemande) - et une société commerciale roumaine. Le droit romain est applicable en l'espèce, en ce qui concerne les causes de nullité de l'acte.
De même, il convient d'apprécier l'authenticité de la procuration, acte juridique intrinsèque à la réalisation de l'acte d'aliénation, conformément au droit romain.
Le droit allemand reconnaît à la fois la forme authentique et la forme notariée pour les actes juridiques, sauf que cette procuration a été émise sous forme notariée, et non sous forme authentique, comme cela aurait été impérativement nécessaire en vertu du droit roumain. Cela signifie que la procuration est un acte valable, en tant que manifestation de la volonté de la partie, mais pas pour servir de base à la conclusion d'un acte authentique d'aliénation d'un bien immobilier. Dans ce cas, nous ne demandons pas l'annulation de la procuration (comme le montre le raisonnement de la cour d'appel), mais de l'acte d'aliénation.
Il est vrai que l'article 71 de la Loi n° 105/1992, pris en compte par la Cour d'appel, est libellé comme suit:
Les conditions de forme d'un acte juridique sont déterminées par la loi qui en régit le fond.
Toutefois, un acte est considéré comme valable en la forme s'il remplit les conditions prévues par l'une des lois suivantes: a) la loi du lieu où il a été rédigé; b) la loi nationale ou la loi du domicile de la personne qui l'a consenti; c) la loi applicable en vertu du droit international privé de l'autorité chargée d'examiner la validité de l'acte juridique.
Ce que la cour d'appel n'a toutefois pas relevé dans son raisonnement, et qui est de la plus haute importance pour l'appréciation de l'affaire, ce sont les dispositions de l'article 72 de la Loi n° 105/1992:
Lorsque la loi applicable aux conditions de fond de l'acte juridique exige, à peine de nullité, une forme solennelle déterminée, aucune autre loi parmi celles visées à l'article 71 ne peut y déroger, même si l'acte a été rédigé à l'étranger.
À la lumière de cette disposition claire, qui est pleinement applicable à la présente affaire, nous considérons que le raisonnement de la cour d'appel, selon lequel l'article 71 de la Loi n° 105/1992 est applicable, est évidemment erroné.
Le raisonnement de la cour d'appel, selon lequel la forme que devait revêtir la procuration est celle régie par la loi de l'État allemand sur le territoire duquel elle a été délivrée, est pertinent pour apprécier si l'acte ainsi délivré est un acte valable. Il peut s'agir ou non d'un document valide en vertu du droit allemand, mais ce qui est pertinent en l'espèce est le fait qu'il s'agit d'un document délivré avec légalisation de la signature et que, pour l'aliénation d'un bien immobilier en Roumanie, il ne s'agissait pas d'un document justifiant un mandat valide pour le mandataire pour conclure l'acte.
Sur le fond du litige, la requérante invoque les articles 90 et suivants de la Loi n° 36/1995 relative au notariat et à l'activité notariale et l'article 225 du Règlement d'application de cette loi, afin de démontrer que le notaire allemand ne pouvait pas s'assurer que l'auteur du texte roumain, le père de la requérante, comprenait le contenu de l'acte, ce qui ressort également de l'attestation du notaire allemand délivrée à la demande de la requérante.
Il est soutenu que ces textes juridiques n'ont pas été pris en compte, soit parce qu'ils ont été mal interprétés par la juridiction de première instance (parce que le juge a considéré que la loi pertinente en l'espèce, comme base juridique, était le Règlement (CE) n° 805/2004), soit par la juridiction d'appel (qui a considéré que la loi pertinente en l'espèce était la Loi n° 105/1992, mais a ignoré les dispositions de l'article 72 de cet acte législatif et a considéré, conformément à l'article 71, que la loi applicable à la procuration était la loi allemande - un aspect qui n'est pas pertinent en l'espèce).
De ce point de vue, comme motifs de recours, les dispositions de l'article 488 para. (1) p. 8 du Code de procédure civile - l'arrêt de la cour d'appel a été rendue en violation et en application erronée des règles de droit matériel.
Pour toutes ces raisons, il convient de faire droit au recours, de casser intégralement l'arrêt de la cour d'appel et, sur le fond, de recevoir la requête telle qu'elle a été introduite. Avec les dépens pour toutes les étapes de la procédure.
5. Les défenses dans l'affaire
L'intimée-défenderesse C. S.R.L. a déposé un mémoire en défense le 15.02.2023, dans lequel elle demande le rejet du recours comme non fondé et le maintien de l'arrêt civile n° 2789/25.10.2022, prononcé par la Cour d'appel de Ploiești, Ière Chambre civile, comme étant légale.
II. L'arrêt et considérants de la Haute Cour de Cassation et de Justice:
Examinant l'arrêt attaqué, à la lumière des critiques formulées et en se référant aux pièces et documents du dossier et aux dispositions légales applicables, la Haute Cour constate que le recours n'est pas fondé pour les raisons exposées ci-après.
Pour la compréhension de l'analyse des critiques d'illégalité, la Cour exposera brièvement la situation de fait, telle qu'elle a été souverainement appréciée par les juridictions du fond.
Ainsi, par le contrat de vente-achat authentifié sous le n° 97/19.01.2010 au B.N.P.E., le vendeur F., domicilié à Ingolstadt, Allemagne, a vendu à l'intimée C. S.R.L. plusieurs biens immobiliers (appartements), situés à Bucarest, rue (...), Secteur 1.
Lors de l'authentification du contrat de vente-achat, ainsi que lors de l'authentification de l'antécontrat et des actes complémentaires précédant la vente, le vendeur a été représenté par sa fille, la requérante A. (née G.), sur la base d'une procuration spéciale donnée le 3 mars 2008 devant le notaire allemand H. à Ingolstadt.
Par cette procuration, F., de double nationalité allemande et roumaine, a autorisé sa fille, la requérante A. (née G.), à s'occuper en mon nom et pour mon compte de mes biens immobiliers en Roumanie, à savoir: les bâtiments et le terrain de la rue (...), Secteur 1, Bucarest. Mon appartement de trois chambres, au deuxième étage, comme tous les autres studios et appartements dont je possède 50%. En vertu de cette procuration spéciale, ma fille A. peut prendre toutes les décisions concernant ces immeubles et terrains (fixer) le prix et la vente de ceux-ci et peut percevoir en mon nom la valeur de ces biens.
La procuration a été donnée sous signature notariée, comme en témoigne la signature du notaire allemand H. d'Ingolstadt (acte notarié numéro x/2008), et l'apostille requise par la Convention de la Haye a également été jointe au dossier, tous ces documents ayant été versés au dossier par la requérante dans la présente affaire afin de prouver qu'elle était la représentante contractuelle de son père aux fins de la vente de l'immeuble à la partie adverse. En outre, il n'est pas contesté qu'il ressort également de l'acte de vente que la requérante, en tant que mandataire de son père, a reçu le prix payé par l'acquéreur en vertu du contrat de vente-achat.
La demanderesse a ensuite hérité de la succession de son père et a donc introduit le présent recours en sa qualité d'ayant droit du mandant au moment de la vente.
Par le présent recours, la demanderesse soutient, en substance, que la vente est nulle pour violation de l'exigence de la forme authentique, estimant qu'en vertu du principe de symétrie des formes, la procuration donnée en Allemagne par son père, dont elle a ensuite hérité, aurait dû être donnée en la forme authentique, sous la forme d'une signature notariée. Par une autre exception de nullité, la demanderesse a également fait valoir que la procuration n'avait pas de caractère spécial.
Les deux juridictions de première instance ont estimé que la procuration donnée avait un caractère spécial en ce qu'elle désignait expressément les biens immobiliers et indiquait que la demanderesse (à ce moment-là la mandataire et maintenant l'héritière du mandant) avait le droit de fixer le prix des biens immobiliers, de les vendre et d'en percevoir la valeur pour le compte du mandant. Ces pouvoirs conférés au mandataire dépassent la nature de simples actes d'administration, puisqu'il s'agit d'une procuration spéciale pour conclure des actes de disposition. Article 1.536 para. (2) du Code civil de 1864 (applicables ratione temporis, conformément à l'article 3 de la Loi n° 71/2011 mettant en œuvre le nouveau Code civil).
La critique de la requérante quant à l'illégalité des termes utilisés et à l'identification insuffisante des immeubles sur lesquels porte la procuration n'est pas fondée.
Selon l'art. 1.536 para. (2) du Code civil 1864, le mandat doit être spécial lorsqu'il s'agit d'aliéner, d'hypothéquer ou d'accomplir (rédiger) des actes qui dépassent l'administration ordinaire, c'est-à-dire qui sortent du cadre des actes d'administration.
L'interprétation des clauses d'un acte juridique est essentiellement une question de fait, laissée à l'appréciation souveraine des juridictions du fond. Toutefois, les deux juridictions civiles de première instance ont estimé que la procuration a pour objet d'établir des actes de disposition et que les biens sur lesquels elle porte sont identifiés de manière suffisamment précise, la procuration étant une procuration spéciale au sens du texte légal susmentionné.
La question de savoir si la procuration ainsi établie répond aux exigences de l'art. 1.536 par.(2) du Code civil 1864 est cependant aussi une question de droit, qui concerne l'interprétation et l'application de cette règle, et relève donc de la compétence de la Cour de Cassation. En décidant que la procuration remplit les conditions de l'art. 1.536 para. (2) de l'ancien Code civil, la cour d'appel n'a nullement violé ces dispositions légales, mais les a appliquées correctement. En dépit de l'utilisation initiale d'une formulation imprécise (en mon nom et pour mon compte afin de prendre soin de mes biens immobiliers...), la procuration détaille ensuite précisément les biens auxquels elle se réfère, à savoir les logements locatifs et le terrain y afférent situés dans la rue (...), Secteur 1, Bucarest. Il n'est pas nécessaire d'identifier les surfaces, le cadastre ou toute autre nature similaire des biens pour lesquels la procuration est donnée pour qu'elle soit spéciale, il est nécessaire, mais aussi suffisant, de pouvoir déterminer à quel bien la procuration est accordée. Cette condition est remplie en l'espèce.
La procuration indique aussi expressément que la procuration donnée à la requérante porte également sur la vente des biens immobiliers et l'encaissement du prix. Il est donc clair que la procuration porte sur la conclusion des actes de disposition (aliénation) des immeubles de la rue (...). Les critiques de la requérante selon lesquelles la procuration ne concernerait pas de tels actes et qu'elle aurait été rédigée de manière illicite sont donc manifestement infondées, car les termes de la procuration doivent être interprétés dans leur ensemble et non pas sortis de leur contexte.
Par son moyen suivant, la requérante-demanderesse fait valoir qu'en l'espèce, c'est à tort que l'on a retenu des éléments de nationalité étrangère, étant donné que les parties à l'acte juridique faisant l'objet du recours sont des personnes morales roumaines (un citoyen roumain et une personne morale de nationalité roumaine). La requérante fait également valoir que le fait que la procuration ait été rédigée en Allemagne n'est pas pertinent, puisqu'il ne s'agit pas de l'annulation de la procuration, mais de l'annulation du contrat de vente, qui est un acte conclu devant un notaire en Roumanie, portant sur un bien immobilier situé en Roumanie.
Ces arguments ne sont pas fondés.
En l'espèce, le contrat de vente dont on cherche à établir la nullité absolue a été conclu entre des personnes domiciliées dans des États différents - le vendeur étant une personne physique domiciliée en Allemagne ayant la double nationalité allemande et roumaine et l'acheteur étant une personne morale de nationalité roumaine. Certes, l'acte de vente porte sur un bien immobilier situé en Roumanie et a été passé devant un notaire roumain, mais le contrat est un accord de volontés, c'est-à-dire un acte juridique bilatéral (article 942 du Code civil de 1864). Il y a donc deux déclarations de volonté qui convergent vers la formation du contrat, et l'une de ces déclarations émane d'un ressortissant allemand, par l'intermédiaire d'un mandataire qui a prouvé son pouvoir de représentation par une procuration conclue devant un notaire allemand en Allemagne, conformément à la loi allemande, comme nous le verrons.
La requérante soutient de manière injustifiée et spécieuse que le juge devrait analyser la seule vente, puisque la cause d'action est la nullité de la vente, précisément au motif que la procuration ne remplit pas la forme authentique requise pour que la vente soit valable. La demanderesse a donc soumis à l'appréciation des juridictions deux actes juridiques, à savoir la procuration et la vente, et les instances judiciaires sont tenues de procéder à une analyse complète conformément aux règles de droit applicables au litige (article 22, par. (1), du Code de procédure civile), en se prononçant sur la cause de nullité invoquée. Cette décision implique nécessairement de déterminer la loi applicable à la procuration et de déterminer si la procuration peut servir de base à une vente immobilière.
Il résulte de ce qui précède que le rapport juridique en cause est un rapport juridique étranger résultant de l'établissement dans un pays étranger, conformément à la loi de ce pays, d'un acte juridique destiné à produire des effets en Roumanie, effets qui consistent en la finalisation d'une vente entre des parties domiciliées dans des pays différents.
La cour d'appel a donc correctement reconnu que le rapport juridique en cause est régi par les règles du droit international privé, avec quelques imprécisions uniquement en ce qui concerne l'identification exacte des règles applicables. L'arrêt attaqué est toutefois conforme à la loi et sera confirmé sur la base des considérations suivantes, qui sont de nature à dissiper les critiques formulées et les raisons qui les motivent. Il convient d'ajouter que la cour d'appel pouvait substituer les considérants de la première instance, même sans admettre l'appel interjeté contre le jugement, à condition qu'elle estime ce dernier légal et fondé [l'appel interjeté en vertu de l'article 461, par. (1), du Code de procédure civile est donc soumis à un régime juridique différent de celui d'un appel interjeté en vertu de l'article 461, par. (2)].
En ce qui concerne les règles de droit international privé applicables, la Haute Cour constate que le litige a débuté en 2021, après l'entrée en vigueur du nouveau Code civil.
En vertu de l'article 207 de la Loi n° 71/2011 d'application du nouveau Code civil:
(1) Les dispositions du livre VII « Dispositions de droit international privé » du Code civil ne s'appliquent qu'aux affaires portées devant l'instance judiciaire ou l'autorité compétente après la date d'entrée en vigueur du Code civil, concernant des relations juridiques avec des éléments étrangers, indépendamment de la date et du lieu où les actes ont été conclus ou les actes qui ont donné lieu à ces relations juridiques ont été produits ou commis.
(2) Pour les rapports de droit international privé établis avant l'entrée en vigueur du Code civil, la compétence de la loi déterminée conformément au para. (1) peut être écartée si son application entraîne des conséquences manifestement inéquitables.
Ainsi, par cette règle, le législateur a établi la règle de l'application immédiate des nouvelles règles de conflit (de droit international privé) aux rapports juridiques nés d'opérations juridiques réalisées sous l'empire de l'ancienne loi, dans la mesure où, comme en l'espèce, le litige est né après l'entrée en vigueur du nouveau Code civil.
Pour apprécier la validité de la procuration donnée par le vendeur à sa fille, requérante en l'espèce, la cour d'appel a pris en compte les dispositions de l'article 71 de la Loi n° 105/1992 sur le droit international privé, selon lesquelles:
Les conditions de forme d'un acte juridique sont déterminées par la loi qui en régit le fond.
Toutefois, la validité formelle de l'acte est reconnue s'il satisfait aux conditions prévues par l'une des lois suivantes:
(a) la loi du lieu où il a été rédigée;
(b) la loi nationale ou de la résidence de la personne qui l'a consenti;
(c) la loi applicable en vertu du droit international privé de l'autorité qui examine la validité de l'acte juridique.
C'est à juste titre que la cour d'appel a considéré que la procuration est un acte juridique distinct, dont la validité doit être examinée conformément à la loi qui lui est applicable, alors même que la requérante-demanderesse avait saisi l'instance d'une demande de nullité de la vente (et non de la procuration, dont elle admet qu'elle peut être valable). Toutefois, la question de la validité de la procuration est indissociable de la validité de la vente, puisque l'accord du vendeur, en tant qu'élément constitutif essentiel du contrat de vente, a été exprimé par un mandataire, sur la base d'une procuration spéciale rédigée en Allemagne.
Même si le nouveau Code civil est applicable en l'espèce, le raisonnement de la cour d'appel reste pertinent, car il découle de l'article 2.539 du Code civil (dont la désignation marginale est la loi applicable aux conditions de forme):
(1) Les conditions de forme d'un acte juridique sont déterminées par la loi qui en régit le fond.
(2) Toutefois, un acte est valable sur la forme s'il remplit les conditions prévues par l'une des lois suivantes:
a) la loi du lieu où il a été établi;
b) la loi de la nationalité ou de la résidence habituelle de la personne qui y a consenti;
c) la loi applicable en vertu du droit international privé de l'autorité qui examine la validité de l'acte juridique.
(3) Lorsque la loi applicable aux conditions de fond de l'acte juridique exige, à peine de nullité, une forme solennelle déterminée, aucune autre loi visée au para. (2) ne peut dispenser de cette exigence, quel que soit le lieu où l'acte est rédigé.
La requérante soutenait que la cour d'appel n'avait pas tenu compte non plus des dispositions de l'article 72 de l'ancienne Loi n° 105/1992, selon lesquelles, si la loi applicable aux conditions de fond de l'acte juridique exige, à peine de nullité, une certaine forme solennelle, aucune autre loi parmi celles mentionnées à l'article 71 ne peut dispenser de cette exigence, même si l'acte a été dressé à l'étranger. Comme il ressort de ce qui précède, le nouveau Code civil est applicable en l'espèce, mais les dispositions de l'ancien article 72 sont reprises pour l'essentiel à l'article 2.639 para. (2) du Code civil, et la critique est donc également pertinente en vertu des nouvelles règles.
Cependant, la Haute Cour constate que la référence essentielle de l'article 2.539 du Code civil est la loi qui régit le fond de l'acte juridique, qui est également la loi qui régit toute forme solennelle édictée par la loi. Or, en l'espèce, il convient de vérifier la validité de l'acte juridique de la procuration (offre de mandat) consentie par le vendeur à la requérante, car c'est à cet acte juridique qu'il convient de se référer pour l'application du texte qui prévoit qu'en règle générale, les conditions de l'acte juridique sont régies par la loi qui en régit le fond. Ce n'est que par la suite, s'il est établi que le mandat a été valablement donné conformément à la loi qui en régit le fond, que l'incidence de cette question sur la vente sera examinée sous l'angle du principe de la symétrie des formes.
L'appréciation des conditions de fond et de forme portant sur l'offre de mandat, et donc sur la procuration, l'application des dispositions de l'article 2.639 du Code civil révèle concrètement que la procuration spéciale accordée sous signature notariée en Allemagne pour la vente d'un bien immobilier en Roumanie est valable et effective, contrairement à ce que soutient la requérante.
À titre liminaire, la cour relève que le Règlement n° 563/2008 (Rome I) sur la loi applicable aux obligations contractuelles ne s'applique pas en l'espèce, puisqu'en vertu de son art. 28, il ne s'applique qu'aux contrats conclus après le 17 décembre 2009.
En ce qui concerne la loi applicable à la procuration, en tant qu'acte juridique unilatéral, si l'auteur de la procuration (le mandant) n'a pas choisi la loi qui lui est applicable, l'article 2.638 du Code civil prévoit que :
(1) À défaut de choix, la loi de l'État avec lequel l'acte juridique présente les liens les plus étroits s'applique et, si cette loi ne peut être identifiée, la loi du lieu où l'acte juridique a été conclu s'applique.
(2) Ces liens sont réputés exister avec la loi de l'État dans lequel le débiteur de la prestation caractéristique ou, le cas échéant, l'auteur de l'acte, a sa résidence habituelle, son établissement ou son siège social au moment de la conclusion de l'acte, selon le cas.
En vertu du para. (2) du texte légal précité, la loi applicable à la procuration est la loi allemande en tant que loi de l'Etat dans lequel l'auteur de l'acte unilatéral (le mandant) avait sa résidence habituelle au moment de l'établissement de la procuration. Les règles relatives aux conditions de forme étant principalement destinées à protéger le consentement de l'auteur de l'acte juridique unilatéral, il est normal que ces règles soient celles de l'État de la résidence habituelle de l'auteur de la déclaration de volonté, avec lequel celui-ci a les liens les plus étroits. La cour relève que c'est la résidence habituelle, en tant que lien le plus caractéristique avec les circonstances de la vie de l'auteur de la déclaration de volonté, et non la nationalité, qui est pertinente en la matière. En tout état de cause, et seulement à titre subsidiaire, le défunt avait à la fois la nationalité allemande et roumaine, et il n'y a pas lieu de le traiter comme s'il avait été exclusivement un ressortissant roumain.
En même temps, la procuration a été donnée par un ressortissant allemand à un autre ressortissant allemand dans un document établi et signé en Allemagne, la signature étant légalisée par le notaire allemand conformément à la loi applicable à l'activité notariale allemande (Beurkundgesetz du 28.08.1969, telle que modifiée).
Par conséquent, le lieu où la procuration devait produire ses effets, à savoir la Roumanie, n'est pas pertinent. Cette solution sans équivoque ressort également du fait que le nouveau Code civil n'a pas reproduit les dispositions de l'ancien article 100 de la Loi n° 105/1992 portant réglementation des rapports de droit international privé, selon lesquelles la représentation relative aux actes d'administration ou de disposition des immeubles est soumise à la loi du lieu de situation de l'immeuble. Ce texte n'a plus d'équivalent dans les règles de droit international privé applicables au cas d'espèce, contenues dans le nouveau Code civil, et cette omission résulte de la volonté du législateur, à laquelle le juge doit donner suite.
En ce qui concerne la détermination de la loi applicable, bien qu'elle ait fait de vagues références à la loi allemande, la requérante (domiciliée en Allemagne) n'a jamais formulé d'observations précises et complètes quant au contenu exact de la loi allemande, contrairement au principe de loyauté procédurale et aux règles selon lesquelles la personne qui se prévaut d'une loi étrangère doit contribuer à en déterminer le contenu. La requérante s'est limitée à affirmer, à tort, l'applicabilité exclusive de la loi roumaine à un acte juridique établi en Allemagne.
Toutefois, elle constate que, conformément à l'article 22 para. (1) du Code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et, en vertu de l'article 2.562 para. (1) et (2) du Code civil, la détermination du contenu de la loi étrangère est une tâche qui incombe à la fois au juge et aux parties.
Ainsi, le juge peut d'office connaître la loi étrangère désignée comme applicable par la règle de conflit en cause et lui donner effet, même si les références de la partie à la loi allemande étaient imprécises et non étayées.
Il résulte de ce qui précède que, conformément aux règles du droit international privé roumain, la loi désignée comme applicable en ce qui concerne les conditions de fond et de forme de la procuration est la loi allemande.
La Haute Cour relève que, en vertu de l'article 167, para. (2), du Bürgergesetzbuch (Code civil allemand), une procuration donnée pour la conclusion d'un acte juridique n'est pas soumise à la forme prescrite par la loi pour cet acte juridique. Par conséquent, bien que l'article 311b BGB prévoie, à l'instar du droit roumain, la forme authentique pour les actes juridiques transférant des droits réels, en droit allemand, cette exigence de forme authentique ne s'étend pas à une procuration donnée pour la conclusion d'un tel acte juridique. Par conséquent, selon le système du droit allemand, la procuration donnée par le vendeur à la requérante, sa fille, sous une forme non authentique (sous une signature notariée - comme cela ressort également de l'adresse délivrée par le notaire allemand, versée au dossier de la cour d'appel) est pleinement valable pour la conclusion du contrat de vente immobilière, même si ce dernier est soumis à la forme authentique ad validitatem en vertu du droit roumain.
Les critiques de la requérante relatives à la supposée violation des dispositions du droit roumain, notamment de l'article 2 du Titre X de la Loi n° 247/2005, de l'article 101 de la Loi n° 114/1996 sur le logement et des articles 58 et 90 et suivants de la Loi n° 36/1995 sur les notaires publics et l'activité notariale, respectivement, ainsi que de l'article 225 du Règlement sur l'activité notariale, sont par conséquent rejetées.
En substance, ces textes juridiques révèlent que les parties peuvent être représentées lors de l'authentification par un mandataire muni d'une procuration spéciale authentifiée et que la vente de biens immobiliers en Roumanie est soumise à la forme authentique ad validitatem.
Dans ce qui précède, la cour a considéré que la procuration donnée à la requérante est une procuration spéciale et que, en ce qui concerne ses exigences formelles, compte tenu de son utilisation pour la réalisation d'une vente immobilière, la loi allemande applicable à cette procuration prévoit expressément qu'une procuration donnée aux fins d'un acte juridique soumis à une forme solennelle n'a pas besoin de respecter elle-même cette forme.
Ainsi, la loi applicable en l'espèce l'emporte sur le principe de symétrie des formes, qui est un principe impératif du droit interne.
Dans le domaine des rapports de droit international privé, dont l'extranéité les rend susceptibles d'être soumis à des règles différentes appartenant à d'autres systèmes de droit, le renvoi par la règle de conflit applicable (en l'espèce, la loi nationale et le nouveau Code civil) à un autre système de droit est de nature à exclure l'application des règles impératives habituelles propres au système de droit interne.
La seule situation dans laquelle il n'est pas possible d'appliquer des règles de droit étrangères est celle où l'ordre public du droit international privé roumain est violé. Cet ordre public de droit international privé roumain ne désigne cependant pas l'ensemble des règles impératives connues en droit interne, mais seulement les principes fondamentaux de l'ordre juridique, tels que le respect des droits fondamentaux et des fondements constitutionnels de l'État roumain. Cette solution est désormais expressément consacrée par les dispositions de l'article 2564 du Code civil (non application de la loi étrangère):
(1) L'application de la loi étrangère est écartée si elle viole l'ordre public du droit international privé roumain ou si la loi étrangère en question est devenue compétente en contournant la loi roumaine. En cas de renonciation à l'application de la loi étrangère, la loi roumaine s'applique.
(2) L'application de la loi étrangère viole l'ordre public du droit international privé roumain dans la mesure où elle conduirait à un résultat incompatible avec les principes fondamentaux du droit roumain ou du droit de l'Union européenne et avec les droits fondamentaux de l'homme.
Les dispositions de l'article 2.564 para. (2) du Code civil, le principe de symétrie des formes étant une règle ordinaire de l'ordre juridique interne, dont la suppression ne remet nullement en cause les principes fondamentaux du droit roumain ou du droit de l'Union européenne, ni les droits fondamentaux de l'homme.
En outre, la Haute Cour observe, à titre d'exemple pour des situations similaires, que dans le système du Règlement n° 650/2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen, la loi choisie par le testateur ou, à défaut, celle de sa résidence habituelle est applicable à toutes les questions découlant de la succession, y compris des questions telles que la forme applicable à la déclaration de renonciation à la succession, l'admissibilité des pactes sur succession future ou le rapport ou la réduction des libéralités excédentaires (article 21, article 23 para. (2), du Règlement). Il s'agit là de matières impérativement régies par la loi roumaine, dont l'application sera toutefois écartée par le Règlement dès lors que la loi applicable est une loi étrangère, même si la succession comprend également des immeubles situés en Roumanie (l'application impérative de la loi du lieu de situation des immeubles étant abandonnée) et même si la loi étrangère applicable contient des solutions contraires à la loi roumaine - décidant, par exemple, qu'il n'y a pas de réserve successorale ou que les contrats relatifs à une succession non ouverte sont recevables.
De même, dans les conditions d'application du même acte normatif, une déclaration de renonciation à la succession faite par un ressortissant d'un État qui n'exige pas de forme authentique pour une telle déclaration est valable - par exemple, aux États-Unis, la déclaration faite devant un soi-disant notaire, qui est un simple particulier, serait considérée comme suffisante - sans que le principe de symétrie des formes ou les prescriptions impératives de la loi roumaine soient invoqués en Roumanie, afin de ne pas donner effet à cette solution expresse du Règlement européen.
Par conséquent, il ne peut être valablement soutenu que le principe de symétrie des formes et les exigences formelles applicables à la procuration sont des règles qui relèvent de l'ordre public de droit international privé, ces règles étant ignorées par le droit étranger dans des hypothèses autres que celle en cause en l'espèce.
Dans les circonstances où la procuration donnée respecte les exigences formelles prévues par le droit allemand, il n'est pas pertinent d'analyser l'équivalence fonctionnelle des exigences prévues par le droit roumain pour la formalité de l'authentification avec celles prévues par le droit allemand pour la légalisation de la signature, ainsi que d'analyser la notion autonome d'acte authentique, dans le système du Règlement n° 805/2004, étant donné que ces éléments du raisonnement de la première instance ne sont pas utiles pour la résolution du cas d'espèce.
La validité de la procuration donnée en Allemagne, aux termes de l'article 167, para. (2), du Code civil allemand (BGB), détermine la validité du contrat de vente-achat faisant l'objet de la présente action; le contrat lui-même est passé en la forme authentique, ce qui est un fait évident et incontesté par les deux parties.
Les textes juridiques invoqués par la requérante-demanderesse ne peuvent, dans leur ensemble, conduire à une conclusion contraire, puisqu'ils concernent des situations purement internes. Dans le cas de rapports régis par le droit international privé, la règle de conflit et le texte juridique étranger auquel cette règle de conflit se réfère sont appliqués en priorité, sans que l'on puisse parler de violation du droit roumain - le droit roumain ne peut être violé que si son champ d'application est ouvert, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Enfin, la Haute Cour note que le dossier contient la décision civile n° 335A/6.03.2023 de la Cour d'appel de Bucarest, IIIème Chambre civile, qui contient un raisonnement juridique partiellement différent, estimant que la règle de symétrie des formes du Code civil roumain s'applique à un contrat de vente conclu par la requérante en l'espèce, en tant que mandante, en utilisant une procuration (différente) sous une signature légalisée par le notaire public allemand.
La Cour estime qu'il n'y a pas d'autorité de la chose jugée, ni comme effet négatif ni comme effet positif (article 431 du Code de procédure civile), puisque l'objet des deux affaires est différent, l'affaire précédemment jugée concernant un acte juridique postérieur à celui en cause dans la présente affaire, et donc une situation contentieuse différente de celle analysée dans la présente affaire.
En même temps, il n'y a pas non plus d'identité de parties, condition essentielle pour l'effet positif de la chose jugée (comme il résulte de l'interprétation de l'article 431 du Code de procédure civile, dans son ensemble), seule la requérante étant partie dans les deux cas, mais pas l'intimée-défenderesse dans la présente affaire, C. S.R.L., à laquelle le jugement antérieur peut être opposé tout au plus par la force relative d'un élément de preuve, dans les conditions de l'article 435 para. (2) C. proc. civ. Sur la base des considérations de droit qui précèdent, cet arrêt concernant des circonstances postérieures à celles analysées dans la présente affaire n'a aucune incidence sur les faits du litige analysé dans la présente affaire et n'est pas de nature à conduire à une autre conclusion quant à la légalité de l'arrêt attaqué.
Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent et qui sont de nature à compléter ou à remplacer, respectivement, en partie, les considérants de l'arrêt attaqué, ce dernier est régulier, les dispositions de l'article 488 para. (1) du Code de procédure civile.
Par conséquent, le recours sera rejeté comme non fondé conformément à l'article 496, par. (1), du Code de procédure civile.
POUR CES RAISONS
AU NOM DE LA LOI,
DÉCIDE:
Le recours formé par la requérante-demanderesse A. contre l'arrêt civile n° 2789 du 25 octobre 2022 rendu par la Cour d'appel de Ploiești, Ière Chambre civile, à l'encontre de l'intimée-défenderesse C. S.R.L., est rejeté comme non fondé.
Définitif.
Prononcé en audience publique, aujourd'hui, le 10 octobre 2023.