ROUMANIE
LA HAUTE COUR DE CASSATION ET DE JUSTICE
1 ÈRE CHAMBRE CIVILE
Arrêt n° 1735 Dossier n°x/3/2020
Audience publique du 24 octobre 2023
Mis en examen du pourvoi formulé par la partie défenderesse A. S.R.L, contre l’arrêt civile n° 408A du 9 mars 2023, rendu par la Cour d’Appel Bucarest – 4 ème Chambre civile
Les débats et les conclusions des parties ont eu lieu en audience publique le 10 octobre 2023, en étant consignés dans la décision dʼaudition de cette date qui fait partie intégrante du présent arrêt; la Cour ayant besoin de temps pour délibérer, a ajourné l'audience au 24 octobre 2023.
LA HAUTE COUR,
Sur le pourvoi ci-présente, constate les éléments suivants:
I. Les circonstances de l'affaire.
1. L'objet de la demande en justice.
Par la demande formée auprès du Tribunal Bucarest – 4ème Chambre civile sous lʼaffaire no x/3/2020, le 11 décembre 2020, le requérant CREDIDAM a introduit une action en justice contre la société A. S.R.L, en tant que partie défenderesse, demandant à la suite des débats et des preuves à administrer, qu'un jugement soit rendu, condamnant la défenderesse au:
- paiement de la somme de 12.533,09 RON (10.532 RON sans TVA), représentant la rémunération due aux artistes-interprètes pour la communication publique des phonogrammes ou de leurs reproductions et des prestations artistiques dans le domaine audiovisuel, dans la période 01.01.2018 - 31.12.2020;
- paiement de pénalités de retard d'un montant de 5.460,60 lei, représentant les pénalités de retard liées au montant demandé en chef 1, calculées jusqu'au 20.10.2020 et le paiement supplémentaire de pénalités de retard d'un montant de 0,1 % jusqu'à la date de paiement intégral de la rémunération susmentionnée;
- paiement des dépens, conformément à l'article 453 de Code de procédure civile.
2. Le jugement rendu en première instance.
Par jugement civil n° 1037 du 23.06.2021, le Tribunal de Bucarest, 5ème Chambre civile, a admis la demande introduite par l'Association Roumaine pour l'Administration des Droits des Artistes Interprètes - CREDIDAM, à l'encontre de la partie défenderesse A. et a condamné la partie défenderesse à payer le montant de 12.533,09 RON - rémunération avec TVA, pour la période 1.01.2018-31.12.2020 plus 4868,34 RON - pénalités calculées jusqu'au 20.10.2020 et en outre, jusqu'au paiement de la dette principale et au paiement de 1000 RON, dépens.
3. L’arrêt rendu en appel.
Par arrêt civil n° 408A du 9 mars 2023, la Cour d'appel de Bucarest, quatrième section civile, a rejeté comme mal fondé l'appel interjeté par la partie défenderesse-appelante A. S.R.L. contre le jugement civil n° 1037/23.06.2021, rendu par le Tribunal de Bucarest, cinquième section civile, dans l'affaire n° x/3/202020, contre la partie défenderesse- requérante Centre roumain pour l'administration des droits des artistes-interprètes - CREDIDAM.
La Cour a obligé l’appelante au paiement de la somme de 900 RON vers la partie défenderesse, au titre des frais et dépens de recours.
4. La voie de recours introduite dans lʼaffaire.
La partie défenderesse A. S.R.L. a introduit un recours contre l’arrêt civil no 408A du 9 mars 2023, rendu par la Cour d'appel de Bucarest, 4ème Chambre civile.
Après avoir exposé le déroulement de la procédure, la requérante soutient que l’arrêt civil n° 408A/09.03.2023, rendu par la Cour d'appel de Bucarest, 4ème Chambre civile, dans l'affaire n° x/3/202020, est illégale, pour les raisons suivantes.
Par l’arrêt civil no 408A/09.03.2023, rendu par la Cour d'appel de Bucarest, 4ème Chambre civile, dans l'affaire no x/3/202020, la juridiction a violé les règles de procédure dont le non-respect entraîne la sanction de la nullité, à savoir l'article 9 du Code de procédure civile, en liaison avec l'article 204 paragraphe (2) point 2 du Code de procédure civile, en se référant aux observations écrites présentées par la partie défenderesse et partie requérante lors de l'audience du 28 septembre 2022 (article 488 paragraphe (1) point 5 du Code de procédure civile).
Par les conclusions écrites déposées par la défenderesse-requérante, lors de l'audience du 28.09.2022, les créances initiales sont recalculées et réduites du montant de 12.533,09 RON (dette principale) au montant de 12.393,86 RON (débit principal), suite à l'exclusion de la rémunération calculée pour le restaurant X., fermé depuis le mois de mars 2020.
Toutefois, la Cour d'appel n'a pas tenu compte du calcul effectué par la partie défenderesse le 28.09.2022, portant sur la réduction des créances en excluant la rémunération calculée pour le restaurant X., fermé depuis mars 2020, et a rejeté l'appel interjeté par la partie défenderesse.
En procédant de la sorte, nous estimons que la cour d'appel a violé le droit de la partie défenderesse requérante à disposer et à modifier ses prétentions, tel qu'il a été exercé par les observations écrites déposées par la partie défenderesse requérante en première instance le 28 septembre 2022.
Par l’arrêt civil n° 408A/09.03.2023, rendu par la Cour d'appel de Bucarest, 4ème Chambre civile, dans l'affaire n° x/3/202020, le tribunal a mal interprété la Méthodologie sur la communication publique des phonogrammes publiés à des fins commerciales ou de leurs reproductions et les tableaux contenant les droits patrimoniaux des artistes- interprètes ou exécutants, approuvée par la décision n° 120/2016 de l'O.R.D.A. et la décision n° 60/2019 de l'O.R.D.A., en conjonction avec l'article 1351 du Code civil. [art. 488 paragraphe (1), point 8 Code de procédure civile].
Selon les considérants de la juridiction dʼappel, le tableau annexé énumère les activités couvertes par la méthodologie et qui, selon la méthodologie, constituent une utilisation, en se référant au point. A (A1 et A2) aux locaux fermés dans les villes, les stations touristiques, respectivement dans les zones rurales - « Établissements publics de restauration - restaurants, bars, cafés, salons de thé, brasseries, restauration rapide, rôtisseries, pizzerias, shaormerii, caves à vin, confiseries, salles de bal, salles de mariage et similaires », ainsi que d'autres activités non liées au restaurant/salle de petit-déjeuner. Pour ces locaux, une rémunération est due en fonction de la surface de l'espace où sont exercées les activités énumérées.
Toutefois, la juridiction d'appel a conclu que la méthodologie ne permet pas de calculer la rémunération en fonction du taux d'occupation des locaux ou de la capacité d'utilisation des locaux.
Une telle interprétation des dispositions de la décision n° 120/2016 de l'O.R.D.A. et de la décision n° 60/2019 de l'O.R.D.A. est erronée, étant donné que la rémunération a été établie en fonction de la surface de l'espace, et qu'à la suite des décisions du Comité départemental des situations d'urgence de Dolj, énumérées par l'appelante et soumises dans le dossier de l'affaire, la partie intimée a opéré avec des restrictions de 30 à 50 % de la capacité maximale de l'espace.
La capacité maximale d'espace est évidemment liée à la surface de l'espace où se déroulent les activités énumérées, un critère qui a été pris en compte lors de la détermination des rémunérations.
Toutefois, compte tenu des restrictions imposées par les institutions publiques à l'activité de l'opérateur économique, il est injuste que celui-ci doive une rémunération sur la base de la totalité de la surface, alors qu'il n'a été autorisé à utiliser que 30 % de la capacité du site.
Par exemple, pour le restaurant Y., le maintien de la restriction d'activité de 30 % entraînerait un classement de la rubrique A.2.3 de la Méthodologie à la rubrique A.2.1.
Par conséquent, nous considérons que l'interprétation de la Cour d'appel est erronée, car il existe une interdépendance, voire une similitude, entre la superficie de l'espace et la capacité maximale de l'espace.
Selon les dispositions de l'article 1351 du Code civil : „(1) Sauf disposition légale contraire ou convention contraire des parties, la responsabilité est exclue lorsque le dommage est causé par la force majeure ou le cas fortuit ; (2) La force majeure est tout événement extérieur, imprévisible, absolument invincible et inévitable.”
Il résulte de l'article 1351 du code civil précité que lorsqu'une obligation contractuelle ne peut plus être exécutée par suite d'un cas de force majeure et dans des cas particuliers de cas fortuit, elle est éteinte et le débiteur est libéré de son obligation, la force majeure étant une cause qui supprime le lien de causalité et la faute, c'est-à-dire une cause exonératoire de la responsabilité civile. La force majeure opère de plein droit, sans qu'il soit besoin d'une clause expresse, à condition que les parties n'en aient pas convenu autrement par contrat. Toutefois, la partie qui invoque la force majeure pour justifier l'impossibilité d'exécuter une obligation contractuelle doit prouver le lien de causalité entre l'événement de force majeure invoqué et l'inexécution de l'obligation, car toute circonstance imprévisible ne peut être qualifiée de force majeure.
Par conséquent, l'inexécution de l'obligation de paiement par la partie défenderesse était due à la survenance d'un cas de force majeure, à savoir la propagation du coronavirus SARS-Cov-2 à plus de 150 pays et la déclaration de « pandémie » par l'Organisation mondiale de la santé le 11.03. 2020, avec pour conséquence la promulgation en Roumanie des décrets n° 195/2020 et n° 240/2020 respectivement. Par conséquent, dans l'exécution des contrats, la partie défenderesse est exonérée de toute responsabilité civile en raison de l'intervention de la force majeure, de sorte qu'elle ne peut être obligée de payer les dommages-intérêts réclamés par la partie requérante.
En droit, le recours est fondé sur l'article 488, points 5 et 8 et suivants, du Code de procédure civile.
5. Les moyens de défense dans l'affaire
Le Centre roumain pour l'administration des droits des artistes interprètes - CREDIDAM, conformément aux dispositions de l'article 490 paragraphe (2) du Code de procédure civile, a déposé un mémoire en défense au recours interjeté contre l’arrêt civil no 408/09.03.2023 rendu par la Cour d'appel de Bucarest, 4ème Chambre civile, demandant le rejet du pourvoi comme non fondé, maintenant ainsi l’arrêt civil no 408/09.03.2023, rendu par la Cour d'appel de Bucarest, 4ème Chambre civile, comme légale, l'appelant étant condamné à payer les dépens.
En substance, il a été soutenu que l'absence de prise en compte de la réduction du montant des créances ne constitue pas une irrégularité de procédure, et sur le fond des critiques d'illégalité matérielle, il a été souligné que la méthodologie applicable ne prévoit pas le taux d'occupation des logements gérés par la défenderesse comme critère de détermination du degré d'occupation
II. La solution et les griefs de la Haute Cour de Cassation et de Justice.
En analysant l’arrêt attaqué, à la lumière des critiques formulées et par rapport aux pièces du dossier et aux dispositions légales applicables, la Haute Cour constate que lʼexception de nullité est mal-fondée, et le pourvoi est fondé, pour les raisons exposées ci-dessous.
A titre liminaire, l'exception de nullité sers rejetée, les critiques formulées par la partie défenderesse-appelante étant susceptibles d'être qualifiées au regard des dispositions de l'article 488 paragraphe (1), points 5 et 8 du Code de procédure civile, de la manière suivante.
En ce qui concerne le premier grief, tiré de la violation du principe de disponibilité, consacré par les articles 9 et 397paragraphe (1) du Code de procédure civile, il est fondé, compte tenu du fait que, lors de l'audience d'appel, la demanderesse intimée a présenté des observations écrites et des calculs, dans lesquels elle limitait ses prétentions à la somme de 10 346 lei. À cet égard, la Haute Cour constate que les règles relatives à la réduction du montant de lʼobjet de la demande sont également applicables à l'appel, conformément à l'article 482 du Code de procédure civile. Seule l'augmentation du montant de la créance est, en principe et sous réserve des règles énoncées à l'article 478 paragraphe (5) du Code de procédure civile, est incompatible avec les règles particulières édictées en matière d'appel, alors que la réduction du même montant est tout à fait admissible.
La juridiction d'appel n'a cependant pas donné suite à cette manifestation de la volonté de la requérante en confirmant la décision de condamner la requérante défenderesse au paiement de la somme de 12.533,09 lei, à titre de rémunération. Sur la base du rejet de l'appel, la partie défenderesse était en droit de commencer l'exécution de la saisie sur la base du montant indiqué dans le dispositif du jugement du tribunal, sans que la partie requérante ne soit en mesure de soulever, par le biais d'une contestation de l'exécution, le moyen de défense substantiel relatif à la réduction des créances, ce moyen de défense devant être soulevé et résolu en appel (conformément à l'article 713, paragraphe (1) du code de procédure civile). Par conséquent, l'omission de modifier partiellement le jugement attaqué, dans le sens d'une réduction du montant accordé, est compatible avec le cas de cassation prévu par l'article 488 paragraphe (1) point 5 du Code de procédure civile.
Deuxièmement, la Méthodologie sur la rémunération due aux artistes-interprètes et aux producteurs de phonogrammes pour la communication au public de phonogrammes ou de leurs reproductions, ainsi que et/ou de prestations artistiques dans le domaine audiovisuel, à des fins environnementales et lucratives, et les tableaux contenant les droits économiques des artistes-interprètes de phonogrammes et des producteurs audiovisuels et de phonogrammes, par la gestion collective obligatoire, établis par l’arrêt civil no 748A/26.10.2016 de la Cour d'appel de Bucarest, 4ème Chambre civile, et publiée par la décision de l'O.R.D.A. no 120/2016, prévoit dans le tableau ci-joint, au pct. A (A1 et A2), concernant les locaux fermés dans les villes, les stations touristiques, respectivement dans les zones rurales - « Établissements publics de restauration - restaurants, bars, cafés, salons de thé, brasseries, fast-food, rôtisseries, pizzerias, shaormerii, caves à vin, confiseurs, salles de bal, salles de mariage et similaires », que les rémunérations sont calculées par rapport à la surface de l'établissement public de restauration, exprimée en mètres carrés.
Mutatis mutandis, le même critère est énoncé au point A 2.2 du tableau annexé à la méthodologie. A 2.2 du tableau annexé à la Méthodologie, tandis que dans le cas des unités d'hébergement (points D 7 et D 19), le critère du nombre de pièces est utilisé.
Comme le souligne à juste titre l'association CREDIDAM, les critères pertinents contenus dans la méthodologie n'incluent pas le degré d'occupation ou d'utilisation effective des locaux pour lesquels la rémunération de la communication publique est due. La raison d'être de la Méthodologie est d'ailleurs aisément perceptible, consistant dans les grandes difficultés probatoires qui se poseraient s'il fallait prouver la proportion d'utilisation effective d'un bar, d'un restaurant ou d'autres locaux similaires pendant les périodes en cause dans la procédure, le degré d'occupation étant fluctuant même au cours d'une seule journée.
D'autre part, cette méthode forfaitaire d'établissement de la rémunération en fonction du nombre de chambres (dans le cas de l'hébergement) ou de la surface au sol (dans le cas des établissements de restauration tels que les restaurants et les bars) repose sur une présomption sous-jacente selon laquelle les lois sur la police et la sécurité publique permettent l'utilisation des locaux d'hébergement ou de restauration à leur capacité nominale, et qu'il est donc possible d'utiliser ces locaux à leur capacité maximale.
Or, comme on le sait, dans le cadre de la pandémie de Covid-19 (Sars-Cov 2), les mesures visant à limiter la contagion par le virus facilement transmissible par voie respiratoire, notamment dans les lieux très fréquentés, ont inclus des restrictions légales sévères au fonctionnement des établissements de restauration.
En ce qui concerne l'état d'alerte, selon la Loi n° 55/2020 relative à certaines mesures de prévention et de lutte contre les effets de la pandémie de COVID-19, également connue sous le nom de loi établissant l'état d'alerte:
Article 8 paragraphe(1): Pendant l'état d'alerte, la consommation de nourriture et de boissons alcoolisées et non alcoolisées peut être suspendue dans les salles à manger communes des restaurants, hôtels, motels, auberges, pensions, cafés ou autres lieux publics, tant à l'intérieur qu'aux terrasses extérieures.
(2) Pendant l'état d'alerte, la préparation de nourriture et la vente de nourriture et de boissons alcoolisées qui ne sont pas consommées dans les locaux visés au paragraphe (1), à l'exception des terrasses où des mesures de protection de la santé sont observées.
En outre, selon l'article 5 paragraphe (3) lettre f) de cette loi, les mesures visant à atténuer l'impact du type de risque sont : f) la limitation ou la suspension pour une certaine période de temps de l'activité de certaines institutions ou opérateurs économiques;
Bien que les effets notoires de la pandémie de Covid-19 aient également été invoqués par l'appelant devant la première instance, le tribunal a omis de manière injustifiée, contrairement aux dispositions de l'article 425 para. (1)(b) du Code de procédure civile de se prononcer sur ce moyen de défense essentiel de la défenderesse.
En appel, les critiques correspondantes ont été rejetées par la Cour d'appel au motif que les méthodologies ne prévoyaient pas de rémunération en fonction de l'occupation des locaux ou de la capacité d'utilisation des locaux.
Ce raisonnement, qui se justifie en période normale, ne saurait toutefois être admis pour la période de l'état d'alerte et pendant toute autre période au cours de laquelle, par des actes de l'autorité publique contraignants pour l'opérateur économique, le degré d'utilisation des locaux de restauration et, éventuellement, même des locaux d'hébergement a été restreint ; dans ces conditions, ces restrictions doivent être prises en compte aux fins de la détermination de la superficie réelle du restaurant, du bar ou d'un autre établissement similaire qui pouvait être utilisée dans des conditions licites, en ce sens que seule la partie de la superficie qui pouvait effectivement être utilisée est susceptible d'être rémunérée.
Il convient de noter que les méthodologies ne font que mettre en œuvre les dispositions de la loi n° 8/1996 sur les droits d'auteur et les droits voisins, et qu'il n'est pas possible pour la méthodologie de déroger aux dispositions légales ayant une force juridique supérieure. Toutefois, il ressort des dispositions de la loi que les utilisateurs doivent être rémunérés pour les actes de communication publique et que les espaces (salles, etc.) qui ne pourraient pas être légalement occupés par le public ne peuvent pas être pris en compte pour déterminer l'utilisation de ces espaces, car dans ce cas, la prémisse même de la communication publique fait défaut. L'importance habituelle des rémunérations incluses dans la méthodologie, par rapport à une certaine capacité de l'espace dans lequel la communication est faite, tient compte du nombre de destinataires potentiels de la communication publique. L'interdiction d'utiliser tout ou partie des locaux révèle cependant la réduction, voire l'inexistence d'un tel public cible.
En même temps, la défense de l'association CREDIDAM, selon laquelle ce n'est qu'en supposant que des documents démontrant la cessation de l'activité sont présentés qu'il est possible d'exempter du paiement de la rémunération pour la période de l'état d'alerte, ne peut pas être acceptée. Un tel raisonnement ne peut être utilisé et accepté qu'en période normale, lorsqu'il n'y a pas de restrictions imposées par l'État aux activités touristiques et aux services de restauration, de fêtes, etc., où, bien entendu, l'opérateur économique qui invoque la suspension temporaire de ses activités doit fournir les preuves appropriées. La conclusion est différente dans le cas de restrictions adoptées par des règles d'ordre public en raison de la pandémie de Covid-19 ou de toute autre circonstance similaire, auquel cas la charge de la preuve, s'il y en a une, repose sur l'organisme collecteur qui prétend que les limitations imposées par les autorités publiques n'ont pas été respectées.
Constatant que les règles du droit positif, telles qu'elles doivent être interprétées à la lumière des règles particulières et exorbitantes applicables pendant l'état d'alerte, ont été mal appliquées, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 488 para. (1) p. 8 du Code de procédure civile, et qu'il y a lieu d'accueillir le pourvoi, avec pour conséquence l'annulation de l’arrêt attaqué et, conformément aux dispositions de l'article 497 du Code de procédure civile, le renvoi de l'affaire pour un nouveau jugement devant la même cour d'appel.
Lors du renvoi, il sera rappelé que dans le contexte de l'état d'alerte, les restrictions ont été imposées sur la base de la loi par des actes administratifs publiés, de sorte qu'il ne peut être exigé de la partie qu'elle prouve individuellement ces mesures de portée générale. Au contraire, selon l'article 252 paragraphe (1) du Code de procédure civile, la cour doit prendre connaissance d'office de la loi en vigueur en Roumanie.
Pour autant qu'elle l'estime nécessaire, la juridiction de renvoi est habilitée à demander aux autorités compétentes des éclaircissements et des explications sur les restrictions spécifiques applicables dans les localités où se trouvent les locaux pour lesquels une rémunération est réclamée, en précisant les périodes concernées, et la partie défenderesse requérante est alors habilitée à quantifier ses demandes en conséquence, en présentant une méthode de calcul qui tienne compte du degré d'occupation autorisé par les actes administratifs pertinents pour chaque période concernée, tout en excluant totalement l'état d'urgence au cours duquel les établissements d'hébergement et de restauration du type de ceux en cause dans la présente affaire ont été fermés au public.
POUR CES RAISONS
AU NOM DE LA LOI,
LA HAUTE COUR DÉCIDE:
Rejette l'exception de nullité du pourvoi.
Admet le recours interjeté par la défenderesse A. S.R.L. contre l’arrêt civil no 408A du 9 mars 2023, rendu par la Cour d'appel de Bucarest, 4ème Chambre civile.
Casse l’arrêt attaqué et la renvoit à la même cour d'appel, pour un nouveau jugement.
Définitif.
Prononcé en audience publique, aujourd’hui, le 24 octobre 2023.