A l'audience publique ordinaire du mercredi vingt trois juin mil neuf cent quatre vingt treize
La Société B C
Ab A
VU la déclaration de pourvoi présentée par Maitres Bourgi et Kanjo, avocats à la
Cour pour B C;
LADITE déclaration enregistrée au greffe de la Cour de Cassation et tendant à ce qu'il plaise à la Cour casser l'arrêt n°238 en date du 18 Avril 1990 par lequel la Cour d'Appel de Dakar a confirmé le jugement entrepris en déclarant abusif le licenciement de Ab A et
condamnant la SOTIBA à payer diverses sommes d'argent à titre d'indemnités de préavis, de licenciement, de dommages - intérêts pour licenciement abusif, de dommages-ntérêts pour
refus de délivrance d'un certificat de travail.
CE FAISANT, attendu que l'arrêt attaqué est insuffisamment motivé; qu'il y a défaut de
réponse à conclusions, violation de l'article 51 du Code du travail, dénaturation et enfin
violation de l'article 47 du Code du travail ;
RENVOYER l'affaire devant la Cour d'Appel autrement composée ;
VU l'arrêt attaqué ;
VU la lettre du Greffe en date du 22 Novembre 1990 portant notification de la déclaration de pourvoi au défendeur ;
VU le mémoire en défense présenté par Maitre Guédel NDiaye pour Ab A, ledit
mémoire enregistré au Greffe de la Cour Suprême le 22 Janvier 1991 et tendant au rejet du
pourvoi ;
VU le Code du Travail ;
VU la loi organique sur la Cour de Cassation ;
OUI Monsieur Amadou Makhtar SAMB, en son rapport ;
OUI les parties en leurs observations orales ;
OUI Monsieur Lait y KAMA, Avocat Général, représentant le Ministére Public en ses
conclusions ;
APRES en avoir délibéré conformément à la loi
SUR les 4 moyens réunis tirés de l'insuffisance de motifs, du défaut de réponse à conclusions, de la violation de l'article 51 du Code du Travail, de la dénaturation du procés-verbal de
constat de la Gendarmerie et de la violation de l'article 47 du Code du Travail ;
ATTENDU que pour demander la cassation de l'arrêt n° 238 du 18 Avril 1990 par lequel la
Chambre Sociale
de la Cour d'Appel, confirmant le jugement n° 444 du 30 Juin 1988 du Tribunal du Travail de Dakar, a déclaré abusif le licenciement de Ab A, ex- employé à la B
C et condamné celle-ci à verser à A diverses indemnités à cet effet, la Sotiba, demanderesse au pourvoi, fait valoir quatre séries de moyens tirés de l'insuffisance de motifs, du défaut de réponse à conclusions et de violation de l'article
51 du Code du travail, d'une part, de la dénaturation du procès-verbal de constat de la
Gendarmerie et de la violation de l'article 47 du Code du Travail, d'autre part, en ce que pre- mièrement, pour déclarer abusif le licenciement de A, la Cour d'Appel a simplement
confirmé le jugement du tribunal de Dakar en date du 23 Janvier 1986 lequel s'est satisfait de l'appréciation du juge pénal sans vérifier si les faits reprochés au travailleur sont constitutifs d'une faute civile pouvant justifier le licenciement; qu'en particulier, la Cour
n'a pas répondu à l'argument développé par le demandeur au pourvoi tant en instance qu'en
appel, sevon lequel même la relaxe pure et simple ne saurait être synonyme de licenciement abusif a fortiori la relaxe au bénéfice du doute; que ce faisant elle a également violé l'article 51 du Code du Travail en ce qu'elle a implicitement considéré que dans l'hypothèse où les
faits invoqués pour justifier le licenciement font l'objet de poursuites pénales , seule une
décision du juge pénal serait de nature à faire la preuve du motif légitime du licenciement
alors que l'article 5+ du Code du travail bien que mettant à la charge de l'employeur la preuve du motif du licenciement, n'exige aucune forme de preuve particulière, celle-ci pouvant être rapportée par tous les moyens, que d'autre part, la Cour s'est
limitée, en l'espèce, à reconduire l'appréciation du juge pénal en se"refusant même d'examiner le procès-verbal établi par la Gendarmerie de Thiaroye, alors que dans ledit procès-verbal
A lui-même disait avoir ramassé le produit qu'on lui reprochait d'avoir volé dans
l'enceinte même de l'Usine;qu'enfin pour écarter le motif de licenciement tiré de la perte de
confiance, la Cour d'Appel a implicitement considéré que seul le motif invoqué dans la lettre de licenciement est censé devoir être pris en considération par le juge social, à l'exclusion
de tout autre motif découlant des mêmes faits reprochés à l'employé, alors que l'article 47 du Code du Travail n'exige pas que le motif du licenciement figure sur la lettre de licenciement mais plutôt sur la notification du préavis; qu'en l'espèce puisque A a été licencié pour
faute lourde, le respect de cette formalité ne saurait être exigé de l'employeur ; que par suite, selon la demanderesse au pourvoi, la Cour d'Appel a violé l'article 47 du Code du Travail ;
ATTENDU qu'il est constant, en l'espèce, que A a été licencié le 2 Juin 1987 pour faute lourde découlant uniquement du vol qui lui est reproché et dont les poursuites pénales
engagées ont abouti à un jugement de relaxe au bénéfice du doute, non-appelé et devenu
définitif; que dés lors force est pour le juge social de constater qUE Le vol dont B
C avait accusé A ne lui était pas imputable et que l'employeur n'a pas rapporté la preuve mise à sa charge par l'article 51 du Code du Travail, du motif légitime du li-
cenciement de son employé intervenu avant l'aboutissement des poursuites pénales ; que par ailleurs la perte de confiance alléguée par l'employeur postérieurement au licenciement de
A sur la base des mêmes faits , à savoir le vol non-prouvé qU'aurait commis A , à
l'exclusion de toute faute civile ou professionnelle, ne pouvait être retenue par les juges du
fond pour légitimer le licenciement de A dés lors qu'elle ne se fonde pas sur des faits
dûment établis ou sur des présomptions graves précises et concordantes qui justifient la perte de confiance dans le travailleur
QU'EN conséquence, il résulte de tout ce qui précède qu'il ne saurait être reproché à l'arrêt
attaqué une quelconque insuffisance de motif, un défaut de réponse à conclusions ou la
violation des articles 47 et 51 du Code du travail, ni la dénaturation du procès-verbal de
Gendarmerie, dés lors que la Cour d'Appel a confirmé le jugement entrepris en toutes ses
dispositions et que tous ces points ont été amplement développés dans ledit jugement comme indiqués ci-dessus ;
REJETTE le pourvoi de la B C contre l'arrêt n° 238 du 18 Avril 1990 de la Chambre Sociale de la Cour d'Appel.
DIT qu'à la diligence de Monsieur le Procureur Général prés la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transcrit sur les registres de la Cour d'Appel en marge ou à la suite de l'arrêt
AINSI fait, jugé et prononcé par la Cour de Cassation, Chambre
sociale, en son audience publique ordinaire des jour, mois et an que dessus à laquelle
siégeaient Messieurs ;
Amadou Makhtar SAMB, Président de Chambre, Rapporteur ;
Moustapha TOURE, Bassirou DIAKHATE, Conseillers ;
EN présence de Monsieur Laïty KAMA, Avocat Général, représentant le Ministère public et avec l'assistance de Me Abdou Razakh DABO, Greffier ;
ET ont signé le présent arrêt le Président- Rapporteur, les conseillers et le
Greffier.