REPUBLIQUE DU SENEGAL AU NOM DU PEUPLE SENEGALAIS ¤¤¤¤¤ COUR SUPREME CHAMBRE ADMINISTRATIVE ¤¤¤¤¤ AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU JEUDI VINGT SIX DECEMBRE DE L’AN DEUX MILLE DIX NEUF ¤¤¤¤¤ ENTRE :
Am Ae Aa Ad (GMT) SUARL, ayant son siège à Dakar, 2201 Ac A Al, poursuites et diligences de son représentant légal, Monsieur Aj Ak Ah, demeurant à Dakar, 14, Ab Ag, faisant élection de domicile en l’Etude de Maître Samba Amétti, avocat à la Cour, 130, Rue An Ai A Ao Af, tel : 33.821.99.75, Email : amettisamba@gmail.com ;
Demandeur ;
D’une part,
ET : L’État du Sénégal, pris en la personne de Monsieur l’Agent judiciaire de l’État, en ses bureaux sis au Ministère de l’Économie, des Finances et du Plan, building Peytavin, Avenue de la République x Carde à Dakar ;
Défendeur ;
D’autre part,
Vu la requête reçue le 18 juillet 2018 au Greffe central par laquelle la société Am Ae Aa Ad (GMI SUARL), élisant domicile … l’étude de Maître Samba Ametti, avocat à la Cour, sollicite l’annulation de l’arrêté n°002120 du 14 février 2018 du Ministre du Renouveau urbain, de l’Habitat et du Cadre de Vie portant autorisation de lotir un terrain non immatriculé (TNI) d’une superficie de 182 ha 48a et 32ca pour le compte de la Commune de Bargny ;
Vu la loi organique n°2017-09 du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême ;
Vu la loi organique n°64-46 du 17 juin 1964 relative au domaine national ;
Vu le Code de l’urbanisme ;
Vu la loi n°2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la Propriété foncière ; Arrêt n°50 du 26 décembre 2019 ¤¤¤¤¤ Administratif ¤¤¤¤¤ Affaire n° J/278/RG/18 18/7/18 ¤¤¤¤¤
Am Ae Aa Ad (GMT) SUARL (Me Samba Amétti) CONTRE Etat du Sénégal (Agent judiciaire de l’Etat) RAPPORTEUR Abdoulaye Ndiaye
PARQUET B Ousmane Diagne
AUDIENCE 26 décembre 2019
PRESENTS Abdoulaye Ndiaye, Président,
Oumar Gaye, Adama Ndiaye,
Idrissa Sow,
Fatou Faye Lecor Diop, Conseillers,
Cheikh Diop, Greffier
MATIERE Administrative RECOURS Annulation Vu l’exploit du 21 septembre 2018 de Maître Mademba Guèye, huissier de justice à Dakar portant signification de la requête ;
Vu le mémoire en défense reçu le 5 novembre 2018 au greffe ;
Vu la lettre du 4 février 2019 du Président de la Chambre administrative ; Vu la lettre du 24 juin 2019 du Directeur des Domaines ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Ouï Monsieur Oumar Gaye, conseiller, en son rapport ; Ouï Monsieur Ousmane Diagne, avocat général, en ses conclusions tendant à l’annulation ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Considérant que le 6 février 2018 la société Am Ae Aa Ad (GMI SUARL), a bénéficié d’un bail sur un terrain d’une superficie de 08ha 78a et 46ca destiné à la construction d’une gare routière urbaine, interurbaine et internationale ; Que, les 6 avril et 14 novembre 2016, elle a soumis deux demandes de baux complémentaires sur le site portant d’une part, sur une superficie de 08ha 68a 27ca identifiée sous NICAD 013101000120002 et, d’autre part, sur une superficie de 19ha 60a 11ca identifiée sous NICAD 013101000120003 ; Que le 19 avril 2018, la Commission des opérations domaniales a sursis à émettre un avis jusqu’à la finalisation du Plan de Développement urbain (PDU) ;
Que le Ministre du Renouveau urbain, de l’Habitat et du Cadre de Vie a pris l’arrêté n°002120 du 14 février 2018 portant autorisation de lotir, en parcelles à usage d’habitation, un terrain non immatriculé (TNI) d’une superficie de 182ha 48a et 32ca pour le compte de la Commune de Bargny ; Que la société GMIT SUARL qui estime que ce projet de lotissement englobe le terrain qui lui a été attribué par voie de bail et ceux sur lesquels porte ses demandes de baux complémentaires, sollicite l’annulation de l’arrêté en soulevant quatre moyens ;
Considérant que l’Etat du Sénégal a conclu au rejet du recours ;
Sur le premier moyen, divisé en six branches, tiré de l’incompétence du Ministre du Renouveau urbain, de l’Urbanisme et de l’Habitat en ce que ce dernier a autorisé la Commune de Bargny à procéder au lotissement du site litigieux, emportant, sans immatriculation préalable, attribution du terrain à ladite commune et aux futurs acquéreurs de parcelles, en méconnaissance des dispositions suivantes :
des articles 1er, 2, 3, 36 et 37 alinéa 1er de la loi n°64-46 du 17 juin 1964 relative au Domaine national, le ministre n’ayant pas compétence pour affecter des terres du Domaine national non immatriculées et non incorporées au Domaine privé de l’Etat ;
des articles 4, 5, 10 et 19 de la loi n°2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la Propriété foncière, l’immatriculation au nom de l’Etat des immeubles dépendant du Domaine national étant de la compétence exclusive des chefs de Bureaux de la Conservation foncière et un préalable obligatoire à la validité des conventions constituant, modifiant ou transférant un des droits réels immobiliers énumérés à l’article 19 de cette loi, dont, notamment les droits d’usage et d’habitation ;
des articles 1er, 2, 3, 21 55, 56 et 58 de la loi n°76-66 du 2 juillet 1976 portant Code du Domaine de l’Etat, 23 du décret n°81-557 du 21 mai 1981 portant application du Code du Domaine de l’Etat en ce qui concerne le domaine privé, le service des Domaines ayant seul compétence pour requérir l’immatriculation d’un TNI en vue de son incorporation au domaine privé de l’Etat, la Direction de l’Enregistrement, des Domaines et du Timbre ayant seule compétence pour affecter ces immeubles à une commune ou à des tiers et ce, aux conditions préalables d’immatriculation du terrain au nom de l’Etat après l’avis de la CCOD sur le projet envisagé ;
des articles 41 et 43 de la loi n°2008-43 du 20 août 2008 portant Code l’urbanisme modifiée, l’autorisation de lotir étant délivrée par le ministre chargé de l’Urbanisme, après avis de la collectivité concernée, au propriétaire du terrain ou à son mandataire, alors qu’en l’espèce, l’autorisation de lotir concerne un TNI non incorporé au domaine privé de l’Etat et n’appartenant pas à un propriétaire identifié ;
des articles R148 et R150 du décret n°2009-1450 du 30 décembre 2009 portant partie réglementaire du Code de l’Urbanisme, l’autorisation de lotir étant délivrée par le ministre chargé de l’Urbanisme au propriétaire ou à son mandataire qui a signé la demande alors qu’en l’espèce l’autorisation de lotir concerne un TNI non incorporé au domaine privé de l’Etat et n’appartenant pas à un propriétaire identifié ;
de l’article 1er du décret n°2005-617 du 13 juillet 2005 portant organisation administrative pour la conduite de différents projets en matière d’urbanisme et d’aménagement, le ministre de l’Urbanisme étant chargé de la conduite, pour le compte de l’Etat, des projets Nouvelle Ville, Village des Nations unies et Cité universelle de la Paix alors que le projet de lotissement autorisé par l’arrêté attaqué n’est pas compris dans ces projets ;
Les branches étant réunies ;
Considérant qu’il résulte de l’article 3 alinéa 1er de la loi n°64-46 du 17 juin 1964 relative au Domaine national et 34 de la loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la Propriété foncière que seul l’Etat peut requérir l’immatriculation des terres du Domaine national en son nom ; Considérant que la loi n°64-46 du 17 juin 1964 exige la mise en valeur des terres et permet à l’Etat et aux collectivités Territoriales de réaliser des opérations d’aménagement et des infrastructures dans les agglomérations, conformément aux prescriptions des Plans directeurs d’Urbanisme (PDU) ;
Que ces plans définis par le Code de l’Urbanisme s’appliquent aux communes et comportent, notamment, la répartition et l’organisation du sol en zones suivant leurs affectations ainsi que le tracé de toutes les voies de circulation (routes nationales, régionales, départementales et autres voies primaires) ;
Qu’ils sont complétés par les plans d’urbanisme de détails (PUD) prévu par l’article 9 du même texte, lesquels reprennent à plus grande échelle les dispositions d’aménagement d’une zone et précisent les dispositions des plans directeurs et schémas d’urbanisme, en fonction des spécificités de chaque secteur concerné, notamment la délimitation des zones d’affectation en considération de la nature et valeur des sols, des règles d’utilisation du sol et de l’équilibre écologique, le tracé des voies de circulation et les emplacements réservés aux équipements ; Considérant que contrairement aux allégations de la requérante, le ministre n’a pas affecté des terres du Domaine national non immatriculées et non incorporées au domaine privé de l’Etat à la Commune de Bargny ; Qu’en l’espèce, il s’agit plutôt d’une autorisation de lotissement accordée à celle-ci ; Considérant que l’arrêté attaqué, pris après avis des services techniques compétents qui autorise la commune à procéder à des opérations de lotissement, s’intègre dans ce dispositif d’aménagement global et de détermination des zones réservées à l’habitat dans la commune de Bargny;
Qu’il s’y ajoute qu’aucune disposition du Code de l’Urbanisme n’exige l’immatriculation préalable des terres concernées, celle-ci pouvant intervenir, à tout moment, à l’initiative de l’Etat, conformément à l’article 3 de la loi sur le Domaine national ; Qu’il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen tiré du détournement de pouvoir et de la violation de la loi en ce qu’au vu des textes visés au premier moyen le Ministre du Renouveau urbain, de l’Urbanisme et de l’Habitat, en autorisant le lotissement, a :
procédé à l’affectation directe du TNI à la Commune de Bargny, contournant ainsi les exigences de la loi, relatives à l’immatriculation préalable au nom de l’Etat du site et à son incorporation à son domaine privé ;
poursuivi un but contraire à l’intérêt général, lequel imposait de respecter les exigences légales de l’immatriculation préalable au nom de l’Etat du site et de recours préalables aux services compétents du Domaine et de la CCOD ;
délibérément invoqué à l’appui de sa décision l’article 1er du décret n°2005-617 du 13 juillet 2005 susvisé qui n’est pas applicable en l’espèce ;
Considérant que le détournement de pouvoir consiste pour l’autorité administrative à utiliser ses pouvoirs dans un but autre que celui pour lequel lesdits pouvoirs lui ont été conférés ; Considérant que l’arrêté attaqué est relatif à un lotissement de 3343 parcelles de terrains et à divers équipements collectifs tels que, la réalisation d’un collège d’enseignement moyen, d’un marché central, des locaux de la mairie, d’un espace réservé à la police ; Qu’il n’en demeure pas moins qu’en privilégiant, selon les dispositions de l’article 42 du Code de l’Urbanisme, la réalisation de logements et des équipements administratifs et commerciaux d’utilité publique, l’autorité administrative a poursuivi un but d’intérêt général ; Considérant qu’en outre, le visa même à tort de l’article 1er du décret n°2005-617 du 13 juillet 2005 ne saurait être de nature à entacher d’irrégularité l’acte querellé ; Qu’il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation et de la violation de la loi en ce qu’en vertu des articles 41 et 43 du Code l’Urbanisme et R148 R150 du décret n°2009-1450 du 30 décembre 2009 portant partie réglementaire du Code de l’Urbanisme, des lettres des 18 et 23 janvier 2017 du Chef du service départemental de l’Urbanisme de Rufisque que le terrain objet du lotissement se situe dans une zone d’activités et non d’habitation, et que le projet n’est pas conforme au plan d’urbanisme et ne se trouve pas dans une zone approuvée par le comité d’urbanisme alors que la société GIMT SUARL bénéficie sur ce site d’un bail du 6 février 2018 qui l’autorise à construire et exploiter une gare routière ;
Considérant que l’erreur manifeste d’appréciation est une erreur grave et apparente rendant inappropriée la décision aux motifs qui l’ont provoquée ;
Considérant que le projet est conforme aux prescriptions du plan d’urbanisme en vigueur dans la zone, l’autorisation de lotir ayant été accordée sur le fondement de l’article R 149 du Code l’Urbanisme ;
Qu’il s’y ajoute que les lettres des 18 et 23 janvier visés au moyen n’ont pas été produites par la requérante ;
Considérant qu’en outre, le site du lotissement est bien différent de celui sur lequel la requérante a déjà obtenu un bail, comme cela résulte de l’instruction ordonnée par la Cour et notamment de la réponse du 24 juin 2019 du Directeur des Domaines qui précise que le terrain objet du bail est en dehors de l’assiette du lotissement ;
Qu’il s’ensuit que le moyen doit être rejeté ;
Sur le quatrième moyen pris de la violation du principe de l’intangibilité des droits acquis en ce qu’au vu de son bail et des avis favorables du 19 avril 2018 de la Commission de contrôle des opérations domaniales subordonnant à la finalisation du Plan de Développement urbain (PDU) en vue de l’attribution sur le même site des deux baux supplémentaires, la décision attaquée qui emporte modification de la destination du terrain porte attente à ses droits acquis à l’implantation et à l’exploitation de ses activités de gare routière ; Considérant que la CCOD, en sa séance du 19 avril 2018, n’a pas émis d’avis à l’attribution sur le même site de deux baux supplémentaires, mais a plutôt sursis à se prononcer sur la demande jusqu’à la finalisation du Plan de Développement urbain (PDU) ;
Qu’au demeurant, la lettre du 24 juin 2019 du Directeur des Domaines précise que la demande de baux complémentaires porte sur un terrain compris dans l’assiette du lotissement, le Ministre de l’urbanisme est alors incompétent pour attribuer par voie de bail un terrain du domaine national ;
Que, dès lors, le moyen est mal fondé ; Par ces motifs Rejette le recours introduit par la société Am Ae Aa Ad (GMI SUARL) contre l’arrêté n°002120 du 14 février 2018 du Ministre du Renouveau urbain, de l’Habitat et du Cadre de Vie portant autorisation de lotir un terrain non immatriculé (TNI) d’une superficie de 182 ha 48a et 32 pour le compte de la Commune de Bargny ; Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre administrative de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents :
Abdoulaye Ndiaye, Président,
Oumar Gaye, Adama Ndiaye,
Idrissa Sow,
Fatou Faye Lecor Diop, Conseillers,
Ousmane Diagne, Avocat général ;
Cheikh Diop, Greffier ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, les conseillers et le greffier.
Le Président Le Conseiller rapporteur Abdoulaye Ndiaye Oumar Gaye Les Conseillers : Adama Ndiaye Idrissa Sow Fatou Faye Lecor Diop Le Greffier
Cheikh Diop