ARRÊT N° 02 DU 02 JANVIER 2020
LA BANQUE RÉGIONALE DES MARCHÉS SA
(MAÎTRE BABACAR CAMARA)
c/
C Y
(MAÎTRE AMADOU X)
ESCROQUERIE – PRÊT – CAUTION HYPOTHÉCAIRE – REMISE DE FONDS – TIERS – CONSÉQUENCE DIRECTE – MANŒUVRES FRAUDULEUSES
Viole les dispositions de l’article 379 du code pénal, la cour d’Appel qui pour relaxer un prévenu du chef d’escroquerie, retient qu’une caution hypothécaire n’est pas destinataire des fonds versés dans le compte de la société dont il est le gérant, aucune remise ne pouvant être effectuée entre ses mains en qualité de caution, alors que le délit d’escroquerie est constitué lorsque la remise des fonds a été opérée entre les mains d’un tiers dès lors que ladite remise de fonds est la conséquence directe des manœuvres frauduleuses auxquelles s’est livré le prévenu, directeur général de la société qui a reçu ces fonds.
La Cour suprême,
Vu la loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen tiré de la violation des dispositions de l’article 379 du code pénal, en ce que l’arrêt attaqué a renvoyé le prévenu des fins de la poursuite du chef d’escroquerie aux motifs que la remise des fonds n’a pas été effectuée entre ses mains en sa qualité de caution hypothécaire de la société Carrefour Automobiles, personne morale destinataire des fonds versés effectivement dans son compte et « qu’en sa qualité de professionnelle du prêt, la Banque régionale des marchés était tenue avant d’accepter la garantie de procéder aux vérifications nécessaires, ce qui fut fait puisque l’état des droits réels de 2009 délivré par les services compétents versé aux débats confirme que le lot 7/A du TF 4 487 était de 4 000 m² et qu’il était en voie de morcellement, même si celui de 2016 nous renseigne sur des modifications relatives au numéro du titre et à la superficie du terrain surtout qu’il est intervenu postérieurement à toute remise », alors que la manœuvre frauduleuse qui a consisté à donner, par actes notariés, un immeuble en hypothèque avec des rangs déjà attribués à la Banque sénégalo-
tunisienne dite BST et en lui accordant une superficie qu’elle ne pouvait avoir en toute connaissance de cause, est antérieure à la remise ;
Vu l’article 379 du code pénal ;
Attendu qu’aux termes de l’alinéa premier de ce texte « Quiconque, soit en faisant usage de faux noms ou de fausses qualités, soit en employant des manœuvres frauduleuses quelconques, se sera fait remettre ou délivrer, ou aura tenté de se faire remettre ou délivrer des fonds, des meubles ou des obligations, dispositions, billets, promesses, quittances ou décharges, ou des biens quelconques et aura par un de ces moyens, escroqué ou tenté d’escroquer la totalité ou partie de la fortune d’autrui, sera puni d’un emprisonnement d’un an au moins et de cinq au plus, et d’une amende de 100 000 à 1 000 000 de francs » ;
Attendu que, pour renvoyer le prévenu des fins de la poursuite du chef d’escroquerie, l’arrêt attaqué énonce qu’ « il est constant que les différents contrats de prêt versés aux débats ont été signés entre la Banque régionale des marchés dite BRMA SA et la société Carrefour Automobiles, personne morale et que le prévenu C Y n’est qu’une caution hypothécaire (…) ; qu’il n’est pas destinataire des fonds qui ont été versés dans le compte de ladite société et que par conséquent aucune remise ne peut être effectuée entre ses mains en sa qualité de caution » ;
Qu’en statuant ainsi, alors que le délit d’escroquerie est constitué, comme en l’espèce, lorsque la remise des fonds a été opérée entre les mains d’un tiers, la Société Carrefour Automobiles, dès lors que ladite remise de fonds par la Banque régionale des marchés dite BRM SA est la conséquence directe des manœuvres frauduleuses auxquelles s’est livré le prévenu, directeur général de la société qui a reçu ces fonds, la cour d’Appel a violé le texte visé au moyen ;
D’où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens ;
Casse et annule l’arrêt n° 469 du 5 novembre 2018 de la cour d’Appel de Dakar ;
Et, pour être statué à nouveau conformément à la loi :
Renvoie la cause et les parties devant la cour d’Appel de Aa ;
Met les dépens à la charge du Trésor public ;
Dit que le présent arrêt sera imprimé, qu’il sera transcrit sur les registres de la cour d’Appel de Dakar en marge ou à la suite de la décision attaquée ;
Ordonne l’exécution du présent arrêt à la diligence du Procureur général près la Cour suprême.
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour suprême, chambre criminelle, en son audience publique ordinaire tenue les jour, mois et an ci-dessus et à laquelle siégeaient Madame et Messieurs :
PRÉSIDENT : AMADOU BAL ; CONSEILLERS : WALY FAYE, B A, MBACKÉ FALL, MOUSTAPHA BA ; AVOCAT GÉNÉRAL : SALOBÉ GNINGUE ; GREFFIÈRE : MAÎTRE ROKHAYA NDIAYE GUÉYE.