COUR SUPRÊME
ARRÊT N° 02
des Arrêts n° 21-22
DU 23 JANVIER 2020
- Ac A
- COMMUNE DE BAGHÈRE
DOMAINE NATIONAL — OCCUPATION — DÉSAFFECTATION — CONDI- TION — MISE EN DEMEURE — NON — PROCÈS-VERBAL NON SIGNÉ PAR L’AFFECTATAIRE
Selon les dispositions de l’article 9 du décret n° 72-1288 du 27 octobre 1972 relatif aux conditions d'affectation et de désaffectation des terres du domaine national comprises dans les communautés rurales, la désaffectation totale ou partielle d’une parcelle dépendant du domaine national peut être prononcée si, un an après une mise en demeure restée sans effet, il est constaté un manquement aux obligations de l’affectataire.
Ne constitue pas une mise en demeure régulière au sens de cette disposition, un procès- verbal établi unilatéralement et dépourvu de la signature de l’affectataire.
La Cour suprême,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Considérant que, par délibération n° 027/AT/SP du 30 juin 2004 du conseil rural de Tanaff, Ac A a bénéficié de l’affectation d’une parcelle de terrain de 9 240 m° pour la réalisation d’un complexe touristique ; que par délibération du 19 janvier 2018 du conseil municipal de Baghère, approuvée par le sous-préfet de Ad Ab, ladite parcelle a été désaffectée pour défaut de mise en valeur et détournement d'objectif consistant en la location du terrain à des entreprises privées ;
Qu’Ac A sollicite l’annulation de cette décision en soulevant trois moyens tirés d’une violation de la loi, d’un défaut de base légale et d’une absence de notification de la délibération ;
Considérant que la commune de Baghère soutient que le recours a été introduit hors du délai prévu par la loi et doit, de ce fait, être déclaré irrecevable ;
Qu'elle fait valoir que la délibération adoptée le 19 janvier 2018 et approuvée le 23 février 2018 a été publiée puis notifiée oralement au requérant ;
Considérant que l’État du Sénégal a également conclu à l’irrecevabilité au motif qu’Ac A a eu connaissance de la décision de désaffectation du fait de son exécution d’office ;
Considérant que, selon les dispositions de l’article 74-1 de la loi organique sur la Cour suprême, le délai de recours contre une décision administrative qui est de deux (2) mois, court à compter de la publication ou de la notification de la décision attaquée, à
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moins qu’elle ne doive être signifiée, auquel cas, ce délai court à compter de la date de la signification ;
Que la connaissance acquise, au même titre que la publication et la notification, fait courir le délai du recours pour excès de pouvoir ;
Considérant qu’il ne résulte pas des pièces du dossier que la délibération attaquée a été publiée, notifiée au requérant ou que celui-ci en a eu connaissance ;
Considérant que, par ailleurs, la commune de Baghère soulève l’irrecevabilité du recours, au motif que le requérant n’a pas observé la formalité de saisine préalable du représentant de l’État, prescrite par l’article 232 du code général des collectivités terri- toriales ;
Considérant qu’aux termes de la disposition précitée, « aucune action autre que les actions possessoires ne peut, à peine d’irrecevabilité, être intentée contre une collectivité territoriale qu’autant que le demandeur a préalablement adressé au représentant de l’État, par lettre recommandée avec accusé de réception, un mémoire exposant l’objet et les motifs de sa réclamation » ;
Que toutefois, les actions judiciaires visées concernent le plein contentieux et non le recours pour excès de pouvoir qui est un recours objectif dirigé contre un acte adminis- tratif ;
Qu'il s’ensuit que l’irrecevabilité n’est pas encourue ;
Sur le premier moyen tiré de la violation de l’article 9 du décret n° 72-1288 du 27 octobre 1972 relatif aux conditions d’affectation et de désaffectation des terres du domaine national comprises dans les communautés rurales, en ce que la délibération prononçant la désaffectation de la parcelle n’a pas été précé- dée d’une mise en demeure ;
Et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens ;
Considérant que selon les dispositions de l’article 9 du décret susvisé, la désaffecta- tion totale ou partielle d’une parcelle dépendant du domaine national peut être pronon- cée d’office si, un an après une mise en demeure restée sans effet, il est constaté par le président du conseil rural des manquements aux obligations de l’affectataire, notam- ment une insuffisance de mise en valeur ou une inobservation répétée et grave des règles fixées en matière d'utilisation des terres ;
Que la commune de Baghère, qui a fait valoir qu’une mise en demeure a été adressée à MENDY lors de la réunion du 27 février 2017, a produit, à l’appui, un procès-verbal par lequel le maire déclarait avoir signifié à cette occasion au requérant que la commune se réservait le droit de procéder à la désaffectation ;
Considérant que ce procès-verbal établi de manière unilatérale et dépourvu de la signature de l’affectataire ne saurait constituer une mise en demeure régulière au sens de l’article 9 du décret précité ;
Que, dès lors, l’annulation de la délibération est encourue ;
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Par ces motifs ;
Annule la délibération n° 02/C.BG 2018 du 19 janvier 2018 du conseil municipal de Baghère portant désaffectation des terres du domaine national situées à Aa sur la RN6 précédemment affectées à Ac A approuvé par arrêté d'approbation n° 43/ASB/SP du 23 février 2018 du sous-préfet de Simbandi-Brassou.
Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre administrative de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents Madame et Messieurs :
PRÉSIDENT : ABDOULAYE NDIAYE ; CONSEILLERS : B X, C Y, MBACKÉ FALL, IDRISSA SOW ; AVOCAT GÉNÉRAL : MARÈME DIOP GUÉYE ; AVOCATS : MAÎTRE ABDOU DIALY KANE, MAÎTRE EL HADJI MAN- SOUR NDIONGUE ; GREFFIER : CHEIKH DIOP.
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