Bulletin des Arrêts n°5 21-22
ARRÊT N° 11 DU 26 FÉVRIER 2020
A A
LA SOCIÉTÉ SEN SÉCURITÉ
CONTRAT DE TRAVAIL — EXÉCUTION - OBLIGATIONS DE L’EMPLOYEUR — AFFILIATION DU TRAVAILLEUR AUX INSTITUTIONS DE PRÉVOYANCE SOCIALE — DÉFAUT - ACTION EN JUSTICE — RESPON- SABILITÉ —- PRÉJUDICE
Viole les articles 118, 119 et 133 du code des obligations civiles et commerciales et les articles 24 de la loi la loi n° 75-50 du 3 avril 1975 relative aux Institutions de pré- voyance et L 130 du code du travail, une cour d’Appel qui déclare irrecevable l’action en paiement de dommages et intérêts pour non-recouvrement des cotisations sociales au motif que c’est une action qui incombe à l'institution sociale concernée, alors qu’en cas de défaut d’affiliation d’un travailleur aux institutions de prévoyance sociale obli- gatoires, le travailleur peut agir en réparation du préjudice en découlant.
La Cour suprême,
Vu la loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême ;
Vu les moyens annexés ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que A A, engagé par la société SEN SECURITE en qualité d’agent de sécurité le 1er janvier 1993 et mis à la retraite le 31 juillet 2011, à reçu notification de l’Institution de Prévoyance Retraite du Sénégal, dite IPRES, que seules ses cotisations sociales de 2002 à 2011 ont été versées ;
Sur le moyen soulevé d’office, en application de l’article 73-4 de la loi orga- nique susvisée, et tiré de la violation des articles 118, 119 et 133 du code des obligations civiles et commerciales, 24 de la loi n° 75-50 du 3 avril 1975 rela- tive aux Institutions de prévoyance sociale et L.130 du code du travail ;
Vu les articles cités au moyen ;
Attendu que selon les trois premiers textes, est responsable, celui qui par sa faute cause un dommage à autrui, la faute étant un manquement à une obligation préexis- tante de quelque nature qu’elle soit, le préjudice étant réparé en principe, par équiva- lence, en allouant des dommages et intérêts ; qu’en vertu des articles 24 de la loi citée ci-dessus sur les Institutions de prévoyance sociale et L.130 du code du travail, l’employeur doit, d’une part, dans le délai de deux mois à compter du premier embau- chage, affilier le travailleur en qualité de membre participant aux institutions de pré- voyance sociales obligatoires et, d’autre part, prélever d’office sur ses salaires, les coti- sations obligatoires ou autorisées de prévoyance sociale ;
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Arrêts de la Cour suprême — Année judiciaire 2020
Attendu que pour déclarer irrecevable la demande de A A, cour d’Appel a retenu que « l’action de recouvrement des cotisations sociales à la charge de tout em- ployeur incombe à l’institution sociale concernée » ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu’en cas de défaut d’affiliation d’un travailleur aux institu- tions de prévoyance sociale obligatoires, le travailleur peut agir en réparation du préju- dice en découlant, cour d’Appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs :
Et sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens du pourvoi :
Casse et annule l'arrêt n° 584 du 26 juillet 2018 de cour d’Appel Aa ;
Renvoie la cause et les parties devant cour d’Appel de Thiès ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre sociale de la Cour suprême, en son audience publique tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents :
PRÉSIDENT : JEAN LOUIS PAUL TOUPANE ; CONSEILLERS : AMADOU B C, OUMAR GAYE, KOR SÈNE ; CONSEILLER - RAPPORTEUR : AMADOU LAMINE BATHILY; AVOCAT GÉNÉRAL : BIRAME FAYE ; GREF- FIER : ARAME DIOP.
3°) Exposé sommaire des moyens :
L'arrêt n° 584 du 26 juillet 2018 de la 4èwe chambre sociale de la cour d’Appel mérite la censure pour les moyens ci-après :
« Dénaturation des faits
« Contradiction de motifs
* Violation de l’article 10 alinéa 3 de la loi 2014-26 du 03 novembre 2014 abrogeant et remplaçant la loi 84-19 du 20 février 1984 fixant l’organisation judiciaire
+ Violation des dispositions de l’article 1-6 du code de procédure civile
3-1 : Sur la dénaturation des faits
Pour déclarer irrecevable l’action du requérant, la cour d’Appel a affirmé « Considérant qu’à son admission à la retraite, l’intimé a estimé que son employeur n’a pas régulière- ment cotisé pour lui au fond de retraite.
Considérant que l’action en recouvrement des cotisations sociales à la charge de tout employeur incombe à l'institution sociale concernée et dès lors l’action engagée par l’intimé doit être déclarée irrecevable » (page 3 de l’arrêt)
En se prononçant ainsi, la Cour a considéré que l’action du requérant est une action en recouvrement des cotisations sociales.
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vs Bulletin des Arrêts n°5 21-22
Or, depuis sa requête introductive d’instance et tout au long de la procédure, le requé- rant a toujours indiqué que le défaut de versement par la société SEN SÉCURITÉ de ses cotisations sociales auprès de l’IPRES, lui a causé un énorme préjudice et a ainsi sollicité la condamnation de la société SEN SÉCURITÉ à lui payer la somme de 20 000 000 FCFA à titre de dommages et intérêts pour défaut de versement de cotisation sociales à Or, l’action en paiement de dommages née de la carence de la société SEN SÉCURITÉ qui a causé un préjudice direct et certain au requérant est radicalement différente de l’action en recouvrement des cotisations sociales qui appartient à l’IPRES.
La Cour a donc dénaturé les faits.
3.2 : Sur la contradiction des motifs
Pour confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté l’exception de prescription soulevé par la société SEN SÉCURITÉ, la Cour a retenu « Considérant, selon le premier juge, la demande en paiement de dommages et intérêts pour non-versement de cotisations à l’IPRES doit être faite à compter de la mise à. la retraite, c’est-à-dire le 31 juillet 2011, que le 21 juillet 2016, date de saisine du tribunal du travail, la demande de DIOUF n’était pas atteinte par la prescription, il y a lieu de recevoir l’action.
Considérant comme le premier juge, l’action aux fins de solliciter la condamnation de l'employeur à réparer le préjudice né du non-versement de cotisations à l’IPRES ne court qu’à compter de la mise à la retraite, période pendant laquelle l’employé est censé être informé de sa nouvelle situation juridique et de la prise en charge ou non de ses droits par l’employeur ; qu’à bon droit, le premier juge a rejeté l’exception, il échet de confirmer le jugement sur ce point » (page 3 de l'arrêt)
Par ailleurs, pour déclarer irrecevable l’action, la Cour a affirmé « Considérant que l’action en recouvrement des cotisations sociales à la charge de tout employeur in- combe à l'institution sociale concernée et dès lors l’action engagée par l'intimé doit être déclarée irrecevable . » (page 3 de l’arrêt)
La Cour a donc, à la fois considéré que l’action du requérant est une action en paiement de dommages et intérêts pour non-versement de cotisations sociales et une action en recouvrement de cotisations sociales. Ce qui constitue une contradiction flagrante.
3-3 : Sur la violation de l’article 10 alinéa 3 de la loi 2014-26 du 03 no- vembre 2014 abrogeant et remplaçant la loi 84-19 du 02 février 1984 fixant l’organisation judiciaire
Aux termes de l’article 10 alinéa 3 de la loi 2014-26 du 03 novembre 2014 « les ju- gements doivent être motivés à peine de nullité ».
Cette obligation de motivation impose que les motifs du jugement soient exacts et suffisants.
Or, pour déclarer irrecevable l’action du requérant, la Cour a affirmé « Considé- rant que l’action en recouvrement des cotisations sociales à la charge de tout employeur incombe à l'institution sociale concernée et dès lors l’action engagée par l’intimé doit être déclaré irrecevable ». (page 3 de l’arrêt)
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Or, il résulte de la requête introductive d'instance et de tout l’argumentaire du requé- rant au cours de la procédure, qu’il a formulé une demande, en paiement de dommages et intérêts pour défaut de versement de cotisation sociales à l’IPRES.
La Cour a donc violé l’article 10 alinéa 3 de la loi 2014-26 du 03 novembre 2014 en ne basant pas sa décision sur des motifs exacts.
3-4 : Sur la violation des disposition de l’article 1-6 du code de procédure civile
Il résulte des dispositions de l’article 1-6 du code de procédure civile que « le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
Il doit donner ou restituer aux faits leur exacte qualification. »
Or en l'espèce, la cour d’Appel a considéré que l’action du requérant en paiement de dommages et intérêts pour défaut de cotisations sociales est une action en recouvre- ment de cotisations sociales qui incombe à l’institution sociale concernée. »
Ce faisant, la Cour a retenu en substance que l’action du requérant est une action en recouvrement de cotisations sociales.
Or, le requérant n’a jamais introduit une action en recouvrement de cotisation sociales.
Or, la Cour d’Appel dans d’autres affaires opposant la société SEN SÉCURITÉ à ses em- ployés notamment dans l’affaire Ab A contre SEN SÉCURITÉ - Arrêt n°447 du 07 juillet 2017, a confirmé le jugement qui a alloué au sieur Ab A des sommes à titre de dommages et intérêts pour défaut de versement de cotisations so- ciales.
La Cour a donc violé les dispositions de l’article 1-6 du code de procédure civile.
Au regard de tous ces éléments, la décision querellée est d’une nullité grossière.
Il échet donc de casser l’arrêt et évoquant, réformer le montant des dommages et in- térêts et allouer au requérant la somme de 20 000 000 FCFA à titre de dommages et intérêts pour défaut de versement des cotisations sociales et confirmer pour le surplus.
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