Bulletin des Arrêts n°5 19-20
COUR SUPRÊME
ARRÊT N° 14 DU 7 AVRIL 2020
AJ A
(MAÎTRE FRANÇOIS SARR & ASSOCIÉS)
AL AK DITE BENGA
(MAÎTRE NAFISSATOU DIOUF MBODJ)
SUCCESSIONS — ATTRIBUTION PRÉFÉRENTIELLE — IMMEUBLE — FIN INDIVISION SUCCESSORALE — DÉFAUT DE VÉRIFICATION — CAUSE — DEMANDE D’ATTRIBUTION PRÉFÉRENTIELLE — REJET — SANCTION
Ne justifie légalement sa décision, une cour d’Appel qui, sans vérifier si l’indivision successorale avait pris fin, notamment par un partage définitif et irrévocable ou par une vente, a rejeté la demande d'attribution préférentielle formulée par chacune des parties aux motifs que l'immeuble dont l'attribution est sollicitée, a été muté au nom des demandeurs qui en sont ainsi devenus propriétaires dans l’indivision et qui ne se trouvait plus dans le patrimoine de leur auteur.
La Cour suprême,
Vu la loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation, que Ab AH est décédée à Dakar le 22 octobre 1998, laissant comme habiles à lui succéder deux filles, AL AK et AJ A et un fils Aa AK ; que celui-ci ayant renoncé à la succession, ses deux sœurs ont fait procéder à l’inscription de leurs noms sur l'immeuble immatriculé 8119/GRD, composant l'actif successoral ; que par actes des 25 juin et 26 juin 2008, AJ A et AL AK ont chacune demandé l’attribution préférentielle de l'immeuble ;
Sur le moyen tiré de la violation de l’article 476 du code la famille ;
Vu ledit texte, ensemble les articles 407 al. 1 du même code et les articles 46, 47 et 49 de la loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière ;
Attendu qu’il résulte de ces trois derniers textes que la publication aux livres fonciers des droits réels constitués sur les immeubles postérieurement à leur immatriculation, prévue à l’article 2 et exigée par l’article 20 de la loi de 2011 pour l'existence et la validité des dits droits à l’égard des tiers, est assurée par la formalité de l’inscription ; que tous faits (...), ayant pour objet de constituer, transmettre, déclarer, modifier ou éteindre un droit réel immobilier, d’en changer le titulaire ou les conditions d’existence, (....) doivent, en vue de l'inscription, être constatés par acte authentique sauf dérogations législatives ;
Que la constatation écrite des mutations opérées par décès est faite, entre autres, au moyen de jugement d’hérédité, contenant : 1) l’énonciation conforme aux actes de l’état civil, pour les individus, des prénoms, nom, profession et domicile du défunt et de ses héritiers (...) ; 3) la désignation par le numéro de titre foncier des immeubles transmis
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Arrêts de la Cour suprême — 2009-2020
COUR SUPRÊME
Que selon les articles 407 al. 1 et 476 susvisés, d’une part, les héritiers légitimes, les héritiers naturels et le conjoint survivant sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt, sous l’obligation d’acquitter toutes les charges de la succession, d'autre part, nonobstant l’opposition d’un ou plusieurs de ses copartageants, le conjoint survivant ou tout autre héritier peut demander l'attribution, par voie de partage, (...) de l'immeuble ou partie d'immeuble leur servant effectivement d'habitation (...) ou du droit au bail des locaux leur servant effectivement d’habitation ;
Attendu qu’il résulte de la combinaison de ces textes que l'inscription par les héritiers des droits réels immobiliers à eux transmis par l’effet du décès de leur auteur a pour objet de rendre les droits transmis et publiés opposables au tiers sans modifier leur nature de biens immeubles successoraux ; que, dès lors, tout héritier remplissant les conditions peut en demander l'attribution préférentielle ;
Attendu que pour débouter AJ A et AL AK de leur demande d'attribution préférentielle, l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que l'immeuble, objet du TF n° 8119/GRD ayant été muté au nom des requérantes qui en sont ainsi devenues propriétaires dans l’indivision, ne se trouvait plus dans le patrimoine de leur auteur ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans mettre la Cour suprême en mesure de contrôler que l’indivision successorale avait pris fin, notamment par un partage définitif et irrévocable ou par une vente, la cour d’Appel a privé sa décision de base légale ;
Par ces motifs :
Et sans qu’il soit besoin de statuer sur le second moyen ;
Statuant toutes chambres réunies :
Casse et annule l'arrêt n° 5 rendu le 23 novembre 2017 par la cour d’Appel de Saint- Louis ;
Renvoie la cause et les parties devant la cour d'Appel de Thiès.
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour suprême, en son audience publique solennelle tenue les jour, mois et an ci-dessus et à laquelle ont siégé Madame et Messieurs :
PREMIER PRÉSIDENT — PRÉSIDENT : Y X AI ; PRÉSI- DENTS DE CHAMBRE : JEAN LOUIS PAUL TOUPANE ET ABDOULAYE NDIAYE ; CONSEILLERS : AG C Z, OUMAR GAYE, B AM, MOUSTAPHA BA; PARQUET GÉNÉRAL: YOUSSOUPHA DIAW MBODII ; ADMINISTRATEUR DES GREFFES : MAÎTRE MOUSSA NIANG.
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