Arrêts
de la Cour suprême — Année judiciaire 2020
COUR SUPRÊME
ARRÊT N° 26 DU 23 JUILLET 2020
- SOCIÉTÉ TECHNOLOGIE 2000
- ÉTAT DU SÉNÉGAL
POLICE ADMINISTRATIVE — ORDRE PUBLIC — MESURES DE PRÉVEN- TION — AUTORITÉ ADMINISTRATIVE — POUVOIRS — LIMITE — JOUIS- SANCE DE DROITS RÉELS — CAS
En vertu de ses pouvoirs de police administrative, le sous-préfet peut prescrire des mesures destinées à prévenir des troubles à l’ordre public.
Toutefois dans l'exercice de cette prérogative, il ne saurait valablement prendre une décision ayant pour effet d'empêcher, pour une durée indéterminée, la jouissance de droits réels concédés par voie de bail sur un terrain immatriculé au nom de l’État.
La Cour suprême,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Considérant que la société TECHNOLOGIE 2000 est titulaire de droits réels sur les TF 9952/DP et 10182/DP, à la suite de la cession à son profit du droit au bail inscrit le 15 décembre 2003 ;
Qu'elle a obtenu deux autorisations de lotir n° 00117/MVP/DST du 10 juin 2002 pour le TF10182/DP et n° 00174/MVP/DST du 14 janvier 2013 pour le TF 9952/DP ; qu’en outre, elle a bénéficié auprès de la BHS de quatre crédits garantis par des hypothèques conventionnelles inscrites sur le TF 9952/DP pour un montant total de 1 081 047 332 FCFA ;
Que la société TECHNOLOGIE 2000 ayant entrepris des travaux de mise en valeur du terrain TF 9952/DP, le sous-préfet de l’arrondissement des Niayes a pris l’arrêté n° 470/AN/SP du 7 novembre 2019 portant interdiction, jusqu’à nouvel ordre, de tous travaux de morcellement et de viabilisation d’un terrain de 4 ha 48 a 08 ca sis à Gadaye extension dans la commune de Yeumbeul-Nord, objet de convoitise du « Collectif des victimes de Gadaye » et pendant devant les juridictions compétentes ;
Que la société requérante sollicite l’annulation de cette décision en articulant un moyen tiré du défaut de base légale ;
Considérant que l’État du Sénégal soulève, d’une part, la déchéance, au motif que la requête lui a été notifiée et non signifiée conformément aux dispositions de l’article 37 de la loi organique sur la Cour suprême et, d'autre part, l’irrecevabilité pour violation de l’article 84 de ladite loi ;
Considérant que par exploit du 9 décembre 2019 de Maître Richard DIATTA, l’État a reçu signification de la requête introduite par la société Technologie 2000 et produit un mémoire en défense ;
Chambre administrative 255
Bulletin des Arrêts n° 21-22
COUR SUPRÊME
Considérant que l’article 84 susvisé dispose : « quand une décision administrative fait l’objet d’une requête en annulation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Lorsque la sus- pension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation de la décision dans les meilleurs délais » ;
Considérant qu’il ressort de ce texte que le demandeur, qui a formé un recours en annulation contre une décision administrative, peut saisir le juge des référés, par une requête distincte par laquelle il sollicite la suspension de l’exécution de la décision atta- quée ;
Considérant qu’en l’espèce, même si la requête est intitulée « référé administratif en annulation », celle-ci ne tend qu’à l’annulation de la décision attaquée ;
Qu’il s’ensuit que ni la déchéance ni l’irrecevabilité ne sont encourues ;
Considérant que la société requérante fait grief à la décision attaquée de violer l’article 15 de la constitution en ce que l'arrêté porte atteinte à son droit de propriété, en ordonnant la suspension, pour une durée indéfinie et « jusqu’à nouvel ordre », des opé- rations de morcellement de son terrain, objet du TF 9952/DP ;
Considérant que l’article 15 alinéa 1 de la constitution dispose que « le droit de pro- priété est garanti par la présente constitution. Il ne peut y être porté atteinte que dans le cas de nécessité publique légalement constatée, sous réserve d’une juste et préalable indemnité » ;
Considérant qu’il résulte de l’examen des pièces du dossier que la société TECHNO- LOGIE 2000 n’est pas titulaire d’un droit de propriété mais dispose plutôt d’un droit réel immobilier et a obtenu l’autorisation de lotir accordée par arrêté n° 00174/MVP/DST du 14 janvier 2013 pour le TF 9952/DP ;
Considérant qu’en vertu de ses pouvoirs de police administrative, le sous-préfet est compétent pour prescrire des mesures destinées à prévenir des troubles à l’ordre public ;
Que toutefois, dans l’exercice de cette prérogative, il ne saurait prendre une décision d’interdiction ayant pour effet d’empêcher, pour une durée indéterminée, la société susvisée de jouir des droits réels tirés de la cession à son profit du droit au bail inscrit le 15 décembre 2003 sur le TF n° 9952/DP appartenant à l’État du Sénégal ;
Que, dès lors, l’arrêté attaqué encourt l’annulation ;
Par ces motifs,
Annule l'arrêté n° 470/AN/SP du 7 novembre 2019 du sous-préfet de l’arrondissement des Niayes portant interdiction de travaux de morcellement et de viabilisation d’un terrain de 4 ha 48 a 08 ca sis à Gadaye extension dans la commune de Yeumbeul- Nord.
256 Chambre administrative
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COUR SUPRÊME
Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre administrative de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents Mesdames et Messieurs :
PRÉSIDENTS : B A, OUMAR GAYE; CONSEILLERS : MBACKÉ FALL, IDRISSA SOW, FATOU FAYE LECOR DIOP ; AVOCAT GÉNÉRAL : MARIÈME DIOP GUÉYE ; AVOCATS : MAÎTRE GUÉYE, MAÎTRE DJIBY DIAGNE, Agent judiciaire de l’État ; GREFFIER : CHEIKH DIOP.
Chambre administrative 257