Arrêt n°07
du 04 mars 2021
MATIERE
Pénale
Affaire numéro J/097/RG/20 du 05 mars 2020
Aa Ag
(Me Mamadou Seck)
CONTRE
Ministère public et la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de POuest (BCEAO)
(Me Mame Adama Gueye et
associés)
AUDIENCE
04 mars 2021
RAPPORTEUR
Amadou Bal
PARQUET A
Salobé GNINGUE
PRESENTS
Abdourahmane Diouf
Président,
Amadou Bal, Adama Ndiaye,
Mbacké Fall et Moustapha Ba, Conseillers,
Rokhaya Ndiaye Gueye
Greffière REPUBLIQUE DU SENEGAL
AU NOM DU PEUPLE SENEGALAIS
COUR SUPREME
CHAMBRE CRIMINELLE
AUDIENCE PUBLIC ORDINAIRE DU
JEUDI QUATRE MARS DEUX MILLE VINGT ET UN
ENTRE :
Aa Ag dit Ballago, né le … … … à …, de
Cheikh et de Ab Ad, artiste, demeurant Ouest Foire, villa n°16, Lot Asecna à Dakar ;
Faisant élection de domicile en l’étude de son conseil Maître
Mamadou Seck, avocat à la cour au cabinet de Me Ousmane Seye,
demeurant, rue 7 x B au Point E, Dakar, téléphone : 33 822 82 11 ou
33 812 60 77, email : mamadouseck11@hotmail.com ;
DEMANDEURS,
D’une part,
ET
1 Ministère public ;
2 La Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO)
Faisant élection de domicile en l’étude de ses conseils Maître Mame Adama Guèye et associés, avocats à la cour, 28 Rue Af Ae Ac, Dakar, téléphone : 33 849 28 00 ;
DEFENDEURS,
D’autre part,
Statuant sur le pourvoi formé suivant déclaration souscrite au greffe de la cour d’Appel de Dakar, le 25 juin 2020, par Maître Mamadou Seck du
cabinet de Me Ousmane Seye, avocat à la cour, muni d’un pourvoi
spécial dûment signé et délivré par Aa Ag, contre l’arrêt n°233
rendu le 22 juin 2020 par la première chambre correctionnelle de ladite
cour dans l’affaire opposant son mandant au Ministère public et à la
Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest ;
LA COUR,
Ouï Monsieur Amadou Bal, Conseiller doyen, en son rapport ;
Ouï Monsieur Salobé Gningue, Avocat général, en ses conclusions tendant au rejet ;
Vu la loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême ;
Vu le moyen unique annexé ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que par l’arrêt attaqué, la Cour d’Appel de Dakar a, infirmé partiellement le jugement n°487 du 23 mai 2019 du Tribunal de grande Instance hors Classe de Dakar en ce qu’il a étendu les conséquences de l’annulation aux actes subséquents et, statuant à nouveau : Dit que l’annulation est limitée aux parties suivantes du procès-verbal à savoir DI/79 partie audition, DI/80, DI/81 partie audition, DI/82 , DI/84 partie audition, DI/85 partie audition, DI/86, DI/87, DI/101, DI/102 ;
Ordonné leur retrait du dossier et leur classement au greffe de la cour d’appel conformément aux dispositions des articles 167 et 168 du Code de Procédure Pénale (CPP) ;
Dit également que les parties du réquisitoire définitif et des actes d’instruction faisant référence aux questions posées par les enquêteurs et aux réponses données par les prévenus leur sont inopposables ;
Evoquant le fond du fait de l’effet dévolutif de l’appel, renvoyé l’affaire à l’audience du 17 février 2020 et réservé les dépens ;
Sur le moyen unique tiré de la violation de l’article 5 du règlement n°5 de l'UEMOA
Vu ledit texte, ensemble les articles 55, 167 et 168 du code de procédure pénale
(CPP) ;
Attendu qu’aux termes de l’alinéa premier du texte visé au moyen : « Les avocats assistent leurs clients dès leur interpellation durant l’enquête préliminaire, dans les locaux de la police, de la gendarmerie ou devant le parquet » ;
Que l’article 55 alinéa 10 du CPP dispose que « L’officier de police judiciaire informe la personne interpellée de son droit de constituer conseil parmi les avocats inscrits au tableau ou admis en stage. Mention de cette formalité est faite obligatoirement sur le procès- verbal d’audition à peine de nullité » ;
Qu’aux termes de l’article 167 dudit code : « Les actes annulés sont retirés du dossier d’information et classés au greffe de la Cour d’appel. Il est interdit d’y puiser aucun renseignement à peine de forfaiture pour les magistrats et de poursuites devant leurs conseils de discipline pour les défendeurs » ;
Que selon l’article 168 du même code, la juridiction correctionnelle […], entre autres, décide si l’annulation doit s’étendre à tout ou partie de la procédure ultérieure et au cas où la nullité de l’acte entraine la nullité de toute la procédure ultérieure, elle ordonne un supplément d’information si la nullité est réparable ou, s’il échet, elle renvoie le ministère public à se pourvoir ;
Attendu que l’arrêt attaqué constate « qu’il n’est pas discuté en l’espèce que cette formalité tendant au respect des droits de la défense a fait défaut, puisqu’aucune mention allant dans ce sens ne figure dans le procès-verbal » puis relève « qu’étant une nullité textuelle, la juridiction saisie ne peut après constatation de cette violation que prononcer la sanction prévue par l’article 55 précité en ce qui concerne l’audition des mis en cause et leur confrontation, les autres cas de nullité prévus au niveau de l’enquête préliminaire n’entrant pas dans le champ d’application de cette norme communautaire » et retient «qu’ il y a lieu de constater qu’il est impossible d’opposer aux mis en cause leurs déclarations faites devant les enquêteurs en violation des dispositions des articles 5 du règlement n°5 de l’UEMOA et 55 du CPP ; qu’en application de ce principe les actes du Procès-verbal suivant doivent être purement et simplement écartés du dossier et classés au greffe : DI /79 partie audition, DI/80, DI/81 partie audition, DI/82 , DI/84 partie audition, DI/85 partie audition, DI/86, DI/87, DI/ 101, DI/102 ; que dans le même sillage, toute référence faite par le magistrat instructeur aux questions posées par les enquêteurs et aux réponses données par les mis en cause ne peuvent plus être opposées à ces derniers ; qu’il en est de même du réquisitoire définitif; qu’au vu de ce qui précède, il y a lieu d’infirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu’il a étendu l’annulation aux actes subséquents et de limiter ses effets aux actes viciés sus énumérés » ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu’en l’espèce, le réquisitoire introductif du 1” juin 2015 est fondé exclusivement sur le Procès-verbal n°286/SR du 27 mai 2015 annulé, la cour d’Appel a méconnu le sens et la portée des textes précités ;
D’où il suit que la cassation est encourue ;
Attendu que les alinéas 4 et 5 de l’article 53 de la loi organique susvisée disposent que « La Cour suprême peut casser sans renvoi, lorsque la cassation n’implique pas qu’il soit à nouveau statué au fond.
Elle peut aussi, en cassant sans renvoi, mettre fin au litige lorsque les faits, tels qu’ils ont été souverainement constatés et appréciés par les juges du fond, lui permettent d’appliquer la règle de droit appropriée » ;
Que tel est le cas en l’espèce ;
D’où il suit que la cassation sera sans renvoi, la Cour suprême étant en mesure d’appliquer la règle de droit et de mettre fin au litige ;
Attendu que l’arrêt attaqué a infirmé partiellement le jugement entrepris en ce qu’il a étendu l’annulation aux actes subséquents et limité ses effets aux actes viciés énumérés et retirés du dossier ;
Qu’il y a lieu, par substitution de dispositif, et en application des dispositions des textes précités, de dire que la nullité du procès-verbal d’enquête n°286 du 27 mai 2015 s’étend nécessairement au réquisitoire introductif qui s’y est fondé exclusivement et vicie par voie de conséquence tous les actes subséquents ;
Par ces motifs
Casse et annule l’arrêt n°29 du 13 janvier 2020 de la Cour d’Appel de Dakar mais uniquement sur l’infirmation partielle du « jugement entrepris en ce qu’il a étendu les conséquences de l’annulation aux actes subséquents et statuant à nouveau :
Dit que l’annulation est limitée aux parties suivantes du procès-verbal : DI /79 partie audition, DI/80, DI/81 partie audition, DI/82, DI/84 partie audition, DI/85 partie audition,
Ordonné leur retrait du dossier et leur classement au greffe de la Cour d’Appel conformément aux dispositions des articles 167 et 168 du Code de Procédure Pénale (CPP) ; Dit également que les parties du réquisitoire définitif et des actes d’instruction faisant référence aux questions posées par les enquêteurs et aux réponses données par les prévenus leur sont inopposables » ;
Et par substitution de dispositif, dit que la nullité du procès-verbal d’enquête n°286 du 27 mai 2015 s’étend nécessairement au réquisitoire introductif qui s’y est fondé exclusivement et à toute la procédure ultérieure ;
Met les dépens à la charge du Trésor public ;
Dit que le présent arrêt sera imprimé et qu’il sera transcrit sur les registres de la cour d’Appel de Dakar en marge ou à la suite de la décision attaquée ;
Ordonne l’exécution du présent arrêt à la diligence du Procureur général près la Cour suprême ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour suprême, chambre criminelle, en son audience ordinaire tenue les jour, mois et an ci-dessus et à laquelle siégeaient Messieurs :
Abdourahmane Diouf, Président,
Amadou Bal, Adama Ndiaye, Mbacké Fall et Moustapha Ba, Conseillers,
En présence de Salobé Gningue, Avocat général ;
Et avec l’assistance de Maître Rokhaya Ndiaye Guèye, Greffière ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président, les Conseillers et la Greffière.
Le Président :
Abdourahmane Diouf
Les Conseillers:
Amadou Bal Adama Ndiaye
Mbacké Fall Moustapha Ba
La Greffière
Rokhaya Ndiaye Guèye